1831, arrivée de Henri Heine à Paris.
1843-1844, Marx à Paris.

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Henri Heine, Karl Marx,
des Allemands à Paris

La Revue indépendante consacre en 1843 un article à l’« École de Hegel à Paris », faisant allusion à l’activité intellectuelle des hégéliens de gauche, au premier rang desquels Arnold Ruge et Karl Marx, qui viennent de lancer les Annales franco-allemandes. Les Allemands, des ouvriers aux artistes, sont alors fort nombreux dans la capitale française. Car Paris n’est pas seulement la ville boueuse et criminelle décrite par Eugène Sue ; c’est aussi la Babylone moderne, centre d’attrait de toutes les provinces et de tous les pays d’Europe.

« Il est en province trois sortes de supériorités qui tendent incessamment à la quitter pour venir à Paris, écrit Balzac, et nécessairement appauvrissent d’autant la société de province, laquelle ne peut rien contre ce constant malheur. L’Aristocratie, l’Industrie et le Talent sont éternellement attirés vers Paris, qui engloutit ainsi les capacités nées sur tous les points du royaume, en compose son étrange population et dessèche l’intelligence nationale à son profit. [...] Ce malheur n’existe ni en Italie, ni en Angleterre, ni en Allemagne, ni dans les Pays-Bas, où dix villes capitales offrent des centres d’activités différents, tous remarquables par leurs mœurs, leurs attraits spéciaux. [...] Là gît une des causes principales de la facilité avec laquelle la France change de gouvernements, de dynasties, et se révolutionne au grand détriment de sa prospérité1... »

La centralisation parisienne a sans doute les mauvais côtés dénoncés par Balzac, mais elle offre à la capitale française une puissance de séduction sans rivale. Réceptacle de tous les talents et de toutes les ambitions, Paris est aussi la ville de la liberté. La révolution de Juillet a confirmé la prise de la Bastille : ici, le peuple est libre, les individus sont affranchis de la tutelle religieuse qui, en province et à l’étranger, surveille et condamne. La presse aussi est quasi libre, et l’opposition au pouvoir peut se manifester jusqu’à des limites inconnues ailleurs. D’autant que dans les années de la monarchie de Juillet, Paris connaît un bouillonnement intellectuel qui en fait la capitale de la pensée socialiste et communiste : le jeune Marx s’y frotte en 1843. Mais, un grand poète l’a précédé, venant d’Allemagne, lui aussi, et devenu rapidement plus parisien que les Parisiens de naissance : Henri Heine.

Heine est à Paris depuis 1831, après avoir nourri longtemps un amour raisonné de la France. Né en 1797 au sein d’une famille de la bourgeoisie juive de Düsseldorf, il a connu, enfant, l’occupation des troupes napoléoniennes, en 1806. Les pays rhénans, toute la rive gauche du Rhin, sont annexés. Le grand-duché de Berg, dont la capitale est Düsseldorf, est alors créé sous la présidence nominale de Murat, regroupant 16 anciens États allemands et environ 900 000 habitants. La loi française y est appliquée : abolition du servage et de la féodalité, égalité des droits, émancipation des juifs. La famille Heine héberge un soldat français, dont Heine fera plus tard Le Tambour Legrand, qui initie le jeune garçon aux chants et aux idées de la France révolutionnaire. L’émotion s’empare de l’adolescent quand il lui est donné de voir, en chair et en os, à Düsseldorf, en novembre 1811, cet empereur auquel il voue désormais un culte : « Hosannah ! L’Empereur !... Napoléon, avec sa suite, chevauchait au milieu de l’allée, les arbres semblaient s’incliner à mesure qu’il avançait, les rayons du soleil comme des regards curieux, perçaient le vert feuillage, et sur le ciel bleu, on voyait distinctement étinceler une étoile d’or. L’Empereur portait son simple uniforme vert et le petit chapeau historique. Il montait un coursier blanc, et le cheval marchait si fier, si paisible, avec tant d’assurance et de noblesse2... »

La chute de l’Empire napoléonien, applaudie par les nationalistes allemands, n’est pas avantageuse pour les juifs, dont l’édit d’émancipation est révoqué. Quel avenir pour un jeune lettré comme Heine, qui ne veut pas épouser la profession de ses proches, le commerce et la banque ? Il lui faut pourtant accepter de travailler auprès de son oncle, Salomon Heine, riche banquier à Hambourg. Henri confie son désarroi à ses premiers poèmes, adressés sous pseudonyme au Moniteur de Hambourg, qui les publie sans se douter qu’ils sont d’un juif. Cette condition juive, Heine l’éprouve douloureusement dans le grand port allemand, où il peut assister au spectacle écœurant de manifestations de rue antisémites. Finalement, son inaptitude au commerce étant patente, Heine reçoit la permission de son oncle d’aller faire ses études de droit à Bonn.

