— Saien, il faut qu’on parle, dit Kil en entrant dans la cabine où Saien était en train de jouer sur une petite tablette tactile. Où est-ce que tu as chopé ça ? demanda Kil, peu habitué à voir Saien jouer.
— Un des marins m’a laissé la lui emprunter en échange de leçons de tir à longue distance. En ce moment, j’utilise des plantes pour buter des… bah, laisse tomber. Je suis sûr qu’on peut trouver un arrangement si tu veux jouer, dit Saien, tout sourire.
— Tu plaisantes ou quoi ? Pose ce bidule. Il faut que je te parle.
— À quel sujet ? dit Saien en éteignant la tablette.
— Nous sommes dans les eaux territoriales chinoises et à moins d’un mille nautique de la côte. J’ai regardé par le périscope. Il y a un paquet de créatures, du moins sur la côte de Bohai. Bref, le commando Hourglass mettra pied à terre demain quand les drones auront effectué des vols de reconnaissance.
— Continue, dit Saien.
— L’équipe a perdu deux membres à Hawaï, lâcha Kil, et je pense que je suis suffisamment inconscient pour y aller avec eux.
— Eh bien, tu parles d’une volte-face… Je ne te voyais pas du genre à prendre des risques, et ça, c’est plutôt très, très risqué. Tu serais déjà mort si tu avais pris ce genre de risque pendant nos folles aventures en Amérique.
— Oui, il est possible que je n’en revienne pas vivant. C’est pour cette raison que je voudrais que tu gardes quelque chose pour moi.
— De quoi peut-il bien s’agir ?
— De mon journal de bord. Je veux que Tara le récupère, et il n’y a personne d’autre à qui je souhaite le confier. Il y a deux-trois paragraphes qui te concernent là-dedans, mais je n’ai rien à cacher. Rien que je ne pourrais te dire en face.
— Je me vois obligé de refuser. Je ne peux pas le faire, répondit Saien d’un ton grave.
— Je me disais que tu pourrais au moins…
— Non, c’est non. J’irai en Chine avec toi et les autres, et nous mettrons un point final au dernier chapitre de ce journal. Ensemble.
Kil prit le temps de digérer cette information.
— Saien, je ne pourrai jamais assez te remercier, l’ami. Je sais que Rex et Rico sont des gens bien, mais ils n’ont pas défoncé des ponts à coups de char avec moi, ni repoussé des hordes de ces saloperies, ni dormi sur le toit d’un wagon à charbon. Tu vois ce que je veux dire ?
— Oui, j’ai bien saisi. Quand est-ce qu’on met le plan au point ? demanda Saien.
— On a rendez-vous au SCIF dans quatre-vingt-dix minutes. Je te fais un topo de ce que je sais déjà pour qu’on soit sur la même longueur d’onde.
Kil évoqua les messages codés de John et informa Saien de l’existence de l’appui aérien dont ils devraient bénéficier pendant l’opération.
— Comme tu peux le voir, on a tout de même une chance de réussir. On n’est pas complètement livrés à nous-mêmes et démunis, dit Kil.
— En effet. Ton pays t’a caché pas mal de choses. Combien de secrets se trouvent encore derrière des portes blindées dans un abri souterrain ?
— Dieu seul le sait.
Après avoir repéré l’emplacement de la base le long du fleuve, Kil en fit un croquis dans son journal.
Avant de se rendre au SCIF pour planifier la mission, Kil fit un arrêt en salle de radio pour prendre des nouvelles auprès des agents en faction.
— Du nouveau ? demanda-t-il à l’opérateur.
— Non, commandant, toujours aucun contact. Rien que les messages HF préenregistrés en provenance de Keflavik, les rediffusions de la BBC et les messages de l’aéroport de Pékin. Le spectre est calme. Le sonar a enregistré un écho aujourd’hui ceci dit.
— Le sonar ? On a repéré un autre submersible ?
— Les gars disent avoir entendu quelque chose, mais ils n’en mettent pas leur main à couper qu’il s’agisse d’un autre navire. Il faudrait leur en parler pour en savoir un peu plus, commandant. Je n’étais pas présent.
— Pas de souci, continuez d’essayer de contacter le porte-avions. Je me rends sur la terre ferme demain, et je serai probablement absent quelques heures, voire plus.
— Vous y allez aussi ? Commandant, si seulement vous saviez dans quoi ils vont…
— Justement, je préfère ne pas savoir. Oubliez ça, dit Kil. Concentrez-vous sur les communications, et rien d’autre. Je vous verrai à mon retour.
