CHAPITRE XIII
Malko replia le Herald Tribune dont la Une annonçait sur huit colonnes :
Yasser Arafat, Président de l’OLP, accepte officiallement l’existence d’Israël. Les Américains entament des négociations avec l’OLP. L’organisation palestinienne déclare renoncer définitivement et totalement au terrorisme.
Donald Gast venait d’entrer dans le bureau où Malko l’attendait en compagnie de Jim Mac Lane. L’air particulièrement affairé. Il jeta une liasse de documents sur la table basse et s’assit en face des deux hommes, lançant aussitôt :
– Nous venons d’obtenir des informations supplémentaires sur Ali Muganieh. La plus importante d’abord : c’est un spécialiste des engins explosifs actionnés par un détonateur altimétrique et dissimulés dans des postes de radio. La police allemande a saisi plusieurs de ces dispositifs dans une cache appartenant à un de ses hommes il y a trois mois.
« Ensuite, il se trouvait en Iran en avril. Ce qui explique l’intervention de Moktar Godzadeh. Nous avons affaire à un projet d’attentat commandité par l’Iran. Vraisemblablement une bombe introduite à bord d’un avion.
Malko eut l’impression qu’on lui versait un liquide glacial le long de la colonne vertébrale.
– Donald, dit-il. Voilà pourquoi Fredrik Skytten a été assassiné ! Le Toshiba ! Il devait être piégé et c’est sûrement pour le récupérer qu’on a abattu ce malheureux Finlandais. Et il lui avait été confié par Aija !
La boucle était bouclée. À part le meurtre de Khalil Aynam, tout devenait clair. Donald Gast allongea la main vers le téléphone.
– Appelez-moi Ilnari Kaarnola, demanda-t-il à sa secrétaire.
Le téléphone sonna trente secondes plus tard. Le chef de station de la CIA brancha aussitôt le haut-parleur pour que ses deux voisins puissent entendre la conversation.
– Ilnari, demanda l’Américain, Aija Sunblad est-elle dans vos murs ?
– Non, fit le Finlandais. Elle est en vacances depuis deux jours ! Pour une semaine ou un peu plus. Elle doit m’appeler.
– Où ? hurla presque Donald Gast.
– Je n’en sais rien, fit placidement Ilnari Kaarnola. Probablement quelque part au soleil.
L’Américain raccrocha, blême.
– Il faut prévenir immédiatement la SUPO, proposa Jim Mac Lane.
Si leur raisonnement était juste, Aija était dans la nature, porteuse d’un transistor piégé. C’était la période des vacances, propice à un attentat.
– Je vais faire une note à destination des compagnies aériennes, renchérit Donald Gast. Avec le nom et le signalement d’Aija Sunblad. En urgence absolue.
– Attendez, coupa Malko, vous pensez qu’elle va se suicider ? Ce type de transistor ne s’enregistre pas en bagages. On le prend avec soi. Ce n’est sûrement pas elle qui le transportera. Et d’abord, qui nous dit qu’elle
n’est pas encore à Helsinki ? Samira le sait peut-être, ellé n’a pas cessé de la surveiller...
– OK, admit Donald Gast. Que Chris et Milton filent chez elle et planquent. Au cas où elle y serait encore. Vous, vous allez voir Samira. Ensuite, avant de prévenir la SUPO, nous nous occupons nous-mêmes d’Aija.
– C’est-à-dire ?
– On fouille son appartement. Qu’elle soit là ou non.
– Parfait, dit Malko. J’y vais.
Samira l’Israélienne ouvrit au premier coup de sonnette. Elle était en jeans, son énorme poitrine dissimulée par un épais pull blanc. Elle embrassa Malko distraitement sur la bouche.
– Vous avez appris du nouveau à Zurich ?
– Oui. Le nom de l’amant d’Aija : Mahmoud Jalil, connu sous le nom d’Ali Muganieh. C’est un des bras droits d’Ahmed Jibril. Hyper-dangereux.
Elle hocha la tête.
– Le nom ne me dit rien, mais mes chefs sauront sûrement.
– Ce n’est pas tout, continua Malko.
Il la mit au courant de la « spécialité » de Muganieh et de l’existence du Toshiba. Curieusement, la jeune femme semblait à peine concernée.
– Qu’avez-vous ? demanda Malko.
Samira haussa les épaules.
