Chapitre 44

Les chevaliers n’avaient pas ménagé leur monture depuis Montrose. Ils ne s’étaient pas arrêtés plus de quelques heures, et seulement quand les chevaux ne pouvaient plus avancer. À la fin de la troisième journée, alors que le crépuscule fondait sur eux et qu’ils descendaient une colline, Robert comprit que la ville fortifiée qu’il apercevait au loin au bord de la rivière Tay était Perth. Plus près d’eux, à environ une lieue, se trouvait le bourg royal de Scone, où son grand-père et lui étaient montés en haut de Moot Hill, le jour où le vieil homme lui avait parlé de la bataille de Lewes et de l’origine de sa haine pour les Comyn.

Comme ils arrivaient aux abords du bourg en trottant le long d’une route accidentée, le chariot cahotant derrière eux, Humphrey leur fit signe de ralentir. Il bifurqua à droite sur une piste qui sinuait dans des bois clairsemés. Les roues du chariot s’enfonçaient dans les ornières en faisant craquer les petites branches tombées au sol. Autour d’eux, les arbres étendaient leur feuillage contre le ciel pourpre où s’allumaient les premières étoiles. Après quelques minutes, ils abordèrent une clairière. Humphrey regarda alentour et, apparemment satisfait, ordonna de faire halte.

— Devons-nous monter le camp, sir Humphrey ? s’enquit Robert Clifford, inspectant les ombres des arbres.

— Non, dit Humphrey en mettant pied à terre avec une grimace. Prenez les boucliers, dit-il aux deux chevaliers royaux qui avaient conduit le chariot.

Les autres, qui ne cachaient pas leur étonnement, descendirent de cheval. Pendant ce temps, Humphrey enroulait les rênes de son destrier à une branche et alla attendre au centre de la clairière. Au bout d’un moment, tous vinrent le rejoindre. Le seul bruit était celui que faisaient les chevaliers en sortant les boucliers du chariot.

Laissant Chasseur dévorer des buissons, Robert alla se mêler aux autres. Pendant tout leur long voyage, la réserve de Humphrey, ou plutôt son mutisme, avait eu le don de le mettre sur les nerfs. Le soulagement qu’il avait éprouvé en quittant Montrose n’avait pas tardé à faire place à l’inquiétude. Trop de questions restaient en suspens, Humphrey refusant d’y répondre.

— Assez de secret, dit-il en prenant la parole en premier. Que faisons-nous ici, Humphrey ? Cela fait trois jours que nous chevauchons sans savoir où nous allons, ni pourquoi.

— J’en suis désolé, répliqua Humphrey en croisant son regard, mais je n’ai fait que suivre les ordres du roi Édouard, comme je lui en avais fait le serment.

Il toisa les autres.

— Vous avez peut-être remarqué que nous sommes revenus sur nos pas. Derrière ces bois se trouve la ville royale de Scone que nous avons traversée quand nous nous rendions à Montrose. C’est notre destination.

Les deux chevaliers commencèrent à distribuer les boucliers au dragon. Alors que les hommes s’en saisissaient, Robert comprit soudain et une main glaciale sembla étreindre son cœur.

— La Pierre… dit-il en dévisageant Humphrey. C’est pour elle, n’est-ce pas ? C’est pour la Pierre du Destin que nous sommes là ?

Plusieurs hommes, excités, poussèrent des exclamations.

— Le trône, murmura Guy de Beauchamp. La troisième relique.

Robert l’entendit à peine. Humphrey opina avant d’ajouter :

— La Pierre est l’une des quatre reliques dont parle Merlin dans La Dernière Prophétie.

— Pourquoi ne m’en avez-vous rien dit ? demanda Robert, qui se sentait trahi. Pourquoi n’en savais-je rien ?

— Vous n’en saviez rien parce que vous êtes reparti en Écosse quelques mois à peine après être rentré dans l’ordre, rétorqua sèchement Humphrey. Je n’ai pas eu le temps de vous expliquer.

— De m’expliquer quoi ? Que vous aviez l’intention de vous emparer de mon trône ?

— Votre famille a perdu le trône quand Balliol s’en est emparé, répondit Humphrey, plus aimablement. Le roi Édouard n’a pas l’intention d’y placer quelqu’un d’autre, plus maintenant. C’est fini, Robert. L’Écosse va faire partie de l’Angleterre, comme le pays de Galles et l’Irlande. La Pierre n’a plus d’utilité ici. Aucun roi n’y sera plus couronné.

