28 août 1821, Paul-Louis Courier est condamné à 2 mois de prison et à 200 francs d’amende pour son pamphlet Simple Discours.
8 décembre 1821, Béranger est condamné à 3 mois de prison pour son recueil de chansons.

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Les libéraux du peuple :
Courier et Béranger

La liberté de la presse, pour Benjamin Constant, est la pierre de touche à la fois de la liberté politique et de la liberté individuelle : grâce à elle, le pouvoir peut être corrigé de ses abus ; grâce à elle, le simple individu peut se sentir personnellement protégé contre ceux-ci – une sorte d’habeas corpus. Cette liberté de la presse avait été instaurée par la Révolution de 1789 et inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Mais la République jacobine et l’Empire ont réintroduit la censure et la répression. Et si l’article 8 de la Charte octroyée par Louis XVIII affirme la liberté d’expression et de publication, ce libéralisme de principe est loin d’être appliqué par la loi. À chaque menace pesant sur le trône, à chaque revers électoral mettant en question le gouvernement en place, le législateur censure, surveille, entrave, réprime les écrits. Mais, à trop sévir contre l’expression des opinions, le pouvoir risque de favoriser des oppositions plus dangereuses, des contestations clandestines, des sociétés secrètes. D’où résulte, tout au long de l’histoire de la monarchie censitaire, un mouvement de pendule entre la liberté et l’autorité, au gré des événements.

Les premières années du nouveau régime sont scandées par ces hésitations gouvernementales. Le principe de liberté, proclamé par la Charte du 4 juin 1814, est presque aussitôt contrarié par la loi du 21 octobre suivant, qui impose l’autorisation royale pour tous les écrits supérieurs à 20 pages, contraint les imprimeurs à déclarer leurs projets d’impression, et ainsi de suite. Ces mesures sont aggravées après les Cent-Jours, jusqu’à la loi de Serre, très libérale, de 1819. L’assassinat du duc de Berry, en 1820, entraîne le rétablissement de l’autorisation et de la censure – laquelle est de nouveau abolie par la loi du 18 mars 1822. En même temps, la loi instaure un délit de tendance permettant tous les arbitraires. La censure est rétablie pour quelques semaines en 1824... Le statut de la presse et de l’imprimerie ne finit pas de varier.

Le pouvoir royal se méfie de l’opinion ; il redoute l’influence de cette presse libérale (les journaux de l’opposition en 1824 représentent les trois quarts des tirages) – La Minerve, Le Constitutionnel, Le Censeur européen... –, tandis que la presse royaliste, comme le montre Le Conservateur de Chateaubriand, est loin d’être docile. Quand on lit dans les attendus des lois de mars 1822 que les cours royales pourront suspendre ou supprimer les journaux ou périodiques supposés « porter atteinte à la paix publique, au respect dû à la religion de l’État, à l’autorité du roi, à la stabilité des institutions constitutionnelles, à l’inviolabilité des ventes des domaines nationaux », on songe inévitablement à la tirade de Figaro : on peut tout écrire à l’exception de ce qu’on pourrait lire1.

Le journal est encore un objet de luxe, qui ne se vend que par abonnement, mais, outre que chaque exemplaire circule de main en main, on peut le trouver dans les cabinets de lecture. Ceux-ci, dans les grandes villes et d’abord à Paris (on en compte près de 500), offrent à un nombreux public à la fois des livres, des journaux, des brochures, des pamphlets, et très souvent au mépris de la réglementation et de la censure. « On ne peut se dissimuler, écrit le préfet de police Delavau, en 1826, que les écrits et les journaux du parti révolutionnaire y jouissent [dans les cabinets de lecture] d’une vogue et d’une préférence marquées, et ces établissements placés sous la main des ennemis du gouvernement sont encore un de ces laboratoires où les libéraux travaillent l’esprit public, et sur lesquels ils ont fondé de grandes espérances2. » C’est dans ce contexte qu’il faut replacer les pamphlets de Paul-Louis Courier et les chansons de Béranger.

 

Paul-Louis Courier a une vocation politique tardive. Né en 1772, il a d’abord été officier d’artillerie selon le vœu de son père. Fin lettré, excellent helléniste, il consacre plus de temps à ses traductions de Xénophon (L’Hipparque et De l’équitation sont publiés à Paris en 1809) qu’à son métier des armes, qu’il abandonne définitivement au lendemain de la bataille de Wagram. Marié en 1814, il continue sa vie d’érudit en Touraine, dans son domaine de la Chavonnière à Véretz. Propriétaire chicaneur, vigneron à ses heures et fier de l’être, indifférent aux tumultes politiques, attelé à ses traductions, il écrit néanmoins en 1816 son premier pamphlet, une Pétition aux deux Chambres, pour protester contre des arrestations arbitraires et des gendarmes trop zélés. À ce moment-là, Courier n’est pas encore le libéral qu’il va devenir, mais il a déjà sa manière : faire de modestes sujets locaux – la condamnation d’un villageois trop insolent avec son curé, une arrivée intempestive de gendarmes dans un hameau... – le point de départ d’une réflexion ou de protestation de plus grande portée. Il a déjà acquis un style, pur, incisif, mordant, ironique – qui le fera comparer par ses contemporains à Voltaire. Rien d’un théoricien à la Benjamin Constant, mais un polémiste dont on apprécie les traits empoisonnés.

