Chapitre 34

Lorsque Robert retira son heaume, l’air glacial gifla ses joues trempées de sueur. Il avait un goût de sel et de fer. S’adossant au mur en terre d’une maison, il tira le bouchon de son outre avec ses dents puis, recrachant le morceau de liège, il but le vin jusqu’à la dernière goutte. Il y avait des cadavres tout autour de lui dans la rue et les murs étaient constellés de traînées sanglantes. Près de lui, un homme avait le crâne défoncé et une matière grise et rosée s’était déversée par l’ouverture, collant ses cheveux. C’était peut-être un cheval qui lui était passé dessus, à moins qu’il ait reçu un coup de hache. Robert ne pensait pas le lui avoir donné, mais c’était difficile à dire. Les souvenirs du massacre qui avait eu lieu ici devenaient déjà flous, et comme étrangers.

Des chevaliers et des écuyers, à proximité, buvaient à longs traits et reprenaient leur souffle, ordre ayant été donné quelques instants plus tôt d’épargner les survivants. Certains célébraient déjà la victoire, mais leur rire sonnait faux, forcé. Les autres se taisaient et détournaient les yeux de la scène odieuse qui s’étalait devant eux. Robert avait vu plusieurs hommes s’écarter en vacillant, retirer leur heaume et vomir. Il alla voir Chasseur, qu’il avait attaché à un chariot abandonné à l’arrière duquel il avait laissé son épée.

Il leva le bras auquel était attaché son bouclier et grimaça en sentant ses muscles douloureux, puis il rangea son outre de vin dans la sacoche et récupéra son épée. Le sang séchait déjà sur la lame. Le visage fermé, il déposa son heaume sur sa selle. Il avait perdu la trace de son frère et de ses hommes pendant l’assaut. Il se sentait désorienté, la fumée obscurcissant le ciel lui ôtait toute notion d’heure. Il n’aurait su dire s’il s’était passé dix minutes ou plusieurs heures depuis qu’ils étaient entrés dans la ville. L’infanterie occupait la rue devant lui, les soldats ramassaient les morts et faisaient sortir les survivants des maisons, les toits de chaume continuant à brûler. On entendit des bruits de sabots et des chevaliers arrivèrent. Parmi eux, Robert distingua les couleurs de Pembroke, les oiseaux rouges sur les rayures bleues et blanches. Tandis que la compagnie défilait, il s’éloigna en tirant Chasseur par les rênes et s’engagea dans une allée adjacente, décidé à refaire le chemin à l’envers pour trouver son frère.

Il n’avait fait que quelques pas quand des sabots résonnèrent dans l’allée. Robert se retourna : un chevalier était lancé à toute allure vers lui. Il eut le temps de voir des rayures bleues et blanches, une épée serrée dans un poing, et de comprendre que le chevalier ne ralentissait pas. Après la bataille, le sang bouillait encore en lui et il réagit sur-le-champ. Il frappa du plat de la main sur la croupe de Chasseur pour qu’il parte au galop et se plaqua contre le mur, hors de portée du destrier et de l’épée. Le cavalier et sa monture le frôlèrent à fond de train avant de s’arrêter plus loin dans le passage boueux. D’une poigne ferme, le chevalier fit faire demi-tour à son cheval. Alors qu’il ramassait son heaume, tombé au moment où Chasseur s’était élancé, Robert vit l’homme remonter sa visière et reconnut les yeux d’Aymer, frémissant d’une haine sauvage. Son surcot était maculé de sang, de même que la housse de son cheval. Il éperonna sa monture. Ses intentions étaient claires.

Robert se précipita vers la porte d’une maison délabrée au moment où Aymer le chargeait. La porte s’ouvrit d’un coup, craquant sous l’impact, et Robert conserva à grand-peine son équilibre. Il se retrouva dans une cuisine occupée presque entièrement par une table à tréteaux sur laquelle étaient disséminés les restes d’un repas. La lumière filtrait par les volets clos de chaque côté de la porte défoncée. Plusieurs tabourets étaient éparpillés dans la pièce et une lueur rougeâtre venait de l’âtre, mais il n’y avait pas âme qui vive. Dehors, Robert entendit un cheval souffler par les naseaux et des éperons cogner contre le sol. Lâchant son heaume, il remit son bouclier en place en attachant les courroies à son bras gauche, tandis que dans sa main droite il serrait la poignée de son épée.

