Je sens tressaillir en moi quelque chose qui se déplace, voudrait s’élever, quelque chose qu’on aurait désancré, à une grande profondeur; je ne sais ce que c’est, mais cela monte lentement; j’éprouve la résistance et j’entends la rumeur des distances traversées…. Mais quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir.

Ifeel shudder within me something that is moving, something that wants to come up, a thing at great depth that I’ve unanchored. I don’t know what it is, but I can feel it mounting slowly. I can measure the resistance, and I can hear the echoes of distances traveled…. But when nothing subsists from a distant past, after the people are dead, after the things are destroyed, all alone—more frail yet more alive, more immaterial, more resilient, more faithful—the smell and taste of things endure in time, like souls reminding, waiting, hoping on the ruin of all the rest and bearing unflinchingly, in tiny and almost impalpable droplets, the immense edifice of memory.

—MARCEL PROUST, The Remembrance of Things Past