L’ânesse Jezibela
Je vous présente pour conclure le dernier personnage de l’humanité : notre chère ânesse, prénommée Jezibela. L’ânesse avait mon âge, ce qui était beaucoup pour un animal de son espèce. Néanmoins, Jezibela était, comme disait mon père, dans la fleur de l’âge. Le secret de son élégance tenait au tabac qu’elle mâchait. On commandait à l’Oncle Aproximado la gourmandise que se partageaient Zacaria et l’ânesse. Les fins d’après-midi l’un de nous lui apportait les feuilles entières et l’ânesse, se réjouissant à leur vue, s’approchait d’un trot joyeux pour recevoir ces verdures. Un jour, Ntunzi commenta comme cela l’amusait de voir ces mimiques délicates sur ses lèvres grossières.
– Grossières ! Qui a dit qu’elles étaient grossières ?
C’était mon vieux défendant Jezibela. Plus que le tabac c’était l’amour que lui vouait Silvestre qui expliquait la splendeur de l’ânesse. Nul n’a jamais vu de tels égards à l’endroit d’une affection zoologique. Les amours se passaient le dimanche. Il faut dire que mon père n’avait qu’une vague idée du calendrier. C’était parfois dimanche deux jours de suite. Ça dépendait de son état de manque. Ainsi le dernier jour de la semaine c’était sûr et certain : Silvestre arborant une cravate rouge se dirigeait d’un pas solennel vers l’étable, un bouquet de fleurs à la main. L’homme défilait pour accomplir ce qu’il appelait ses “fins d’infini”. À une certaine distance de l’étable, mon vieux s’annonçait, respectueux :
– Vous permettez ?
L’ânesse se retournait, avec un regard insondable empli de cils, et mon père, les mains croisées sur son ventre, attendait un signe. Quel était ce signe, nous ne l’avons jamais su. La vérité, c’est qu’à un moment donné, Silvestre témoignait sa gratitude :
– Je te remercie, Jezibela, j’ai apporté ces immodestes fleurs…
On voyait encore l’ânesse mâcher le bouquet de fleurs. Puis, mon père disparaissait à l’intérieur de l’étable. Et on ne savait rien de plus.

 