La silhouette d’Aymer apparut à contre-jour sur le seuil. Il avait déjà son arme à la main et lui aussi portait un bouclier orné d’un dragon. Le chevalier fit un pas dans la pièce, défiguré par la haine.

— Encore un paysan qui se cache dans sa masure en attendant que je le taille en pièces, lança Aymer d’une voix acerbe. Quand ils trouveront ton cadavre, je serai parti depuis longtemps.

Robert s’humecta les lèvres avec anxiété.

— Une bonne idée, que je peux reprendre à mon compte, commenta-t-il en levant son arme.

Aymer éclata de rire.

— Je ne suis pas Guy. On ne me bat pas si facilement.

Ses yeux se posèrent sur le bouclier au dragon que l’âtre faisait luire faiblement.

— Vous vous en croyez digne parce que Humphrey vous a choisi ? cracha-t-il. Vous lui rendez service, c’est tout. Vous avez du pouvoir et des terres et vous l’aidez à tirer parti de sa position. En vérité, vous êtes un étranger pour mes frères. Un intrus.

— Cela vous dérange, n’est-ce pas ? Qu’on m’ait choisi si vite alors que vous avez dû attendre trois ans pour rejoindre l’ordre. Oui, dit Robert en savourant l’expression contrariée d’Aymer, vos soi-disant frères m’en ont parlé.

Il fit un pas vers le chevalier, animé d’une haine irrépressible.

— Je suis peut-être un étranger, mais on m’a fait confiance plus vite qu’à vous. Humphrey a compris ce que vous valiez dès qu’il vous a rencontré, Valence.

Soudain, Aymer se rua sur lui, son épée fendant l’air. Il avait de l’élan et Robert eut du mal bloquer son coup. Le choc de l’épée contre le bouclier fut assourdissant dans la pièce exiguë. Robert sentit les vibrations lui parcourir le bras, mais il réagit promptement et repoussa la lame d’Aymer sur le côté. Le chevalier recula en vacillant et heurta un tabouret, qui tomba. Ce répit ne dura qu’une seconde, mais suffit à Robert pour allonger et frapper Aymer au visage avec son bouclier. C’est son heaume qui reçut l’essentiel du coup, mais la surprise le fit tomber à la renverse et dans sa chute, il lâcha son épée. Aymer se releva rapidement tandis que Robert s’avançait vers lui. N’ayant pas le temps de pivoter pour ramasser son arme, il leva son bouclier devant lui pour parer un coup qui le visait à la tête. La lame de Robert s’écrasa contre le bois et entailla profondément le dragon. Aymer grinça des dents, puis s’arc-bouta de toutes ses forces. Quand il eut écarté l’épée de Robert, il lui fonça dessus.

Pris de court par la brutalité et la sauvagerie de son attaque, Robert fut projeté contre la table, qui glissa sur le carrelage. Il bascula en arrière, à moitié affalé sur le plateau et coincé sous le bouclier d’Aymer. Il leva son arme en grognant sous l’effort et, presque à bout de souffle, imprima un mouvement circulaire à la lame. Le coup manquait de puissance et la cotte de mailles du chevalier l’annula, mais elle lui fit perdre ses appuis, laissant à Robert l’opportunité de se dégager. Voulant empêcher Aymer de ramasser son épée, il se jeta sur lui. Celui-ci s’accroupit et s’empara du heaume de Robert, resté à terre. Puis, d’un grand geste circulaire, il le frappa en plein visage. Robert s’effondra en poussant un cri. À genoux il vit Aymer passer devant lui, après quoi il entendit le heaume retomber puis la lame racler le sol. Malgré la douleur, il parvint à se relever. Il craignait tellement de voir l’épée d’Aymer lui fendre le crâne qu’il trouva l’énergie de se défendre.

