4. LA MAYONNAISE COLLAPSOLOGIQUE : 1984 À L’ENVERS

Le sondage IFOP pour la Fondation Jean-Jaurès de février 2020 montre que 65 % des Français sont d’accord avec l’assertion selon laquelle « la civilisation telle que nous la connaissons actuellement va s’effondrer dans les années à venir ». Le 27 décembre 2019, Le Monde tire les conséquences de cette perspective et interpelle ses lecteurs : « Faut-il instituer une dictature environnementale ? »

Dans 1984, le roman de George Orwell, le Parti a la mainmise sur les archives et truque la vérité historique ; il pratique la désinformation et le lavage de cerveau pour asseoir sa domination. C’est la « mutabilité du passé » car « celui qui détient le passé détient l’avenir ».

Pour le Parti, le passé n’existe pas en soi. Il n’est qu’un souvenir dans les esprits humains. Le monde n’existe qu’à travers la pensée humaine et n’a pas de réalité absolue.

Le Parti impose une gymnastique de l’esprit aux hommes ; la « doublepensée » dans la novlangue. Les archives sont réécrites pour noircir le passé et enjoliver le présent. Le journal The Times est modifié en continu pour faire croire, par exemple, à la population que les rations de chocolat augmentent alors qu’elles diminuent.

Les écologistes font l’inverse : ils enjolivent le passé et cachent systématiquement toutes les améliorations présentes. Pour prendre le pouvoir sur les âmes, ils inversent la stratégie du Parti de 1984. Avec la même conséquence d’emprise mentale.

Notre cerveau est bien adapté à la chasse au mammouth, mal pour résister aux prédications apocalyptiques

Nous pensions vivre un siècle apaisé devenu majeur face à la technologie. Le recul de la science face aux croyances et aux émotions est l’une des caractéristiques les plus frappantes de notre époque. Il fragilise les équilibres politiques et livre un terrain cognitif préparé à souhait pour les prédicateurs d’apocalypse proposant généreusement de prendre le pouvoir pour nous sauver.

Nous connaissons une crise cognitive : notre cerveau n’est pas adapté au nouveau monde. L’écologie politique transforme nos biais cognitifs en or électoral !

Nos biais cognitifs sont un boulevard pour les écologistes catastrophistes

Notre cerveau est redoutablement économe en énergie. Pour effectuer une tâche donnée, un ordinateur consomme entre mille et un million de fois plus d’énergie que notre cerveau. Il a été construit par la sélection darwinienne pour repérer très vite un serpent dans l’herbe ou attaquer efficacement le mammouth en dépensant le moins d’énergie possible car la nourriture était rare jadis. Cette efficacité a un coût : notre cerveau simplifie beaucoup le réel, ce qui génère de nombreux biais cognitifs. Notre rationalité est imparfaite du fait de nos limites cognitives. L’abondance d’informations de notre époque aggrave nos biais cognitifs : nous ne sommes pas dotés d’une mémoire prodigieuse et de capacités d’abstraction illimitées.

Le sociologue Gérald Bronner décortique depuis des années les biais de nos cerveaux. Notre capacité à comprendre un monde complexe est médiocre et la concurrence des médias favorise les informations fausses.

L’être humain est un animal cognitif qui souhaite donner un sens au monde, et en particulier aux malheurs qui le frappent. Le temps des prophètes ne s’est jamais arrêté. Le traitement de l’information peut générer de multiples erreurs cognitives. Le décalage entre logique mathématique et bon sens nous trompe. Notre logique ne peut se résoudre à suivre le calcul mathématique1. Certaines vérités sont scandaleuses parce que contre-intuitives tandis que des solutions fausses exercent une attraction irrésistible. L’effet Othello2 est remarquablement bien utilisé par les Verts. Nos cerveaux sont prêts à croire des éléments improbables qui nous sont répétés régulièrement. Les collapsologues rendent crédible ce qui nous semblait au départ impossible. De surcroît, les Verts pratiquent le « cherry-picking » en ne sélectionnant que les informations qui vont dans leur sens.

L’exposition aux rayonnements nucléaires, malgré Tchernobyl, fait chaque année en Europe beaucoup moins de morts que l’exposition aux rayonnements solaires. L’opinion est terrifiée par les conséquences de Tchernobyl et indifférente aux rayons du soleil qui provoquent 50 000 tumeurs de la peau par an en France.