Des procès perdus, un échec de sa candidature à l’Académie des inscriptions et belles-lettres3, une rage croissante contre la magistrature et l’establishment, le poussent vers l’opposition politique, en 1819. Pendant près d’un an, il se fait connaître, craindre, et respecter, par une série de lettres publiées par le journal libéral Le Censeur. Il y traite de la liberté individuelle, des arrestations arbitraires ; il y défend la petite propriété contre la grande ; il y vitupère la religion catholique, les courtisans, le parasitisme ; il y fait aussi entendre sa voix pour la liberté de la presse (à un moment, du reste, où celle-ci est respectée et lui permet d’être publié)4. Le grand public apprend son nom, s’amuse de son ironie, répète ses formules – car il a toujours ce souci du concret, du « petit fait vrai », du fait divers suggestif.

Un de ses thèmes favoris est le pouvoir des prêtres, la collusion du Trône et de l’Autel, le rôle occulte de la « Congrégation5 », les désordres causés par les missions qui, à partir de 1816, sillonnent la France pour ramener les Français sur le chemin de l’église et du confessionnal. Il s’en prend au gouvernement qui s’imagine pouvoir servir le retour de la religion ; il se moque de l’auteur du Génie du christianisme qui parle de tout dans son apologie, sauf de théologie. Jusqu’à la fin de sa vie, le vigneron helléniste usera de son talent pour nourrir l’anticléricalisme de ses compatriotes.

La répression de 1820 entraîne le sabordage du Censeur. Qu’à cela ne tienne ! Paul-Louis va continuer son combat à coups de brochures. C’est l’un de ses pamphlets, Simple Discours6, qui provoque son procès et sa condamnation en 1821. Le prétexte en est la souscription lancée par les royalistes, soutenus par le roi, pour l’acquisition du château de Chambord, afin de l’offrir à l’« enfant du miracle », le duc de Bordeaux, sur lequel reposent tous les espoirs de la dynastie royale. Or, après un premier élan de ferveur, la souscription est en panne ; c’est alors que l’administration, se substituant à l’initiative privée, fait pression sur les préfets et les maires pour encourager les donateurs. C’est contre cette espèce d’impôt forcé que Paul-Louis s’élève dans son brûlot : « À la cour tout est grand, jusqu’aux marmitons. Ce ne sont là que grands officiers, grands seigneurs, grands propriétaires. Ces gens qui ne peuvent souffrir qu’on dise mon champ, ma maison ; qui veulent que tout soit terre, parc, château, et tout le monde seigneurs ou laquais, ou mendiants ; ces gens ne sont pas tous à la cour. Nous en avons ici, et même c’est de ceux-là qu’on fait nos députés ; à la cour il n’y en a point d’autres. Vous savez de quel air ils nous traitent, et le bon voisinage que c’est. Jeunes, ils chassent à travers nos blés avec leurs chiens et leurs chevaux, ouvrent nos haies, gâtent nos fossés, nous font mille maux, mille sottises ; et plaignez-vous un peu, adressez-vous au maire, ayez recours, pour voir, aux juges, au préfet, puis vous m’en direz des nouvelles quand vous serez sorti de prison. Vieux, c’est encore pis ; ils nous plaident, nous dépouillent, nous ruinent juridiquement, par arrêt de messieurs qui dînent avec eux, honnêtes gens comme eux, incapables de manger viande le vendredi ou de manquer la messe le dimanche ; qui, leur adjugeant votre bien, pensent faire œuvre méritoire et recomposer l’ancien régime. Or, dites si un seul près de vous de ces honnêtes éligibles suffit pour vous faire enrager et souvent quitter le pays, que sera-ce d’une cour à Chambord, lorsque vous aurez là tous les grands réunis autour d’un plus grand qu’eux7 ? »

Paroles de paysan qu’il feint d’être, de vigneron matois, fils du 4 Août, en guerre contre la noblesse, le ton porte dans cette France rurale de petits propriétaires qui veulent être et rester « libres sur leur champ libre ». Haine des grands, haine de la cour, défense des gens du peuple, il en faut moins pour être traduit, en 1821, devant un tribunal – en l’occurrence la cour d’assises de la Seine. À peine sa comparution notifiée, Courier se défend par un Appel aux âmes dévotes de la paroisse de Véretz : jugé à Paris, il veut rester le porte-parole des villageois. Sa nouvelle brochure, brillante, connaît un joli succès, mais ne l’empêche pas d’être envoyé à Sainte-Pélagie8 pour deux mois et d’écoper de 200 francs d’amende.

