Bibliographie sommaire

La bibliographie est immense. Je me permets de renvoyer à mon Bilan des études mohammadiennes (Revue historique, t. 229, fasc. 465, janvier-mars 1963, p. 169-220). Une traduction anglaise de cette mise au point des sources et des discussions, mise à jour jusqu’au début de 1974, a paru sous le titre « A critical Survey of Modem Studies on Muhammad » dans le recueil Studies on Islam, traduit et édité par Merlin L. Swartz (New York et Oxford University Press, 1981) aux p. 23-85. De bonnes bibliographies sommaires ont été données par J. Sauvaget, Introduction à l’histoire de l’Orient musulman, Paris, Adrien-Maisonneuve, 1943 (réédition mise à jour par Claude Cahen, même éditeur, 1961 ; édition anglaise complétée, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, 1966), et par B. Spuler, Der Vordere Orient in islamischer Zeit, Bern, A. Francke, 1954.

Citons néanmoins quelques ouvrages accessibles. Sur l’Arabie préislamique, on pourra lire les livres si vivants d’H. Lammens quoique avec une certaine défiance (L’Arabie occidentale avant l’hégire, Beyrouth, Impr. catholique, 1928 ; Le berceau de l’Islam, l’Arabie occidentale à la veille de l’hégire, 1er volume (seul paru), Le Climat, les Bédouins, Roma, Pontificium Institutum Biblicum, 1914. Le livre d’Edouard (Bishr) Farès, L’honneur chez les Arabes avant l’Islam, Paris, Adrien-Maisonneuve, 1932, est particulièrement éclairant sur la société bédouine. Le petit livre de G. Ryckmans, Les religions arabes préislamiques, Louvain, Publications universitaires et Bureaux du Muséon, 1951 est précieux. J’ai essayé de résumer les faits connus dans un court exposé (L’Arabie avant l’Islam, dans l’Histoire universelle, t. II de l’Encyclopédie de la Pléiade, Paris, Gallimard, 1957). Mais ce texte devrait maintenant être sérieusement révisé. On y trouvera des indications bibliographiques un petit peu plus étendues. Le recueil édité par Christian Robin (composé pour la plus grande part de textes de lui), L’Arabie antique de Karib’îl à Mahomet, nouvelles données sur l’histoire des Arabes grâce aux inscriptions, Aix-en-Provence, Edisud, 1991 (= Revue du monde musulman et de la Méditerranée, n° 61) donne sur beaucoup de points des précisions et des points de vue au courant des dernières recherches et découvertes, certaines spectaculaires. — Pour la religion, voir l’esquisse rapide mais sûre d’André Caquot dans son article « Les religions des Sémites occidentaux », dans Histoire des religions (H.-C. Puech éd.), vol. 1 (= Encyclopédie de la Pléiade, vol. 29), Paris, 1970, p. 307-358, aux p. 340-355. On regrette seulement l’emploi de termes comme « Arabes du sud » au lieu de « sudarabiques ». Selon notre seul critère de classification ethnique disponible, la population parlait des langues ou dialectes différents (mais parents) de l’arabe comme les petits groupes qui les continuent aujourd’hui. Il est utile que la terminologie prévienne contre les confusions.

Sur la vie même de Mohammad, je me contenterai de citer les dernières biographies parues. On y trouvera des indications bibliographiques plus nombreuses :

 

Tor Andrae, Mahomet, sa vie et sa doctrine, Paris, Adrien-Maisonneuve, 1945 (excellente biographie, mais c’est la traduction d’un ouvrage paru en 1930 ; optique surtout psychologique et religieuse).

 

R. Blachère, Le Problème de Mahomet, Paris, P U F., 1952 (solide travail, malheureusement abrégé à la parution, qui a le mérite de ne vouloir s’appuyer que sur la base sûre du texte coranique).