Henri Heine ne se sentira jamais à l’aise parmi les étudiants, buveurs de bière et adeptes des traditions folkloriques des universités successives qu’il fréquente : Bonn, Göttingen, ou même Berlin. Mais, dans la capitale prussienne, il se trouve du jour au lendemain consacré poète, après que l’éditeur Gubitz a publié son premier recueil, en 1821. À Berlin encore, il entre dans une association d’intellectuels juifs, dirigée par un élève de Hegel, Eduard Gans. Leur but est de s’affirmer comme Allemands juifs, juifs de langue allemande, à la fois contre les traditionalistes religieux et les conservateurs allemands. Refusant le judéocentrisme, Heine s’attache à considérer la condition juive et l’émancipation des juifs dans le cadre élargi de l’émancipation humaine. Tout en assumant pleinement son identité juive, il acquiert la conviction que les deux sont inséparables, idée dont on retrouvera l’écho sous la plume de Marx, dans les Annales franco-allemandes, à Paris : « Juifs, vous êtes des égoïstes, quand vous réclamez pour vous une émancipation spécialement juive ; vous devriez, comme Allemands, travailler à l’émancipation de l’Allemagne et, comme hommes, à celle du genre humain. »

L’Allemagne, qui ne sera unifiée qu’en 1871, reste une mosaïque d’États groupés dans la Confédération germanique. Après Waterloo, l’ordre imposé par le Congrès de Vienne et la Sainte-Alliance étouffe le mouvement libéral. L’association d’étudiants qui en porte au plus haut les couleurs, la Bur schenschaft, dont le siège principal est dans la ville universitaire d’Iéna, est dissoute ; la censure pèse sur la presse ; les universités sont surveillées. Au moment de son doctorat en droit, Heine s’avise que pour obtenir un poste il lui faut être protestant. Qu’à cela ne tienne, comme Gans et tant d’autres, il se convertit. Peine perdue : il n’en tire aucune place, car ses écrits publics l’ont rendu suspect aux autorités.

Soutenu par son oncle, Heine entre alors de plain-pied dans la carrière des lettres. Il publie des Lieder, des Tableaux de voyage, Le Tambour Legrand, autant d’ouvrages qui le mettent de plus en plus en contradiction avec l’Allemagne conservatrice de son temps. Il tâte aussi du journalisme, comme rédacteur, à Munich, aux Politische Annalen, dirigées par le baron Johann Friedrich Cotta, éditeur de Goethe, de Schiller et de Hegel. Dans la Bavière catholique, il prend conscience du poids du catholicisme comme il a pu éprouver ailleurs celui du protestantisme luthérien : « Sans les religions d’État, sans les privilèges du dogme et du culte, l’Allemagne, note-t-il dans son Journal, serait une et forte, et ses fils seraient grands et libres [...] Mais notre patrie est déchirée par les dissidences religieuses [... ] ce ne sont partout que soupçons à l’égard d’un crypto-catholicisme, ou d’un crypto-protestantisme, partout accusations d’hérésie, espionnages d’opinion, piétisme, mysticisme, délation de gazettes ecclésiastiques, haine des sectes [...] et, pendant que nous discutons du ciel, nous nous perdons sur cette terre. L’indifférence religieuse serait peut-être le seul moyen de nous sauver, et l’affaiblissement de la foi pourrait donner à l’Allemagne une grande force politique. » Le programme des hégéliens de gauche ou Jeunes Hégéliens – Feuerbach, Bauer, Strauss, Marx... – est déjà énoncé.

Au-delà de l’Allemagne, Heine se sent appartenir à une civilisation plus vaste, celle de l’Europe. Au moment même où le mouvement des nationalités attend de remporter ses premiers succès, il s’élève à l’idée de l’émancipation au-delà des frontières nationales et communautaires : « Non pas seulement, écrit-il, celle des Irlandais, des Grecs, des Juifs de Francfort, des noirs d’Amérique, mais bien l’émancipation du monde entier, surtout celle de l’Europe qui est devenue majeure. » À ses yeux, la France a montré le chemin. La révolution de 1830 le conforte dans la conviction que les Français portent la liberté dans leur cœur. À Hambourg, où il séjourne cette année-là, il découvre une population en liesse : « Même ici où la haine des Français a pris de si profondes racines, il règne maintenant un indicible enthousiasme pour la France. On a tout oublié, Davoust3, la banque volée, les bourgeois fusillés, le costume germanique, les mauvais vers patriotiques, toutes les niaiseries de 1814 – tout est oublié. » On voit des drapeaux tricolores aux fenêtres, on chante La Marseillaise dans les rues, on traduit à haute voix les journaux français dans les cafés. L’Allemagne va-t-elle suivre l’exemple français ? De nouveau, Heine postule une chaire à l’université de Berlin ; il doit rapidement déchanter : l’Allemagne n’est pas encore mûre pour faire de lui un de ses fils à part entière.