– Vous avez vu les journaux ? Ce salaud de Yasser Arafat a réussi son coup ! Maintenant, il brandit la Colombe de la Paix... Les Américains, qui sont des naïfs, se laissent prendre au piège. Et il va continuer en sous-main le terrorisme... Nous le connaissons...
– Ce n’est pas certain, fit Malko, se faisant l’avocat du diable.
L’Israélienne lui jeta un regard plein de rancœur.
– Vous ne connaissez pas les Arabes... Ils vous tendent une main et de l’autre jettent des grenades. Mais ce n’est pas votre problème. Savez-vous quelque chose de précis sur l’attentat qui se prépare ?
– Non, dut avouer Malko. Et vous, avez-vous continué à surveiller Aija ?
– Je ne la surveille pas vraiment. Je ne l’ai pas vue ces jours-ci, mais cela ne signifie rien. Normalement, elle devait venir demain pour le dernier cours de l’année. Il y a une petite fête.
– Elle est en vacances depuis avant-hier, dit Malko. Et nous avons toutes les raisons de croire qu’elle a emporté le Toshiba piégé.
– Je vais rendre compte, dit l’Israélienne, tenez-moi au courant de votre côté.
Ils se quittèrent. Presque froidement. Cinq minutes plus tard, Malko retrouvait Chris et Milton, en planque en bas de chez Aija Sunblad.
– Nous n’avons rien vu, annonça Chris.
– Allons-y, dit Malko.
Ils montèrent les trois étages à pied. Pas un bruit dans l’immeuble. Arrivé à l’appartement d’Aija, Malko sonna.
Une fois, deux fois, trois fois. Pas de réponse. Il se retourna vers les gorilles :
– Vous savez toujours ouvrir une porte discrètement ? demanda-t-il.
– Ça va prendre entre dix et trente secondes, lança Chris Jones.
– Alors, allez-y.
Chris sortit une trousse de sa poche et Milton éclaira l’entrée de la serrure. Il y eut quelques froissements de métal, et dix secondes plus tard, un crissement, suivi
d’un claquement sec. Chris Jones se redressa, de la fierté plein ses yeux gris.
– Retournez dans la voiture, dit Malko. Prévenez-moi si elle arrive.
Il pénétra dans l’appartement de la journaliste et referma. D’abord un coup d’œil rapide. Tout était en ordre, avec même un bouquet de tulipes sur la table du living. Donc, elle se trouvait toujours à Helsinki. Il fonça dans la chambre, commença à ouvrir tous les placards, les commodes, le dressing room.
C’est dans le placard de la cuisine qu’il trouva ce qu’il cherchait. Un gros transistor Toshiba dissimulé derrière des sacs de plastique. Il le sortit de sa cachette et l’examina. Aucun doute : c’était le même que celui aperçu dans le möki de Fredrik Skytten. Ou son frère jumeau... Il le mit en marche. Aussitôt, de la musique emplit l’appartement et il coupa vivement le son. Il le porta alors à hauteur de son oreille et le secoua. Il entendit un bruit métallique, comme si un objet assez lourd se promenait à l’intérieur... Anormal. On avait l’impression qu’il contenait des piles supplémentaires mal arrimées.
Il ouvrit un tiroir de la cuisine et y prit un tournevis. Il s’installa alors à la table et commença à démonter le Toshiba.
Il avait défait deux vis lorsqu’une clef tourna dans la serrure de la porte de service. Instinctivement, il se leva, fonça dans la pièce voisine, laissant le Toshiba sur la table. Ce pouvait être une femme de ménage. Inutile d’alerter l’immeuble.
Il avait presque atteint la porte principale quand une voix fit derrière lui :
– Arrêtez ou je vous tue !
Il y avait quelque chose de désespéré dans la voix qui l’empêcha d’aller plus loin. Il se retourna. Aija Sunblad, en pull et pantalon, les cheveux tirés, pas
maquillée, braquait sur lui un petit « deux pouces » nickelé.
Ses superbes yeux verts en amande brillaient d’une lueur de folie et de haine. Sa main droite tremblait légèrement, mais son index était tellement crispé sur la détente qu’il ne devait pas rester beaucoup de marge... D’où sortait-elle ? Sûrement pas de la rue, sinon les gorilles l’auraient interceptée.
– Je sais tout, Aija, dit calmement Malko. Inutile de chercher à fuir. Vous êtes la complice d’un dangereux terroriste, Ali Muganieh. Je reviens de Zurich.