La prison ne le calme nullement. Dès 1822, il fait imprimer une savoureuse Pétition pour des villageois que l’on empêche de danser : « Les gendarmes se sont multipliés en France, bien plus encore que les violons, quoique moins nécessaires pour la danse... » Les curés de campagne, « conscrits de l’église militante », en prennent sur la calotte, allant jusqu’à refuser l’absolution des filles venues à confesse si elles ne promettent pas de renoncer à la danse... Paul-Louis en arrive à se porter candidat aux élections de 1822. Craint, surveillé, harcelé, par les agents du ministre de l’Intérieur, il est finalement battu par le candidat royaliste, mais la politique ne le lâche plus. Pour éviter un retour à Sainte-Pélagie, il rédige des pamphlets sous l’anonymat, les fait imprimer à Bruxelles, passer clandestinement la frontière, s’attaquant de nouveau à l’Église, au célibat des prêtres, à la dynastie des Bourbons qui violent leur propre Charte, à la guerre réactionnaire menée en Espagne... On le soupçonne en haut lieu, on l’épie, on l’arrête le 30 octobre 1823, on l’interroge, on perquisitionne à son domicile, sans rien trouver qui le charge. Libre, il écrit encore le Pamphlet des pamphlets, en faveur de la liberté de la presse, encore et toujours. Jusqu’où ira-t-il ? Plus très loin : Paul-Louis Courier meurt assassiné dans sa forêt, d’un coup de fusil, le 10 avril 1825. On pense aussitôt à un attentat politique, un coup des jésuites. N’a-t-il pas eu la prémonition de sa mort : « Prends garde, Paul-Louis, s’écrivait-il à lui-même dans un de ses libelles, les cagots te feront assassiner. » En 1828, Armand Carrel soutient encore la thèse du crime politique dans son Essai sur la vie et les écrits de Paul-Louis Courier. La vérité est plus triviale : Paul-Louis a été tué à l’issue d’un complot de son garde-chasse et de ses valets de ferme. À la suite de déboires conjugaux, Courier s’est séparé de sa femme, au grand dam de ses employés, dont deux d’entre eux partageaient les faveurs de la dame. C’est à la suite d’un second procès, en 1830, qu’on a appris la vérité. Mais Paul-Louis Courier avait si bien personnifié le combat anticlérical que son nom devait longtemps retentir comme celui d’un martyr des jésuites9.

 

À Sainte-Pélagie, Paul-Louis avait reçu bien des visites, parmi lesquelles celle du poète chansonnier le plus populaire de l’époque, Pierre-Jean Béranger, qui, quelques mois plus tard, se retrouva d’ailleurs entre les quatre murs de la même prison. Son efficacité dans la contestation est peut-être plus redoutable que celle de Courier et de Constant. Rien ne perturbe autant le pouvoir que ses couplets tranchants ou satiriques, repris par les foules. Constant tient Béranger en amitié et en admiration ; Chateaubriand le considère comme un grand poète. Goethe, Musset, Stendhal, à un degré moindre Lamartine, Hugo, Heine, Proudhon, Michelet partagent cet avis. George Sand enceinte réclame deux choses à son mari : des bonbons et les chansons de Béranger. Celui-ci aura été sous la Restauration la voix la plus entendue des réfractaires aux Bourbons.

Béranger fait partie des libéraux de gauche. Certains deviendront républicains. Pour l’heure, ils veulent bien d’une monarchie, mais constitutionnelle, fondée sur la volonté du peuple, et nationale, donc opposée aux Bourbons, revenus « dans les fourgons de l’étranger » et soutenus par les Autrichiens, les Russes, les Anglais, qui occupent la France jusqu’en 1818, et qui ont imposé le régime réactionnaire du drapeau blanc. Si ces libéraux se résignent à une monarchie, ils la veulent « tricolore », aux pouvoirs limités, contractuelle. Louis XVIII qui a vécu des années parmi les ennemis de la France reste à leurs yeux l’émigré par excellence.

C’est dans ce milieu libéral, chez les fidèles de La Minerve et de la Bibliothèque historique, deux périodiques très appréciés des cabinets de lecture, que s’impose Béranger. Quadragénaire en 1820, il est issu d’une très petite bourgeoisie de la rue Montorgueil à Paris, où son père tenait les comptes d’un épicier. Il se fait néanmoins appeler Pierre-Jean de Béranger sous la Restauration, particule due à la vanité du père, généalogiste amateur. Le fils s’en excuse, mais la particule lui évite d’être confondu avec « plusieurs Bérenger qui écrivaient à cette époque10 ».

Béranger sait à peine lire et écrire quand on l’envoie à Péronne, chez sa tante Bouvet, qui lui fait découvrir Racine et Voltaire et l’envoie au catéchisme. C’est à Péronne qu’il passe la période révolutionnaire, entre dix et seize ans, années de formation rythmées par les proclamations, les défilés et les chants du clairon. La Révolution, notamment les guerres et les victoires des armées de la République, lui inspirera de nombreuses chansons. En France, le patriotisme a d’abord été une passion de gauche ; Béranger en est l’un des chantres.