Tandis que Heine, qui se nourrit de la presse française, surtout du Globe saint-simonien, conçoit la libération des peuples grâce à l’expansion industrielle, comme le prêchent Enfantin et ses amis, la réaction, une fois encore, sévit dans la Confédération germanique. À Hambourg est publié un ouvrage du comte von Moltke, sur la noblesse et ses rapports avec la bourgeoisie (Über den Adel und dessen Verhältnis zum Bürgerstand), qui développe l’idée de la suprématie morale et culturelle de l’aristocratie. Un libelle anonyme lui répond, dont la préface est attribuée aussitôt – et à juste titre – à Henri Heine : « Le coq gaulois a chanté pour la seconde fois et le jour pointe en Allemagne aussi. Les ombres et les revenants mystérieux fuient. Le peuple allemand ne pouvait rien attendre de bon de ses seigneurs qui n’avaient pas d’autre souci que la chasse [...], la battue contre les idées libérales. » Dans ce texte, il développe une idée force qu’il reprendra, savoir que la philosophie allemande a accompli, en théorie, la révolution contre l’Ancien Régime, tandis que le peuple français la réalisait en pratique4. Kant, Fichte, Hegel, ont bouleversé de leurs écrits le vieux monde, mais en restant des penseurs plus ou moins isolés ; la France, elle, a su montrer l’exemple de l’action révolutionnaire. Autre idée qu’on retrouvera chez Marx, lecteur attentif et enthousiaste de Heine.

Partir, quitter au moins provisoirement l’Allemagne engoncée dans son conservatisme, son folklore, indifférente aux leçons de ses poètes et de ses philosophes ! Il n’y avait qu’un pays à gagner pour vivre la liberté : la France. Qu’une ville, pour la respirer à pleins poumons : Paris. « En tant qu’artiste, écrira bientôt Nietzsche, on n’a, en Europe, de patrie qu’à Paris. »

Passant le Rhin le 1er mai 1831, Heine gagne Paris peu après, où il entre par la porte Saint-Denis : « Je fus vraiment surpris de la foule de gens parés qui se pressaient dans les rues, tous habillés avec tant de goût qu’ils ressemblaient aux figures d’un journal de modes. Ce qui m’imposait encore plus, c’est que tout le monde parlait français, cette langue qui est chez nous la marque distinctive des gens de qualité ; ici, le peuple entier est donc d’aussi bonne compagnie que chez nous la noblesse. L’urbanité et la bienveillance se lisaient sur tous les visages. Que ces hommes étaient polis, que ces jolies femmes étaient souriantes ! Si quelqu’un me bousculait par inadvertance sans me demander pardon aussitôt, je pouvais parier que c’était un de mes compatriotes ; et si quelque belle montrait une mine rechignée et aigrelette, j’étais sûr qu’elle avait bu du vinaigre ou qu’elle savait lire Klopstock dans l’original. [...] Et avec cela brillaient encore par-ci par-là les feux du soleil de juillet. Les joues de la magnifique et voluptueuse Lutèce étaient encore rouges des baisers de flamme de ce soleil, et, sur la poitrine de marbre de la belle cité, le bouquet de fiancée n’était pas encore tout à fait flétri. Il est vrai que çà et là, sur les coins de rue, la devise nuptiale : Liberté, Égalité, Fraternité était déjà effacée. Les jours de noces passent si vite5 ! »

De fait, Heine, l’euphorie retombée, doit prendre la mesure du nouveau despote qui règne en France, l’argent. Correspondant de l’Allgemeine Zeitung d’Augsbourg, il en dénonce les méfaits dans une série d’articles qui, recueillis en livre, deviendront De la France6, en 1833. Dans une préface, Heine en profite pour faire aussi la leçon aux Allemands, à la Prusse et à Frédéric-Guillaume III. Sainte-Beuve lui consacre son feuilleton du National : « M. Heine n’était pas connu chez nous avant la révolution de Juillet, et aujourd’hui il est tout à fait naturalisé ; il est des nôtres autant que le spirituel Grimm l’a jamais été. » Décrivant la pédagogie double de Heine, son art de parler aux Français des Allemands, et aux Allemands des Français, Sainte-Beuve écrit : « Il a profondément la haine de l’aristocratie, comme on l’aurait en France si l’aristocratie y était et y pouvait redevenir quelque chose ; il a la haine du christianisme comme on ne l’aurait même pas chez nous si le jésuitisme avait régné et tracassé plus longtemps ; sur ce point, M. Heine est beaucoup plus railleur qu’il ne convient à notre indifférence acquise ou à notre religiosité renaissante7. »

Quoi qu’il en soit, Heine est définitivement intégré en France, où il reste sans fixer sa date de retour, bien que l’exil souvent lui pèse. La société parisienne des écrivains et des artistes en fait un des siens, même si certains, comme Victor Hugo, se méfient de son persiflage et, comme Sainte-Beuve, aimeraient lui voir « un peu moins d’esprit ». Il fréquente notamment le salon de Marie d’Agoult, à l’hôtel de France, où il fait la connaissance de Franz Liszt, George Sand, Eugène Sue, Frédéric Chopin... Il devient un familier de Théophile Gautier. À La Revue des deux mondes, il retrouve George Sand (Lélia est une de ses lectures favorites), chez laquelle il rencontre Lamennais, se lie d’amitié avec Balzac, aime à se retrouver dans la compagnie spirituelle de Béranger, d’Alexandre Dumas.

