Une tradition ancestrale
À la porte de Montreuil, en bordure des périphériques parisiens, se dressent aujourd'hui les façades rutilantes de verre et d'acier d'un vaste ensemble de bureaux dont beaucoup portent encore la mention « à louer ». Mais au-delà du bunker futuriste du nouveau centre commercial, c'est un tout autre monde qui commence. Un enchevêtrement compliqué de ruelles mal éclairées, dessinées au XIXe siècle sans aucun plan d'urbanisme, et où se mêlent des senteurs venues de tous les continents : de l’igname des Antilles, curry d'Asie, patate douce, safran, gingembre confit, aux étalages d'épiceries lilliputiennes qui ne sont pas sans rappeler les échoppes des souks orientaux. Le soir venu, à la lueur des néons blafards, les boubous africains croisent, dans une atmosphère bon enfant, les djellabas du Maghreb et les saris indiens. Une lente déambulation de déracinés qui n'ont d'autre souci que de recréer un peu de la chaleur de leur terre natale.
C'est au cœur de cette Babel suburbaine que vit Harouna depuis maintenant cinq ans. Sa longue silhouette athlétique de marathonien émerge aisément d'une foule en majorité masculine. On reconnaît de loin son verbe haut et ses éclats de rire. Il y a en lui une sorte de fierté, d'élégance naturelle qui force l'admiration.
À son arrivée en France, Harouna a été accueilli, comme tant d'autres avant lui, par un cousin qui avait fait le grand saut quelques mois plus tôt. C'est celui-ci qui lui a trouvé la chambre qu'il occupe aujourd'hui au foyer de la rue Barra. C'est une bâtisse sans grâce, construite à la va-vite pendant le boom immobilier des années 60, un rectangle de béton mal entretenu, divisé en une centaine de réduits identiques, et destiné au départ à recevoir des jeunes délinquants à leur sortie de prison. L'Administration en avait finalement décidé autrement, sans doute guidée par l'urgence de trouver une résidence aux travailleurs immigrés, appelés en masse par les sirènes d'une croissance industrielle que tout le monde, à l'époque, voulait croire éternelle.
Mais Harouna ne se plaint pas. Par rapport à d'autres, il se sait plutôt bien loti. Le foyer dispose de sanitaires à chaque étage, de douches en état de marche et, chose essentielle pour un Africain, d'un chauffage central des plus efficaces. Certes, les chambres tiennent plus de la cellule monacale version moderne que de la suite présidentielle d'un palace 4 étoiles, et l'espace y est chichement compté, mais Harouna a appris à s'en contenter. La cohabitation avec Mamadou dans les 15 m2 de l'espace habitable se passe plutôt bien.
Pourtant, Harouna avait eu à surmonter bien des déceptions ; lui qui croyait arriver dans un pays de cocagne où l'argent coulait à flots avait dû vite déchanter. Après quelques mois de galère, naviguant de petits boulots en petits boulots au gré des missions d'intérim, il avait enfin réussi à se faire embaucher comme ouvrier spécialisé dans une PME, filiale de Renault, fabriquant des boîtes de vitesse pour les R5 et les R19. D'abord engagé en tant que technicien de surface, pour ne pas dire balayeur, il était parvenu peu à peu à creuser son trou.
Aujourd'hui, intégré à une petite équipe de montage, Harouna apparaît comme un nanti auprès de ses copains souvent en situation beaucoup plus précaire. Mais ce qu'il gagne suffit à peine à payer le loyer, la nourriture quotidienne et quelques fringues. Et ce n'est qu'au prix de privations multiples qu'il peut envoyer un peu d'argent à sa famille restée au Sénégal.
Car c'est là le crève-cœur d'Harouna. Après avoir longtemps espéré faire venir sa femme et ses quatre enfants, il sait dorénavant que cela appartient à jamais au domaine de l'utopie. Tout est trop cher ici, les logements introuvables ou inabordables, sans compter le billet d'avion qui représente une véritable fortune au regard de son salaire. Depuis son installation en France, Harouna n'a pu retourner que deux fois dans son pays.
