Profession 2

Momo répond au téléphone.

Momo (avec une voix de femme)

Que la paix soit avec vous? (Temps) Un instant, je vous prie.

Momo change l’appareil téléphonique d’une oreille à l’autre.

Momo (avec une voix d’homme)

Que la paix soit avec vous? Oui, madame. Oui… Oui… Oui… Écoutez, madame, mon travail, c’est de respecter la dernière volonté des morts. Ce n’est pas moi qui ai rédigé le testament de votre mari. Il l’a rédigé lui-même. (Il fait la lecture du testament.) «À ma mort, je désire qu’on me… vêtasse –oui, madame, c’est ce qu’il a écrit– de la robe de coton rouge qui a appartenu à ma mère ainsi que du fait même, ses boucles d’oreilles avec de l’argent dessus que vous retrouverez, ci-fait joint, dans une boîte verte, sur la troisième tablette de mon garde-robe, à moins que, de ci-fait, ma femme l’ure changée de place. Dans le cas présent, que vous lui demandiez où les boucles d’oreilles se trouva.» Je comprends que c’est un choc. Mais il va falloir regarder la vérité en face: ça a l’air que votre mari se serait gardé une petite gêne. Ça ne donne rien de crier après votre défunt mari. Il est mort, madame. Vous allez me faire croire que votre vie à vous brille de transparence? Vous allez me faire croire que jamais vous ne vous êtes aperçue que votre mari en avait gros sur le cœur, que quand il répondait «oui oui, ça va bien», dans le fond il avait juste envie de crier «à l’aide, sortez-moi de mon corps, au secours, j’étouffe, j’étouffe? Laissez-moi sortir. Laissez-moi voir la lumière du jour. J’ai beau enfiler des talons aiguilles. Il n’y a rien à faire. Mes tissus, mes organes, mon sang… L’horreur de ma conception… J’ai juste envie de m’incinérer…»

Sur ces dernières phrases, Momo devient une femme. Simone prend Momo dans ses bras. Cette dernière s’en dégage rapidement.