Victor Bohain, qui vient de fonder L’Europe littéraire, où il fait paraître des textes de Balzac, d’Hugo, de Sue, de Vigny, de Dumas, propose à Heine, rencontré dans les milieux saint-simoniens, de présenter en quelques articles la nouvelle littérature allemande. Ces chroniques et celles qui suivent, après la faillite de Bohain, dans La Revue des deux mondes, sont à l’origine d’un de ses ouvrages les plus célèbres, sinon le plus célèbre, De l’Allemagne, en 1835. Heine reprend volontairement le titre qui a fait le succès de Mme de Staël vingt-cinq ans plus tôt : « Je le déclare franchement, écrit-il : je n’ai cessé d’avoir en vue le livre de cette grand-mère des doctrinaires, et c’est dans une intention de redressement que j’ai donné au mien ce même titre De l’Allemagne. » D’autant que les descriptions de Mme de Staël sur l’Allemagne font encore autorité en France. Dans un chapitre méchant et spirituel, il se moque de la fille de Necker, fuyant la France de Napoléon, pour venir se ressourcer à la littérature allemande : « Je vois la femme passionnée s’agiter avec toute sa fougue impétueuse, je vois cette tempête en jupons tourbillonner à travers notre tranquille Allemagne, en s’écriant partout avec ravissement : Oh ! quelle douce paix je respire ici ! – Elle s’était échauffée en France, et elle vint chez nous pour se rafraîchir. Le chaste souffle de nos poètes fit tant de bien à son cœur bouillant et embrasé ! Elle regardait nos philosophes comme autant de sortes de glaces, elle humait Kant en sorbet à la vanille, et Fichte en pistache ! – Oh, quelle charmante fraîcheur règne dans vos bois ! – s’écriait-elle constamment ; – quelle ravissante odeur de violettes ! comme les serins gazouillent paisiblement dans leurs petits nids allemands ! Vous êtes un bon et vertueux peuple, et vous n’avez pas encore l’idée de la corruption des mœurs qui règne chez nous en France, dans la rue du Bac8 ! »

Cette image romantique de l’Allemagne, Heine la rejette. Il fait l’éloge de Kant (malgré son style « si terne, si sec, vrai style de papier gris »), considère Hegel comme le plus grand philosophe allemand depuis Leibniz, mais fustige les chefs de la « tribu romantique », Fichte (« L’idéalisme de Fichte est une des erreurs les plus colossales que l’esprit humain ait jamais couvées »), Tieck (« manque de force et de résolution »), Novalis (« la nuance rose qui domine dans les écrits de Novalis n’est pas la couleur de la santé, mais l’éclat menteur de la phtisie »), Werner (« le plus effroyable fanatisme religieux règne dans toutes ses compositions »), et par-dessous tout Schlegel (accompagnateur de Mme de Staël en Europe, dont le principal mérite est la « propagation de l’élégance » : grâce à lui, il se diffusa « un peu de civilisation dans la vie des poètes de l’Allemagne »).

Heine ne se contente pas d’enterrer le romantisme, trop religieux et moyenâgeux ; il s’en prend à ce que le romantisme, selon lui, a favorisé dans sa patrie, le conservatisme, l’esprit de soumission germanique et la nouvelle religion nationaliste. Opposant terme à terme la France à l’Allemagne, il dénonce le caractère essentiellement antifrançais de la propagande nationaliste allemande : « Le patriotisme du Français, écrit-il, consiste en ce que son cœur s’échauffe, qu’il s’étend, qu’il s’élargit, qu’il enferme dans son amour, non pas seulement ses plus proches, mais toute la France, tout le pays de la civilisation ; le patriotisme de l’Allemand, au contraire, consiste en ce que son cœur se rétrécit, comme le cuir par la gelée, qu’il cesse d’être un citoyen du monde, un Européen, pour n’être plus qu’un Allemand borné. » Définition par Heine de la teutomanie en trois thèmes : nationalisme, antisémitisme, « mesquinerie raciale ». Metternich, alerté, écrit au ministre prussien Wittgenstein, pour protester contre cet ouvrage d’un esprit « conspirateur ». Un des effets de cette intervention est que, en cette même année 1835, la Diète de Francfort vote une loi, restée connue sous le nom de lex Heine, interdisant les publications de la Jeune Allemagne, un groupe littéraire libéral, auquel Heine est lié.