Alors, pour surmonter tout ça, Harouna se réfugie dans la musique. Sa conga, c'est la seule chose qui le rattache encore à l'Afrique et à ses racines. Chaque fin d'après-midi, avant de partir au boulot – il fait partie de l'équipe de nuit – le jeune homme tape pendant plus d'une heure sur son instrument. Une heure de percussions qui est une sorte d'exorcisme, un moyen d'expulser de soi toutes les frustrations, les rancœurs, la tristesse accumulées au quotidien, en bref une sorte de conjuration. D'abord lent et syncopé, le rythme s'accélère peu à peu, la frappe s'intensifie, les mains se déplacent de plus en plus vite sur les peaux, le son s'amplifie et se répand dans tout le bâtiment. Au départ immobile, le corps d'Harouna adapte à son tour la cadence de la musique. Ses yeux se ferment. Son esprit s'envole. Plus rien ne compte de ce qui l'entoure.
Et quand, épuisé, en sueur, il s'arrête enfin, il est tout étonné de voir la foule admirative qui s'est rassemblée autour de lui, prête à l'applaudir.
À force d'entraînement, Harouna a acquis une dextérité hors du commun. Tous ceux qui le connaissent le considèrent comme un percussionniste au talent exceptionnel, et sa réputation ne cesse de grandir dans le milieu africain de Paris. Au point qu'on le réclame partout. Il est de toutes les fêtes. Il obtient même des engagements dûment rémunérés, de quoi arrondir ses fins de mois souvent difficiles, et surtout d'envoyer quelques cadeaux au pays.
Mais c'est à ceux du foyer, devenus sa famille d'adoption, qu'il réserve le plus souvent ses prestations. Il n'oublie pas que, dans les premiers temps de son installation en France, sa conga l'a sauvé de la misère. C'est grâce à elle qu'il a survécu pendant plusieurs mois, jouant dans le métro, dans les centres commerciaux, à l'entrée des cinémas et des théâtres, partout où c'était possible, jonglant entre les rondes de police. Alors aujourd'hui, quand ses compagnons d'infortune lui demandent de sortir son instrument et de jouer pour eux, il ne se fait pas prier. Et il renoue ainsi avec une longue tradition, retrouvant presque naturellement les gestes ancestraux transmis de génération en génération dans sa famille. Tout ce qu'il sait, ou presque, de la musique, il l'a appris de son père, qui l'avait lui-même appris de son père, et ainsi de suite jusqu'à la nuit des temps. « Mais, se demande Harouna, qui l'enseignera à mes fils ? »
Un soir, invité par des amis qui ont organisé une fête d'anniversaire dans une salle paroissiale de Clichy, Harouna joue ainsi pendant plus de huit heures d'affilée. Au matin, il manque de s'assoupir dans le métro qui le ramène jusqu'au foyer. « Une super fête », se dit-il en se couchant. Quelque temps plus tard, il se réveille, tenaillé par la faim. L'esprit encore embrumé, il se dirige vers les toilettes. Les yeux penchés machinalement sur la cuvette émaillée, il remarque alors quelque chose de bizarre : ses urines ont une drôle de couleur, foncée, entre le marron et le rouge. « Bah ! j'ai encore trop fumé hier soir. Faudrait que j'arrête l'herbe. Ça ne me vaut rien. » Il ressort, ne songeant plus qu'au petit déjeuner et à son footing.
Non content d'être un musicien hors pair, Harouna est un sportif émérite. Il court régulièrement, pratique la musculation au gymnase municipal et ne dédaigne pas, à l'occasion, de monter sur le ring pour donner la réplique à quelques copains boxeurs en phase d'entraînement. C'est dire que du haut de ses 1 m 82 pour 78 kg, il en impose. Quant au médecin, c'est à peine s'il connaît, en dehors des visites obligatoires imposées par la médecine du travail. Tout juste se souvient-il d'une allergie aiguë qui lui avait valu, deux ou trois ans plus tôt, d'être couvert de boutons de la tête aux pieds. Une horreur ! Mais une simple piqûre administrée par le toubib du coin avait suffi pour que tout rentre dans l'ordre. Hormis cet incident, probablement dû à une intoxication alimentaire, rien à signaler : Harouna est un bloc que rien ne semble devoir entamer. Il a ce que l'on appelle une « santé de fer ». Il dort comme un bébé, mange comme un ogre et supporte l'exercice physique avec l'endurance d'un sportif de haut niveau.