– Je sais, fit-elle. Je me méfiais. J’ai vu votre voiture arriver. Je me suis cachée. Maintenant, vous allez faire ce que je vous dis. Sinon, je vous tue. Retournez dans la cuisine.
Il obéit. Il fallait gagner du temps. Elle recula, l’arme toujours braquée sur lui. Les muscles de son cou saillaient comme des cordes.
– Ouvrez la porte, ordonna-t-elle.
Ils se retrouvèrent sur un petit palier en face de la grille d’un ascenseur de service. Malko sentit le canon du revolver à la hauteur de ses reins.
– Si vous bougez, je tire, répéta Aija.
Il demeura collé à la paroi, l’arme dans le dos. À aucun moment, elle ne lui laissa une chance de tenter quoi que ce soit. Lorsqu’ils arrivèrent en bas, elle ouvrit et sortit de la cabine, obligeant Malko à en faire autant. Puis, elle lui désigna un long couloir. Il la sentait prête à tirer au moindre incident.
Ils débouchèrent dans une pièce qui ressemblait à un vestiaire, au fond de laquelle se trouvait un grande porte moitié bois moitié verre : le sauna collectif de l’immeuble.
Aija ouvrit la porte et Malko aperçut des bancs de bois avec des serviettes. L’appareil était déjà allumé et une vague d’air chaud le suffoqua.
– Entrez, ordonna la Finlandaise.
Comme il hésitait, elle leva le canon de son arme vers son visage avec une expression folle, hébétée... Il franchit la porte du sauna et sentit sa poitrine s’emplir de vapeur brûlante. La jeune femme le fixait d’un air méchant.
– Vous m’avez forcée à faire l’amour avec vous. Vous allez le payer, lança-t-elle. Cher.
Elle ne laissa pas à Malko le temps de lui répondre. D’un geste violent, elle claqua la porte et la verrouilla. Malko la vit se pencher vers le thermostat et tourner le bouton à fond vers la droite. Cela devait faire 80°... Généralement, on pouvait le supporter pendant quelques minutes... Aija était tranquille, le premier sauna collectif était prévu à cinq heures, soit deux heures plus tard.
Malko avait le temps d’être cuit.
Chris et Milton se regardèrent, inquiets. Vingt-cinq minutes s’étaient écoulées depuis qu’ils avaient laissé Malko chez Aija Sunblad. Bizarre. Ils n’avaient pas vu la jeune femme entrer dans l’immeuble.
Plusieurs voitures étaient sorties du garage, mais aucune n’y était entrée.
– Je vais aller voir, annonça Chris Jones.
Il prit l’ascenseur. La porte de l’appartement 3 B était fermée. Il sonna. Pas de réponse. Resonna. Malko n’ouvrirait pas, mais cela prouvait que l’appartement n’était pas occupé par sa légitime propriétaire.
Il ressortit son trousseau et introduisit dans la serrure un « parapluie ». Quelques secondes plus tard, le pêne cédait. Il poussa doucement la porte et entra, tirant aussitôt son 357 Magnum. En une minute, il se fut rendu compte de l’absence de Malko et ressortit.
Quatre à quatre, il partit rejoindre son coéquipier.
Arc-bouté contre un banc, Malko essayait de faire céder la glace du sauna à coups de pied. Hélas, elle était protégée par un solide grillage. Il respirait du feu et son cœur battait la chamade. La sensation était atroce. Sa peau brûlait, ses vêtements étaient collés à lui et le peu d’air qui pénétrait dans ses poumons les brûlait atrocement. Il s’arrêta, épuisé. Encore quelques minutes et il perdrait connaissance. Il ferma les yeux : une sueur âcre s’écoulait de son front, lui irritant la cornée. Sa vision se troublait. Il demeura le visage collé à la glace comme un insecte pris au piège.
Aija Sunblad s’était arrêtée pour téléphoner d’une cabine au coin du port. Elle criait dans l’appareil car la communication était mauvaise et son interlocuteur percevait un mot sur trois. Elle consulta sa montre : il ne lui restait guère de temps...