Une lame à la main, Aymer était rapide et féroce. Robert ne l’avait jamais vu combattre pied à pied auparavant. Ses larges épaules musclées lui permettaient d’assener des coups violents. Il semblait n’éprouver aucune crainte ; nulle hésitation n’entravait ses mouvements, il maniait son épée comme un bûcheron sa hache et se servait de son bouclier comme d’une arme. Sa douleur au visage refluait mais Robert sentait qu’il se fatiguait rapidement. Il calcula mal un geste, ce dont Aymer profita en lui écrasant le pommeau de son épée en pleine tête. Robert avait le nez cassé et le sang envahit aussitôt sa gorge. Aveuglé, étouffant à moitié, il chancela. Bien qu’il eût les yeux envahis par les larmes, le sourire narquois d’Aymer ne lui échappa pas. La frustration lui donnait envie de se jeter sur son adversaire, mais il recula autour de la table pour se donner le temps de récupérer et de cracher le sang de sa bouche.

— Espèce de lâche ! hurla Aymer. Tu ne mérites pas ce bouclier, tu n’es qu’un pleutre !

À la vue du visage tordu par la haine du chevalier, Robert sentit monter en lui un accès de rage. Il se pencha en avant et propulsa le plateau de la table sur Aymer. Le chevalier retomba sur un tabouret, qui se brisa sous son poids et l’envoya valdinguer sur le sol au milieu des débris. Son épée lui échappa une nouvelle fois, son heaume heurta le carrelage et la visière se ferma sous l’impact. Sans lui laisser le temps de bouger, Robert fit le tour de la table et s’assit à califourchon sur lui. Lâchant son épée, il ôta son heaume au chevalier. Aymer, momentanément étourdi par la chute, voulut se débattre, mais Robert lui donna un coup de poing en plein visage. Sa main protégée par un gantelet fit éclater les lèvres d’Aymer et sauter deux dents. Il le frappa encore, et encore, aux yeux, au nez, à la mâchoire.

Alors que, suant et pantelant, il se préparait à frapper une cinquième fois, il entendit des chevaux dans l’allée. Il sursauta en entendant son nom. C’étaient ses hommes qui l’appelaient.

— Par ici ! cria-t-il à son frère, dont il avait reconnu la voix.

Il se leva et ramassa son épée, le cœur tambourinant. Puis il contempla Aymer, qui geignait, le visage en sang. Sa lame rencontra la gorge du chevalier.

— La prochaine fois, je te tue.

Laissant Aymer pratiquement inanimé sur le sol de la cuisine, Robert sortit en chancelant dans la lumière du jour.

 

Les Anglais avaient monté leur campement sur la colline enneigée au-dessus de Llanfaes. L’incendie continuait son œuvre dans le village, et les flammes crachaient une fumée noire dans le ciel. Les chevaliers rassemblaient les survivants, qui formaient un maigre troupeau d’enfants en pleurs, d’hommes et de femmes pâles et sous le choc, parfois blessés.

Robert restait à l’écart, les muscles raidis. Son nez cassé envoyait des ondes de douleur qui se répandaient dans tout son visage. Les chevaliers les plus âgés se montraient ravis d’en avoir fini rapidement avec le village et les rebelles. Les plus jeunes étaient plus affectés, le sang auquel ils avaient tant attendu de goûter semblait les avoir réduits au silence. Le visage si enflé qu’il en était méconnaissable, Aymer faisait partie de ceux-là. Robert avait entendu plus tôt des chevaliers expliquer à Humphrey qu’il s’était fait attaquer par trois rebelles. Robert savait qu’il ne dirait jamais la vérité à personne.

