CHAPITRE XVI
– Ne restez pas trop longtemps, souffla le docteur Rigwell à l’oreille de Malko. Elle est extrêmement faible...
Malko eut un choc en pénétrant dans la chambre 469. En quelques heures, Samira avait vieilli de plusieurs années. Les yeux semblaient s’être enfoncés dans leurs orbites, le teint était cireux, la peau fripée, les cheveux collés au crâne par une sueur malsaine. Le regard surtout, le frappa. Vide, atone, déjà ailleurs. Le Grand Mercy Hospital se dressait dans l’East End, un bâtiment de brique relativement moderne, plein de Noirs et d’Indiens. Au quatrième étage se trouvait la réanimation. Chris Jones et Milton Brabeck étaient restés dans le parking. Parce que Malko avait une petite idée derrière la tête... Il se pencha sur Samira.
– Samira ? c’est moi, Malko.
Le regard se déplaça légèrement, sans reprendre vie. Les lèvres frémirent sans qu’aucun son n’en sorte. Samira referma les yeux, comme épuisée. Puis les rouvrit aussitôt. Sa main, posée sur le drap, saisit celle de Malko pour l’attirer encore plus près.
– Je ne... Nous ne pensions pas. C’est terrible, je n’ai pas voulu ce qui est arrivé.
Elle lâchait des mots comme des bulles de savon,
sans ponctuation, hachés, la voix tout de suite cassée. Elle eut une quinte de toux si forte qu’une infirmière surgit, la redressa et jeta un regard noir à Malko.
– Elle a été intubée. Il ne faut pas la faire parler trop.
Il attendit qu’elle soit sortie pour glisser à l’oreille de la jeune Israélienne :
– Pourquoi avez-vous fait cela ?
La tête de Samira retomba sur le côté, sa bouche se tordit en ce qui pouvait passer pour un rictus désespéré. Elle respira profondément comme pour prendre son élan, et dit d’une voix un peu plus forte :
– Je ne voulais pas ce qui s’est produit, je vous le jure...
– Comment cela ? fit Malko, plus que sceptique. Un long silence, puis Samira dit dans un souffle :
– C’est vrai, nous avions ordre de vous mettre hors circuit, mais mes chefs n’ont jamais voulu que l’attentat ait lieu.
– Si vous ne m’aviez pas intercepté, souligna Malko, rien ne se serait passé. J’aurais signalé Walid Jaafar à la police britannique.
Samira ne répondit pas immédiatement. Un léger sifflement s’échappait de ses lèvres. Elle rouvrit les yeux pour dire :
– Il fallait que ce soit les Services de Sécurité britanniques qui trouvent le Toshiba piégé eux-mêmes. C’est ce que mon chef m’avait expliqué. Pour qu’on ne puisse pas penser à une manip de notre part.
– Mais enfin, le risque était énorme, objecta Malko.
Samira se redressa légèrement pour protester.
– Non, non ! Grâce à vous, nous savions que tous les services de sécurité occidentaux avaient été prévenus. Il n’y avait aucun risque.
– Vous auriez pu au moins suivre Walid Jaafar jusqu’à l’embarquement...
– Nous avons toujours ordre de « démonter » immédiatement après une opération.
Elle retomba sur son oreiller, épuisée. Malko secoua la tête.
– Il n’y avait aucun risque, mais l’attentat a eu lieu et quatre cents personnes sont mortes. C’est impossible, vous ne me dites pas toute la vérité. D’abord, comment saviez-vous qu’Aija allait rencontrer Walid Jaafar ?
– Nous le supposions, d’après vos informations. Cela correspondait au modus operandi d’Ali Muganieh. Mais, je vous le répète, j’étais sûre que le Toshiba allait être repéré, D’abord, parce qu’il comportait beaucoup plus d’éléments électriques qu’un appareil normal. Et, en plus la charge explosive n’était pas fixée à l’intérieur. Si on remuait le poste, on entendait un bruit anormal.
Malko se souvenait d’avoir remarqué la même chose, lorsqu’il avait découvert le transistor piégé chez Aija Sunblad.
Il scruta le visage de Samira. Tous ses traits étaient crispés, son regard avait repris un peu de vie, elle faisait un effort désespéré pour qu’il la croie. Elle lui serra le poignet.
– Sur un vol El Al, insista-t-elle, Walid Jaafar aurait été intercepté. Nos services de sécurité démontent toujours ce genre d’appareil.
