Mon Dieu ! tu m’as béni. – Tu m’as donné deux filles.
Autour de mon trésor je n’ai jamais veillé.
Tu me l’avais donné, je te l’ai confié.
Je ne suis point venu sur les barreaux des grilles
Briser les ailes d’or de leur virginité.
J’ai laissé dans leur sein fleurir ta volonté.
La vigilance humaine est une triste affaire.
C’est la tienne, ô mon Dieu ! qui n’a jamais dormi.
Mes enfants sont à toi ; je leur savais un père.
J’ai voulu seulement leur donner un ami. –
Tu les as vu grandir, – tu les as faîtes belles.
De leurs bras enfantins, comme deux sœurs fidèles,
Elles ont entouré leur frère à cheveux blancs.
Aux forces du vieillard leur sève s’est unie ;
Ces deux fardeaux si doux suspendus à sa vie
Le font vers son tombeau marcher à pas plus lents.
La nature aujourd’hui leur ouvre son mystère.
Ces beaux fruits en tombant vont perdre la poussière
Qui dorait au soleil leur contour velouté.
L’amour va déflorer leurs tiges chancelantes.
Je te livre, ô mon Dieu ! ces deux herbes tremblantes.
Donne-leur le bonheur, si je l’ai mérité.