C'est pourquoi, lorsqu'il retrouve Mamadou au restaurant ce matin-là, il ne pense même pas à lui parler de son anomalie urinaire. D'ailleurs, il n'a mal nulle part, pas un pouce de fièvre. En bref, il se sent en pleine forme, malgré la brièveté de sa nuit de sommeil, et il n'y a vraiment pas de quoi s'inquiéter, aucune raison d'alerter son ami.
Tout au plus Harouna éprouve-t-il en s'asseyant une vague douleur dans le bas du dos, mais il sait que lorsqu'il joue longtemps de la conga, c'est toujours comme ça : à force de rester debout, courbé sur l'instrument, les lombaires le tirent un peu. Quelques exercices d'assouplissement, un bon jogging, et on n'en parle plus !
La semaine suivante s'avère pénible pour Harouna. D'abord au boulot, où les retards de fabrication se multiplient, ce qui lui vaut de se faire sévèrement sermonner par son chef d'équipe. Au niveau du moral, ensuite. Harouna vient d'apprendre que sa femme est à nouveau enceinte, à la suite de sa dernière visite au pays. Et la grossesse s'annonce difficile. On craint un accouchement prématuré. Ce qui, en Afrique, compte tenu des conditions sanitaires, présente bien des risques, tant pour la mère que pour l'enfant. Harouna est inquiet. Il se dit que sa place est auprès de sa femme, qu'il ne devrait pas rester ici. Mais il n'a pas d'argent pour payer l'avion. Et, de toute façon, rentré depuis trois mois à peine, il n'a droit à aucun congé. Enferré dans les soucis quotidiens, il oublie complètement ses problèmes urinaires du week-end précédent. D'autant qu'apparemment, tout est redevenu normal : aucune couleur suspecte n'a attiré son attention depuis dimanche. Comme quoi il n'y avait vraiment aucune raison de se paniquer.
Harouna a repris son entraînement quotidien aux percussions. Il ne veut pas perdre la main. Surtout qu'un grand concert est prévu samedi, lequel doit réunir à la salle des fêtes tous les Africains de Montreuil, et dont il sera le principal animateur, avec sa conga.
Encore une fois, ce soir-là, Harouna ne ménage pas ses efforts. Il a eu la veille de bonnes nouvelles de sa femme, et entend faire partager à tous son bonheur d'être bientôt encore papa. La fête se poursuit jusqu'à l'aube, et quand Harouna rentre se coucher au foyer, soutenu par Mamadou, le soleil se lève déjà sur la ville. Mais le vrombissement des voitures sur le boulevard périphérique n'empêche pas les deux acolytes de sombrer comme des masses dans le sommeil dès qu'ils ont rejoint leur lit respectif.
Quand Harouna émerge, quelques heures plus tard, son copain dort encore. La tête pleine du vacarme de la veille, il se plante, les jambes écartées, devant la cuvette des toilettes. Un jet marron se répand alors sur les parois d'émail. Le jeune homme n'en croit pas ses yeux. « C'est pas vrai, qu'est-ce qu'il m'arrive ? » Il prend à peine le temps de refermer sa braguette, et se rue sur Mamadou pour tout lui raconter. Mais celui-ci ne semble pas autrement étonné :
« Ne t'inquiète pas, vieux. C'est la coutume. Au pays, tout le monde sait ça. Si ton père était là, il te le dirait comme moi. Ce qu'il se passe aujourd'hui, ça veut dire tout simplement que tu es en train de devenir un vrai joueur de conga. Allez viens, on va aller célébrer ça au restaurant. C'est moi qui paye. Et surtout, ne t'affole pas. Tu verras, d'ici ce soir, ce sera fini ».
De fait, Harouna constate le même phénomène étrange par trois fois dans la journée. Mais, le lendemain, plus rien : ses urines ont retrouvé leur couleur normale, comme par enchantement. À tel point qu'il enfouit l'incident au fond de sa mémoire pour ne plus y repenser. La vie reprend son cours, les nuits à l'atelier, l'entraînement à la salle de musculation, les sessions de conga en fin d'après-midi. Un mois s'écoule sans rien à signaler.
Et puis, un matin, au réveil, un flux rouge se mélange à nouveau à l'eau bleutée des toilettes. Ce phénomène inexplicable se reproduit désormais une ou deux fois par semaine. Harouna est plus troublé qu'il ne veut le laisser paraître. Il tente d'en reparler à Mamadou qui ne l'écoute guère. Mais ce fatalisme tant africain ne convainc pas vraiment le jeune percussionniste. Certes, il ne se sent pas malade, mais tout de même, pisser rouge, c'est vraiment bizarre. Il a peut-être quelque chose de grave.