Après une dernière recommandation, elle raccrocha et remonta dans sa voiture. Ce coup de fil de Zurich avait été providentiel. Sinon, c’était la catastrophe. Depuis longtemps, elle avait perdu les réflexes normaux, les références dans lesquelles elle avait été élevée. Il ne lui restait plus qu’un but : plaire à l’homme dont elle ne pouvait se passer et qui l’avait littéralement envoûtée. L’idée de dormir contre lui, de se faire pénétrer par son membre énorme lui mouillait les cuisses. C’est lui qui l’avait poussée à acheter ce revolver. Lui confiant qu’il était un homme traqué par les services secrets d’Israël et des États-Unis qui voulaient sa mort, que tous ceux qui partageaient sa vie couraient les mêmes risques. Elle avait acheté le pistolet, pensant
ne jamais avoir à s’en servir. Puis, peu à peu, elle avait découvert un monde inconnu et dangereux dont elle avait adopté aveuglément les règles et le mode de pensée.
Son amant ne l’avait pas laissée dans le doute longtemps après leur première rencontre. Presque immédiatement, elle s’était rendu compte qu’il était un peu plus qu’un businessman. Ceux-ci ne dorment pas un pistolet avec une balle dans le canon à portée de la main.
« Je suis un combattant de la lutte armée contre l’État d’Israël, avait expliqué son amant à Aija. Mon pays a été occupé par les Juifs qui nous en ont chassés ; je veux y retourner. C’est une guerre à mort contre le Mossad et la CIA qui est son allié. Le Mossad a déjà tué plusieurs de mes amis. Tous les jours le sang palestinien coule dans les Territoires Occupés, j’essaie de venger ces actions barbares. »
Aija avait été hyper-réceptive à ce discours. Son père, scharführer dans la Divisipn SS Nordland l’avait élevée dans la haine des Juifs. En plus de ses capacités sexuelles, ce Palestinien lui semblait un authentique héros. Jamais, il n’avait mentionné le terrorisme, au début de leurs relations. Seulement des actions contre Israël et ceux qui le traquaient. Elle l’avait senti sincèrement dévoué à sa cause : quand ils ne faisaient pas l’amour, il lui racontait l’histoire de la Palestine et des guerres successives et ratées pour la libérer de l’emprise d’Israël.
Lorsqu’elle l’avait quittée après une dizaine de jours, elle se sentait différente, utile à une cause.
Elle dévala le long du port, passant un pont suspendu, pensant que, dans quelques jours, elle aurait dans le corps le sexe qui lui arrachait tant de plaisir. Elle aimait se sentir écartelée, défoncée, violée même par cet homme qu’elle admirait. Même si une petite
voix lui disait quelque part que cela se terminerait mal...
Le gros ferry blanc en partance pour l’Allemagne allait appareiller. Elle gara sa voiture dans le parking et courut jusqu’au bâtiment d’embarquement. Heureusement, elle avait toujours sur elle une importante somme d’argent en liquide. Du coffre de la voiture, elle sortit un sac de voyage et son gros transistor.
– C’est pas possible, il ne s’est pas envolé !
Les deux gorilles commençaient à être sérieusement inquiets. Chuchotant dans le couloir de l’immeuble d’Aija Sunblad. Finalement, ils prirent l’ascenseur jusqu’au dernier étage. Redescendant à pied, scrutant le moindre coin. Il restait le rez-de-chaussée. Milton Brabeck poussa la porte du couloir et l’emprunta.
– Chris !
Chris Jones resté à l’entrée du couloir accourut. Il trouva Milton Brabeck en train de déverrouiller fiévreusement la porte du sauna derrière laquelle Malko était effondré.
Celui-ci bascula à l’extérieur, inanimé, au milieu d’une vague d’air brûlant. Les deux Américains l’emportèrent aussitôt hors de la petite pièce. La peau de Malko était brûlante, rouge, déshydratée.
– Il respire, dit Milton. Faut l’emmener à l’hôpital.
Il le souleva dans ses bras comme un enfant et ils foncèrent dans la voiture. Chris prit le volant et dégringola vers le centre. Au hasard, il remonta Esplanaden. Stoppé à un feu, il baissa sa glace et demanda anxieusement à un passant :
– Hospital ?
L’autre désigna la première rue à droite.
– Unioninkatu, 33.
Deux minutes plus tard, ils entraient dans la cour d’un hôpital spécialisé dans la dermatologie et les maladies vénériennes !
Un infirmier qui parlait anglais emmena immédiatement Malko en réanimation. Il était déshydraté et avait un début d’œdème du poumon...
Quand Chris et Milton entrèrent dans sa chambre une heure plus tard, cela allait déjà mieux et on venait de lui retirer son masque à oxygène. Toute sa peau restait horriblement douloureuse et il avait des cloques à plusieurs endroits.