C’est à Péronne que l’un de ses amis, Laisney, fils d’imprimeur, l’initie à la prosodie. C’est à Péronne qu’il compose et chante ses premiers refrains, au cœur d’un cercle de joyeux lurons, amateurs de bonne chère et de chansons à boire. En 1796, à seize ans, il est de retour à Paris. Pendant plusieurs années, il cherche un emploi stable : à vingt ans, il est déjà père de famille, après avoir été séduit par une cousine péronnaise plus âgée que lui, que son père hébergeait. En fait, la vraie femme de sa vie fut Judith Frère, originaire de Péronne elle aussi, qui lui sera attachée jusqu’à la fin de ses jours. Les témoins qui la rencontrèrent au temps de sa maturité ne s’accordent pas sur sa physionomie. L’écrivain Louise Colet, dans sa correspondance, juge qu’« elle avait dû être fort belle ». Napoléon Peyrat, dans son Béranger et Lamennais, la juge « très laide, avec des dents ressortantes à la façon des sangliers... ». Quoi qu’il en soit, Judith fut une compagne dévouée, même si, en vieillissant, s’accentuèrent chez elle quelques manies, dont l’amour des chats qui mettait son compagnon au supplice. Nous en resterons là sur la vie privée de Béranger qui n’a jamais fait rêver personne.

Ses débuts officiels remontent à octobre 1803, quand il envoie quelques-unes de ses poésies au frère du Premier Consul, membre de l’Institut et protecteur des Arts ; Lucien Bonaparte, pourtant très courtisé, accepte de recevoir le jeune trouvère, lui prodigue de la sympathie et lui fait verser à partir d’octobre 1804 une pension annuelle de 1 000 francs, assortie d’un arriéré de trois ans. De son exil à Rome, où il a été banni par son frère Napoléon, Lucien Bonaparte continue à protéger Béranger, qui bénéficie également du soutien d’Antoine-Vincent Arnault, écrivain académique apprécié en haut lieu, dont le cercle littéraire établi dans sa maison de Ville-d’Avray deviendra le noyau de La Minerve déjà évoquée.

Soucieux d’une position stable, Béranger sollicite un poste dans l’administration auprès de Fontanes, désormais grand maître de l’Université. Il l’obtient en juillet 1809, devenant alors, aux appointements de 1 200 francs par an, « commis expéditionnaire », place qu’il occupera jusqu’en 1821. Au long de ses années de rond-de-cuir, le protégé de Lucien Bonaparte continue d’aligner les vers en tout genre, y compris le dithyrambe en l’honneur de Napoléon Bonaparte et du Concordat. Pas très anticonformiste, ce premier Béranger ! Non plus que très bon poète, bien qu’il ait l’ambition d’écrire des tragédies. Lucide sur ses capacités, il se fait chansonnier faute de mieux, vers 1812. L’année suivante, il compose la première chanson qu’on retient de lui, « Le roi d’Yvetot », une charge assez prudente contre l’Empire, ce qui lui ouvre les portes du Caveau moderne, présidé par le chansonnier Désaugiers.

Le Caveau moderne est une société chantante qui se réunit dans un restaurant de la rue Montorgueil, Le Rocher de Cancale. Chaque membre y présente ses dernières chansons, se prête à des concours organisés sur des thèmes : chansons à boire, chansons d’amour, couplets gaillards, où Charles Collé et Antoine Désaugiers étaient passés maîtres. Le premier recueil que Béranger fait paraître en 1815 est dans cette lignée, à l’exception du « Roi d’Yvetot », chanson politique opposant les mérites du « bon petit roi » aux abus de monarques avides de conquêtes et d’impôts.

L’invasion de la France et la Restauration ne provoquent pas chez Béranger de sursaut immédiat. Soucieux de ne pas perdre sa place à l’Université, ses chansons sont accommodantes à l’égard du roi restauré. Béranger exprime assez bien le sentiment général de la population : lassitude et espérance. « Le bonheur, le repos, le loisir, voilà, écrit Guizot, les nouveautés dont la France a besoin, qu’elle recevra comme un bienfait et qui l’attacheront par la reconnaissance au gouvernement sous lequel elle aura retrouvé la liberté d’en jouir11. »

Béranger exerce sa verve contre les Anglais, ce qui n’est guère original. Au lendemain de Waterloo, dans « Plus de politique », il déclare ne plus vouloir parler de sa patrie. Il affûte néanmoins ses pointes contre les « girouettes », les Fouché, les Talleyrand, mais aussi les Benjamin Constant, de sorte que son premier recueil peut passer pour l’œuvre du « chansonnier de l’opposition ». C’est pourtant dans les recueils suivants, en 1821, 1825 et 1828, que la part des chansons politiques augmente.