— Oui-da, commandant.
Kil et Saien reprirent leur chemin vers le SCIF en se faufilant à travers les coursives exiguës.
— Voilà, la machine est lancée, dit Kil sur le ton de la plaisanterie. Bientôt, tout le monde à bord sera au courant que nous allons à terre. On ferait mieux de planquer nos affaires pendant notre absence. Je ne pense pas que beaucoup de monde s’attende à ce qu’on revienne. Des mains lestes risquent d’entrer en action pendant qu’on sera partis.
— Quelle machine ? demanda Saien.
— La machine à rumeurs, les cancans, les ragots, tout ça.
— Ah, comme les rumeurs qui circulent à propos du porte-avions. Genre il s’est fait couler par un missile cubain.
— Mais bien sûr. Premièrement, Cuba doit grouiller de morts vivants jusqu’aux barbelés de Guantanamo. Deuxièmement, même si le régime disposait toujours de missiles soviétiques à longue portée suffisamment précis pour toucher le bâtiment, ça fait longtemps qu’ils auraient dépassé la date limite et qu’ils seraient inutilisables. Mais c’est un bon exemple quand même, Saien. Tu m’as bien fait marrer. Peut-être que les Castro pourraient balancer quelques cigares explosifs de contrebande, déclara Kil, même s’il n’était pas convaincu que Saien saisisse la référence.
Ils s’annoncèrent en frappant trois coups vigoureux à la porte du SCIF. Un agent les observa quelques instants à travers le hublot puis la porte fut déverrouillée et ils pénétrèrent dans la pièce. Les procédures de sécurité ne visaient pas à empêcher les personnes non autorisées à accéder au centre névralgique confidentiel du submersible, mais plutôt à s’assurer qu’aucun membre d’équipage infecté ne puisse y pénétrer. Pour accéder aux zones sécurisées, il fallait se plier à un examen visuel pour s’assurer de l’absence de tout signe d’infection.
Le commandant se racla la gorge et fit signe à Kil et Saien de prendre place à la table :
— Par ici.
Le capitaine Larsen, l’aumônier du sous-marin, Rex, Rico, Coco et le commandant Lundy étaient déjà installés. Une immense carte était posée sur la table.
Le commandant Lundy commença le briefing sans attendre :
— Il reste grosso modo seize heures avant l’heure du départ, à dix heures demain matin dernier carat. L’Aurora sera en position pendant six heures pour couvrir l’infiltration et l’exfiltration. Nous disposerons également du support aérien des drones, mais le capitaine ne souhaite pas qu’ils vous accompagnent jusqu’à la base. Il vous dira pourquoi dans un instant. Bien évidemment, le timing sera serré, il faudra faire vite une fois à l’intérieur.
— À part la récupération de Zéro, qu’est-ce qu’on doit savoir ou chercher d’autre ? demanda Rex.
Le commandant Lundy hésita un instant avant de se tourner vers le capitaine Larsen.
— Monsieur, sommes-nous autorisés à rompre le sceau des fichiers liés à la mission ?
— Oui, nous y avons été autorisés au moment où nous sommes entrés dans les eaux chinoises. Allez-y, répondit le capitaine Larsen.
Le commandant Lundy tapota sur le pavé numérique du coffre. Après un « clic » audible, il fit un pas de côté afin de laisser le capitaine Larsen taper le code secondaire. Personne ne pouvait ouvrir seul ce coffre qui contenait certains codes de lancement et des dossiers extrêmement sensibles.
Le capitaine Larsen tourna la molette et ouvrit le battant, exposant à la lumière des objets qui ne la voyaient que très rarement.
— Bien, prenez place.
Il n’y avait que six chaises autour de la table de commandement. Coco dut rester debout, derrière le fauteuil du capitaine Larsen. Le capitaine brisa le sceau de la serviette et sortit une liasse de documents qui avaient été placés là quelque temps avant que le Virginia ne quitte les eaux panaméennes.
— Bon, la plupart d’entre vous pensent savoir à peu près où se trouve la base. Je vais faire passer une photo satellite en même temps que je parlerai. En ce moment, le Virginia se trouve ici. (Le capitaine Larsen montra du doigt l’embouchure d’un fleuve située dans la partie la plus à l’ouest de la baie de Bohai.) En réalité, la base se trouve dans la région de Tianjin, juste au sud-est de Pékin. Je m’excuse pour ce mensonge, mais si le sous-marin avait été pris d’assaut, je ne pouvais courir le risque que quelqu’un parle. Personne à bord ne connaît l’emplacement exact de la base, à part les personnes qui se trouvent dans cette pièce. Voilà pourquoi les drones ne pourront vous accompagner jusqu’à l’entrée de la base. Nous n’aurons d’autre choix que de rester en surface pendant l’opération pour garder le contact avec vous et maintenir la liaison avec les drones ScanEagle. Les drones assureront la protection du sous-marin et seront à l’affût du moindre danger pendant votre infiltration. Des questions ? demanda le capitaine Larsen en balayant l’assemblée du regard.