 

W. Montgomery Watt, Muhammad at Mecca, Oxford, Clarendon Press, 1953 ; Muhammad at Medina, ibid. 1956 ; trad. fr. Mahomet à La Mecque, Paris, Payot, 1958, Mahomet à Médine, ibid., 1959 (excellents ouvrages dont j’ai dit ailleurs — dans Diogène, n° 20, oct. 1957 — l’importance méthodologique ; peut-être un peu trop confiant dans les reconstructions essayées ; les traductions françaises sont souvent fautives et amputées d’appendices utiles).

 

Charles-J. Ledit, Mahomet, Israël et le Christ, Paris, La Colombe, 1956 (exposé agréable à lire, mais obéissant surtout à des préoccupations théologiques chrétiennes).

 

M. Gaudefroy-Demombynes, Mahomet, Paris, Albin Michel, 1957 (somme massive de données rassemblées avec science et analysées avec finesse, souffre pourtant d’avoir été écrit en plus de vingt ans et publié alors que l’auteur, âgé de 94 ans, ne pouvait plus se tenir suffisamment au courant des derniers travaux ; une nouvelle édition en livre de poche (1969) est pourvue d’un système de références plus commode, j’ai corrigé et mis à jour la bibliographie et A. Popovic a corrigé les transcriptions.

 

Rudi Paret, Mohammed und der Koran, Stuttgart, Kohlhammer, 1957 (dans la collection des Urban-Bücher) (excellente et judicieuse petite mise au point d’un des meilleurs spécialistes).

 

Muhammad Hamidullah, Le Prophète de l’Islam, 2 vol., Paris, Vrin, 1959 (par un Musulman d’une très grande science, mais absolument dénué d’esprit critique).

 

R. Arnaldez, Mahomet ou la prédication prophétique, Paris, Seghers, 1970. Effort d’un arabisant chrétien sagace pour comprendre de l’intérieur la conscience religieuse de Mohammad.

 

Une nouvelle biographie en français a été publiée récemment : Roger Caratini, Mahomet, Paris, Critérion, 1993. Elle est très détaillée et bien informée, avec des tableaux commodes, sans concessions à l’apologétique.

Outre ces ouvrages plus ou moins récents, je tiens à citer à différents points de vue deux autres biographies :

 

Frants Buhl, Das Leben Muhammeds, trad. all. H. H. Schaeder, Leipzig, 1930 ; réimpression, Heidelberg, Quelle u. Meyer, 1955 (c’est la biographie la plus compacte, bourrée de notes savantes qui sont autant de mises au point sérieuses, à laquelle il faut constamment se référer). On en trouvera un abrégé en français dans l’Encylopédie de l’Islam, t. III (Leiden, E. J. Brill, et Paris, C. Klincksieck, 1936), art. Muhammad (p. 685-703).

 

E. Dermenghem, La Vie de Mahomet, 2e éd., Paris, Charlot, 1950 (sans appareil d’érudition, dans un style savoureux, une belle histoire agréable à lire).

 

A la base de tout, il y a les massifs volumes des Annali dell’Islam de L. Caetani, prince de Teano, en particulier les t. I (Milano, Hoepli, 1905) et II, 1 (ibid., 1907) où, année par année, se trouvent citées, analysées, confrontées les sources.

 

Des études très originales sur la base des méthodes de l’analyse sémantique structurale ont été publiées par le savant japonais Toshihiko Izutsu : The Structure of the Ethical Terms in the Koran, Tokyo, Keio Institute of Philological Studies, 1959 ; God and Man in the Koran, Semantics of the Koranic Weltanschauung, ibid., 1964 ; Ethico-Religious Concepts in the Qur’an, Montréal, McGill University Press, 1966.

On tient à mettre en garde contre les élucubrations répandues, en plusieurs ouvrages récents qui ont quelque succès parmi les non-spécialistes, par feu Hanna Zacharias (pseudonyme du dominicain G. Théry, désavoué par son ordre en ce qui concerne ces publications ; bon jugement du R.P.J. Jomier dans Etudes, janvier 1961, p. 82-92).