 

Internet aggrave nos biais cognitifs

 

Le recul des grands systèmes idéologiques et religieux a mécaniquement fait apparaître de nouvelles visions donnant du sens au monde. Le biais de confirmation est sans doute celui qui est le plus généralisé et le plus déterminant dans les processus qui pérennisent les croyances : nous avons volontiers recours, pour tester une idée, à un énoncé qui la confirme, plutôt qu’à un énoncé qui l’infirme. Notre « avarice cognitive » nous conduit à accepter des énoncés douteux parce que nous n’avons pas la motivation pour devenir des spécialistes. Les croyances proposent des solutions qui épousent les pentes naturelles de l’esprit, elles produiront souvent un effet cognitif très avantageux au regard de l’effort mental impliqué. Une fois une idée acceptée, les individus persévéreront généralement dans leur croyance. Ils le feront d’autant plus facilement que l’avalanche de données rend très facile la rencontre avec des contenus numériques confirmant leur croyance.

La surabondance de l’information rend sa vérification difficile et génère un dédale cognitif dans lequel la plupart des individus se perdent. La concurrence entre croyances et connaissances sur Internet est déloyale. Les sites défendant des croyances dominent toujours les sites scientifiques. Quel que soit le thème étudié par Gérald Bronner – monstre du Loch Ness, Saint-Suaire, OGM, Yéti, télépathie, danger des ondes – il existe 70 % de sites crédules. La facilité d’accès à l’information favorise les croyances. Cette concurrence déloyale sur le marché cognitif est liée à la motivation des croyants, qui est supérieure à celle des savants et des sceptiques. Les savants se mobilisent moins que les militants de l’inquiétude, ce qui renforce les convictions de ceux qui craignent les OGM, l’aspartam ou les ondes.

Désormais, la vérité se décrète à l’applaudimètre et les idées sont classées en fonction de leur score à l’Audimat. Le principe de précaution flatte nos réflexes les moins honorables. En définitive, plus une explication est mono-causale, flatte nos biais cognitifs, joue sur nos peurs et nos indignations plus vite nous l’accepterons. Notre cerveau est prêt pour accepter l’apocalypse verte.

La structure de ChatGPT est comprise par moins de 100 Français

Cette crise cognitive va s’aggraver. ChatGPT est l’ultime avatar de ces technologies dont la compréhension, désormais, nous échappe. Un brevet de 1780, qui s’appelait alors lettre patente, était compréhensible par 95 % des Français : trois vis, un engrenage… Un brevet de 2023 sur le design des microprocesseurs, les thérapies géniques du cancer ou l’ordinateur quantique, est compréhensible au mieux par 1 % des Français. Une poignée de Français comprend le fonctionnement des réseaux de neurones des LLM : une centaine au maximum. L’ultra-complexité du monde dope le marché de la peur.

Le monde est tellement complexe qu’il en devient opaque pour la plupart des gens. Il est d’autant plus facile de les embarquer par des sophismes éculés et de la démagogie de comptoir. L’esprit apeuré perd ses moyens, et devient prêt à tous les renoncements pour goûter à la joie d’avoir l’impression de comprendre.

L’histoire repeinte en rose pour mieux noircir le présent

Les dictatures d’hier réécrivaient le passé pour faire accepter un présent sombre. La dictature verte en germe inaugure une nouvelle technique : elle change le passé pour mieux dévaloriser un présent formidable. Les marchands de peur ont convaincu les Français que nous vivons une période horrible de l’histoire, ce qui est faux ! Le pape François ne répète-t-il pas que le capitalisme est le fumier du diable ? En réalité, le monde n’a jamais été si doux, la criminalité plus faible, la malnutrition plus réduite et la Sécurité sociale si généreuse.

Voudriez-vous vraiment vivre dans le passé ?

Regardons de plus près ce passé idéalisé.

En 1800, même dans les pays les plus riches, le taux de pauvreté était considérablement plus élevé que dans les pays pauvres d’aujourd’hui. Aux États-Unis et en Europe, de 40 à 70 % de la population vivait dans la pauvreté extrême. Les pauvres, les sans-abris et les vagabonds miséreux représentaient entre 10 et 20 % de la population occidentale. En 1950, 27 % de tous les enfants sur terre mouraient avant l’âge de quinze ans.