Un dimanche, les choses n’ont pas dû se passer favorablement. Silvestre revint furibond de son excursion amoureuse, la rage au bout du pied et la malédiction sur le bout de la langue. Tête baissée, il répétait :
– Ça ne m’était jamais arrivé, jamais, jamais ! Au grand jamais.
Il tournait en rond dans sa chambre, donnant des coups de pied dans les rares meubles. Une colère impuissante de prisonnier faisait trembler sa voix :
– C’est une malédiction de la garce !
On le prit presque à la lettre : la garce, par analogie, serait Jezibela. Mais non. La garce c’était la défunte. Ma mère. Mon ex-mère. La panne virile de Vitalício était due au mauvais œil de dona Dordalma.
Avachi dans sa chaise sur la terrasse, mon père requit mes services d’accordeur de silences. C’était la fin de l’après-midi et les ombres couraient s’emparer du monde. Silvestre ressemblait à l’une de ces ombres : saisi sur le vif. Mais il ne tarda pas à se redresser, et d’ordonner d’un geste brusque :
– Viens avec moi à l’étable !
– Qu’est-ce qu’on va faire ?
– Je vais faire, corrigea-t-il. Je vais demander pardon à Jezibela. Pour qu’elle ne soit pas triste, la pauvre, en pensant que c’est sa faute.
Je restai à l’entrée de l’étable, je vis mon père étreindre le cou de l’ânesse et ensuite l’obscurité alentour m’enveloppa. Une effervescence intérieure m’empêchait de regarder. Je brûlais de jalousie à l’égard de Jezibela. À notre retour, un éclair illumina la savane et un énorme fracas nous assourdit. Les pluies de novembre commençaient. Zacaria ne tarderait pas à sortir insulter les dieux.
Cette même nuit, mon père nous ordonna de garder l’étable. Et Zacaria ? demanda-t-on. Pourquoi ne pas commander ce travail à qui de droit ?
– Ce type devient infirme avec l’orage. Allez-y, prenez la lampe.
Jezibela était agitée, elle brayait et ruait. Et les jurons de Zacaria n’y étaient pour rien, à présent qu’il se tenait silencieux dans sa paillote. La raison était autre et notre mission était d’étudier la cause de cette agitation. Ntunzi et moi sortîmes sous l’orage intense. L’ânesse me fixa avec un appel à l’aide presque humain, les oreilles rabattues par la peur. Une lumière intermittente émanait de ses yeux veloutés, comme si l’intérieur de son âme était zébré d’éclairs.
Ntunzi s’assit, ensommeillé, tandis que je calmais la femelle. Elle se rasséréna, adossant son flanc contre mon corps à la recherche d’un soutien réconfortant. J’entendis la polissonnerie chez mon frère :
– Elle se fait toute langoureuse, Mwanito.
– Pas du tout.
– Allez, baise la nana.
– Je n’ai pas entendu.
– Tu as très bien entendu. Allez, débraguette-toi, la nana a envie d’être prise.
– Mais Jezibela a seulement peur.
– C’est toi qui as peur. Allez, Mwanito, baisse ton pantalon, on ne dirait pas que tu es le fils de Silvestre Vitalício.
Ntunzi s’approcha et me poussa, me forçant à m’appuyer contre le dos de l’ânesse, tandis que j’implorais :
– Ne fais pas ça, ne fais pas ça.
Soudain, au milieu des bois, j’entrevis une ombre mouvante, se faufilant, rampante. Je montrai, terrifié :
– Une lionne ! C’est une lionne.
– On s’en va, vite, donne-moi ta lampe…
– Et Jezibela ? On la laisse ici ?
– Qu’elle aille se faire foutre.
On entendit soudain un coup de feu. On aurait plutôt dit un éclair, mais un second coup de feu ne nous laissa plus de doutes. Notre militaire avait bien raison : face au tir, précis ou raté, tout le monde meurt toujours. Certains, parfois, veinards, reviennent d’entre les cendres de la peur. Ce fut ce qui nous arriva. Dans la confusion, Ntunzi buta contre moi et tous les deux, trempés et emberlificotés à terre, guettâmes entre les herbes. Zacaria Kalash avait touché la lionne assaillante.
La féline fit encore quelques pas ivres, comme si la mort était un vertige qui frappe le sol lui-même. Puis elle s’effondra avec une fragilité qui ne seyait pas à son port de reine. À l’instant où la lionne tomba à terre, il s’arrêta de pleuvoir. Zacaria s’assura qu’elle était réellement morte, puis il s’agenouilla et s’adressa au firmament, demandant que s’étanchât la blessure ouverte en lui par le tir.
Mon père surgit, pressé, sans s’arrêter auprès de nous. Il tourna dans l’enceinte à la recherche de Jezibela et lorsqu’il la trouva, il resta à la consoler.
– La pauvre, elle est toute tremblante. Cette nuit elle va dormir à la maison.
– À la maison ? s’étonna Ntunzi.
– Elle dormira cette nuit et toutes celles qu’il faudra.
Elle n’y dormit que cette nuit-là. Assez pour que Ntunzi déverse sa jalousie quand il s’adressa à moi :
– Toi, qui es son fils, il ne te l’a jamais permis, mais l’ânesse a le droit de dormir à l’intérieur…

 

