PARTIE 3

CHAMANISMES AU CONTACT D’AUTRES SYSTÈMES RELIGIEUX

De nos jours, alors que le terme « chamanisme » connaît une extension quasi universelle, les connotations et valeurs qui lui sont associées sont plus paradoxales que jamais. L’opinion courante en Occident y voit toujours une religion « primitive », voire la religion de la préhistoire, mais force est de constater que ce terme est tout autant appliqué à des phénomènes contemporains.

Aussi est-on parfois tenté de le caractériser comme une, sinon la forme élémentaire de religion, ce qui expliquerait sa traversée de l’espace et du temps ainsi que la présence informelle et latente de certains de ses principes essentiels dans toute religion.

En effet, on parle de chamanisme aussi bien à propos de phénomènes émergents dans les sociétés occidentales que de phénomènes résurgents dans des sociétés anciennement chamanistes. Et dans ces dernières, le vocable « chamane » est en passe de s’imposer pour désigner ce type de spécialiste rituel à l’époque moderne, renvoyant dans un passé révolu ses désignations locales antérieures et les pratiques correspondantes. Mais ce n’est pas tout. Sans qu’on puisse mesurer la part qu’y joue l’influence des uns ou des autres, « chamane » et « chamanisme » se rencontrent aussi de nos jours dans des sociétés non occidentales jusqu’alors restées hors de la sphère d’usage de ces notions.

Aujourd’hui cependant, ce qui est nommé « chamanisme » ne se présente nulle part comme relevant d’un véritable système religieux, mais sous forme d’éléments fragmentaires et dispersés, entremêlés à des éléments relevant d’autres systèmes et situés à leurs marges. Aussi vaut-il mieux parler seulement d’éléments chamaniques, ou mieux encore, d’éléments de type chamanique, et aussi faut-il admettre que la diversité des manifestations contemporaines qui se réclament du chamanisme interdit toute généralisation tant les interpénétrations avec les religions universalistes ont été nombreuses et mouvantes. De même, le rythme rapide de leur évolution dissuade de faire la moindre projection dans l’avenir. Les quelques cas présentés dans les pages suivantes ne sont que des exemples parmi de nombreux autres, et ce qui en est dit aujourd’hui ne sera sans doute plus valide demain.

Tout cela prive de sens la question de savoir si l’appellation de « chamane » est ou non applicable aux spécialistes rituels de telle ou telle société.