Johan Norberg et Steven Pinker nous rappellent que la violence était omniprésente. Les chasseurs de sorcières en France et en Allemagne tuèrent entre 60 000 et 100 000 accusées. Les sites archéologiques montrent la violence extrême du passé. Entre 1440 et 1524, les Aztèques sacrifiaient 1,2 million d’êtres humains au total. La violence touchait tous les échelons de la société : sur les quarante-neuf empereurs romains, trente-quatre finirent assassinés. Le taux de criminalité, nous rappelle Steven Pinker, a été divisé par 30 à 100 fois depuis le Moyen Âge.

La qualité et le confort de vie étaient déplorables. En 1882 encore, seuls 2 % des New-Yorkais avaient l’eau courante. Les plus grandes villes étaient des cloaques. En 1900, les chevaux répandaient chaque jour dans les rues de New York plus de 1 000 tonnes de crottin. Les porteurs d’eau allaient chercher de l’eau de la Seine à côté des latrines. En 1832, l’épidémie de choléra à Paris faisait jusqu’à 1 000 morts par jour et tua 25 000 Londoniens.

L’histoire de la médecine est édifiante.

En 1740, 30 % des enfants français meurent avant un an.

Une éraflure par balle sur les champs de bataille napoléoniens conduisait à l’amputation sans anesthésie !

Napoléon III est mort en 1873 d’une banale lithiase urinaire.

Jusqu’à l’invention de l’appendicectomie par Charles Krafft en 1888, 99 % des appendicites aiguës entraînaient la mort.

Cent pour cent des diabétiques insulino-dépendants mouraient après une effroyable agonie jusqu’à la synthèse de l’insuline en 1922.

En 1950, tous les enfants leucémiques mouraient en quelques semaines ; la quasi-totalité guérit aujourd’hui !

Jusqu’à l’invention des neuroleptiques en 1950, de très nombreux schizophrènes – il y en a 500 000 en France – étaient attachés dans les fameuses camisoles de force.

En 1955, les Alpes étaient encore parsemées de sanatoriums où les tuberculeux attendaient sagement une mort probable.

Jusqu’à la mise au point du vaccin en 1955, la polio était responsable de paralysies respiratoires gravissimes chez les enfants qui devaient passer des années dans d’horribles poumons d’acier où seule la tête était à l’air libre. Trois malades qui ont été contaminés avant la mise au point du vaccin sont toujours prisonniers de leurs poumons d’acier.

En 1985, l’espérance de vie des sidéens était de onze mois. Avant le vaccin, l’hépatite B tuait 500 jeunes Français chaque année.

N’écoutez pas les intellectuels apocalyptiques : la vie n’a jamais été aussi magnifique. Pour vous en convaincre, courez télécharger un livre d’histoire de la médecine. Car non, ce n’était pas mieux avant ! C’était horrible, avant !

La vie n’a jamais été aussi belle : un ouvrier de 2023 vit mieux que Louis XIV

Le Roi-Soleil était tout-puissant et disposait de magnifiques demeures entretenues par d’innombrables serviteurs. Mais sa vie était bien difficile. Il faisait très froid à Versailles en hiver : le vin gelait à la table du roi. L’odeur était pestilentielle dans ce château sans hygiène ; seuls les parfums masquaient très imparfaitement cette situation. Les voyages étaient interminables dans des carrosses effroyablement inconfortables. Le voyage du Roi pour aller se marier à Saint-Jean-de-Luz dura des semaines ; un ouvrier peut faire Paris Biarritz en soixante-quinze minutes en low cost pour 25 euros. Le Roi disposait de beaucoup moins d’informations et de distractions qu’un ouvrier de 2023 équipé d’un Smartphone bas de gamme.

Si Louis XV est l’arrière-petit-fils de Louis XIV, c’est parce que sa famille a été décimée par la variole, la rougeole et autres maladies souvent fatales à l’époque. À partir de 1660, il est constamment malade. La dentition de Louis XIV est très tôt dans un état effroyable. Dès quarante-cinq ans, il n’a plus de dents : la dentisterie de l’époque se limite à l’arrachage sans antalgiques des « dents pourries ». Le Roi-Soleil a souffert de multiples ennuis de santé dont le traitement serait aujourd’hui indolore, immédiat et remboursé à 100 % par la Sécurité sociale. Et, l’interminable et atroce agonie du Roi par nécrose de la jambe serait aujourd’hui évitée grâce à une banale opération de chirurgie vasculaire.

L’homme combat la nature depuis un million d’années et doit continuer

Le combat écologique s’accompagne désormais d’une déification de la nature qui est considérée comme bienveillante par essence. Quelle folie ! C’était horrible, quand l’homme était soumis à la nature ! La modernité débute au moment où l’on se libère de la nature.