Kil leva la main.
— Quid du plan impliquant un aérodrome à proximité et le vol d’un hélicoptère chinois ?
— C’était un leurre nécessaire pour que ceux qui ne participent pas à la mission ne sachent pas que la mission se déroulerait ailleurs qu’à Pékin. La région de Tianjin est moins peuplée et, comme vous pouvez le constater, la base ne se trouve qu’à huit kilomètres de l’embouchure du fleuve, répondit le capitaine Larsen.
Rico donna un coup de coude à Rex car il ne voulait pas poser la question lui-même.
— D’accord, je vais demander. Capitaine, comment allons-nous remonter le fleuve ? Il m’a l’air plutôt sinueux, on doit se perdre facilement de nuit. Je vois pas mal de pontons de fortune et d’autres constructions sur cette image satellite. Le canot pneumatique va faire du bruit et attirer l’attention des deux côtés. Ça pourrait nous poser souci. On n’a plus de GPS, et ça sera pas facile de choisir le bon point de débarquement.
— En effet, c’est pourquoi nous allons remonter le fleuve avec le Virginia. Nous serons tellement proches de la berge que vous pourrez ramener le canot à bord en pagayant, ou bien revenir à la nage, mais je vous le déconseille. Nous avons vu des cadavres flotter sur l’eau. Un bon paquet, et certains gigotaient encore. Le système de navigation inertielle utilise exclusivement des gyro-lasers internes, nous ne dépendons pas de signaux GPS externes. Nous déterminerons le point de débarquement optimal au centimètre près. Notre meilleur opérateur sonar sera à son poste et aidera le Virginia à négocier les petits fonds.
— Qu’est-ce qu’on recherche, au juste ? demanda Kil.
Le capitaine Larsen feuilleta quelques pages des documents confidentiels et s’arrêta sur un cliché pris de loin, à l’insu des autorités chinoises selon toute vraisemblance.
— Je vous présente Zéro, ou « Chang » comme l’ont surnommé les Chinois. Faites passer.
La photo montrait un sujet prisonnier jusqu’au cou dans un bloc de glace datant de l’ère glaciaire. Il portait une combinaison faite d’une sorte d’alliage. Son visage était masqué par la visière d’un casque. Seule la position étrange de ses mains qui dépassaient à peine du bloc de glace indiquait qu’il bougeait toujours.
— Il porte toujours son casque. Ils ne le lui ont pas enlevé ? demanda Kil.
— Non, répondit le capitaine du tac au tac, du moins pas avant que le président chinois ne leur en donne l’ordre. Nous pensons qu’il l’a fait au début du mois de décembre de l’année dernière, d’après les messages interceptés par la NSA qui nous sont parvenus. Le timing est absolument parfait, bien entendu. Nous ne sommes pas en mesure de le prouver, mais les membres du PCG pensent que l’anomalie a débuté quand les chinois ont compromis l’intégrité de la combinaison de « Chang ». Je pense que vous connaissez tous la suite de l’histoire, en 3D.
— Donc on va jusqu’à la base, on pénètre à l’intérieur, et on trouve ce gugusse. Et après ? dit Rex.
— Vous le neutralisez et vous le ramenez au submersible. On le congèle dans le tube lance-torpilles modifié à cet effet, et on le livre aux scientifiques du PCG, répliqua le capitaine Larsen.
— Sauf votre respect, il n’en est pas question, bordel, dit Kil. Vous voulez que je rapporte cette chose en vie à bord du sous-marin et qu’il soit mon copain de chambrée jusqu’à ce qu’on rentre au bercail ? Je suis pas sûr de savoir vraiment ce qu’est ce truc que vous appelez « Chang » mais je peux vous dire une chose : j’ai dû lancer un assaut sur un navire des gardes-côtes infesté pendant que j’étais le responsable militaire de l’Hôtel 23. Trois créatures infectées ont réussi à elles seules à prendre le contrôle de ce bateau. Les membres d’équipage qui ont survécu avaient la possibilité de se jeter à l’eau. Si une épidémie éclate à bord du sous-marin, il n’y aura aucune échappatoire. Qu’est-ce qui vous fait penser que c’est une bonne idée ?
