En 1639, quelques « poésies », ou peintures mythologiques, du Titien furent placées à l’Alcazar à côté des tableaux de Rubens. Velázquez, qui dirigeait les travaux d’aménagement, connaissait parfaitement ces œuvres. De ce fait, on a tout lieu de supposer qu’en peignant sa Vénus au miroir en 1648, Velázquez fut le premier parmi les peintres espagnols à se modeler sur les traditions italiennes.
La Vénus au miroir marie des motifs de deux œuvres de Titien : Vénus se récréant avec l’Amour et la Musique, et Vénus à sa toilette, peinte sur la commande de Philippe IV. L’œuvre de Velázquez n’a pas d’égale au monde, puisqu’elle représente une Vénus vue de dos. Ses formes, souples et gracieuses, autant que le geste de la main et la coiffure, sont très individualisées tandis que le corps irrésistiblement beau, qui se reflète dans le miroir, n’a pas la froideur de celui des déesses antiques. Velázquez traite la scène d’une manière très chaste, témoignant à la fois de son admiration devant la beauté du corps féminin et de son respect des mœurs de la cour. En comparaison avec le tableau de Titien Vénus se récréant avec l’Amour et la Musique, celui de Velázquez est plus lyrique. Chez Titien, elle est représentée sur le fond d’un paysage, alors que Velázquez l’installe dans une alcôve, avec l’Amour qui admire son corps reflété dans le miroir. Le ruban rose, qui relie le cadre du miroir à la main de l’Amour, contribue à l’harmonie de la scène. La ligne courbe du corps de Vénus se répète dans le dessin de la couverture et de l’étoffe, équilibrant la composition. Le rideau élégant ajoute une note de majesté solennelle. La pureté du nu féminin, la douceur et la simplicité du tableau, associés au luxe et à la noblesse, mettent Vénus au miroir en marge des autres œuvres. La toile marqua sensiblement Goya, qui l’avait remarquée dans une salle d’exposition spécialement aménagée où l’on pouvait voir d’autres Vénus au repos. C’est d’ailleurs pour cette salle que Goya peignit, sur commande du ministre, sa Maja desnuda qui incarnait elle aussi l’idéal de la beauté espagnole.
Velázquez repartit pour l’Italie en novembre 1648. Le 21 janvier suivant, il s’embarquait à Malaga avec la suite du duc de Najera, qui se rendait à la rencontre de Marie-Anne d’Autriche, nièce de Philippe IV et future reine d’Espagne. Le 11 mars, ils accostaient à Gênes, et Velázquez poursuivit son voyage à Venise, en passant par Milan et Padoue. Le 27 avril 1649, il était déjà reçu par l’ambassadeur espagnol à Venise, le marquis de La Fuente, qui avait reçu l’ordre de l’aider dans sa collecte d’œuvres d’art.
Velázquez n’abusa pas longtemps de son hospitalité : trois jours plus tard, il se trouvait déjà à Rome, où il allait sélectionner des statues antiques dignes d’être copiées. L’une des meilleures collections d’antiques se trouvait à la villa Médicis. Velázquez l’avait beaucoup appréciée lors de son premier séjour à Rome en 1629-1630.