Soudain, il réalisa que Samira cherchait au moins autant à se convaincre elle-même qu’à le persuader de l’innocence des Israéliens. Il chercha son regard et dit :
– Samira, vous ne me dites pas tout. Vous saviez bien que dans ces circonstances on n’est jamais certain à 100 % de ce qui va arriver. Il y a trop de paramètres...
Elle soutint le regard de ses yeux dorés quelques secondes, puis il vit ses prunelles basculer vers le haut. Ses paupières se fermèrent, et des larmes se mirent à
couler sur ses joues. Lorsqu’elle rouvrit ses yeux inondés de larmes, elle semblait encore plus désespérée.
– C’est vrai, murmura-t-elle dans un souffle, si faiblement que Malko dut se pencher encore plus pour l’entendre. Mais je ne voulais pas le croire. C’est Moshe qui m’a convaincue.
– Qui est Moshe ?
– Mon chef de mission, mais ce n’est pas son vrai nom. Il a été dans les camps pendant la guerre, toute sa famille est morte victime des nazis, il a beaucoup souffert. Il a peur d’un nouvel holocauste. Il m’a dit que la Centrale à Tel Aviv lui avait ordonné de procéder de cette façon. Maintenant je ne suis plus sûre qu’il m’ait dit la vérité...
– Quand l’avez-vous réalisé ?
– Lorsque j’ai entendu à la radio l’annonce de la catastrophe. Nous vous avions conduit dans le parking et nous avions regagné Londres séparément. Moshe m’a appelée aussitôt. J’étais hystérique, nous nous sommes violemment disputés. Il était fou de rage. Il m’a crié qu’il n’avait pas voulu cela, qu’il avait obéi aux ordres, mais qu’en définitive cet attentat était bon pour nous. Alors je lui ai raccroché au nez et j’ai...
Elle se tut, la gorge nouée par l’émotion.
Malko lui aussi sentait un drôle de picotement grimper le long de ses sinus. Maintenant, tous les éléments de la catastrophe étaient là : un chef de mission « allumé » et fanatique, désobéissant aux ordres, des exécutants trop crédules, des bureaucrates irresponsables et, par dessus tout, la féroce volonté de destruction d’un terroriste sans états d’âme. Samira pleurait silencieusement, les yeux ouverts.
– Pourquoi m’avoir prévenu ? demanda-t-il.
– Moshe m’a rappelée, dit-elle. Il était gentil. Trop gentil. C’est là que j’ai vraiment compris. S’il a désobéi aux ordres, il doit supprimer deux témoins : vous
et moi. Les deux autres sont des robots sans importance. Moi j’avais décidé que je m’en chargerai. Maintenant, vous savez tout. Faites attention.
Elle referma les yeux. Malko était enfin certain de tenir la vérité.
– Et Aija ? demanda-t-il. Vous savez où elle se trouve ?
– Non.
C’était quand même la Finlandaise la plus responsable des deux. Samira venait de montrer sa sincérité, en attentant à ses jours et en avertissant Malko. Il la regarda quelques instants en silence, ignorant si elle s’était réellement endormie ou si elle lui signifiait simplement qu’elle n’avait plus rien à dire. Il se leva et sortit de la chambre.
Le docteur Percy Rigwell le guettait dans le couloir. Le visage sombre.
– Elle va s’en sortir ?
– Je pense, fit le praticien. Est-ce que je pourrai vous prévenir quelque part si son état s’aggrave ?
– Je vous appellerai.
Il allait quitter le médecin lorsqu’il se ravisa.
– D’autres personnes ont-elles vu cette femme ? Le médecin secoua la tête :
– Non. Deux hommes se sont présentés, pendant qu’elle était encore inconsciente. Des amis à elle. Ils doivent revenir.
Malko le fixa longuement.
– Je crains que les jours de votre patiente ne soient en danger...
Le médecin le regarda, interloqué.
– Mais je vous ai dit que...
– Il ne s’agit pas de son suicide, précisa Malko. Je ne peux pas vous en dire plus. Prévenez immédiatement la police et donnez-leur son identité, et, en attendant
veillez à ce qu’il y ait toujours quelqu’un dans sa chambre.
Il s’éloigna dans le couloir, laissant le médecin abasourdi. Il en avait mal au cœur de dégoût. La police ne connaîtrait jamais les vraies responsabilités de l’attentat.