Les marchands de peur ont donc convaincu les Français que nous vivons une période infernale alors que l’existence n’a jamais été si douce que depuis que nous combattons la nature. Les lunettes, le savon, le chauffage, les vaccins, les médicaments et les toilettes ne sont pas naturels. Les maladies le sont : le cancer, la tuberculose, le sida, l’hépatite, le tétanos sont parfaitement naturels.

Cela affole Jean-Pierre Riou : « À l’opposé du siècle des Lumières, de son culte de la raison, de la connaissance et du progrès, le xxie siècle naissant affiche désormais sa défiance de la science. Au nom du dieu Nature, ce siècle marque le retour de la culpabilité de l’homme, néfaste par essence à son environnement, et sa nécessaire contrition, liée au mythe d’une apocalypse dont il serait responsable. Et l’écologie politique s’est engouffrée dans cette brèche en brandissant à la fois le spectre de la fin du monde et les délices d’un paradis perdu. »

L’écologisme est devenu un antihumanisme comme Luc Ferry l’expliquait dans Le Nouvel Ordre écologique. Rendre sacré tout ce qui est non humain a une conséquence terrible : cela transforme en sacrilège la moindre intervention de l’homme sur terre. Pour parachever l’œuvre de manipulation des esprits, il est essentiel de rendre les gens aveugles à tout ce qui pourrait être interprété comme une preuve de la pertinence de l’action humaine sur terre.

Les bonnes nouvelles sont cachées

L’opinion publique est d’autant plus facilement paniquée que toutes les informations positives lui sont soigneusement dissimulées. Il est essentiel, pour que la propagande fonctionne, que tout le monde soit persuadé que nous vivons en enfer.

Comme l’explique Max Roser, économiste à Oxford : « S’il vous était donné l’opportunité de choisir la période où vous pourriez naître, ce serait vraiment risqué de choisir une période autre que la nôtre dans les milliers de générations du passé. »

Tous les critères de développement humain sont au vert. Le taux de pauvreté n’a jamais été aussi bas. L’alphabétisation n’a jamais été aussi élevée. Le niveau de vie moyen est plus fort que jamais. L’espérance de vie mondiale a plus que doublé depuis 1900 et a atteint un sommet absolu. La mortalité infantile est plus basse qu’elle ne l’a jamais été. Chaque jour, 280 000 personnes supplémentaires ont accès à l’eau courante, 325 000 personnes ont accès à l’électricité et 650 000 ont une connexion Internet pour la première fois.

La mortalité par catastrophes naturelles est au plus bas. Entre 1931 et 2022, le nombre de victimes par catastrophes naturelles s’est effondré : 4 millions de morts en 1931, 10 000 en 2019. Compte tenu du triplement de la population depuis les années 1930, cela correspond à une division par 1 000 des victimes humaines de catastrophes naturelles. Il est fascinant de constater que les médias ont convaincu l’opinion que le réchauffement climatique s’accompagne d’une explosion des victimes de catastrophes naturelles.

Un enfant né aujourd’hui a plus de chances d’atteindre l’âge de la retraite que ses ancêtres n’en avaient de vivre jusqu’à cinq ans

Les économistes du bonheur et les intellectuels optimistes – Steven Pinker, Johan Norberg, Nicolas Bouzou, Matt Ridley, Bruno Tertrais, Max Roser, Jacques Lecomte, Sylvie Brunel – s’épuisent à rappeler à quel point notre présent est heureux.

Mathieu Laine explique dans la préface du livre de Johan Norberg3 que la société sous-estime les progrès sociaux. L’extrême pauvreté régresse, passant de 42 % de la population mondiale en 1981 disposant de moins de 1,90 dollar par jour à 10,7 % en 2013 ; l’illettrisme – l’absence de maîtrise de la lecture et du calcul malgré une instruction – est en chute libre : en 1800, 88 % d’illettrés dans le monde, en 1900, 79 %, en 2014, 15 % ; la richesse des ménages dans le monde a augmenté de 250 000 milliards entre 2000 et 2015 ; le nombre d’enfants de cinq à dix-sept ans ayant un travail dans le monde est passé de 246 millions en 2000 à 134 millions en 2016.

 

Les seuls perdants de la révolution industrielle ont été mangés : ce sont les chevaux

 

Alors que la population mondiale a été multipliée par sept, le taux de pauvreté a été divisé par dix ! Les progrès de la médecine, l’urbanisation et l’enrichissement des États ont aussi permis d’améliorer grandement la qualité de vie de tous ; en deux siècles, l’espérance de vie a doublé dans les lieux les plus pauvres, et l’illettrisme a reculé partout.