– Vous êtes arrivés à temps, dit-il.
– C’est elle qui vous a enfermé là-dedans ? demanda Chris, suffoqué.
Malko lui raconta ce qui s’était passé, concluant :
– Vous ne l’avez pas vue ?
– Non.
– Il faut prévenir Donald Gast et la SUPO, dit Malko. Je vais me reposer ici jusqu’à demain.
Il se sentait incapable de bouger. Les piqûres qu’on lui avait administrées pour calmer sa douleur l’abrutissaient. À peine les deux gorilles sortis, il plongea dans un sommeil profond.
Anton Birch s’éloigna du kiosque où il venait d’acheter cinq sachets d’héroïne pour 500 francs. Il avait doublé ses doses pour calmer ses angoisses après l’incident de la semaine précédente. Depuis son coup de fil, il se sentait un peu mieux. Le cauchemar s’éloignait et il tentait de se persuader que rien n’était arrivé. Le train-train de la banque l’y aidait. Bientôt, il partirait à Capri pour ses vacances et se changerait les idées.
Il ne remarqua pas deux hommes au teint basané, qui l’observaient. Des blousons de cuir, des jeans, des
baskets et l’air dur. Comme les dealers qui veillaient sur leur marchandise. Ils fumaient en le regardant. Il posa son blouson, remonta sa manche et pressa sur la veine au-dessus du coude. Une piqûre imperceptible et il ferma les yeux tandis que le liquide descendait dans ses veines. C’était le meilleur moment, il avait l’impression qu’une grande paix l’envahissait. Une voix troubla sa béatitude.
– Anton Birch, c’est toi ?
Il ouvrit les yeux : un des deux types le fixait en souriant. Plutôt sympa.
– Oui, fit l’employé de la SBS. Pourquoi ?
– Pour rien, fit l’autre.
Au même moment, le second, passé derrière lui, lui tira brutalement la tête en arrière et le fit s’effondrer au milieu d’un épais massif de verdure au sol jonché de seringues. Celui qui avait parlé tomba à genoux devant lui. Anton Birch eut à peine le temps d’avoir peur. Le rasoir tenu d’une main ferme balaya sa gorge d’un trait sec, lui ouvrant les deux carotides et la trachée artère.
Il resta allongé sur le dos, sa seringue piquée dans le bras, des jets de sang jaillissant de claque côté de sa gorge ouverte, les yeux déjà vitreux. Les deux inconnus s’étaient relevés. Le plus petit tira de sa poche le Zürcher Zeitung, le déplia et le posa sur le visage d’Anton Birch, pour cacher le sang. Puis, ils s’éloignèrent sans se presser vers le Musée. Personne ne les remarqua.
Malko avait l’impression d’être un homard rescapé d’un court-bouillon. Donald Gast et Jim Mac Lane le fixaient avec commisération. Il sortait juste de l’hôpital.
– Cette salope a bien failli vous avoir ! remarqua l’Américain. Vous ne vous méfiez pas assez.
– Non, je ne pensais pas qu’elle serait armée. Elle était descendue à la cave ou au garage. On a retrouvé sa piste ?
– Oui, annonça le special agent du FBI. La SUPO a trouvé sa voiture garée dans le parking du ferry allant à Peenemunde, en Allemagne. Trop tard pour intervenir. Il y a des centaines de Finlandais dessus et pratiquement pas de contrôle. De toute façon, il n’y a pas de mandat contre elle...
– Et le Toshiba ?
– Disparu. Elle l’a emporté.
Une secrétaire entra avec un télex. Donald Gast y jeta un coup d’œil.
– Ils ont liquidé Anton Birch, annonça-t-il. Ils verrouillent...
Malko avait encore la tête lourde. Sa mission se terminait en échec. Malgré sa course-poursuite à travers l’Europe. Bizarrement, il avait l’impression qu’un élément lui échappait en dépit de la clarté apparente des événements. Aija s’était enfuie, prenant prétexte de ses vacances, emportant le transistor piégé.
Quelque chose le tracassait pourtant. Elle n’allait pas s’en servir elle-même. Ali Muganieh encore moins. Donc, il lui manquait un morceau du puzzle. Et soudain, il entrevit la solution. En repensant à Fredrik Skytten.
– Qui nous dit qu’Aija Sunblad a emporté ce transistor piégé ? demanda-t-il.