Grâce à Thiers, devenu président du Conseil, et qui a de l’amitié pour lui, Heine, considéré comme un réfugié politique en France, bénéficie d’une pension de l’État. Mais Thiers quitte les Affaires étrangères et Guizot lui succède. Heine, qui n’a guère ménagé son conservatisme dans ses articles, lui demande une audience. Le ministre le rassure : il n’a nullement l’intention de « refuser un morceau de pain à un poète allemand en exil » – noble attitude peu habituelle dans les cours étrangères. Heine ne s’en trouve pas compromis pour autant ; il continue à écrire ce qu’il pense de la monarchie de Juillet : ce n’est pas un vendu, comme tentera de le faire accroire une campagne menée contre lui dans son pays d’origine. Cette pension représente alors le tiers de ses revenus ; un autre tiers lui est assuré par les versements réguliers du bon oncle Salomon, homme d’affaires qui ne s’attendait pas à devenir l’ami des poètes ; le dernier tiers, par le produit de ses œuvres. L’aide du gouvernement français n’est pas négligeable à un moment où Henri Heine se marie avec la coquette Crescence-Eugénie Mirat, qu’il appelle Mathilde, et qu’il comble de cadeaux.

À l’occasion du retour des cendres de Napoléon, Heine renoue avec Thiers qui est à l’origine de cette initiative : tous les deux communient dans le souvenir bonapartiste. Lamartine, au nom de la paix, formule des objections ; Heine lui réplique. Pour lui, Napoléon n’est pas l’incarnation du despotisme et du militarisme, il reste l’émancipateur, le libérateur, et aussi l’exemple de l’esprit d’égalité et de l’énergie révolutionnaire. Heine se fond donc dans la foule qui assiste à la cérémonie, aux Champs-Élysées, sous l’Arc de Triomphe : « Ce jour-là, j’ai pleuré ; les larmes me sont venues aux yeux quand j’ai entendu le cri d’amour, oublié depuis longtemps : “Vive l’Empereur !” »

C’est dans les années qui suivent que Henri Heine se lie avec l’un des plus brillants disciples de Hegel, Karl Marx. Celui-ci, d’une vingtaine d’années son cadet, arrive à Paris en 1843. Fils d’un juif converti au luthéranisme deux ans avant sa naissance, Marx, lui-même baptisé, a fait ses études de droit et de philosophie à Bonn et à Berlin. Comme Heine, qu’il admire, il s’est d’abord essayé à la poésie, à laquelle il a le mérite de renoncer assez vite, avant de trouver sa voie dans la philosophie, et cette philosophie qui domine alors l’université allemande et passe pour une sorte de philosophie officielle de l’État prussien : la philosophie de Hegel. Celle-ci est alors l’objet d’interprétations et d’adaptations diverses, entre lesquelles se dégagent celles des Jeunes Hégéliens – ou hégéliens de gauche – qui se livrent à la critique radicale de la religion. Ils ont un organe de presse depuis 1838, les Hallische Jahrbücher (Annales de Halle)9, fondées par Arnold Ruge, ancien membre de la Burschenschaft, et désormais Privatdozent à Halle. Cette revue au libéralisme radical, professant bientôt l’athéisme et le républicanisme, est devenue le lieu de rencontre des disciples émancipés de Hegel et autres esprits non conformistes, David Strauss, Bruno Bauer, Adolf Rutenberg, Karl Köppen..., auxquels vient se joindre, à vingt ans, Karl Marx, bien vite reconnu comme le plus brillant des Jeunes Hégéliens berlinois. Ayant soutenu son doctorat de philosophie à l’université d’Iéna en 1841, Marx doit se rendre à la même évidence que son aîné Heine : il n’y aura aucun poste pour lui à l’Université. C’est dans le journalisme qu’il va donner libre cours à sa verve polémique autant qu’à sa puissance théorique. Il se met d’abord à la disposition des Annales allemandes, autre revue de Ruge, mais se heurte d’emblée à la censure ; il finit par trouver sa place à la Reinische Zeitung (la « Gazette rhénane »), à Cologne, en compagnie d’autres Jeunes Hégéliens, Moses Hess et Adolph Rutenberg. Marx publie alors une série d’articles sur les travaux de la Diète rhénane, analysant les débats, s’attaquant avec brio à la question de la liberté de la presse, faisant preuve dans tous ses écrits d’un rare talent. Marx, notamment, doit répondre aux attaques de l’Augsburger Allgemeine Zeitung, le journal même où paraissent les articles de Heine10 : la Reinische Zeitung se voyant reprocher par son confrère ses sympathies communistes. Marx réplique que les idées communistes, comme celles de Leroux, de Considérant, de Proudhon, méritent la plus grande attention et doivent être soumises à la critique radicale. En janvier 1843, le journal de Marx (promu rédacteur en chef) s’attire les foudres du gouvernement de Berlin, qui ne lui laisse plus qu’un sursis : « Quand notre numéro est achevé, écrit Marx à Ruge, le 25 janvier 1843, il doit être mis sous le nez de la police pour être reniflé, et si elle y flaire quelque odeur antichrétienne et antiprussienne, alors le journal ne peut paraître11. » Dans cette même lettre, Marx exprime son dégoût : « Il est mauvais d’accomplir un travail dans la servitude, fût-ce pour la cause de la liberté, et de lutter à coups d’épingles au lieu de combattre à coups de crosses. J’en ai assez de l’hypocrisie, de la sottise, de l’autorité brutale, j’en ai assez de notre docilité, de nos dérobades et de nos courbettes, j’en ai assez de jouer sur les mots. Le gouvernement m’a rendu ma liberté... je ne peux plus rien entreprendre en Allemagne, on s’y falsifie soi-même. »