Après l’incident, on rapprocha l’étable. Aussitôt la nuit tombée, les feux allumés tout autour protégeaient l’ânesse de la convoitise des prédateurs.
Des semaines passèrent jusqu’à ce que Silvestre se décide à battre le rappel. Nous nous réunîmes à la hâte sur la petite place au crucifix. L’Oncle Aproximado qui avait passé la nuit avec nous attendait également au garde-à-vous à mes côtés. Sourcils froncés, le vieux nous fixa un à un, en nous regardant longuement dans les yeux. Pour finir, il grogna :
– Jezibela est enceinte.
J’eus envie de rire. La seule femelle qui vivait parmi nous avait satisfait à sa nature. Mais le regard glacé de mon vieux tua en moi toute légèreté. La règle sacrée avait été violée : une semence de l’humanité avait fini par triompher et menaçait de fructifier en un animal de Jésusalem.
– C’est comme ça que la putasserie du monde recommence à chaque fois.
– Mais excuse-moi, beau-frère, dit Aproximado, monsieur ne serait-il pas lui-même l’auteur de la plaisanterie ?
– Je prends mes précautions, monsieur le sait bien.
– Qui sait ? Une fois, par accident, dans les chaleurs de la précipitation…
– J’ai dit que c’est pas moi, beugla mon vieux.
La colère le ravageait à tel point que sa bouche écumait de salive ; ses postillons ressemblaient à des météorites quand il s’écria :
– Il n’y a qu’une vérité : elle est enceinte. Et la canaille qui l’a mise enceinte est ici parmi nous.
– Je le jure Silvestre, je n’ai jamais eu un regard pour Jezibela, déclara le militaire Zacaria, poignant.
– Ce n’est peut-être qu’un simple gonflement causé par une maladie ? dit Aproximado, timide.
– C’est une maladie causée par un fils de pute qui a trois grelots entre les jambes, grogna mon vieux.
Je gardai les yeux au sol, incapable d’affronter la passion de mon père pour l’ânesse. La menace répétée nous poursuivit tandis que nous retournions dans la chambre :
– Qui que ce soit : je vais lui arracher les couilles !

 

Un mois plus tard, Zacaria donna l’alarme : durant toute l’aube, Jezibela avait saigné, se tordant entre braiments et ruades. La première lumière pointait lorsqu’elle se débattit. Elle semblait morte. Finalement, elle n’avait fait qu’expulser son fœtus. Zacaria prit le nouveau candidat à la vie, et le souleva dans ses bras au milieu du sang et des mucosités. Le militaire clama, la voix étranglée :
– Voici le fils de Jésusalem !
En apprenant la nouvelle, nous nous rassemblâmes près de l’étable, entourant l’ânesse encore haletante. Nous voulions voir le nouveau-né dissimulé dans l’épais pelage de sa mère. Nous n’entrâmes même pas dans l’étable : l’arrivée intempestive de notre père reporta notre attente impatiente. Silvestre nous ordonna de nous éloigner, il voulait être le premier à affronter l’intrus. Zacaria se présenta avec la promptitude d’un soldat à la barrière de l’étable :
– Regarde le bébé, Silvestre, tu verras tout de suite qui est le père.
Silvestre pénétra dans l’obscurité et s’y fondit un temps. Il en ressortit changé, son pas pressé révélant un tourbillon dans son âme. À peine notre père avait-il disparu que nous envahîmes précipitamment l’enclos, nous agenouillant auprès de Jezibela. Dès que nos yeux se furent habitués au noir, nous eûmes la confirmation du petit corps velu allongé aux côtés de Jezibela.
Les rayures noires et blanches, bien que mal dessinées, étaient révélatrices : c’était un petit de zèbre. Un quelconque mâle sauvage était venu chez nous et avait convolé avec sa parente éloignée. Ntunzi prit le nouveau-né et le caressa comme si c’était un être humain. Et il lui donna de petits noms tandis qu’il le promenait en le berçant comme une mère. Je n’aurais jamais pensé que mon frère fût capable de telles tendresses : la petite bête profita de ses bras et Ntunzi souriait quand il murmura :
– Eh bien, je te le dis, mon bébé : ton père a donné une grande ruade dans le cœur de mon petit vieux.
Ntunzi lui-même ne savait pas combien il avait raison. Silvestre ne tarda pas en effet à revenir à l’étable, il retira brusquement le bébé des bras qui le tenaient et ordonna avec d’irrémédiables et irréversibles effets :
– Je veux qu’on pende ce sale zèbre par les couilles, tu as entendu Zaca ?

