Une sirène ulula à trois reprises à l’arrière.
« C’est vraiment pas le moment de s’arrêter, merde ! »
Moram, pourtant, appuya sur la pédale de frein jusqu’à ce que le
camion s’immobilise. Les règles de sécurité et de solidarité des chauffeurs devaient être respectées quoi qu’il arrive. Il tira le frein à main,
coupa le moteur, empoigna un de ses revolvers, ouvrit la portière et
dévala le marchepied après avoir proféré un juron de son cru. Wolf
et Solman descendirent à leur tour de la cabine et se glissèrent le long
de la citerne. Les quelques moteurs qui tournaient encore se turent
l’un après l’autre, et le silence ensevelit la galerie. L’odeur de terre et
de moisissure s’estompait dans les gaz d’échappement et les relents
d’huile chaude.
Des hurlements se répercutèrent d’un bout à l’autre du convoi,
suivis presque aussitôt de détonations. Solman pensa que les chiens et
les solbots avaient rattrapé et attaqué les camions de queue. Wolf s’efforçait de hâter l’allure devant lui, mais l’exiguïté de l’espace entre les
véhicules et la paroi rocheuse ne facilitait pas leur progression. De
l’autre côté, Moram, gêné par sa corpulence, marchait encore moins
vite qu’eux. Des crissements et des cris stridents, rageurs, répondaient
désormais aux salves nourries. Une odeur piquante de poudre se propagea dans la galerie.
Ils dépassèrent une quinzaine de camions, précédés et suivis par
des chauffeurs et des passagers qui, tous, s’étaient munis d’une arme.
La lumière des phares les éclairait comme en plein jour, transperçait
les dentelles vaporeuses écharpées par d’imperceptibles souffles d’air.
Ils arrivèrent à l’endroit où la caravane s’était scindée, où les
hommes s’étaient déployés sur toute la largeur de la galerie. Ils pointaient fusils et pistolets sur l’espace d’une cinquantaine de mètres qui
séparait les deux parties du convoi, et faisaient feu sans relâche.
« Qu’est-ce qui se passe ? cria Wolf.
– Des rats ! » répondit quelqu’un.
Le Scorpiote se fraya un chemin à coups de coude jusqu’au premier
rang, suivi de très près par Solman et d’un peu plus loin par Moram.
La fumée des armes inondait le boyau, mais les faisceaux des phares
révélaient une multitude grouillante de rats au poil noir et rêche,
d’une espèce transgénique, mutante, qui avait colonisé l’ensemble du
territoire européen. Il leur arrivait de s’attaquer aux campements
quand la famine les jetait hors de leurs abris habituels, les ruines des
cités, les marais intérieurs ou les anciennes décharges. Agressifs, agiles,
résistants, ils n’hésitaient pas à se jeter sur les hommes pour leur trancher la carotide d’un coup d’incisives, leur déchiqueter le visage, ou, à
l’aide de leurs griffes puissantes, leur entailler cuisses et bras jusqu’à
l’os. Et les blessures bénignes qu’ils provoquaient dégénéraient souvent en infection, voire en gangrène. Les peuples nomades créditaient
à leur compte la plupart des disparitions inexpliquées, les brusques
éclaircissements des troupeaux ou encore les mises à sac des réserves
de céréales.
« Putain de Dieu ! siffla Moram. Y en a des milliers ! »
Ils jaillissaient d’une cavité de la voûte comme des grains dans un
silo, rendus hystériques par le vacarme des détonations, par les odeurs
de poudre et de sang. Menacés par la famine, attirés par le grondement des moteurs, et, donc, par la promesse d’un butin, ils avaient
surgi par grappes entières au-dessus du camion, grimpé sur le capot,
obstrué le pare-brise et contraint le chauffeur à sonner l’alarme.
« Ce con… il aurait dû leur rouler dessus au lieu de s’arrêter ! » fulmina Moram.