À cette époque de sa vie – nous sommes en 1843 –, Marx n’a pas encore élaboré ses idées proprement socialistes. Le premier travail critique qui s’impose à ses yeux comme à ceux de tant d’autres hégéliens de gauche est la critique de la religion, dans le droit-fil de la philosophie des Lumières, renouvelée par la dialectique hégélienne. Il partage les idées de Ludwig Feuerbach qui, dans un livre clé paru en 1841, Das Wesen des Christentums (L’Essence du christianisme), développe l’idée force que c’est l’homme qui invente Dieu et la religion, et non l’inverse. La critique de la société, la critique de la politique, passent d’abord par la critique de l’aliénation religieuse de l’homme, qui est le support de sa condition mystifiée.

Dans l’impossibilité de continuer à publier ses articles en Allemagne, Marx est décidé à s’exiler. Ruge lui propose alors de collaborer à une nouvelle revue dont le siège serait hors de l’État prussien. Les deux hommes se mettent d’accord sur un titre, les Annales franco-allemandes, qui suggère une collaboration « gallo-germanique », selon l’expression de Feuerbach (la « tête germanique » et le « cœur français »), et qui entend libérer la France de l’oppression religieuse et l’Allemagne de l’oppression politique.

Avant de quitter l’Allemagne, Marx est décidé à mettre en ordre sa vie privée. Il explique à Ruge, dans une lettre du 9 juillet 1842, que ses fiançailles avec Jenny von Westphalen s’éternisent en raison de la mauvaise volonté des parents de la « plus belle fille de Trèves », la « reine du bal » : « Je peux vous assurer sans aucun romantisme que je suis amoureux de la tête aux pieds et le plus sérieusement du monde. Il y a plus de sept ans que je suis fiancé, et ma fiancée a dû livrer pour moi les combats les plus durs, au point d’y ruiner presque sa santé, tantôt avec sa parenté – des aristocrates piétistes pour qui “le Seigneur du ciel” et “le seigneur de Berlin” sont l’objet d’un même culte –, tantôt avec ma propre famille, où se sont glissés quelques prêtres et autres personnes qui m’ont en grippe. » Assuré de sa situation matérielle (ses appointements de rédacteur sont fixés à 500 thalers, grâce au projet de Ruge), Karl peut épouser Jenny le 19 juin 1843. Après quelques hésitations, Paris est préféré à Strasbourg et à Bruxelles pour la publication de la revue projetée, et Marx et sa femme s’installent dans la capitale française, 38, rue Vaneau, en novembre 1843.

La mise en forme de la revue ne répond pas exactement aux vœux de ses fondateurs, car les Français sollicités, Lamartine, Lamennais, Blanc, Leroux, Proudhon, se défilent l’un après l’autre, de sorte que les Annales franco-allemandes, dans son premier, double, et dernier numéro, paru en février 1844, n’est « franco » que d’intention : le « cœur français » a flanché (et tout est écrit en allemand). Ce refus de participation a sans doute des causes circonstancielles. Leroux s’affaire alors à Boussac sur son projet de pianotype et de communauté de typographes. Mais on ne peut expliquer toutes ces absences par des causes fortuites. Le décalage entre les socialistes français et les Jeunes Hégéliens de Paris porte sur la question religieuse. Les socialistes français de l’époque, les républicains avancés, même ceux qui se réclament du communisme, n’ont pas opéré de rupture avec la religion, quand bien même ils n’ont pas ou plus de lien avec l’Église officielle. Tous – à l’exception de Proudhon, on en reparlera – participent d’une forme de spiritualité, de religiosité, voire pour certains de mysticisme, radicalement opposée à l’athéisme de Feuerbach et de Marx. Avec ceux-là, on sympathise ; on ne communie pas. En revanche, Henri Heine, qui, lui, ne verse pas dans le néochristianisme, accepte sans hésiter de donner sa collaboration, malgré le peu de sympathie qu’il a pour Ruge : Marx le convainc sans peine.