Pour juger du succès croissant de Béranger, il faut rappeler que la majorité des conscrits sous la Restauration ne savent ni lire ni écrire. C’est donc par la chanson, plus que par les journaux, que se propagent les opinions. Comme il existe autant de chansonniers royalistes que de chansonniers d’opposition, les refrains et les couplets se répondent dans certains cafés des grandes villes ; les colporteurs en diffusent les textes à travers la France. Ces établissements deviennent la cible du préfet de police, le gouvernement s’en inquiète.

« À cette époque, témoigne le chansonnier Vinçard, tout concourait à exciter et à entretenir notre ardeur poétique. C’était en 1818, alors que s’établissaient dans plusieurs quartiers de Paris des sociétés chantantes dites goguettes. Elles fonctionnaient librement, sans autre autorisation que celle, tacite, du commissaire de police... Ce qu’il y a de positif, c’est que la plus grande indépendance est laissée à ces réunions, toutes composées d’ouvriers. On chantait et l’on déclamait là toutes sortes de poésies, sérieuses ou critiques, et parmi ces dernières les attaques contre le gouvernement et contre l’Église ne manquaient pas. Les couplets patriotiques de Béranger y étaient accueillis avec enthousiasme12... »

C’est dans ces goguettes, aux noms pittoresques : Les Francs-Gaillards, Les Bergers de Syracuse, Le Gigot, Le Moulin vert, que Béranger commence à devenir célèbre vers 1818. Ses chansons, bien perçues du public populaire auquel il s’adresse, séduisent aussi, par leur facture, les lettrés. Pour Benjamin Constant, « Béranger fait des odes sublimes quand il ne croit faire que de simples chansons ». Son recueil de 1821, comprenant presque autant de thèmes politiques que non politiques, lui vaut d’abord un beau succès : 10 000 exemplaires sont vendus en huit jours ; ensuite, un procès au mois de décembre. C’est qu’un an après l’assassinat du duc de Berry la France est en pleine réaction. Béranger fait figure de « factieux » : « On remarque dans presque toutes ses productions, écrit le préfet de police Anglès au ministre de l’Intérieur, un sentiment bien prononcé de haine et d’hostilité contre le gouvernement du Roi, et sa dernière chanson intitulée “Le vieux drapeau” [en l’honneur des trois couleurs contre l’étendard blanc des Bourbons] est d’autant plus dangereuse qu’elle est destinée à être jetée avec profusion dans les casernes et répandue parmi le peuple... »

Béranger s’en prend aussi aux émigrés, revenus grâce aux ennemis de Napoléon, voulant récupérer leurs droits (y compris l’hypothétique droit de cuissage) et leur puissance d’avant la Révolution. C’est le sujet du « Marquis de Carabas », sur l’air du « Roi Dagobert » :

Prêtres que nous vengeons,

Levez la dîme, et partageons !

Et toi, peuple animal,

Porte encor le bât féodal !

Seuls nous chasserons,

Et tous vos tendrons

Subiront l’honneur

Du droit du seigneur.

Chapeau bas ! (bis)

Gloire au marquis de Carabas !

Comme pour Paul-Louis Courier, l’anticléricalisme s’impose comme un des thèmes majeurs de l’inspiration de Béranger. Non qu’il soit antireligieux. Dans Madame Bovary, Flaubert fait dire à Homais : « Mon Dieu est le Dieu de Voltaire, le Dieu de Béranger. » Béranger confesse un déisme débonnaire et tolérant, dont « le Dieu des bonnes gens » conseille aux humains de « faire l’amour », de « vivre en joie » et de « narguer les grands ». Mais ce Dieu-là n’est pas très catholique, en ces temps où le catholicisme de reconquête – redevenu religion d’État – se fait l’allié d’un royalisme rétrograde. En 1819, le retour des jésuites, exilés de France par Louis XV, lui inspire une de ses plus célèbres chansons, « Les Révérends Pères » :

Deux ans plus tard, il s’attaque aux missions dans « Les diables missionnaires », qui fustigent les « diables cafards ».

Le 8 décembre 1821, Béranger comparaît devant la cour d’assises de la Seine pour son deuxième recueil. La foule est dense. L’avocat général Marchangy fustige des vers pleins « d’agression et d’audace ». L’avocat de Béranger, Dupin aîné, un libéral, ancien défenseur du maréchal Ney, rappelle en vain qu’il ne s’agit que de chansons. Son client écope d’une peine de prison qui le retiendra à Sainte-Pélagie du 19 décembre 1921 au 18 mars 1822. Douce prison : il est choyé par ses admirateurs qui le comblent de cadeaux, de victuailles, de vins de Bourgogne, et jusqu’à une bourriche de gibier offerte par des chasseurs de Vitré. Parmi les visiteurs défilent des ténors de l’opposition libérale, Jouy, Manuel, Laffitte, le général Foy, Sebastiani, ainsi que le jeune Edgar Quinet qui lui apporte son premier livre, Tablettes du juif errant, mais sans pouvoir obtenir du gardien d’être introduit.