Dans le parking de l’hôpital, il regarda autour de lui. Chris et Milton se trouvaient dans la Buick de l’autre côté de la rue. Il se dirigea lentement vers eux. Certain que quelque chose allait se produire. Il avait presque traversé quand il les vit. Les deux hommes s’étaient dissimulés derrière un fourgon. Ils marchaient vers lui, le prenant en sandwich et le coupant de la sortie. Il s’arrêta. Ils le croyaient seul. Et ils ne voulaient sûrement pas de scandale. Ils allaient l’enlever. Ou le poignarder, sans utiliser d’arme à feu. Et de préférence pas dans cet hôpital, pour qu’on ne puisse relier cet incident à Samira. Quand ils auraient fini avec lui, ils reviendraient achever la jeune femme sur son lit...
Des tueurs, froids et lucides, sans le moindre état d’âme. Programmés pour effacer les traces d’une bavure. Il les attendit, appuyé à une voiture. Quand il vit leurs visages, il fut un peu déçu. C’étaient les deux de l’aéroport. Moshe n’avait pas jugé bon de se déplacer. Ils stoppèrent, étonnés par son attitude. Malko les interpella.
– Alors, qu’attendez-vous ? J’ai parlé à celle que vous appelez Samira. Je sais tout. Et c’est trop tard, j’ai déjà averti la station de Londres. Vous êtes venus me tuer ?
Les deux hommes échangèrent un regard et quelques mots en hébreu, puis l’un d’eux fit un pas vers Malko et dit en anglais :
– Nous voulons vous parler.
– Vous ou Moshe ? Il a des remords ?
Il avait employé un ton volontairement cinglant.
L’Israélien tiqua, puis dit froidement :
– Ne soyez pas naïf. Cette chose ne devait pas arriver. Ce sont les Anglais qui sont idiots.
Comme tout bon Israélien, il haïssait les Britanniques. Malko le toisa.
– Peut-être. Mais vous êtes des criminels. Les responsables de cet attentat, c’est vous.
Silence.
Les deux hommes se concertèrent du regard. Malko les sentait ennuyés, mais ils avaient une mission. Et ils allaient la remplir. Maintenant, il en était certain : cette mission était de le tuer. Le Mossad ou Moshe, le chef de mission, avait analysé la situation et décidé de passer l’accident du vol 103 aux oubliettes de l’Histoire. Pour ce faire, il fallait supprimer les témoins directs : Samira et lui. Malko jeta un regard de commisération aux deux hommes du Mossad. Certain que l’on avait déjà décidé de leur sort. Eux aussi en savaient trop. Les grands Services faisaient le ménage discrètement. Un jour, ils seraient convoqués pour une séance d’entraînement parachutiste, par exemple, et leurs parachutes ne s’ouvriraient pas... Bien entendu, ils seraient enterrés comme des héros.
Il se retourna et aperçut deux silhouettes dans l’ombre. Chris et Milton étaient en position. Les dés étaient jetés. Avec une lenteur délibérée il commença à s’éloigner, tournant volontairement le dos aux deux Israéliens. Il entendit un claquement sec et malgré lui, un flot d’adrénaline se déversa dans ses artères.
Cela se jouait à une seconde près.
« Craac ! » La détonation fit trembler les vitres de l’hôpital. Malko se retourna juste à temps pour apercevoir un des Israéliens, un long pistolet noir à la main, appuyé au capot d’une voiture, la tête rejetée en arrière. Le projectile de Chris l’avait touché en pleine poitrine. Et, à cette distance, une balle blindée de « 357 Magnum », cela
faisait des dégâts énormes... Son compagnon n’hésita qu’une seconde. Mais lui aussi était un robot bien réglé. Au lieu de secourir son ami, il plongea comme un fauve vers Malko, tirant son arme de sa poche.
Ce fut le dernier geste qu’il accomplit. Deux détonations se confondirent presque. La tête éclatée, il fit un véritable bond en arrière et glissa entre deux voitures. Mort avant même d’avoir touché le sol.
Chris et Milton s’approchèrent, le visage sombre, leurs armes encore à la main. Des fenêtres commençaient à s’allumer à l’hôpital. Malko s’approcha du premier Israélien. Il avait déjà cessé de vivre. Il se pencha et ramassa son arme. Comme toujours, un long automatique noir de calibre 22, sans aucune marque. Les Israéliens avaient horreur des gros calibres... Il la jeta sur le corps.
– Allons-y, dit-il à Chris Jones.
La police n’allait pas tarder à arriver. En partant, ils croisèrent une Rover bleue avec un gyrophare, roulant à toute vitesse. La mort des deux Israéliens ne lui apportait aucune satisfaction. C’était lui ou eux. Et ils ne portaient pas la plus grande responsabilité... C’était une bavure, comme il y en a parfois dans les opérations secrètes qui avait coûté la vie à 270 personnes... Il revit le visage confiant de Walid Jaafar. S’était-il rendu compte ?