Alors que Robert était absorbé par ce spectacle, on fit passer Madog, blessé mais en vie, devant les survivants. Il avait les mains liées dans le dos, mais il marchait d’un pas digne entre deux chevaliers qui le tenaient, la tête bien droite en manière de défi. La couronne dorée qu’il portait pendant le combat était toujours sur sa tête, mais des traces de sang étaient visibles sur le métal cabossé. On l’amena devant Édouard, qui se tenait debout sous le ciel gris, son surcot rouge claquant au vent. Derrière le roi, deux drapeaux étaient hissés, l’un déployait les armes royales de l’Angleterre, l’autre était la bannière au dragon. Sur un signe du roi, un prêtre en robe noire s’avança pour retirer à Madog sa couronne. Le chef rebelle protesta et se débattit, mais les chevaliers le maintenaient fermement et il ne put empêcher le prêtre de prendre la Couronne d’Arthur et de l’apporter au roi d’Angleterre.

Édouard observa le diadème qui avait soulevé une nation contre lui. Puis, apparemment satisfait, il fit signe à l’ecclésiastique de l’emporter.

— Allez la faire nettoyer.

Après quoi son regard revint sur Madog.

— Vous avez incité à la rébellion, et vous êtes coupable de meurtres, d’attaques et de vols. Vous avez détruit ma propriété, fomenté des troubles et dérangé la paix de votre roi.

Madog ne cilla pas. Robert, qui regardait avec les autres, se demandait si Madog et les autres survivants comprenaient seulement ce que le roi venait de dire.

— Pour vos crimes, vous serez enfermé à la Tour, où vous passerez le restant de vos jours.

Le roi s’interrompit. On n’entendit plus que le vent qui agitait les bannières.

— Dix ans, c’est une longue période. Les Gallois ont oublié le prix de la rébellion.

Édouard regarda John de Warenne par-dessus son épaule, debout au milieu des comtes anglais.

— Il leur faut un rappel.

Tandis que le groupe s’écartait, Robert vit qu’on poussait un homme en avant. C’était un jeune garçon aux cheveux noirs. Madog cria et tenta de se libérer.

— Votre frère, Dafydd, d’après ce que nous avons appris, dit Édouard.

Dafydd, le visage tuméfié, avait l’air terrorisé, mais il cracha par terre en passant devant Édouard. Les chevaliers le guidèrent vers deux chevaux tenus par deux écuyers. Madog se débattit en hurlant des propos incompréhensibles en gallois au roi et à son frère, qui regardait les chevaux en blêmissant. Les soldats tenaient à la main le bout de deux cordes attachées aux pommeaux de leurs selles.

Les chevaliers écartèrent les bras de Dafydd. Les soldats s’approchèrent et lui passèrent les cordes autour du poignet en vérifiant que les nœuds étaient solides. Les écuyers amenèrent les chevaux, qui soufflaient par les naseaux, de chaque côté de Dafydd. Les cordes qui reliaient ses poignets aux selles décollèrent du sol, mais sans être encore tendues. Les chevaliers firent signe aux hommes qui assistaient à la scène de se mettre hors du passage des chevaux. Certains des survivants détournaient les yeux, les femmes pressaient le visage de leur enfant dans leurs jupes. Mais tous étaient tétanisés par l’effroyable spectacle qui allait avoir lieu. Édouard, impassible, observait sans mot dire.

Deux soldats frôlèrent Robert en regardant Dafydd qui se tenait seul, les poings serrés.

L’un des deux soldats dit en souriant à l’autre :

— Une fois, j’ai vu un gars qui a eu les bras arrachés d’un coup.

Robert les laissa passer devant lui pendant que le roi faisait signe aux écuyers, qui levèrent leur fouet et firent claquer les lanières sur les croupes des chevaux. Chacune des bêtes partit dans une direction opposée, les cordes se tendirent, écartant les bras de Dafydd en croix. Le hurlement désespéré de Madog se mêlait aux cris de douleur de son frère.

Quand on ôta les cordes des bras disloqués de Dafydd, la boucherie continua. On hissa son corps sur une table à tréteaux, où il fut sauvagement éviscéré par un bourreau qui semblait prendre plaisir à imprimer des torsions odieuses à son couteau. Pour finir, il fut démembré et les différentes parties de son corps furent enfermées dans des barriques qu’on enverrait à travers le royaume reconquis, pour qu’on y apprenne le prix de la rébellion. La couronne, qu’avaient portée Brutus et Arthur eux-mêmes, serait acheminée à Westminster, afin d’enterrer pour de bon les libertés du pays de Galles.