Les tirs de barrage maintenaient pour l’instant les rats au centre de
l’espace dégagé, mais ils ne refluaient pas, comme conscients que le
sacrifice d’un grand nombre des leurs était nécessaire à la survie du
groupe, que la loi du temps et du nombre jouait en leur faveur.
« J’ai peur, Hadès. »
Solman se retourna et découvrit le visage blême de Glenn à moins
d’un pas de lui.
« Rentre à la voiture. Tout de suite. »
Mais le garçon ne bougea pas, paralysé par la frayeur. Autour de
lui, les hommes avaient mis en place une chaîne de fortune pour alimenter en munitions les tireurs du premier rang, qui gardaient leurs
armes pointées vers le sol de peur de toucher les Aquariotes massés à
l’autre extrémité de l’espace vide. Des balles ricochaient sur le bas des
parois et, parfois, venaient s’échouer sur le bord opposé à l’issue d’une
diagonale sifflante. Le grouillement de rats formait à présent une
vague à deux crêtes, haute d’un mètre cinquante en son milieu, touchant presque la voûte sur les côtés. Roulant les uns sur les autres, ils
avançaient dans les deux directions à la fois. Chaque salve en fauchait
des dizaines, mais ne parvenait pas à briser leur mouvement. Dès
qu’ils auraient comblé les intervalles, ils deviendraient irrésistibles,
leur torrent de griffes et de dents submergerait les deux parties du
convoi, déborderait les tireurs, déchiquetterait pneus, bâches, sacs, briserait vitres et portières, se répandrait dans les voitures, dans les
cabines, se retirerait en ne laissant derrière lui que carcasses et squelettes.
La main de Glenn se posa sur celle de Solman comme un oiseau
tremblant. Fusils et pistolets commençaient à brûler les bras et les
joues des tireurs. La vague des rongeurs déferlait dans un tourbillon
insaisissable de poils noirs, d’éclairs meurtriers, de cris assourdissants.
« L’eau ! cria Solman.
– Quoi, l’eau ? haleta Moram en rechargeant son revolver.
– Il faut vider une citerne.
– Ça ne suffira pas à les noyer.
– Sauf si on y ajoute du poison… »
Il fixa Glenn avec intensité.
« Cours à la voiture de Raïma. Demande-lui de te donner ses fioles
de poison. Vite. »
Le garçon demeura sans réagir pendant quelques instants, puis une
bourrade de Solman le sortit de sa léthargie, il tourna les talons et se
faufila entre les hommes répartis le long de la paroi.
Moram écrasa de l’avant-bras des gouttes de sueur qui lui perlaient sur le front.
« Et si ces saloperies de bestioles sont immunisées ?
– Tu vois une autre solution ? »
Le chauffeur hésita un bref instant.
« Monter dans les camions et rouler.
– Les rats empêcheront ceux de l’arrière de passer. Pas question de
les abandonner.
– On risque de mourir avec eux.
– C’est la nouvelle règle, Moram : ou on s’en sort tous ensemble,
ou on meurt tous ensemble. »
Même en criant, ils avaient du mal à s’entendre dans le vacarme
des détonations et des couinements.
« Demande-leur d’intensifier le tir, reprit Solman. Le temps que
Glenn revienne. »
Moram hocha la tête, se retourna et hurla les consignes aux autres.
Les Aquariotes, un moment démoralisés, reprirent courage et
mitraillèrent sans discontinuer la vague sombre qui continuait
d’avancer. Wolf rechargea son fusil d’assaut pour la quatrième fois et
balaya toute la largeur de la galerie d’une rafale rageuse.