Probablement pas. Ou alors juste une seconde avant l’éternité quand son Toshiba avait explosé. La désintégration du « 747 » avait dû être instantanée.
Comme un automate, il revint à Grosvenor Square. Personne n’avait été se coucher. John Butler, les traits tirés par la fatigue, vint aussitôt vers lui. Malko l’entraîna dans son bureau pour lui faire le récit des derniers événements.
– Les Israéliens se sont rendus compte des
conséquences de leur coup de poker, conclut-il. Ils ont cherché à effacer les traces.
L’Américain le fixa, pensif :
– Ils ont raison. Scotland Yard et le MI5 vont découvrir des choses... grâce aux débris retombés à Lockerbie. Normalement l’explosion aurait dû se produire au-dessus de l’Atlantique.
– Pourquoi ? Vous avez eu des informations ?
– Techniques, corrigea l’Américain. Le plan de vol du 747 a été modifié à la dernière seconde par le commandant de bord, à cause du mauvais temps et personne ne pouvait le savoir. Il est monté beaucoup plus vite que d’habitude et a atteint son altitude de croisière au-dessus de l’Écosse, c’est-à-dire 30 000 pieds, au lieu de le faire au-dessus de l’Atlantique. La bombe était sûrement réglée avec un détonateur altimétrique...
« Sans ce changement, le « 747 » disparaissait dans l’Atlantique et on n’en aurait jamais rien su.
Le téléphone sonna, l’interrompant. Il répondit et écouta longuement un interlocuteur invisible. Lorsqu’il raccrocha, il avait le visage grave et tendu.
– C’était notre correspondant à Scotland Yard. La police a trouvé les corps des deux Israéliens. Sans aucun papier, bien entendu et ils se doutent qu’il y a une histoire de barbouzes là-dessous. Ils sont en train d’interroger le médecin de l’hôpital. Il va vous décrire. Je dois vous exfiltrer immédiatement. Nous avons un Falcon qui appartient à la Company. Il peut partir en une heure. Chris Jones et Milton viendront avec vous, je ne veux pas me retrouver avec une sale histoire sur le dos.
– D’accord, dit Malko.
Il n’avait plus rien à faire à Londres. Aija n’était sûrement pas restée, quant à Samira, morte ou vive, il n’avait pas envie de la revoir. Le chef de station était
déjà au téléphone, en train d’organiser son départ. Il se sentait soudain mortellement fatigué.
Et ce n’était pas seulement à cause de la drogue non encore éliminée... Toute cette histoire était une catastrophe sans nom, un ratage honteux où les Services Occidentaux s’étaient fait rouler dans la farine par un terroriste diabolique aidé par une complice dévouée. L’addition était lourde. Le chef de station releva la tête.
– Vous voulez aller à Liezen ?
Malko secoua la tête.
– Non.
– Où ?
– À Helsinki.
L’autre demeura l’appareil en l’air, médusé.
– Qu’est-ce que vous allez faire à Helsinki ?
Malko le regarda bien en face.
– Aija Sunblad est partie d’Helsinki. Elle va fatalement y revenir ou donner de ses nouvelles...
– Et alors ?
– Alors, pour moi cette affaire n’est pas finie. Il reste Aija Sunblad et surtout Ali Muganieh à mettre hors d’état de nuire.
L’Américain secoua la tête.
– Vous êtes fou. Je comprends que cela vous ait choqué... Mais vous ne pouvez pas consacrer le restant de votre vie à régler les comptes de ces deux salauds. Le FBI s’en chargera.
– Le FBI n’en a pas les moyens, dit Malko. Et surtout pas les idées. Ils ne peuvent rien contre des terroristes de cet acabit. Combien en ont-ils arrêté ces derniers temps ?
L’Américain baissa la tête. Il connaissait la réponse : zéro. D’un ton las, il capitula.
– OK. OK. Vous partez à Helsinki. Vous vous arrangerez avec Langley par la suite. Mon boulot, c’est de vous mettre à l’abri tous les trois.
Le Falcon 50 vira au-dessus de la Tamise, laissant sous ses ailes la ville de Londres illuminée. Jusqu’à la dernière seconde, cela avait été une course contre la montre entre Scotland Yard et la CIA. Les policiers britanniques avaient très vite retrouvé la trace de Malko au Hilton et, immédiatement, toutes les antennes s’étaient dressées. Il était connu comme le loup blanc. Et un des Israéliens avait eu l’imprudence de conserver sur lui un paquet de cigarettes de son pays...