Max Roser et Pierre Bentata4 ont montré que les bonnes nouvelles s’accélèrent.

La quantité de pétrole déversé dans les océans par les marées noires a été réduite de 99 % depuis 1970. Après que la mort des forêts européennes eut été annoncée dans les années 1980, beaucoup craignaient que les pluies acides ne transforment les espaces boisés en déserts chimiques. La chute de la pollution a évité ce drame. Dans l’Union européenne, les zones d’excès d’acidification sont passées de 43 à 7 % depuis 1980, et la prolifération d’algues dans les rivières et les lacs décline. En Europe, la zone forestière augmente de plus de 0,3 % par an. Le rythme annuel de perte forestière dans le monde a ralenti, passant de 0,18 % à 0,008 % depuis le début des années 1990. En Chine, la couverture forestière augmente désormais de plus de 2 millions d’hectares par an.

Après 1870, l’Européen moyen se mit à gagner 1 centimètre par décennie, passant de 1,67 mètre à 1,79 mètre aujourd’hui. Vers 1970, la déshydratation causée par la diarrhée tuait un enfant sur dix des pays pauvres avant l’âge de cinq ans. L’eau filtrée et javellisée est responsable de 74 % de la réduction de la mortalité infantile.

Au cours du xxe siècle, la probabilité pour un Américain de mourir dans un accident de voiture a baissé de 96 %, celle d’être fauché sur un trottoir de 88 %, celle de mourir dans un accident d’avion de 99 %, celle de mourir par le feu de 92 %, celle de se noyer de 90 %, celle de mourir par asphyxie de 92 %, et celle de mourir d’un accident du travail de 95 %. Le risque de mourir de la foudre s’est effondré de 96 %.

En 1900, 12 % de la population mondiale savait lire et écrire, nous approchons de 90 %. La richesse par habitant n’augmenta que de 50 % entre le début de l’ère chrétienne et le règne de Napoléon. En 1820, la richesse par habitant des pays les plus riches d’Europe occidentale tournait entre 1 500 et 2 000 dollars C’est moins qu’aujourd’hui au Mozambique et au Pakistan. En moyenne, les habitants de la planète vivaient dans une misère noire, comparable à celle de la population actuelle de Haïti, du Liberia et du Zimbabwe.

Le progrès touche désormais la majeure partie de la planète. Un Mexicain vit mieux aujourd’hui qu’un Britannique en 1955. Le revenu d’un Botswanais est supérieur à celui d’un Finlandais à la même époque. La mortalité infantile au Népal est inférieure à ce qu’elle était en Italie en 1912, nous rappelle Bruno Tertrais.

En réalité, les perdants de la révolution industrielle ne sont pas les ouvriers qui ont vu leur niveau de vie exploser. Les vrais perdants ont été mangés : ce sont les chevaux.

La pollution de l’air s’effondre : l’air n’a jamais été aussi pur à Paris

Un sondage IFOP montre que 88 % des Français pensent que la pollution de l’air augmente dans nos villes, seuls 3 % estiment qu’elle régresse. Les bulletins d’Airparif montrent que la pollution disparaît à vive allure de l’air de la capitale. Les six polluants qui affolent l’opinion – le SO2, le plomb, le monoxyde de carbone, le benzène, les oxydes d’azote, les particules fines – sont en chute libre. Tout le monde a oublié que la pollution était bien plus dramatique dans les années 1950. Le grand smog de 1952, par exemple, recouvrit Londres du vendredi 5 au mardi 9 décembre 1952 et tua 12 000 habitants.

La folie collapsologique a convaincu les citadins qu’ils courent un immense danger au moment où la pollution atmosphérique est en train de disparaître.

La révolution verte a été fantastique

La famine était un phénomène universel et régulier. La France connut vingt-six famines nationales au xie siècle, deux au xiie, quatre au xive, sept au xve, treize au xvie, onze au xviie et seize au xviiie. À chaque siècle, il y eut aussi plusieurs centaines de famines régionales. Dans le centre de la France, en 1662, on consomma de la chair humaine, rappelle Fernand Braudel. En Finlande, entre 1695 et 1697, près d’un tiers de la population succomba à la famine et la Suède connut le cannibalisme. Plus près de nous, la famine chinoise sous Mao Zedong de 1958 à 1961 tua 50 millions d’êtres humains et l’espérance de vie perdit vingt ans : c’est la dernière période de cannibalisme important5 de l’histoire de l’humanité.