— Ces ordres viennent des plus hautes autorités, du sommet, même, et nous nous contentons de les suivre, affirma le capitaine d’une voix sereine mais déterminée.
— J’entends beaucoup parler du PCG. De qui s’agit-il au juste, et où se trouvent-ils ?
— Le protocole de continuité gouvernementale, tel qu’il existe à ce jour, fut mis en place bien avant votre naissance ou la mienne. Ses membres se trouvent dans une base connue sous le nom de Pentagone deux. Ce sont eux qui prennent les décisions stratégiques depuis la mort du président et les attaques nucléaires. Ils détiennent l’ensemble des pouvoirs de l’exécutif, ce qui implique que, légalement, ils ont autorité sur les forces armées et sur vous, commandant.
— Imaginons un instant que je croie à cette histoire et que nous trouvions ce « Chang », quelle que soit sa nature. Comment est-ce qu’on va réussir à le neutraliser, bon sang ? Avec du chatterton ? En lui gueulant dessus ? La seule chose qui marche avec eux, c’est une balle dans le crâne. On ne peut ni les amadouer ni les raisonner. Ce sont des virus ambulants qui ne veulent qu’une chose : infecter, et infecter encore, s’enflamma Kil qui sentait bien que le capitaine Larsen commençait à perdre patience.
— Le PCG nous a fait parvenir quelques objets avant que vous montiez à bord du porte-avions. Commandant Lundy, montrez-leur le canon.
Quelques secondes plus tard, le commandant Lundy revint en tenant un énorme engin qui ressemblait à un lance-flammes.
— Ceci est un canon à mousse antihordes. Cette arme possède deux buses projetant deux agents chimiques différents qui s’activent lorsqu’ils entrent au contact de l’air et qu’ils se mélangent. En quelques secondes, le composé durcit et devient aussi solide que du béton. Si vous tirez sur « Chang » avec ça, il sera immobilisé. On taillera dans la mousse pour qu’il puisse rentrer dans le lance-torpilles modifié. Si ça tourne mal, on le balance au fond de l’océan, comme un gros étron extraterrestre. C’est propre, et on laisse les requins s’en occuper, déclara le commandant Lundy tout en posant le manuel d’instructions sur la table.
Kil remarqua immédiatement la police de caractères et sa disposition sur le papier imperméabilisé.
— Où se sont-ils procuré cette arme ? demanda-t-il d’un air suspicieux.
— On n’a pas cherché à savoir. Pourquoi ? s’enquit le capitaine Larsen.
— Non, comme ça. Simple curiosité, capitaine.
— Oh, alors maintenant, vous me donnez du « capitaine » après avoir foutu le boxon et fait preuve d’insubordination ?
— Comment réagiriez-vous à ma place, capitaine ?
— C’est pour ça que je n’ai rien dit et que je ne vous ai pas fait enfermer dans la chambre froide ou dans le tube lance-torpilles, ou que je ne vous fais pas passer en cour martiale.
Kil sentait bien que le capitaine Larsen n’était pas vraiment sérieux, mais il se tut comme si ses menaces avaient fait mouche.
— « Chang » n’est pas le seul objectif, ajouta le capitaine Larsen. Vous allez également récupérer ça. (Il désigna une photo d’objets transparents en forme de cube.) Il s’agit de disques durs, en quelque sorte. Coco en sait davantage. À vous.
— À vos ordres, commandant. Ce sont des appareils de stockage des données. Ils gravent des données au laser en trois dimensions, à une échelle nanométrique, à l’intérieur des cubes. Un seul de ces cubes peut contenir plusieurs fois tout le savoir humain. Il en existe peut-être plus d’un. Les Chinois n’ont probablement jamais découvert leur utilité et n’ont pas eu la chance de bénéficier de décennies de recherches pour mettre au point un dispositif de lecture rudimentaire.
— Je ne vais pas me plaindre car ils ont l’air plutôt légers à transporter, du moins plus légers et moins dangereux que ce truc, ce « Chang », mais à quoi bon les rapporter ? demanda Rex.
— Ces cubes renferment peut-être des informations sur l’anomalie, répondit Coco. Nous ne pourrons sûrement pas tout déchiffrer, mais avec un peu de chance nous pourrons lire suffisamment de quadrants pour commencer à développer un vaccin ou quelque chose dans ce goût-là.