Jouant des coudes et des épaules, Solman se fraya un passage jusqu’à la remorque, l’escalada, grimpa sur le toit de la voiture à laquelle
elle était accrochée, le franchit à quatre pattes et descendit de l’autre
côté pour accéder à la citerne. Le canon de son pistolet lui pénétrait
dans l’aine, les élancements de sa jambe torse se prolongeaient dans
sa colonne vertébrale, des gouttes de sueur dégringolaient de son
front et se conjuguaient à la fumée pour lui irriter les yeux. Il tourna
le volant crénelé de la valve jusqu’à ce que les premières gouttes
s’écoulent sur le sol. Il suivit des yeux la course des rigoles, constata
qu’elles prenaient la bonne direction et referma la valve. La galerie
était légèrement déclive à cet endroit, sans doute parce qu’elle entamait sa montée vers la surface. Il espéra que la citerne n’était pas aux
trois quarts vide. Il se posta près de la paroi pour attendre Glenn. Le
temps s’égrena, interminable, rythmé par les éclairs, les détonations,
les couinements suraigus des rongeurs, les éclats de voix des hommes
qui s’encourageaient. Il essaya de se calmer, mais il en fut incapable,
les nerfs en capilotade, le souffle court, les muscles noués, le cœur à
vif.
Qu’est-ce que fabriquait Glenn ? Avait-il eu des difficultés à
convaincre Raïma de lui remettre les fioles qu’elle réservait à son
propre usage ? Solman se maudit d’avoir confié une tâche d’une telle
importance, d’une telle urgence, à un enfant de six ans. Les hommes
couraient le long de la paroi, transportant des caisses de balles, se
bousculant, s’invectivant. S’ils s’en sortaient, les Aquariotes auraient
gaspillé une bonne partie de leurs munitions.
S’ils s’en sortaient…
L’intelligence destructrice avait trouvé dans les rats des alliés de
circonstance. Règnes animal, végétal, humain, tous semblaient se
mettre à son service, s’incliner devant sa puissance. Les chiens et les
solbots ne tarderaient plus à opérer la jonction, à refermer le piège sur
les derniers hommes de la même manière qu’il s’était refermé sur les
soldats de l’ancien temps. L’histoire n’était qu’une litanie de schémas
et de comportements répétitifs qui allaient tous dans le sens de
l’anéantissement.
« Glenn ? »
Le garçon venait de déboucher à l’angle de la citerne, les yeux
agrandis par la terreur, les joues baignées de larmes. Il sortit de ses
poches quatre fioles que Solman identifia du premier coup d’œil.
« Maman Raïma, balbutia Glenn. Elle est… elle est…
– Morte ?
– Non, folle, elle dit n’importe quoi. Elle a voulu m’empêcher de
prendre les fioles. J’ai été obligé de me défendre… de la frapper…
– J’irai la voir dès qu’on en aura fini avec les rats. Et qu’on sera
sortis de cette galerie. Attends-moi ici et tourne le volant quand je te
le dirai, d’accord ? »
Glenn acquiesça et s’avança en pleurant vers la valve. Solman
glissa les fioles dans les poches de sa canadienne et gravit l’échelle
qui donnait sur le toit de la citerne. Il fut surpris par l’étroitesse du
passage entre la voûte de la galerie et les barres métalliques. Il lui fallut ramper, se contorsionner, se cogner le crâne à la roche et se frotter au fer blessant pour atteindre la trappe circulaire qui servait
d’accès aux hommes chargés du nettoyage annuel. On l’utilisait éga
lement comme orifice de remplissage lorsque les tuyaux étaient
engorgés ou que le moteur de la pompe donnait ses signes de faiblesse. Allongé, à demi aveuglé par la sueur et la pénombre, Solman
entreprit de dévisser les papillons des écrous qui plaquaient la trappe
sur le joint de caoutchouc et lui assuraient son étanchéité. Les tirs, les
cris et les couinements s’intensifièrent, signe que les rats se rapprochaient de leur but. Sa fébrilité s’accentua, ses doigts tremblants,
humides, ripèrent sur les ailettes dont certaines, récalcitrantes, refusaient de se décoincer. La rage au ventre, soufflant, pestant, luttant
contre les crampes, ignorant la douleur à son bassin, son dos et sa
nuque, il parvint à débloquer les trois écrous qui se trouvaient de son
côté et à soulever la lourde trappe de quelques centimètres. Il glissa le
coude sous le couvercle métallique pour l’empêcher de se rabattre,
puis, de sa main libre, il retira le bouchon d’une fiole, enfonça le goulot dans l’ouverture et la maintint penchée jusqu’à ce que son
contenu se soit entièrement déversé dans l’eau.
