Scène II

Irus, à sa toilette, Spadille, Quinola.

IRUS
Lequel de vous, marauds, m’a posé ma perruque ?
Outre que les rubans me font mal à la nuque.
Je suis couvert de poudre et j’en ai plein les yeux.
QUINOLA
Ce n’est pas moi.
SPADILLE
 Ni moi.
QUINOLA
Moi, je tenais la queue.
SPADILLE
Moi, monsieur, je peignais.
IRUS
Vous mentez tous les deux
Allons, mon habit rose et ma culotte bleue !
Hum ! Brum ! Diable de poudre – Hatsch ! je suis aveuglé,

Il éternue.

QUINOLA, ouvrant une armoire.
Monsieur, vous ne sauriez mettre cette culotte.
La lampe était auprès ; – toute l’huile a coulé.
SPADILLE, ouvrant une nuire armoire.
Monsieur, votre habit rose est tout rempli de crotte :
Quand je l’ai déployé, le chat était dessus.
IRUS
Ciel ! de cette façon voir tous mes plans déçus !
Écoutez, mes amis ; – il me, vient une idée :
Quelle heure est-il ?
SPADILLE
Monsieur, l’horloge est arrêtée.
IRUS
A-t-on sonné déjà deux coups pour le dîner ?
QUINOLA
Non, l’on n’a pas sonné.
SPADILLE
Si, si, l’on a sonné,
IRUS
Je tremble à chaque instant que le nouveau convive
Qui doit venir dîner ne paraisse et n’arrive.
SPADILLE
Il faut vous mettre en vert.
QUINOLA
Il faut vous mettre en gris.
IRUS
Dans quel mois sommes-nous ?
SPADILLE
Nous sommes en novembre
QUINOLA
En août ! en août !
IRUS
Mettez ces deux habits.
Vous vous promènerez ensuite par la chambre.
Pour que je voie un peu l’effet que je ferai.

Les valets obéissent.

SPADILLE
Moi, j’ai l’air d’un marquis.
QUINOLA
Moi, j’ai l’air d’un ministre,
IRUS, les regardant.
Spadille a l’air d’une oie, et Quinola d’un cuistre.
Je ne sais pas à quoi je me déciderai.
LAERTE, entrant.
Et vous, vous avez l’air, mon neveu, d’une bête.
N’êtes-vous pas honteux de vous poudrer la tête,
Et de perdre, à courir dans votre cabinet,
Plus de temps qu’il n’en faut pour écrire un sonnet ?
Allons, venez dîner ; – votre assiette s’ennuie.
IRUS
Vous ne voudriez pas, au prix de votre vie,
Me traîner au salon, sans rouge et demi-nu ?
Quel habit faut-il mettre ?
LAERTE
Eh ! le premier venu.
Allons, écoutez-moi. Vous trouverez à table
Le nouvel arrivé ; – c’est un jeune homme aimable.
Qui vient pour épouser un de mes chers enfants.
Jetez, au nom de Dieu, vos regards triomphants
Sur un autre que lui ; ne cherchez pas à plaire,
Et n’avalez pas tout comme à votre ordinaire.
Il est simple et timide, et de bonne façon ;
Enfin c’est ce qu’on nomme un honnête garçon.
Tâchez, si vous trouvez ses manières communes,
De ne point décocher, en prenant du tabac,
Votre charmant sourire et vos mots d’almanach.
Tarissez, s’il se peut, sur vos bonnes fortunes.
Ne vous inondez pas de vos flacons damnés ;
Qu’on puisse vous parler sans se boucher le nez !
Vos gants blancs sont de trop ; on dîne, les mains nues ?
IRUS
Je suis presque tenté, pour cadrer à vos vues,
D’ôter mon habit vert, et de me mettre en noir.
LAERTE
Non, de par tous les saints, non, je vous remercie.
La peste soit de vous ! – Qui diantre se soucie,
Si votre habit est vert, de s’en apercevoir ?
IRUS
Puis-je savoir, du moins, le nom de ce jeune homme ?
LAERTE
Qu’est-ce que ça vous fait ? C’est Silvio qu’il se nomme.
IRUS
Silvio ! – ce n’est pas mal. – Silvio ! – le nom est bien ;
Irus, – Irus, – Silvio ; – mais j’aime mieux le mien.
LAERTE
Son père est mon ami, – celui de votre mère.
Nous avons le projet, depuis plus de vingt ans,
De mourir en famille, et d’unir nos enfants.
Plût au ciel, pour tous deux, que son fils eût un frère !
IRUS
Vrai Dieu ! monsieur le duc, qu’entendez-vous par là ?
Ne dois-je pas aussi devenir votre gendre ?
LAERTE
C’est bon, je le sais bien ; vous pouvez vous attendre
À trouver votre tour ; – mais Silvio choisira.

Exeunt.