À l’extérieur, ses confrères multiplient les couplets en son honneur. Marceline Desbordes-Valmore, alors âgée de trente-cinq ans, lui consacre deux poèmes :

Quoi ! Béranger, quoi ! l’ami de la France,

L’Anacréon de nos jours orageux

Au luth sonore, aux accents courageux,

L’amant aimé d’une jeune espérance,

Il est captif !...

Durant ces trois mois d’enfermement, il continue, entre deux visites, à écrire ses chansons dans la bonne humeur. En fait, la condamnation et l’incarcération de Béranger sont pour lui une étape dans son ascension vers la gloire. En 1822, The Edinburgh Review, une des grandes revues de critique littéraire d’Europe, accorde la qualité de poète au chansonnier. L’année suivante, dans Le Mercure du XIXe siècle, Tissot poursuit la démonstration, compare Béranger à Molière, à La Fontaine, à Horace, en fait le « poète national ». L’expression fait florès. Stendhal, un de ses grands admirateurs, renchérit : « On voit que M. de Béranger, le plus grand poète peut-être que la France possède, ne laisse échapper aucune grande circonstance, aucune grande émotion de l’opinion publique, sans exprimer dans ses vers, ce que le monde à Paris exprime de vive voix. Ses chansons sont donc exactement des odes nationales ; elles s’adressent au sens intime des Français. »

Ces années 1825-1826 valent à Béranger maints éloges de la presse. Dans Le Globe, journal libéral fondé en 1824, Charles de Rémusat met sur le même plan Casimir Delavigne, qui vient d’être reçu à l’Académie française, Lamartine et Béranger. Dans le même journal, Sainte-Beuve, parlant de l’auteur des Méditations, se livre à une comparaison : « C’est une religion que sa poésie : la poésie de Béranger est une pensée, ou mieux, une opinion populaire ! »

Bien qu’hostile à ses tendances politiques, même la presse royaliste lui rend hommage : la Gazette de France, en 1826, en fait l’égal de Lamartine et d’Hugo. Pourtant, l’année précédente, Béranger avait eu l’audace de ridiculiser la prétention de Charles X à renouer avec le rite du couronnement à Reims. Au mois de mai 1825, il compose « Le sacre de Charles le Simple », où il s’inspire du traditionnel lâcher des oiseaux dans la cathédrale :

Chamarré de vieux oripeaux,

Ce Roi, grand avaleur d’impôts,

Marche, entouré de fidèles

Qui tous, en des temps moins heureux,

Ont suivi les drapeaux rebelles

D’un usurpateur généreux.

Un milliard les met en haleine,

C’est peu pour la fidélité.

Le peuple crie : « Oiseaux, nous payons notre chaîne,

Gardez bien votre liberté. »

Cette chanson est reprise dans un recueil publié en octobre 1828, qui vaut à Béranger de nouvelles poursuites judiciaires. Une partie des libéraux est embarrassée, car le procès se déroule en décembre 1828, sous le ministère Martignac, un gouvernement d’ouverture. Mais Béranger n’en est pas moins soutenu comme en 1821. Dupont de l’Eure, député de l’opposition, lui écrit : « Votre cause est celle du patriotisme et de l’honneur français. » La presse libérale, notamment Figaro, créé en 1826, se range à ses côtés.

Béranger passe devant le tribunal de première instance de la Seine, en police correctionnelle, accusé d’outrage à la morale publique et religieuse et d’outrage à la religion de l’État, d’offenses envers la personne du roi et d’attaques contre la dignité royale, enfin d’excitation à la haine et au mépris du gouvernement. Cette fois, il est condamné à 9 mois de prison et à 10 000 francs d’amende. Incarcéré à la prison de La Force, où il reste jusqu’au 22 septembre 1829, il en profite pour composer l’une de ses chansons les plus célèbres, « Le 14 Juillet »14. À nouveau, il reçoit maintes visites (Adolphe Thiers, Auguste Mignet, Victor Hugo, Sainte-Beuve, Alexandre Dumas) et maintes victuailles, tandis que les libéraux organisent une souscription pour recueillir – assez péniblement, à vrai dire – les 10 000 francs d’amende. Dans les derniers mois de la Restauration, la gloire de Béranger est à son apogée ; il est devenu une sorte de « divinité populaire » dont les refrains sont repris en chœur à toute occasion.

Gérard de Nerval, fils d’un médecin de la Grande Armée, qui voue à Béranger l’admiration d’un patriote, publie alors une « Couronne poétique de Béranger » sous le nom de Gérard tout court. Il a vingt et un ans.