Il se décide enfin à aller consulter à l'hôpital. Le médecin qui le reçoit lui accorde une attention teintée de perplexité. Il prescrit des examens. Ceux-ci n'apportent aucun résultat probant : la prise de sang n'a révélé aucune trace de bilharziose, ni d'autres parasites pouvant provoquer des problèmes rénaux, les examens d'urines sont normaux, pas de sang ni d'infection décelés. Le médecin le rassure et lui confirme qu'il ne présente aucune anomalie. Sa tension comme son état général sont satisfaisants, il n'a pas de ganglions. Il ne semble pas utile au praticien de procéder à d'autres analyses, sauf si les crises reviennent.
Harouna ressort déçu de cette consultation. Il n'est qu'à demi rassuré. « En parfaite santé, il en a de bonnes, celui-là. On voit bien que ce n'est pas lui qui a du sang dans les urines un jour sur deux ». Le jeune homme pressent, en fait, qu'on ne l'a pas cru. Et c'est peut-être cela, plus que le reste, qui alimente son inquiétude. Mais il se résout à lui amener ses urines si l'épisode se reproduit.
Mais, pendant deux mois, les urines d'Harouna restent obstinément claires. Il finit donc par ne plus guère s'en soucier, quand, un dimanche midi, au lendemain d'une nouvelle nuit de fête, un jet marron réveille ses angoisses. Il a tout juste le temps de saisir le petit flacon de verre qu'il porte en permanence sur lui, dans la poche de son jean, depuis plusieurs semaines.
Muni de son échantillon, il se rend dès le lendemain au dispensaire le plus proche. Les conclusions sont immédiates : il s'agit bien de traces de sang.
Harouna fixe immédiatement un rendez-vous à l'hôpital. Après consultation, le médecin hospitalier prescrit une UIV, urographie intraveineuse.
« Je vous avertis, on va vous injecter un produit iodé dans les veines, afin de visualiser le système rénal. »
Hélas ! l'examen ne révèle aucune anomalie. Les reins d'Harouna sont en parfait état de marche, et rien, décidément, ne permet d'expliquer les traces d'hémoglobine relevées dans les urines du jeune homme.
L'anxiété habite de plus en plus Harouna. Quel est donc ce mal étrange que même les médecins ne comprennent pas ? Aurait-il été envoûté ? Veut-on le punir d'avoir abandonné sa femme et ses enfants ? D'habitude si enjoué, Harouna se replie sur lui-même. On ne le voit plus guère au café, ni à la salle de sport. Enfermé dans sa chambre, il rumine sans cesse de sombres pensées.
Un soir pourtant, alors qu'il est assis seul à une table de la pièce commune, un copain qu'il a à peine croisé, quelques rares fois, vient s'installer face à lui avec son Coca. Sans savoir pourquoi, Harouna s'ouvre d'un seul coup à cet inconnu. Il lui raconte tout d'un trait les paniques de ces derniers mois, sans rien omettre de ses doutes et de ses peurs.
Ce dernier le laisse parler. Puis, il dit qu'il connaît quelqu'un qui a déjà eu tout ça, un pote du Mali. Un super joueur de djembé qui est allé voir un grand spécialiste des reins qui l'a beaucoup aidé. Il lui promet de lui communiquer les coordonnées très vite.
Quelques jours plus tard, n'y tenant plus, en proie à d'insupportables angoisses, ce qui ne lui était jamais arrivé, Harouna consulte le néphrologue, spécialiste des reins ; il pénètre timidement dans le vaste cabinet du XVIe arrondissement, impressionné par la hauteur des fenêtres, l'épaisseur de la moquette, la profondeur des fauteuils de cuir noir.
Harouna, très tendu, entame le récit de ses malheurs récents, encouragé par la bonhomie du praticien qui l'écoute en souriant. À dire vrai, le néphrologue ne semble pas plus inquiet ni étonné que cela. C'est un cas qui lui est désormais familier. Par précaution, il demande cependant au jeune percussionniste de procéder à de nouveaux examens d'urines. Au terme de ceux-ci, son diagnostic est évident : ces traces suspectes qui ont tant rongé Harouna ne sont rien d'autre que la conséquence de ce qu'il est convenu d'appeler une « hémoglobinurie d'effort », provoquée par la pratique répétée des percussions.