 

Cette nuit-là, mon père se rendit à l’étable et prit l’ânon-zèbre dans ses bras. Jezibela suivait ses gestes de ses yeux humides, pendant que Silvestre répétait comme un chant grégorien :
– Aïe, Jezi, pourquoi tu m’as fait ça ? Pourquoi ?
Il semblait caresser le nouveau-né. Ses mains ne faisaient en définitive rien d’autre qu’asphyxier la fragile créature, le petit zèbre sang mêlé. Il prit le petit animal déjà sans vie dans ses bras et s’éloigna loin de l’étable. Il l’enterra lui-même près du fleuve. J’épiais ce qui se passait, incapable d’intervenir, incapable de comprendre. Ce terrible événement ferait pour toujours obstacle dans ma raison aux bontés de notre père. Ntunzi n’a jamais su ce qui s’était passé cette nuit-là. Il a toujours cru que le nouveau-né n’avait pas survécu pour des raisons naturelles. La nature sauvage corrigeait les zébrures de l’ânon né dans un espace domestique.
Quand il eut refermé la fosse, Silvestre Vitalício descendit jusqu’au fleuve. Pour se laver les mains, c’est ce que je crus, moi qui le suivais à distance. Soudain, je le vis tomber à genoux. Faiblissait-il, touché par un éclair intérieur ? Je m’approchai avec la volonté de l’aider, mais la peur d’une punition me préserva de sa vue. Ce fut alors que je compris : Silvestre Vitalício priait. Et aujourd’hui encore je frissonne en revenant sur ce moment. Car je ne sais plus si j’invente ou si je me souviens véritablement de sa supplique : “Mon Dieu, protège mes enfants comme tu n’as pas su me protéger moi. Maintenant que je n’ai même plus d’anges, viens à Jésusalem me donner des forces…”
Soudain, mon père s’aperçut de ma présence. Il rectifia sa position soumise, frotta ses genoux et demanda :
– Tu veux me faire peur ?
– J’ai entendu du bruit, papa. Je suis venu voir si vous aviez besoin d’aide.
– Je tâtais la terre : elle est encore sèche. Pourvu qu’il pleuve davantage !
Il parcourut les nuages des yeux, feignant de mesurer des présages de pluie. Puis il soupira et dit :
– Tu sais, mon enfant ? J’ai commis une terrible erreur.
Je crus qu’il allait confesser son crime. Finalement mon père se rachetait, absous par le remords avoué.
– Quelle erreur, mon père ?
– Je n’ai jamais donné de nom à ce fleuve.
C’était là sa confession. Sommaire, sans émotion. Il se redressa et posa sa main sur mon épaule.
– Toi, mon enfant, choisis un nom pour ce fleuve.
– Je ne sais pas, papa. Un nom est une chose trop grande pour moi.
– Alors, je choisis moi : il va s’appeler fleuve Kokwana.
– Je trouve ça joli. Qu’est-ce que ça veut dire ?
– Ça veut dire “grand-père”.
Je tressaillis : mon père faiblissait devant l’interdiction d’évoquer les ancêtres ? Et cet instant était si délicat que je ne dis rien de peur qu’il ne fasse marche arrière.
– Ton grand-père paternel priait près des fleuves quand il voulait demander la pluie.
– Et après il pleuvait ?
– Il pleut toujours après. Il faut juste prier très en avance.
Et il ajouta :
– La pluie est un fleuve protégé par les défunts.
Qui sait, le fleuve récemment nommé était peut-être dirigé par mon grand-père paternel ? Qui sait, peut-être que je me sentirais de cette manière beaucoup plus entouré ?
Je retournai dans ma chambre, la veilleuse de mon frère était encore allumée. Ntunzi dessinait ce qui me parut être une nouvelle carte. Il y avait des flèches, des panneaux d’interdictions et des gribouillis indéfinissables semblables aux lettres russes. Au centre de cette carte trônait dans sa sereine certitude un ruban peint en bleu.
– C’est un fleuve ?
– Oui, c’est l’unique fleuve du monde.
Et soudain le papier s’imbiba d’eau et de grosses gouttes tombèrent par terre. Évitant la flaque qui recouvrait le plancher, je m’assis sur le coin de son lit.
Ntunzi me gronda :
– Attention à tes pieds mouillés, tu fais des taches partout.
– Ntunzi, dis-moi : c’est comment un grand-père ?
À ma grande jalousie, Ntunzi avait connu la collection complète des grands-parents. Sans doute par pudeur, il n’en parlait jamais. Ou peut-être craignait-il que mon père ne l’apprenne ? Silvestre Vitalício interdisait les souvenirs. La famille c’était nous, sans personne d’autre. Les Ventura n’avaient ni avant ni après.
– Un grand-père ? demanda Ntunzi.
– Oui, dis-moi comment c’est.
– Un grand-père ou une grand-mère ?
Ça m’était égal. En vérité, ce n’était pas la première fois que je lui posais cette question. Et mon frère ne répondait jamais. Il comptait sur ses doigts comme si l’idée de ces parents naissait de calculs délicats. Il comptait, oui, par inalgorithme.
Cependant, cette nuit-là, Ntunzi dut avoir terminé de compter. Car, alors que j’étais déjà bien installé entre mes draps, il revint lui-même sur le sujet. Il arrondissait un vide entre ses mains avec le soin de qui transporte un oisillon.
– Tu veux savoir comment c’est un grand-père ?
– Je te l’ai toujours demandé, tu ne m’as jamais répondu.
– Toi, Mwanito, tu n’as jamais vu de livre, non ?
Et il m’expliqua comment était façonné cet objet tentateur, le comparant à un grand jeu de cartes.
– Imagine des cartes de la taille d’une main. Un livre est un jeu composé de ces cartes toutes collées du même côté.
Son regard était vague quand, passant sa main sur un jeu de cartes imaginaire, il dit :
– Caresse un livre comme ça et tu sauras comment c’est un grand-père.
Son explication me déçut. L’idée d’un grand-père qui dirigeait des fleuves était beaucoup plus excitante. Nous étions presque endormis quand je me rappelai :
– À propos, Ntunzi, le jeu de cartes est fini.
– Fini comment ? Tu as perdu les cartes ?
– C’est pas ça. Y a plus de place pour écrire.
– Je vais te trouver de quoi écrire. Je te l’apporte demain.