Cet unique numéro des Annales franco-allemandes s’honore encore des signatures de Georg Herwegh, de Johann Jacoby, de Moses Hess, de Ferdinand Bernays, un jeune juriste, et d’un nouveau venu, Friedrich Engels. Un montage de correspondance introduit aussi Feuerbach et Bakounine. Tout ce numéro vise à éveiller la conscience d’un vieux monde qui disparaît et la nécessité d’en construire un nouveau. Marx l’a clairement expliqué dans une lettre à Ruge : « Non seulement une anarchie générale fait rage parmi nos réformateurs sociaux, mais chacun de nous devra s’avouer à lui-même qu’il n’a aucune idée exacte de ce que demain devra être. Au demeurant, c’est là précisément le mérite de la nouvelle orientation : à savoir que nous n’anticipons pas sur le monde de demain par la pensée dogmatique, mais qu’au contraire, nous n’entendons trouver le monde nouveau qu’au terme de la critique de l’ancien. [...] Si construire l’avenir et dresser des plans définitifs pour l’éternité n’est pas notre affaire, ce que nous avons à réaliser dans le présent n’en est que plus évident ; je veux dire la critique radicale de tout l’ordre existant, radicale en ce sens qu’elle n’a pas peur de ses propres résultats, pas plus que des conflits avec les puissances établies. »

Marx publie lui-même dans ce numéro unique deux articles qui représentent une étape importante dans l’histoire de sa pensée. D’abord, une réfutation de deux articles de Bruno Bauer sur « la question juive ». Pour Marx, la question juive est un problème purement social, les juifs n’exprimant pratiquement que l’essence de la société bourgeoise : « Le juif s’est émancipé de façon juive, non seulement parce qu’il s’est approprié la puissance de l’argent, mais parce que, grâce à lui ou sans lui, l’argent est devenu une puissance mondiale, et l’esprit des peuples chrétiens. Les juifs se sont émancipés dans la mesure même où les chrétiens sont devenus juifs12. » L’accent nettement judéophobe du propos n’est pas rare sous la plume de ce juif émancipé par la philosophie qui récuse l’émancipation des juifs par la fortune matérielle ; mais il charge le christianisme d’une responsabilité plus lourde, d’être le complément religieux idéal de la société bourgeoise : « Le judaïsme atteint son apogée au moment où la société bourgeoise parvient à son achèvement ; mais la société bourgeoise n’atteint sa perfection que dans le monde chrétien. Ce n’est que sous le règne du christianisme, qui retranche l’homme de tous ses rapports nationaux, naturels, moraux et théoriques, que la société bourgeoise a pu se détacher complètement de la vie de l’État, déchirer tous les liens génériques de l’homme, mettre à leur place l’égoïsme, le besoin intéressé, dissoudre le monde des hommes en un monde d’individus atomisés, s’opposant en ennemis13. »

L’autre article de Marx dans les Annales franco-allemandes est plus directement lié à sa présence en France. On dira plus tard que cette « Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel » est le premier état du Manifeste communiste. En arrivant à Paris, Marx se défie encore des doctrines socialistes et communistes ; il veut d’abord la réforme de la conscience, la libération de la conscience. Mais, de son propre aveu, c’est à Paris qu’il découvre le prolétariat et son mouvement ébauché d’auto-émancipation. Flora Tristan a fondé L’Union ouvrière quatre mois avant l’arrivée de Marx dans la capitale française. Le postulat du mouvement ouvrier – que les travailleurs se délivreront par eux-mêmes –, Marx le reprend à son compte. Même s’il récuse le mysticisme de Flora Tristan, il n’en demeure pas moins surprenant qu’il ne lui rende aucun hommage. C’est pourtant d’elle qu’il reçoit la révélation de la lutte des classes : la classe ouvrière a la mission de mettre fin, en s’émancipant elle-même, à toutes les formes de la servitude humaine14.

Si Marx n’apprécie pas la religiosité romantique dans laquelle baigne le socialisme français, il n’en est pas moins attentif à l’exceptionnel brassage d’idées et d’utopies que connaît alors la France, où saint-simoniens et fouriéristes sont concurrencés par les écoles des Leroux, Pecqueur, Blanc, Cabet, Buchez, Blanqui..., tous héritiers plus ou moins critiques d’une Révolution qui n’a pas eu lieu en Allemagne, et que Marx se met à étudier fébrilement à Paris, se promettant même alors d’écrire une histoire de la Convention. Le bain parisien devient primordial dans la genèse de la pensée marxienne qui repose sur trois piliers : la révolution française, la philosophie allemande et l’économie politique anglaise.