Kil recentra la carte stratégique devant lui, car il allait s’en servir pour illustrer son prochain argument. Son doigt se promenait sur la carte au fur et à mesure qu’il parlait.
— Récapitulons, vous voulez bien ? Ce sous-marin va remonter le lit peu profond de ce fleuve sur seize kilomètres ; Rex, Rico, Saien et moi allons accoster à bord du canot ici, puis crapahuter pendant huit kilomètres à l’intérieur des terres. Ensuite, nous allons devoir pénétrer dans la base, trouver la créature, lui tirer dessus avec ce canon à mousse à la noix et revenir au submersible en transportant un extraterrestre vieux de vingt mille ans sans se faire boulotter par quelques milliards de morts vivants chinois. Je n’ai rien oublié ?
— Les cubes de données, avança timidement Coco, à distance raisonnable de Kil.
Le capitaine Larsen attendit quelques secondes que les ricanements s’estompent et que la tension retombe avant de répondre.
— C’est sûr que résumé comme ça, ça ne s’annonce pas très prometteur, mais vous oubliez quelques éléments cruciaux. Primo, nous sommes très loin de Pékin, dans une zone qui était peu peuplée avant que l’épidémie n’éclate et qui n’a pas subi d’attaques nucléaires. Deuzio, nous bénéficierons de l’appui aérien de l’Aurora, qui vous tiendra informés de la situation au sol. Tertio, il s’agit juste d’un aller-retour de seize kilomètres à pied, si vous ne trouvez pas un autre moyen de transport en chemin, ce qui serait un plus. Quarto, vous disposerez d’un stock suffisant de C4 et de détonateurs pour déjouer les mesures de sécurité de la base. Si ça se trouve, les portes ne seront même pas verrouillées.
— Merci pour ces précisions, capitaine. Rex, je pense que nous devrions étudier les documents relatifs à la mission tous les quatre, et définir qui fera quoi et à quel moment. Ensuite, il faudra préparer nos paquetages et pioncer quelques heures avant de débarquer demain. C’est toujours ton équipe ; Saien et moi ne sommes que des consultants, affirma Kil.
— Ouais, c’est pigé. Tout ça m’a pas l’air mal, j’espérais juste que tu te la joues « officier supérieur » pour prendre le contrôle de l’équipe. J’en aurais profité pour te foutre la honte en me la pétant avec mon expertise et mon expérience du terrain, dit Rex.
— Tu peux prendre ça à la légère tant que tu veux, Rex. C’est toi qui mènes la danse.
Kil ne plaisantait pas.
Les quatre hommes veillèrent tard cette nuit-là, discutant de la tactique à adopter et de certains détails comme qui piloterait le canot, qui débarquerait en premier, etc. Ils débattirent du rythme de leur progression et du cap à tenir pour atteindre la base. Ils firent le point sur les fréquences radio tactiques : primaires, secondaires et tertiaires, au cas où le contact radio serait rompu. Rico avait perdu au jeu de la courte paille et transporterait l’encombrant canon à mousse, mais il semblait satisfait d’avoir la possibilité de l’utiliser sur « Chang ». Le capitaine Larsen, Coco et le commandant Lundy prirent congé une heure après le début de cette phase de planification, donnant à Kil la fenêtre dont il avait besoin.
— Très bien, ils peuvent revenir d’un moment à l’autre. J’ai un ami sur le porte-avions qui m’a envoyé une série de messages cryptés avant qu’on perde le contact. Il n’a pas été en mesure de m’en dire beaucoup, mais les scientifiques du PCG ont mené des expériences sur les autres spécimens sur lesquels nous avons été briefés. Il m’a dit qu’ils étaient forts et insensibles aux armes de poing. Pour ma part, je vais prendre ce LaRue calibre 7,62 mm, il devrait dégommer à peu près tout ce qui pourrait croiser notre chemin, mais on aura peut-être besoin de cocktails. Ça avance, Saien ?
— J’y travaille. Je me suis fait des amis à bord. On les aura avec nous quand on partira, le rassura Saien.
— Des questions ? demanda Kil en se tournant vers Rex et Rico. Bon, tout baigne. Rico, emporte ce joujou à mousse avec toi jusqu’au râtelier d’armes. Tu pourras lire la notice pendant qu’on préparera nos armes. J’imagine que la prochaine étape consiste à prendre un stock de chargeurs et à lubrifier nos fusils. Le mien va littéralement dégouliner, hors de question qu’il s’enraye demain.
— Amen, acquiesça Rex.
Ils se dirigèrent tous quatre vers le râtelier d’armes en quête d’une épée digne de terrasser le dragon.