La « Révolution verte6 », dont le père, Norman Borlaug, sera couronné d’un prix Nobel de la Paix en 1970, fera disparaître les famines. L’Inde est passée de 500 millions à 1,3 milliard d’habitants, son économie a décuplé, sa production de blé a quintuplé. La Révolution verte devait épargner à des centaines de millions d’humains la famine et la mort. Le progrès scientifique a démenti le malthusianisme écologiste ; l’humanité est mieux nourrie qu’elle ne l’a jamais été.

Norman Borlaug est la première personne dans l’histoire à avoir sauvé un milliard de vies humaines. L’augmentation des rendements agricoles est tellement spectaculaire que l’on produit plus sur moins de surface. C’est ce qui a permis à la forêt française de doubler sa superficie depuis 1830 !

Ces bonnes nouvelles n’ont pas bonne presse et apparaissent scandaleuses. L’époque est à la fin du monde. L’apocalypse fait recette.

L’ère des gourous verts : l’apocalypse dans la joie

Il y a longtemps que les gourous verts et les prophètes de malheur existent. Les années 1960 et 1970 en ont vu fleurir de nombreux. L’échec sans appel de leurs prévisions a calmé les ardeurs collapsologiques pendant un temps.

Puis, une nouvelle vague est arrivée à partir de l’an 2000, à la confluence de l’écologie politique et de l’extrême gauche en quête d’un modèle après l’échec des régimes marxistes.

Écothéologie

Ces mouvements au fonctionnement sectaire fleurissent sur le terreau fertile de l’anticapitalisme et des aspirations collectivistes. L’idéologie verte fonctionne exactement comme une nouvelle religion. La collapsologie est fondamentalement une idéologie religieuse… mais au lieu de demander pardon à Dieu, l’on demande pardon à la Nature.

L’écologie, telle qu’elle est déclinée, s’apparente à une idéologie religieuse aussi radicale que dangereuse. Elle suscite chez ses disciples des délires de mortification qui les rendent prêts à tous les sacrifices, explique Sylvie Brunel. Désormais, l’écologie a toutes les caractéristiques d’une religion : repentance, mortification, catéchisme, apocalypse, contrition.

Ce virage désole l’ancien ministre de François Mitterrand Bruno Durieux : « L’écologisme est aussi d’essence religieuse. Religion, il n’a que faire, quoi qu’il prétende, des acquis de l’écologie scientifique, simples oripeaux à ses yeux. Le propre d’une religion, la foi, est d’admettre un système de pensée et de règles, sans exiger de démonstration, de preuve, ou de réalité tangible. L’écologisme est l’écologie, débarrassée de sa rigueur, transfigurée par la révélation. Nous avons affaire à une foi, une mystique, des croyances, des visions. L’écologisme est une religion jeune, dont l’expansion a été fulgurante, irrésistible, planétaire. Ses clergés se sont rapidement établis et organisés ; et ses chapelles installées et multipliées sur tous les continents. Condamnant l’anthropocentrisme, elle rivalise avec les religions du Livre. Elle a déjà ses saints et ses martyrs, ses croisés et ses inquisiteurs, ses pénitents, ses diables, ses mécréants et ses apostats, ses apothéoses, sa Bible. Elle a, comme toute religion influente, ses faux dévots, dévots opportunistes cherchant une couverture pour leurs propres desseins (sortir du capitalisme, conquérir un pouvoir, s’enrichir, occuper une position, etc.). Chaque jour apporte une révélation, généralement un fléau ou une calamité, accablant le peuple écologiste pécheur et l’appelant à plus de piété ; une révélation qui ajoute un verset nouveau aux livres saints. »

Pour les collapsologues, notre futur c’est la préhistoire

Leur chemin est le cul-de-sac de la civilisation. Bloquer les technologies NBIC aurait les mêmes conséquences que l’interdiction de l’imprimerie entre 1455 et 1727 a eues sur l’empire Ottoman.

En réalité, les écologistes sont fascinés par la fin du monde. Comme l’expliquait l’intellectuel écologiste Bruno Latour dans Le Monde7 : « L’apocalypse, c’est enthousiasmant. » Eh bien non, le discours collapsologique n’est pas enthousiasmant ; il conduit l’Europe au suicide et nos enfants au Prozac.