Mais, pour l’heure, Marx se fâche avec Ruge – querelle qui, en plus des ennuis financiers, rend impossible la suite des Annales franco-allemandes. Cependant paraît alors à Paris une autre publication allemande, un bihebdomadaire du nom de Vorwärts [En avant !], dont Bernays est devenu rédacteur en chef. Marx est invité à y collaborer. À l’occasion de la révolte des tisserands de Silésie, qui inaugure l’histoire du mouvement ouvrier allemand, il précise sa conception du mouvement ouvrier et révolutionnaire, se félicitant que les tisserands s’en soient pris non seulement aux machines, c’est-à-dire à l’industriel, « l’ennemi visible », mais aussi aux livres de comptes, au banquier, c’est-à-dire à « l’ennemi invisible ». Ce genre d’articles, et bien d’autres, y compris les satires de Heine contre le gouvernement de Berlin (Henri Heine publie aussi dans le même journal ses Tisserands destinés à devenir un chant révolutionnaire), font du journal de Bernays un objet de protestation de la part du gouvernement prussien auprès de Guizot. Conservateur, mais homme de culture, Guizot fait la sourde oreille. Cependant, lorsqu’un attentat est perpétré contre la personne de Frédéric-Guillaume IV et que le Vorwärts s’en félicite sous la plume de Marx, les autorités prussiennes se font plus pressantes auprès du gouvernement français, et, finalement, Guizot se laisse aller à signer un mandat d’expulsion dont Marx est une des victimes. Heine, à qui Berlin en veut particulièrement, est épargné : il est depuis trop longtemps en France, de même que Georg Herwegh, de citoyenneté suisse, et Arnold Ruge, qui est saxon. Karl Marx prend avec Jenny le chemin d’un nouvel exil, à Bruxelles, en attendant que la révolution de 1848 ne le ramène à Paris.

Un quart de siècle après l’effondrement de l’Empire, la capitale française rayonne plus que jamais – mais d’une autre lumière, celle de la liberté. Le régime de Juillet a beau se durcir, voire se scléroser, sous la magistrature de François Guizot, le doctrinaire devenu homme d’État, qui reste au pouvoir de 1840 jusqu’à l’année fatale de 1848, il n’est pas de ville au monde qui réunisse tant d’atouts pour le développement du débat intellectuel. Ce ne sont pas seulement les provinciaux, comme les décrit Balzac dans ses romans, qui « montent » à Paris : tous les hommes de pensée de l’Europe s’y retrouvent, y séjournent, à moins qu’ils ne s’y installent définitivement, ou en attendant qu’un retour au pays leur soit possible. Le cas des Allemands est manifeste, mais les Russes, les Polonais, les Italiens... sont là, eux aussi. Ils apprennent des Français plus que les Français n’apprennent vraiment d’eux-mêmes. Mais, comme on va le voir, malgré l’échec de la collaboration avec les Français souhaitée par les Allemands de Paris, les échanges n’ont pas été nuls : l’Allemand Marx trouve à qui parler en la personne de Proudhon, le Polonais Mickiewicz conquiert le public du Collège de France, les Russes Herzen et Bakounine viennent confronter leurs idées à celles des Français juste avant 1848... La capitale de la monarchie bourgeoise est ainsi devenue un immense chaudron de sorcières où bouillonnent toutes les révolutions européennes à venir.

Notes

1. Balzac, Préface de la première édition du Cabinet des Antiques, La Comédie humaine, op. cit., IV, p. 959.

2. H. Heine, Le Tambour Legrand, 1826, Toulouse, Ombres, 1996.

3. Il s’agit du maréchal de France Davout, qui, en mai 1813, fut nommé par Napoléon gouverneur de Hambourg, qu’il défendit contre les Russes jusqu’au 31 mai 1814.

4. F. Fejtö, Henri Heine, rééd. Olivier Orban, 1981, p. 160.

5. H. Heine, De l’Allemagne, 1835, et Hachette, « Pluriel », 1981, p. 437.

6. H. Heine, De la France, Gallimard, « Tel », 1994.

7. Sainte-Beuve, « Henri Heine : De la France », Le National, 8 août 1833, reproduit dans H. Heine, De la France, op. cit., p. 403-408.

8. H. Heine, De l’Allemagne, op. cit., p. 427-428.

9. Hallische Jahrbücher für Wissenschaft und Kunst : « Annales de Halle pour la science et l’art », devenues Hallische Jahrbücher, à Dresde, en 1841.

10. Notamment des articles de Heine sur le socialisme et le communisme français qui, réunis en volume, deviendront Lutèce. Lettres sur la vie politique, artistique et sociale de la France, Lévy frères, 1855, et Genève, Slatkine Reprints, 1979.

11. F. Mehring, Karl Marx, histoire de sa vie, Éditions sociales, 1983, p. 73.

12. M. Rubel, Karl Marx, essai de biographie intellectuelle, Marcel Rivière et Cie, 1971, p. 80.

13. Ibid., p. 82.

14. « C’est peut-être chez elle [Flora Tristan], écrit Lorenz von Stein, historien du socialisme français, que se manifeste avec plus de force que chez les autres réformateurs la conscience que la classe ouvrière est un tout, et qu’elle doit se faire connaître comme un tout, agir solidairement, et avec une volonté et des forces communes, en vue d’un but commun, si elle veut sortir de sa condition » (Geschichte der sozialen Bewegung, cité par M. Rubel, op. cit., p. 86).