« Tourne le volant, Glenn ! À fond ! »
Il craignit que sa voix ne porte pas assez loin dans le tumulte
ambiant, mais son oreille rivée au métal capta le bruissement caractéristique d’un écoulement. Il vida les trois autres fioles dans la réserve,
puis, versant des larmes d’épuisement, il se laissa choir de tout son
long sur la citerne.
L’eau s’insinua entre les jambes des hommes de la première ligne
et s’avança en serpents scintillants vers les rats. La vague noire, tourbillonnante, ondulait à moins de dix mètres des tireurs, qui avaient
inconsciemment reculé de deux pas. De près, le grouillement évoquait
une hydre à mille têtes, à mille griffes, à mille yeux, à mille queues.
Son désordre n’était qu’apparent : les rongeurs exploitaient leur
nombre pour avancer coûte que coûte, les rats du dessus se laissaient
glisser jusqu’au sol pour permettre à leurs congénères du dessous de
prendre la relève. Un comportement collectif adapté, étonnant quand
on connaissait leur tendance à l’individualisme.
« Ne touchez pas à l’eau ! glapit Moram. Le donneur l’a empoisonnée. Et continuez le feu ! »
L’eau enflait maintenant en ruisselets qui se jetaient les uns dans
les autres pour s’étaler en mare sur la largeur de la galerie. Elle lécha
les rats les plus proches, qui, surpris par sa fraîcheur, se mirent à gigoter pour essayer de se dégager de la masse. Comme leur progression
groupée engendrait un grand nombre de griffures, elle entra en
contact avec les pelages égratignés, avec les museaux coincés, avec les
queues éraflées, elle dilua le sang des cadavres et, gonflée par l’écoulement de la citerne, se propagea tout le long de la horde. La plupart des
rats du dessous, écorchés par les griffes et les incisives de leurs congénères, moururent dans un spasme, foudroyés par le poison.
L’eau montait toujours, filtrée par le barrage des rongeurs désormais immobile.
« Grimpez sur n’importe quoi ! cria Moram. Il ne faut pas que cette
putain de flotte vous touche ! »
Certains tireurs, dont Moram et Wolf, se hissèrent sur la remorque
tandis que les autres refluaient précipitamment vers l’avant du
convoi. La vague des rats commençait à se briser, piégée par sa propre
inertie. Ils avaient compris que l’eau était porteuse d’une mort bien
plus sournoise et radicale que la grêle de balles. Le fossé entre les
hommes et eux était maintenant infranchissable, des deux côtés
puisque l’onde meurtrière avait traversé leurs rangs et transformé
leur amas en île. Les Aquariotes regroupés devant la deuxième partie
du convoi cessèrent à leur tour le tir. On n’entendit bientôt plus que
le roulement de la cataracte qui tombait de la valve grande ouverte et
le clapotis de l’eau sur les parois.
« Attention, vous là-bas ! cria Moram. L’eau est empoisonnée !
– Compris ! » lui répondit une voix.
Les rats restaient silencieux, figés, comme impuissants face au
nouveau danger. Puis des soubresauts agitèrent l’amas, et ils recouvrèrent d’un seul coup leur instinct de survie ainsi que les réflexes
individuels afférents. Ceux qui occupaient le sommet de la vague ne
rencontrèrent aucune difficulté pour se glisser dans la cavité par
laquelle ils étaient arrivés, mais les autres, ceux des rangs inférieurs,
se débattirent avec férocité pour atteindre l’ouverture synonyme de
salut. Le bel ordonnancement qui leur avait permis d’affronter les
balles s’effrita à une vitesse étonnante. Des dizaines d’entre eux
dégringolèrent dans l’eau, où la moindre plaie, la moindre respiration
se traduisaient par une mort immédiate.
« La citerne est presque à sec, souffla Moram.
– Je ne crois pas qu’ils le savent », fit Wolf.
