Allergie numérique
Il n'y a qu'au milieu des cimes enneigées, entourée de tout ce blanc qu'elle associe à la pureté, que Julie se sent bien. Cette passion remonte à l'enfance quand ses parents l'emmenaient chaque hiver faire du ski en Savoie. Elle avait été très fière de leur ramener sa première étoile alors qu'elle avait à peine fêté ses 5 ans. Après, elle avait décroché le chamois, une médaille d'argent, ratant la médaille d'or de quelques centièmes. Elle s'en était consolée en se lançant, à l'adolescence, dans tous les sports de l'extrême : ski hors piste, snow-board, scooter des neiges, elle avait goûté à tout, et faisait figure de petite championne à la station. Julie avait même songé un moment faire carrière dans ce domaine. Finalement, la raison l'avait emporté, et elle avait sagement passé son BTS de comptabilité. Julie travaille aujourd'hui comme comptable dans une grosse entreprise de nettoyage industriel installée à Montrouge. Un boulot alimentaire dont elle s'acquitte consciencieusement. Et elle profite du moindre week-end prolongé, du moindre pont, pour sauter dans un TGV en direction des Alpes. En été, elle skie sur les glaciers, se levant à l'aube pour s'élancer sur les pistes avant que le soleil ne transforme la neige en soupe. Elle songe d'ailleurs de plus en plus à s'installer dans la région lyonnaise pour être à pied d'œuvre. Un rêve, chaque fin de semaine sur les pistes.
Le plus souvent, Julie « descend » avec des copains qui partagent la même passion qu'elle.
Mais, en ce mois de février 1996, le temps n'est pas de la partie. Depuis le début de la semaine, il neige sans discontinuer, et le groupe doit se contenter des pistes balisées, dont quelques-unes seulement sont ouvertes aux skieurs. Roger leur a fermement déconseillé toute sortie aventureuse. Même lui ne s'y risquerait pas. Au chalet, Julie et ses copains ont à peu près épuisé tous les jeux de société disponibles. Aucun d'entre eux n'étant ardent lecteur, les soirées commencent à paraître longues. En feuilletant le journal local, Julie découvre que Le bonheur est dans le pré, le film de Chatiliez, passe au cinéma d'Albertville. Personne ne l'ayant encore vu, ils décident d'y aller pour la séance du soir. Renseignements pris, la route est dégagée, les chasse-neige sont passés dans l'après-midi, et il n'y a aucun problème de circulation. Trente minutes après le début du film, Julie commence à éternuer violemment. Au départ, elle en rit plutôt. Jamais elle n'a connu une crise pareille, sauf parfois en juin, au moment de son rhume des foins. Mais pour elle qui habite en ville, ce n'est pas un grand handicap.
Un quart d'heure plus tard, Julie a inondé trois paquets de mouchoirs en papier fournis par une copine prévoyante, et ses éternuements continuent de plus belle. Elle sent bien qu'elle commence à gêner les autres spectateurs, et décide de sortir de la salle, expliquant en chuchotant à ses amis qu'elle les attend au café d'en face.
À peine est-elle sortie du cinéma que ses éternuements cessent. Quand ses copains la retrouvent, attablés devant un chocolat chaud, la crise est complètement passée. En fait, Julie vient de présenter un accès de rhume des foins provoqué par la vision, dans le film, d'un champ de pollen.
Diagnostic
Le déclenchement d'une crise d'éternuements chez un patient allergique aux pollens en dehors de toute exposition pollinique, dans un cinéma en plein hiver, peut se rapprocher d'un phénomène d'autosuggestion. Les symptômes sont alors réveillés par la simple vision d'un champ de pollen. Cette image renvoie brutalement à un passé, le corps réagissant à l'évocation de l'agent allergénique, ce qui tend à prouver que la vie psychique d'un individu s'exprime avec le corps. On peut se poser la question fondamentale de l'importance des mécanismes psychiques dans le déclenchement des maladies organiques, notamment dans les maladies allergiques.
Les maladies psychosomatiques concernent l'ensemble des troubles, syndromes ou symptômes ayant une base psychologique. La cause peut être le stress, la fatigue, le surmenage, la fatigue, l’insomnie ou une dépression. Le stress et l'anxiété, par exemple, modifient le système nerveux sur le plan moléculaire et cellulaire qui vont se répercuter sur les différents organes de l'organisme.
Au cours d’un stress important survient une surproduction d'adrénaline et de corticotrophine dans le cerveau à l’origine d’une augmentation du cortisol sanguin pouvant provoquer par exemple une augmentation du rythme cardiaque, une pâleur ou une dilatation des vaisseaux. Un déséquilibre psychique peut ainsi provoquer des troubles digestifs et intestinaux, des troubles articulaires, musculaires, cutanés…
Tous les scientifiques s’accordent aujourd’hui pour affirmer que le corps et l'esprit ne sont pas indissociables.