 

Le lendemain, Ntunzi retira de sa chemise un paquet de feuilles colorées et lança sèchement :
– Tu peux écrire ici.
– Qu’est-ce que c’est ?
– C’est de l’argent. Ce sont des billets.
– Et qu’est-ce que j’en fais ?
– Fais comme avec les cartes, écris sur tout l’espace disponible.
– Et il était où cet argent ?
– Comment est-ce que tu crois que notre oncle réussit à se procurer toutes les choses qu’il nous apporte ?
– Il dit que ce sont des restes qu’il ramasse simplement dans les endroits abandonnés.
– Tu ne sais rien, mon frère. Tu as l’âge d’être trompé, moi l’âge d’être entourloupé.
– Je peux écrire maintenant ?
– Pas maintenant. Cache bien cet argent, que notre père ne nous surprenne pas…
Je dissimulai les billets sous mon drap comme si j’abritais une compagnie pour mon rêve. Quand je fus seul, Ntunzi ronflant déjà, mes doigts tremblèrent en caressant l’argent. Sans savoir pourquoi, je plaçai les feuilles peintes contre mon oreille au cas où j’entendrais des voix. Je faisais comme Zacaria qui écoutait les trous dans la terre. Il y avait peut-être des histoires cachées dans ces billets vieillis, qui sait ?
Cependant, je n’entendis qu’une chose : la peur marteler ma poitrine. Cet argent était le bien le plus secret de mon vieux. Sa présence constituait une preuve fatale de son long mensonge. L’Autre-Côté était finalement vivant et gouvernait les âmes de Jésusalem.