Scène VII

Un salon.

Le duc Laërte, assis sur une estrade ; Irus, à sa droite, en habit cramoisi ci l’épée à la main ; Silvio, à sa gauche ; Spadille, Quinola, debout.

LAERTE
Me voici sur mon trône assis comme un grand juge.
L’innocence à mes pieds peut chercher un refuge.
Irus est le bourreau, Silvio le confesseur.
Nous sommes justiciers de l’honneur des familles.
Chambellan Quinola, faites venir mes filles.

Ninon et Ninette entrent habillées en bergères.

NINON
C’est en mon nom, grand duc, comme au nom de ma sœur.
Que je viens déclarer à votre seigneurie
L’immuable dessein que nous avons formé
LAERTE
Voilà l’habit claustral galamment transformé,
NINETTE
Nous vivrons loin du monde, au fond d’une prairie,
À garder nos moutons sur le bord des ruisseaux.
Nous filerons la laine ainsi que vos vassaux
Nous renonçons au monde, au bien de notre mère.
Il nous suffit, seigneur, qu’une juste colère
Vous ait donné le droit d’oublier vos enfants.
LAERTE
Vous viendrez, n’est-ce pas, dîner de temps en temps ?
NINETTE
Nous vous demanderons un éternel silence.
Si notre séducteur vous brave et vous offense,
Notre avis, monseigneur, est d’en écrire au roi.
LAERTE
Le roi, si j’écrivais, me répondrait, je croi,
Que nous sommes bien loin, et qu’il est en affaire.
Tout ce que je puis donc, c’est d’en écrire au maire,
Et c’est : ce que j’ai fait, car il soupe avec nous.

Il entre un maire et un notaire.

À Ninon.

Allons, mon Angélique, embrassez votre époux

À Ninette.

Il ne s’en ira point, ne pleurez pas, Ninette.
Embrassez votre frère, il est aussi le mien.

À Irus.

Et vous, mon cher Irus, ne baissez point la tête ;
Soyez heureux aussi : – votre habit vous va bien.

Septembre 1832.