Cela suffisait pour que les Anglais commencent à rassembler les pièces du puzzle... Heureusement que le Falcon était enregistré sous les couleurs des Bahamas.
Chris Jones se déplaça et vint rejoindre Malko. Ils n’étaient que trois dans le petit jet en dehors des pilotes. L’appareil prenait de la hauteur et allait sortir de l’espace aérien britannique. Pour mieux faire, on avait déposé un plan de vol bidon ne mentionnant pas Helsinki. Les Anglais s’en apercevraient plus tard...
– Qu’est-ce qu’on va faire là-bas ? demanda le gorille.
Malko tourna vers lui un visage fatigué.
– Chris, vous avez entendu parler de la chasse à l’éléphant ? C’est très long et très fatigant. Il faut de la patience et de la résistance. Mais cela paie. C’est ce que nous allons faire...
Le gorille l’écoutait, bouche bée. Il s’ébroua.
– Je comprends ce que vous éprouvez, dit-il. Mais soyez lucide. Ce type, Muganieh, après un coup comme ça, même si personne ne pointe le doigt sur lui, va se retrancher dans un pays arabe sûr.
– Je sais, dit Malko. Et s’il est arrêté, d’autres avions sauteront, d’autres gens seront tués.
C’était un langage que le gorille comprenait... Chris Jones soupira.
– Je ne sais pas ce qu’on peut faire.
– Si, dit Malko, parce qu’il y a Aija Sunblad... Elle ne va pas rester indéfiniment avec son amant. Elle reviendra. Nous allons la faire revenir.
– Comment ?
– Je ne sais pas encore...
– Tout cela va prendre du temps. Langley ne vous laissera pas des mois et nous non plus...
– Cela ne prendra pas des mois, dit Malko. Même pas des semaines.
L’appareil virait, montant vers le nord. Milton Brabeck tendait l’oreille pour suivre la conversation. Malko sentit qu’il devait convaincre les deux Américains. Il se retourna vers Milton.
– J’ai compris beaucoup de choses trop tard, dit-il. Nous avions affaire à des gens décidés, fanatiques, organisés. Le coup était préparé de longue date. En réalité, nous ne les avons pas beaucoup gênés. Ils ont continué à appliquer leur plan. La seule modification a été le départ d’Aija par l’Allemagne...
« Pour le reste, tout était en place.
– Vous avez sûrement raison, reconnut Chris Jones. Mais ce n’est pas encourageant pour l’avenir.
Malko eut un sourire triste.
– Rien ne ressuscitera les 270 morts du vol 103. Mais si ceux qui ont décidé de commettre cette horreur sont punis à leur tour, il y a encore une justice quelque part.
– Vous voulez dire les Israéliens ? demanda Milton Brabeck.
– Non, eux ont pris le train en marche. En ce moment, ils ne doivent pas se sentir à l’aise.
– Nous les tenons par les couilles, ricana Chris Jones. Avec ce qu’ils vous ont fait...
– Je n’en fais pas une vendetta personnelle, corrigea Malko. Mais ils savent aussi que la Company leur fera payer très cher cette gaffe. D’une autre façon et cela ne me regarde pas. Je crois sincèrement qu’aucun dirigeant du Mossad n’a décidé de faire sauter un avion pour forcer les USA à rompre les relations avec l’OLP. Mais ce Moshe a voulu jouer à la roulette russe.
« Il reste les vrais instigateurs. D’abord l’homme qui, depuis des mois, planifie cette horreur. Par haine.
– Vous voulez dire Ali Muganieh ?
– Oui. J’ignore s’il a agi pour son compte ou si c’était un « contrat ». On le saura peut-être un jour. Mais, je ne me regarderai bien dans une glace que le jour où il sera mort.
Chris Jones hocha la tête, compréhensif.
– C’est sûr que vous avez raison ! Mais comment ? On n’a jamais arrêté un de ces grands terroristes. Ils ne se baladent dans les pays dangereux pour eux que dans les périodes calmes. Après un coup pareil, il va se terrer au Liban, en Syrie ou en Libye.
– Sûrement, dit Malko, avec un sourire froid. Mais je vais l’en faire sortir. Et ce jour-là, j’espère que vous serez avec moi pour l’accueillir.
« Que ce soit son dernier voyage.