Le libéralisme de Béranger a nourri la légende napoléonienne. Face aux Bourbons restaurés, l’image de Napoléon sort elle-même restaurée, embellie, magnifiée, d’abord par ses anciens soldats, réduits par le budget de la Guerre à l’état de « demi-soldes », appauvris, nostalgiques d’un passé glorieux. Ainsi, sans être un thuriféraire de Napoléon, Paul-Louis Courier écrit en 1823 : « Il n’y a pas un paysan dans nos campagnes qui ne dise que Bonaparte vit et qu’il reviendra. Tous ne le croient pas, mais le disent. C’est entre eux une espèce d’argot, de mot convenu pour narguer le gouvernement. Le peuple hait les Bourbons, parce qu’ils l’ont trompé, qu’ils mangent un milliard et servent l’étranger, parce qu’ils sont toujours émigrés, parce qu’ils ne veulent pas être aimés16. »

Les peintres s’en mêlent (Horace Vernet se fait une spécialité des batailles de l’Empire) ; le commerce aussi (tabatières en forme de bicorne, bretelles tricolores, « liqueur des braves »...) Le théâtre n’est pas de reste, ce qui fera dire à Alexandre Dumas dans ses Mémoires : « On venge Leipzig et Waterloo sur le champ de bataille du Gymnase et des Variétés17. »

S’ils ne manquent pas de récuser le régime despotique de Napoléon, les libéraux puisent néanmoins dans la légende napoléonienne en voie de formation une thématique qui sert leur opposition aux Bourbons. Ils ne font pas de Napoléon un demi-dieu, mais beaucoup voient en lui le grand homme qui a porté à travers l’Europe les principes de la Révolution et des Lumières, celui qui a marché sous le drapeau tricolore, symbole de la nation opposé au drapeau blanc, symbole de la Restauration. C’est surtout à partir de 1821, année de la mort de Napoléon, que le culte s’épanouit : monarque éclairé, indépendant de l’Église, héritier de la Révolution, libéral en un mot, voilà le mythe qui se diffuse.

Béranger n’a pas été un pionnier en la matière. Toutefois, quelques-unes de ses chansons contribuent au succès de la légende. En 1820, « Le vieux drapeau » connaît un triomphe. On trouve dans le recueil de 1828 plusieurs de ces chansons, les « Couplets sur la journée de Waterloo », « Les deux grenadiers », « Les souvenirs du peuple », où, en monarque démocratique, Napoléon apparaît fraternel à une grand-mère qui se souvient des trois fois où elle l’a vu, la troisième fois étant un soir de 1814, pendant la campagne de France. L’empereur avait frappé à la porte de sa chaumière, s’était assis au coin du feu, avait bu un verre de vin et fait un somme avant de retourner à la bataille :

On parlera de sa gloire

Sous le chaume bien longtemps

L’humble toit dans cinquante ans

Ne connaîtra plus d’autre histoire.

Béranger, qualifié de « conducteur d’âmes », « dieu des prolétaires », « père du peuple », « immortel chansonnier », « athlète du bon sens, géant de la pensée », « poète le plus complet de son époque », « plus grand poète de ce siècle », « porte-parole de l’esprit français », etc., meurt en 1857. Cent mille personnes assistent à ses obsèques (alors que celles de Musset quelques semaines plus tôt avaient été quasi clandestines). Évoquant son enfance sous la Restauration dans ses Souvenirs littéraires, Maxime Du Camp a laissé une page éloquente sur la goire de Béranger : « À cette époque, un homme en France soulevait les foules et était devenu une sorte de divinité populaire qu’il était criminel de ne point adorer. C’était Béranger, et, comme alors la libération de la Grèce passionnait les cœurs, on l’appelait le Tyrtée moderne. Nul poète peut-être ne vint plus à propos, nul ne sut avec plus d’habileté s’emparer du fait, de l’incident qui mettait momentanément les esprits en émoi, le généraliser, l’envelopper d’une forme facile à retenir et le graver dans la mémoire en le rythmant sur un air connu. » Plus loin, se remémorant deux chansons, « Le vieux caporal » et « Le 14 Juillet », Maxime Du Camp raconte que ses deux oncles reprenaient le refrain en chœur : « À un dernier couplet, on me poussa violemment : “À genoux ! petit, c’est un chant sacré.” On était ému18. »

La réputation de Béranger ne lui survivra pas. L’ami de Du Camp, Gustave Flaubert, pourfendeur du Progrès, du Bourgeois et de la Bêtise, revient à plusieurs reprises sur celui qui lui paraît en être l’incarnation, dans ses romans comme dans sa Correspondance. « Tout ce qu’il y a de plus bas, en France, comme instinct poétique depuis 30 ans, écrit-il à Louise Colet en avril 1853, s’est pâmé à Béranger [...] Je me souviens qu’il y a longtemps, en 1840, à Ajaccio, j’osai soutenir seul, devant une quinzaine de personnes (c’était chez le préfet) que Béranger était un poète commun et de troisième ordre. J’ai paru à toute la société, j’en suis sûr, un petit collégien fort mal élevé19. » Cela n’empêche pas qu’il a été de son vivant, notamment dans les dernières années de la Restauration, considéré comme un auteur majeur, à l’égal des plus grands de son temps20.