Diagnostic
Harouna présente des épisodes d'hémoglobinurie d'effort, maladie rare, peu connue, sans gravité, due à une destruction mécanique des globules rouges, qui entraîne une libération d'hémoglobine dans le plasma sanguin, passant ainsi facilement le filtre rénal et se retrouvant dans les urines à un taux élevé. D'où cette couleur marron brune des urines.
Ces épisodes surviennent toujours après des séances de percussions, pendant lesquelles Harouna effectuait des contractions importantes, jouant de nombreuses heures en frappant de façon brutale et prolongée sur les peaux tendues des congas. Il générait ainsi des traumatismes répétés des vaisseaux de la paume des mains et des doigts, ce qui déclenchait une altération des globules rouges et un flux d'hémoglobine dans le sang, puis dans les urines.
Pendant les séances, les joueurs sont debout, tendus, courbés, en mauvaise position, l'instrument entre les jambes, provoquant ainsi des tensions musculaires suivies de douleurs.
Le diagnostic de l'hémoglobinurie d'effort est difficile, car c'est une maladie que les médecins rencontrent peu souvent. Les sujets généralement en bonne santé, jeunes, sportifs, ne présentent aucune autre anomalie que cette couleur des urines qu'eux-mêmes ne constatent que de temps à autre. Cet épisode pathologique qui n'arrive pas forcément pendant la consultation médicale, empêche donc le praticien d'avancer dans son diagnostic. Devant la répétition de ces symptômes, face à l'inquiétude des patients, le médecin élimine un problème rénal, ou d'autres affections comme la bilharziose (maladie parasitaire très fréquente en Afrique), en effectuant une prise de sang, une UIV (urographie intraveineuse), une analyse d'urines. L'examen clinique du sujet est presque toujours normal, car il s'agit généralement d'hommes aux performances physiques plutôt supérieures à la normale.
Ces signes se manifestent dans les heures qui suivent un exercice de longue durée. Ils restent transitoires, ne se reproduisant pas systématiquement, avec une évolution capricieuse, qui peut persister toute la vie ou disparaître en quelques mois. Le diagnostic est par là même plus complexe.
Cette pathologie évolue bien, car les complications d'anémie et d'insuffisance rénale sont exceptionnelles.
L'hémoglobinurie d'effort apparaît également chez des individus bien précis :
— Soldats qui effectuent des courses de plusieurs kilomètres sur une route goudronnée, avec des chaussures aux semelles fines. (L'hémoglobinurie naît alors à cause des traumatismes répétés de la plante des pieds sur le goudron).
— Coureurs de fond, de saut d'obstacles, les marathoniens, pour les mêmes raisons.
— Sportifs pratiquant une gymnastique de type flexion / extension des jambes pendant près d'une heure.
— Karatékas, joueurs de pelote basque, la destruction des globules rouges s'effectuant au niveau de la paume des mains.
— Schizophrènes qui se frappent le front et les cuisses de manière répétitive toujours avec les mains.
Le diagnostic de l'hémoglobinurie d'effort est possible à partir du seul interrogatoire, quand les médecins ont déjà été confrontés à cette maladie, et qu'ils ont éliminé une pathologie plus ennuyeuse. Mais les praticiens, excepté les néphrologues, spécialistes des maladies rénales, restent souvent dubitatifs face à ces symptômes. En effet, une fois que les examens propres à déterminer d'autres affections se sont révélés négatifs, ils ne savent plus que penser.
Notons également la sensibilité de certains sujets plus prédisposés que d'autres à développer une destruction de leurs globules rouges. L'hypothèse d'une hémoglobinurie est aussi plausible grâce à la preuve de la présence d'hémoglobine dans les urines, avant et après un effort prolongé.
Nombre des individus précités n'ont jamais trouvé de réponses par rapport à ce phénomène qui ne les a, par ailleurs, jamais beaucoup perturbés dans leur vie quotidienne.
Il est essentiel de rassurer tous ces patients apparemment atteints d'hémoglobinurie d'effort. Après avoir éliminé une pathologie plus lourde, voici des conseils appropriés : boire beaucoup avant et après l'exercice et essayer de protéger les zones soumises aux tensions violentes et répétées, en diminuant la surface de contact et en amortissant les chocs (semelles en caoutchouc pour les coureurs, par exemple).