L’ŒUVRE EN CONTEXTE

UN SIÈCLE MARQUÉ PAR LA GUERRE

En histoire comme en littérature, les années trente et quarante sont une époque charnière. La Première Guerre mondiale (1914-1918) vient juste de se terminer, avec un bilan final de neuf millions de morts et près de vingt millions de blessés dans le monde entier. Les populations, profondément ébranlées et affaiblies, entendent désormais bien profiter de la vie. Toutefois, l’euphorie et le soulagement sont de courte durée, car la crise économique de 1929, couplée à la montée des totalitarismes dans divers pays d’Europe (Allemagne, Italie, Espagne) et en URSS, replonge le Vieux Continent dans la tourmente.

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Invasion de la Pologne.

Le 1er septembre 1939, l’Allemagne – dont l’esprit de revanche est attisé par le souvenir de l’effondrement et de la restructuration de son empire au terme de la Grande Guerre – envahit la Pologne. En réaction, deux jours plus tard, la France et le Royaume-Uni lui déclarent officiellement la guerre et, à nouveau, le conflit prend une dimension mondiale : rapidement, le Japon se range aux côtés de l’Allemagne, tandis que les États-Unis et l’URSS se positionnent du côté des Alliés. En outre, aux combats s’ajoute cette fois le crime de masse, organisé par l’Allemagne dans les camps de concentration et de travail nazis, à l’encontre des Juifs, des Tziganes et d’autres minorités. Au total, la Seconde Guerre mondiale fait entre 50 et 70 millions de morts.

L’ORGANISATION DE LA RÉSISTANCE

Dès le début de la guerre et durant les six années que dure le conflit, la France est divisée par l’arrivée de l’envahisseur allemand. Passés les premiers moments de terreur et de désespoir, les Français se voient dans l’obligation de choisir un camp : soit ils sont avec l’envahisseur, soit contre lui. Le maréchal Philippe Pétain (1856-1951), responsable du gouvernement français durant l’Occupation, instaure une politique de collaboration avec les Allemands : il promeut des lois antisémites, encourage la dénonciation ainsi que l’arrestation des résistants et opposants au régime, et fournit un soutien inébranlable à l’ennemi.

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Charles de Gaulle s’adressant à la foule.

Néanmoins, de nombreuses associations de résistance voient le jour sous l’impulsion du général Charles de Gaulle (1890-1970) qui, depuis Londres, appelle les Français à se mobiliser contre l’ennemi. Fruits d’initiatives individuelles ou d’organisations collectives, ces associations tentent de contrecarrer les plans de l’envahisseur, à plus ou moins grande échelle et, la plupart du temps, dans l’ombre et la clandestinité. Les résistants sont des hommes et des femmes qui, comme Camus, n’ont pas été envoyés au combat et n’ont pas pu participer de manière directe à la guerre. Il n’empêche qu’ils contribuent tout aussi sûrement, grâce à leurs missions de sabotage, de contre-espionnage ou encore en protégeant les Juifs, à frayer le chemin qui conduira les Alliés vers la victoire et vers la capitulation du IIIe Reich le 8 mai 1945.

LES COLONIES : UN ENJEU MAJEUR DU XXe SIÈCLE

Si les deux conflits qui secouent la première moitié du XXe siècle prennent une telle ampleur géographique, c’est notamment à cause de l’existence des colonies. En effet, de nombreux pays européens ont encore la mainmise sur des terres étrangères dont les peuples combattent sous leurs couleurs contre d’autres colonies dépendant d’États européens ennemis. C’est notamment le cas de l’Algérie, le pays d’origine d’Albert Camus et qui constitue également le cadre de L’Étranger : colonisé par la France depuis 1830 pour des raisons économiques, le pays vit les deux guerres mondiales au diapason de la France et subit l’occupation allemande et italienne. Comme dans la métropole, une opposition se fait rapidement jour entre résistants et collaborateurs.

Au lendemain de la guerre, en mai 1945, un défilé organisé à Sétif, en Algérie, pour fêter la victoire alliée tourne au désastre à cause d’un groupe de nationalistes qui entend bien profiter de ce grand rassemblement pour faire circuler leurs revendications. Suite à la mort d’une centaine de Français, l’armée se livre à une répression particulièrement violente qui fait des milliers de victimes. Mais les troubles ne s’arrêtent pas là : le 1er novembre 1954, le Front de libération nationale commet plusieurs attentats qui signent le début de la guerre d’Algérie, opposant le pays à ses colons dans le but d’obtenir l’indépendance. Cette guerre, d’une extrême violence, se conclut sur la proclamation de l’indépendance de l’Algérie le 3 juillet 1962.

UNE LITTÉRATURE DE CIRCONSTANCE

Dans un tel contexte, nul doute que la littérature, comme la culture en général, connaisse un revirement : on y cherche, selon les cas, une explication, une échappatoire ou une solution. Elle se fait, plus que jamais, le support d’un engagement : elle collabore chez les uns, elle résiste chez les autres, mais elle est toujours portée par un combat politique. Elle donne alors naissance, ou plutôt met en lumière, une génération d’auteurs forts qui osent prendre position et assument leurs responsabilités face aux événements en cours : c’est le cas notamment d’André Gide, de Jean-Paul Sartre, d’André Malraux, de Samuel Beckett (1906-1989), ou encore de Charles Bertin (1919-2002).

En marge de la littérature et de l’histoire, la philosophie, et notamment la métaphysique, se trouve également bouleversée par les deux guerres mondiales et par le succès des régimes totalitaires. Émergent en effet, dès la fin des années trente, des questionnements nouveaux, traitant de l’absurdité de l’existence, de l’angoisse du néant ou de l’incongruité de la justice. Ces problématiques résolument modernes, qui trouvent dans les affres contemporaines une actualisation historique de toute une série de notions jusque-là restées théoriques, seront abondamment abordées dans la littérature des années suivantes. La Shoah, véritable expérience d’horreur, poussera ces réflexions à leur paroxysme.