Les rongeurs étaient effectivement trop affolés pour se rendre
compte qu’il leur suffisait d’attendre la décrue pour augmenter leurs
chances de rester en vie. D’autant que la hauteur de l’amas avait
considérablement diminué et qu’il était désormais impossible aux
rescapés d’atteindre la cavité. Alors ils firent ce que font tous les rats
dans ce genre de circonstances, ils optèrent pour le suicide collectif.
« Plus vite, bordel ! Les chiens et les solbots vont nous tomber dessus ! »
Moram houspillait les Aquariotes qui, à l’aide de pelles et de
fourches, étalaient les cadavres des rats. La citerne s’était entièrement
vidée, et l’eau s’était écoulée dans la pente de la galerie, abandonnant
dans son sillage des traînées de sang, des monceaux de douilles et des
flaques boueuses. Une puanteur de chair corrompue avait supplanté
l’odeur de poudre. Le poison des plantes grimpantes ne neutralisait
pas seulement les fonctions vitales, il hâtait le processus de décomposition. La plupart des hommes avaient noué un foulard ou une
écharpe sur leur visage pour ne pas inhaler un air devenu délétère.
Solman était descendu du toit de la citerne mais s’était avéré incapable de rester debout. Affalé sur l’attache de la voiture, il avait délégué à Moram et Wolf la responsabilité du rassemblement et du
nettoyage de la galerie. Quand l’amas de rongeurs fut réduit à un
tapis épais mais franchissable, les Aquariotes se répandirent de part et
d’autre de la galerie pour regagner leurs voitures ou leurs cabines.
Glenn demanda à Solman s’il pouvait s’installer avec lui dans le
camion de tête.
« Je ne veux pas rester avec maman Raïma. Elle me fait trop peur. »
Solman le prit par le bras et le poussa devant lui vers l’avant du
convoi.
« Putain de riche idée que t’as eue là ! » s’exclama Moram.
Ils roulaient depuis un quart d’heure. La pente de la galerie s’ac
centuait, et ils apercevaient dans le lointain un halo pâle, peut-être
celui du jour. Une fatigue insidieuse se diffusait dans le corps de
Solman, alourdissait ses membres, engourdissait ses pensées. Moram
avait bu une gorgée de kaoua avant d’en proposer à ses passagers
(trois maintenant, sa cabine était plus fréquentée que la couche de
certaines femmes de sa connaissance). Wolf s’en était octroyé une
généreuse rasade au goulot du thermos, mais Solman avait décliné
l’offre : la seule odeur du kaoua suffisait à lui retourner le cœur.
Quant à Glenn, il avait sombré dans un sommeil profond quelques
minutes à peine après le départ.
« Tu devrais en boire, avait insisté Moram. Ça te tiendra éveillé.
D’après mes calculs, ça fait un jour et une nuit qu’on se trimballe dans
ce trou du cul du diable ! »
Aucune sirène de détresse n’avait retenti, signe que les camions
de queue avaient roulé sans problème sur le tapis de rats.
« D’autant plus riche que ces satanés clébards risquent aussi de
s’empoisonner, reprit le chauffeur.
– N’y compte pas trop, objecta Solman d’une voix somnolente.
La preuve, ces chiens-là ne craignent pas les insectesGM. »
La tête de Glenn, assis entre Wolf et lui, lui pesait sur l’épaule. La
fatigue avait ceci de bon qu’elle l’empêchait de penser à Kadija.
« Les chiens, je comprendrais encore, dit Moram. Mais les Slangs ?
Comment se fait-il qu’ils n’aient pas été piqués ? Tu les as bien vus
courir derrière les chiens et les solbots, non ?
– Ils ont sûrement été immunisés, intervint Wolf.
– Comment ? Par qui ?
– Par les anges, sans doute… »
Une bouche étincelante se découpait à l’extrémité de la galerie.
Plus que cinq ou six cents mètres à parcourir, et ils déboucheraient
enfin à l’air libre.
« Ouais, mais qu’est-ce qui nous attend dehors ? » marmonna
Moram.