Pour qui voudrait avoir quelque idée des textes sur lesquels s’appuient tous ces exposés, il faut conseiller d’abord de lire ou de parcourir le Coran. La traduction la plus au courant des travaux critiques est celle de R. Blachère, Le Coran, Paris, G.-P. Maisonneuve, 1947-1951, 3 vol. dont un d’introduction. Il en existe une agréable édition en un volume allégé de beaucoup de notes savantes (Paris, G.-P. Maisonneuve-Max Besson, 1957). La traduction de Muhammad Hamidullah et M. Leturmy (Paris, Club français du Livre, 1959), très joliment présentée, très lisible, a l’avantage (ou l’inconvénient) d’être due à un musulman (le pieux et savant apologète dont on a cité plus haut la biographie du prophète). La traduction de Denise Masson (Paris, Gallimard, 1967, dans la « Bibliothèque de la Pléiade ») est intéressante d’un point de vue littéraire et aussi par ses notes comparatives avec les textes chrétiens et juifs. Mais la traductrice n’est pas concernée par la critique textuelle et ne connaît souvent les discussions savantes que de seconde main. Sa crainte de choquer les croyants musulmans et son dédain des facteurs humains aboutissent au mutisme sur un certain nombre de points délicats. La traduction anglaise de Richard Bell, The Qur’ân, Edinburgh, T. and T. Clark, 1937, 2 vol., a été le plus loin dans l’analyse et la dissection du texte. Elle a été malheureusement amputée à l’édition d’une grande partie de ses notes. On en trouvera la substance condensée dans le livre du même auteur, Introduction to the Qur’ân, Edinburgh, University Press, 1953. La traduction allemande de Rudi Paret (Der Koran, Ubersetzung, Stuttgart, Kohlhammer, 1966) avec un gros volume de commentaire (Der Koran, Kommentar und Konkordanz, ibd., 1971) représente un effort considérable pour « coller » au texte original et le comprendre à la lumière seule des indications qu’il donne sans se laisser influencer par les commentaires postérieurs. C’est l’étude critique la plus poussée qui ait été publiée. R. Blachère a publié à part son Introduction au Coran, 2e éd., Paris, Besson et Chantemerle, 1959, et récemment un précieux petit compendium, Le Coran, Paris, P.U.F., 1967, dans la coll. « Que sais-je ? ». En français, Jacques Berque a donné récemment une remarquable et originale traduction (Le Coran, essai de traduction de l’arabe annoté et suivi d’une étude exégétique…, Paris, Sindbad, 1990). Longuement méditée, elle reflète souvent le style poétique du traducteur. L’annotation attire l’attention dans la ligne des tendances récentes de la sémiotique sur les structures et les choix rhétoriques du texte. J. Berque a pris pour guides d’importants commentaires de musulmans contemporains. Leurs interprétations intéressantes, mais bien naturellement apologétiques, déteignent quelque peu sur la compréhension du texte. Cela aide utilement à comprendre l’optique dans laquelle le musulman croyant contemporain lit le livre. Par contre, le traducteur néglige souvent les résultats de l’étude philologique et historique de trois siècles d’érudition européenne et ne s’intéresse guère à l’enracinement largement moyen-oriental ancien des concepts, des mots et des récits. Les biographies arabes du prophète ont été traduites en anglais (The Life of Muhammad, a translation of lshâq’s Sîrat rasûl Allâh, by A. Guillaume, London, Oxford University Press, 1955) et en allemand (Muhammed in Medina, das ist Vakidi’s Kitab al Maghazi in verkürzter deutscher Wiedergabe… von J. Wellhausen, Berlin, G. Reimer, 1882). On trouvera des extraits assez copieux de ces biographies en français (à travers une double traduction) dans le livre intitulé Mahomet (présentation par F. Gabrieli, textes de Mahomet, Ibn Ichak, etc.), Paris, Albin Michel, 1965 (dans la coll. de G. Walter, Le Mémorial des siècles).

Enfin il semble utile de conseiller au lecteur un bref exposé d’une remarquable intelligence jointe à beaucoup de science, celui de B. Lewis, The Arabs in History, London, Hutchinson, 1950, nombreuses rééditions, trad. fr. (parfois critiquable) Les Arabes dans l’Histoire, Neuchâtel, La Baconnière, 1958.