Robert tourna le dos aux cris de Madog et descendit la colline sans se hâter.

Près des murs de la ville, les ouvriers et les maîtres maçons du roi étaient en pleine discussion. Ils scrutaient le terrain, le mesuraient, et délimitaient des zones avec des bouts de corde. Le roi avait déjà décidé de construire une nouvelle forteresse en lieu et place du village en ruine. Les soldats entassaient les cadavres sur des chariots pour les emmener sur la plage. Là, ils les jetaient à la mer, où les vagues les engloutissaient. Déjà, Robert voyait des têtes et des dos surnager à l’embouchure, de la nourriture pour les poissons et les oiseaux. Sentant quelqu’un venir à sa rencontre, il se retourna et aperçut Humphrey. Le chevalier, son épée à la ceinture, portait le bouclier au dragon. Il avait du sang sur le visage et sur son surcot.

— C’est fini.

Après avoir poussé un soupir, Humphrey laissa son regard errer sur la mer et ses cadavres.

— Nous pourrons bientôt rentrer chez nous.

Robert ne disant rien, il poursuivit :

— Soyez assuré, mon ami, que vous serez récompensé quand la Couronne d’Arthur sera aux côtés de l’Épée de la Clémence dans l’abbaye de Westminster. Désormais, il ne nous reste plus que deux reliques à trouver.

Robert lut de la détermination et de la ferveur sur le visage de Humphrey. Il semblait certain d’être sur le bon chemin et que, lorsque la prophétie serait accomplie, tout irait bien dans le royaume. Robert n’avait pas eu beaucoup de temps pour s’interroger sur le bien-fondé des intentions de l’ordre, ni la croyance véritable de ses compagnons dans les visions de Merlin. Les dangers de la guerre et de l’hiver l’avaient tenu occupé, mais maintenant que les morts envahissaient l’estuaire devant lui, Robert se posait des questions. Il avait eu tellement envie d’y croire la nuit de son initiation ; les contes de son enfance avaient rempli sa tête d’idées glorieuses. Ces histoires dépeignaient des champs de bataille et leur héroïsme, les poètes trouvaient les mots pour sublimer le sang et le fer. Robert songea à son père, à la manière dont la guerre l’avait changé. Pour la première fois, il eut le sentiment qu’il pouvait le comprendre. Il n’était pas étonnant que son père n’ait cru en rien au-delà de la simple vérité du monde temporel, qu’il ait tourné en ridicule ceux qui se cramponnaient à de vagues certitudes. Les mots de son frère, le soir où le convoi de ravitaillement avait été attaqué, lui revenaient : Est-ce que tu lui fais confiance ?

— Vous ne m’avez toujours pas dit ce que fera le roi Édouard quand il aura réuni les quatre reliques, dit Robert en plantant son regard dans celui de Humphrey.

— Nous ne sommes pas au courant de tout, Robert, comme je vous l’ai dit. Seuls les hommes assis autour de la Table ronde connaissent ses intentions. Nous devons nous montrer aussi dignes de sa confiance qu’eux.

— Et vous ne vous posez jamais la question ?

Humphrey hésita un instant.

— Je sais juste que le roi fera ce qu’il y a de mieux pour son royaume.

Robert ne répondit pas. Il pensa à son propre royaume, qu’Édouard avait mis à terre, et le spectre d’une menace plus concrète envahit son esprit. Mais il repoussa cette idée. L’Écosse avait son propre roi. Ce n’était pas le pays de Galles ou l’Irlande, des pays divisés et isolés. Même s’il désirait la Couronne d’Arthur, Édouard était d’abord et avant tout venu ici pour mater une rébellion.

Pourtant, debout sur ce terne rivage aux côtés de Humphrey, Robert eut le sentiment d’être à la croisée des chemins. Et dans son esprit, tous les chemins qu’il pouvait emprunter menaient vers les ténèbres.