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TOUT ÉTAIT TRANQUILLE, le magasin était plongé dans l’obscurité, quand nous avons été réveillés par les aboiements de Luna et les hurlements d’Astrid :

JAKENIKODEANBRAYDENVENEZTOUTDESUITE !

On est sortis de nos couchettes, se bousculant les uns les autres, à moitié endormis, puis réveillés sec au moment où on a posé le pied sur le lino.

On fonçait dans la direction d’où provenaient sa voix et la faible lueur d’une lampe de poche.

En m’engageant dans un rayon, j’ai aperçu un matelas gonflable sur lequel était entortillé un drap. Robbie était allongé dessus en sous-vêtements. Astrid était là.

Elle toisait Robbie, un pistolet à la main, braqué sur sa poitrine.

Luna était au garde-à-vous, elle aboyait comme une folle.

C’est là que j’ai repéré Sahalia.

Elle pleurait, quasiment à poil. En string, pour tout dire. Assise par terre, elle serrait sa chemise de nuit contre sa poitrine.

Sahalia et Robbie avaient…

Sahalia et Robbie avaient…

Sahalia et Robbie avaient… quoi, en fait ?

— C’est quoi ce bordel ? a demandé Jake.

— Prends le pistolet, lui a rétorqué Astrid.

Jake a obéi, braquant le canon sur le bassin de Robbie.

— C’est trop, là. C’est carrément trop, répétait-il.

J’ai remarqué que ses mains tremblaient.

— Que s’est-il passé ? a demandé Niko.

— Rien du tout ! a protesté Robbie.

Sahalia sanglotait, cramponnée à Astrid comme à un radeau de survie. La grande lui chuchotait des paroles rassurantes tout en essayant à la fois de la rhabiller et de la faire se relever.

— Tout va bien, lui disait-elle. Tu vas bien. Pas de souci. Maintenant lève-toi.

Sahalia serrait toujours sa chemise de nuit contre sa poitrine, et Astrid l’a conduite vers le Train.

— Les gars, a commencé Robbie. C’est pas ce que vous croyez. Moi, j’étais là, je dormais, et à un moment je me suis réveillé, elle était à quatre pattes sur moi. Elle disait qu’elle voulait que je l’emmène, qu’elle serait ma copine. Moi, j’ai dit non !

Là-dessus, il a levé les mains en l’air.

— Vous mentez ! lui a lancé Niko.

— Je vous dis la vérité. Je sais que les apparences sont contre moi, mais je vous jure, j’ai dit non. Sérieux. Te lo juro !

Luna aboyait et grondait encore.

— Viens là, Luna, l’a appelée Robbie.

Il lui a alors gratté les oreilles et l’a caressée pour la calmer.

Pour nous calmer nous aussi.

— Il y a méprise, a-t-il dit à la chienne. Ces gamins ne feraient jamais de mal à personne. Une grosse méprise.

Je me suis tourné vers les mecs. Ils gobaient le truc ? Ils gobaient ça ?

— Elle est toquée, cette fille, a repris Robbie. Elle répétait tout le temps que vous la preniez pas pour une adulte, alors qu’elle en est une, et qu’elle voulait vous le prouver, mais honnêtement, moi, j’essayais de la convaincre de remettre sa chemise de nuit quand l’autre folle s’est ramenée avec une arme.

— OK ! a crié Niko. Ça suffit ! Vous vous taisez. Vous me laissez réfléchir.

Robbie murmurait des paroles apaisantes à Luna.

— Vous autres, vous le maintenez en joue, nous a ordonné Niko. En permanence, quoi qu’il dise. Je vais parler à Sahalia. Je veux savoir ce qui s’est passé ici, ensuite on verra ce qu’on fait.

Il est parti en courant.

— ‘Tain, a fait Jake (la main avec laquelle il tenait le pistolet tremblait violemment). Je crois que je vais vomir.

Il s’est plié en deux.

— Passe-moi le flingue, lui a dit Brayden en s’approchant de lui.

Mais, au même instant, Robbie se jetait sur l’arme.

J’ai été trop lent. Un temps de retard.

Robbie a arraché le flingue des mains de Jake à la seconde où Brayden allait le récupérer.

— Non ! a gueulé ce dernier.

Il a tenté d’agripper l’arme et, dans le mouvement, un coup est parti. Un bang assourdissant.

Brayden en est tombé par terre, à moitié déboussolé.

— Brayden ! me suis-je écrié.

Jake s’est précipité vers Robbie, cherchant à lui arracher le pistolet.

Niko a déboulé à ce moment-là, il s’est jeté sur Robbie et l’a empoigné par le cou. Robbie, Jake et lui se sont retrouvés au sol.

L’homme donnait des coups de poing à Jake et des coups de coude à Niko – en pleine tête. Il a réussi à reprendre le pistolet à Jake.

J’ai foncé auprès de Brayden. Il me regardait d’un air choqué.

Quand je me suis retourné vers Robbie, il braquait son arme sur la tête de Niko.

— Recule ! gueulait-il. Ou je tire ! Je le bute ! Je blague pas !

Jake a reculé, les mains en l’air.

Robbie a craché trois jurons en espagnol, et s’est relevé. Il a essuyé le sang qu’il avait au coin des lèvres.

— Maldita sea ! Je vous ai dit que c’était pas moi ! Elle voulait être ma copine. Pourquoi vous me croyez pas ? (S’adressant à Niko :) Toi, là, tu peux pas me sacquer depuis le début !

Il lui a décoché un coup en pleine figure avec le canon du pistolet. Niko s’est effondré.

— C’est pas toi qui décides qui part ou qui reste, lui criait-il. Ni qui meurt et qui vit !

Il a brandi son arme.

Et bam !

Un coup de feu m’a tué les oreilles.

Robbie a été projeté en arrière, entraîné par sa tête.

Il a percuté une étagère derrière lui avant de s’écrouler.

Mort.

 

Là, Josie est apparue au bout du rayon, dans la pénombre, l’autre pistolet à la main.

Par terre, juste derrière elle, il y avait le sac plastique dans lequel Niko avait rangé les armes.

Le second flingue avait-il été là dès le départ ?

Josie l’a lâché, d’un mouvement convulsif.

Puis elle est tombée à genoux, s’est caché la figure dans les mains, et s’est mise à hurler.