Revenu de cette admiration, on ne saurait cependant négliger l’influence de Béranger dans la formation d’une culture politique, faite d’opposition à l’Ancien Régime, à la noblesse, à l’alliance du Trône et de l’Autel, et dans l’exaltation de l’élan patriotique. À une époque où la liberté de la presse demeurait un combat et où la majorité de la population était encore analphabète, la chanson politique fut un média de masse, dont on a peine à mesurer l’exacte influence. Les témoignages, les souvenirs, les divers documents dont nous disposons laissent cependant deviner une audience dans les diverses couches de la société. Il est intéressant de noter ainsi qu’Eugène Pottier, le futur auteur de L’Internationale, a dédié à Béranger, en juillet 1831, un premier recueil, La Jeune Muse (Pottier avait quinze ans), où l’on peut lire :

Quoi ! Béranger, tu nous cèdes la place !

Le temps déjà glacerait ta voix ?

De vils flatteurs ne vois-tu pas la race

Renaître dans le palais des rois ?

Des préjugés, ils relèvent le temps

Lorsque de fers on voudrait nous charger

Exauce-nous, la France te contemple

Reprends ta lyre, ô divin Béranger !

Nous devons donc faire preuve d’imagination. Ce « poète grivois », dont Baudelaire détestait les « polissonneries », a marqué son temps, et donné à la chanson française politique un statut qu’elle n’avait jamais eu avant lui.

Notes

1. C. Bellanger et al. (dir.), Histoire générale de la presse française, II, De 1815 à 1871, PUF, 1969.

2. F. Parent-Lardeur, Lire à Paris. Les cabinets de lecture à Paris au temps de Balzac, 1815-1830, Éditions de l’EHESS, 1981, rééd. 1999, p. 241.

3. Occasion d’un nouveau pamphlet : Lettres à Messieurs de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1819.

4. P.-L. Courier, Œuvres complètes, Gallimard, La Pléiade, 1951.

5. La Congrégation de la Sainte-Vierge, créée en 1801, interdite sous l’Empire, de nouveau autorisée en 1814, recrute dans l’élite royaliste. On la confond parfois avec les Chevaliers de la Foi, auxquels adhèrent certains de ses membres, militants actifs de l’alliance du Trône et de l’Autel.

6. Titre exact : Simple Discours de Paul-Louis Vigneron de la Chavonnière aux membres du Conseil de la Commune de Véretz département d’Indre-et-Loire, à l’occasion d’une souscription proposée par S.E. le ministre de l’Intérieur pour l’acquisition de Chambord (1821).

7. P.-L. Courier, op. cit., p. 79-80.

8. Située rue du Puits-de-l’Ermite, cette maison d’arrêt, ancienne maison de correction pour filles de mauvaise vie, est devenue sous la Révolution une prison pour les prisonniers politiques. Elle est alors affectée aux prisonniers pour dettes et aux détenus politiques, et notamment aux écrivains et journalistes condamnés pour délits de presse. Elle sera démolie en 1895.

9. L. Desternes, Paul-Louis Courier et les Bourbons, Éditions des « Cahiers bourbonnais », 1962.

10. J. Touchard, La Gloire de Béranger, Armand Colin, 1968, p. 25.

11. Cité par C.-H. Pouthas, Guizot sous la Restauration, Plon, 1923, p. 41.

12. Cité par J. Touchard, op. cit., I, p. 204. Les autres citations sans référence sont tirées de cette thèse consacrée à Béranger.

13. P. Barbier et F. Vernillat, Histoire de France par les chansons, VI, La Restauration, Gallimard, 1958.

14. Ibid., p. 114.

15. Gérard de Nerval, Œuvres, Michel Lévy, 1877, VI, p. 41-44.

16. P.-L. Courier, « Livret de Paul-Louis Courier, vigneron, pendant son séjour à Paris, en mars 1823 », in Œuvres complètes, op. cit., p. 173.

17. A. Dumas, Mes Mémoires, II, 1860-1833, Robert Laffont, « Bouquins », 1989, p. 311.

18. M. Du Camp, Souvenirs littéraires, Hachette, 1906, I, p. 22 et p. 25.

19. G. Flaubert, Correspondance, II, 1851-1858, Gallimard, La Pléiade, 1980, p. 316.

20. Julien Gracq : « Ses vers, lorsqu’ils arrivent aux oreilles des connaisseurs, du fond de l’énorme caisse de résonance de la rue parisienne, se transfigurent d’être portés sur une espèce de gloire sonore et confuse dont ils ne sont plus séparables : il est à croire que les contemporains, même du goût le plus fin, ne les entendaient littéralement pas » (La Littérature à l’estomac, in J. Gracq, Œuvres complètes, Gallimard, La Pléiade, 1989, I, p. 545).