— Le pays de Galles, l’Irlande, c’est différent, s’emporta Robert. L’Écosse est un royaume souverain avec ses propres libertés. Vous ne pouvez pas le balayer d’un revers de main.

Ralph de Monthermer s’avança dans le but de le raisonner.

— Notre invasion a montré à quel point, seule, l’Écosse est faible. Elle sera bien plus forte si elle s’unit à l’Angleterre. Les deux royaumes bénéficieront de cette union. Ensemble, maintenant que vous avez renoncé à votre entente, nous pouvons combattre la France et reconquérir les terres du roi. Sir Robert, vous voyez sans doute la logique de tout cela. Si vous n’aviez pas cru en la cause du roi Édouard, vous n’auriez pas combattu avec lui contre vos propres compatriotes.

Avant que Robert ait pu répondre, Humphrey s’interposa.

— Selon la prophétie, si les quatre reliques ne sont pas réunies autour d’un monarque, la Bretagne s’écroulera. L’Écosse souffrirait autant que l’Angleterre. Nous devons nous emparer de la Pierre pour nous assurer que cela n’arrivera pas.

— Comment savez-vous que la prophétie dit vrai ? le défia Robert. Avez-vous vu le livre d’où a été tirée la traduction du roi ? Non. Il est enfermé quelque part, n’est-ce pas ? Il est trop fragile pour être montré, dit-on.

— Sir Robert, l’avertit Ralph, à votre place j’éviterais de faire des suggestions pareilles.

— Et même si elle dit vrai, poursuivit Robert à présent tourné vers Humphrey, rien ne prouve qu’elle concerne notre époque. Et si La Dernière Prophétie prévoyait qu’un danger existait il y a plusieurs siècles ? Ou si elle annonçait la ruine de la Bretagne dans les siècles à venir ? J’ai lu l’Histoire de Monmouth quand j’étais enfant et je l’ai relue en revenant en Écosse. Oui, il parle d’un moment précis où certaines reliques devront être réunies, mais il ne précise jamais ce moment.

— La Dernière Prophétie ne clarifie pas seulement les mentions de Geoffrey de Monmouth à propos des reliques, dit Humphrey. Elle évoque aussi des événements spécifiques qui annonceront le déclin de la Bretagne. Des signes à guetter.

Il hésita un instant, comme s’il se demandait s’il était pertinent d’en dire plus, puis se décida.

— L’un des signes était la mort du roi Alexandre.

Cette affirmation stupéfia Robert. Jusqu’à maintenant, il avait eu du mal à croire en la prophétie. Il savait que d’autres, comme Aymer et Henry Percy, n’y croyaient pas vraiment, qu’ils voyaient seulement l’ordre comme un moyen de s’attirer la faveur du roi Édouard. Il n’était pas le seul à se montrer surpris en cet instant. Il semblait que Humphrey en sût davantage que les autres sur la prophétie.

— Elle mentionne le roi par son nom ?

— Quand le dernier roi d’Albanie sera mort sans descendance, récita Humphrey, le royaume connaîtra le désarroi. Et ce jour-là, tous les enfants de Brutus pleureront le plus grand des rois

— Alexandre ? fit Robert. Alexandre le Grand ?

— Seul un devin aurait pu savoir cela, répondit Humphrey.

— Pourquoi ne nous a-t-on rien dit ?

La voix d’Aymer avait retenti dans le silence.

— Les chevaliers de la Table ronde le savent, dit Humphrey. On vous l’aurait appris le moment venu, si vous aviez été choisi pour vous joindre à eux.

— Depuis quand avez-vous une place autour de la Table ?

Humphrey ne releva pas la question ironique d’Aymer.

— Robert, vous devez me faire confiance et vous devez faire confiance au roi Édouard, comme par le passé. Nous agissons pour le bien de ces îles.

Sa voix se durcit face à l’air buté de Robert.

— Vous avez prêté serment aux Chevaliers du Dragon, vous faites partie d’un cercle qui est fidèle au roi et à sa cause. Nous devons rassembler quatre reliques venues des quatre coins du royaume, Angleterre, Écosse, Irlande, pays de Galles, si nous voulons éviter qu’il ne coure à sa perte. À moins de rompre votre serment, c’est aussi votre cause. Le roi m’a expliqué où se trouve la Pierre. Je peux la trouver moi-même, mais nous gagnerons du temps si vous nous montrez le chemin. J’espérais que nous n’aurions pas besoin de perpétrer un bain de sang, ajouta-t-il, mais ce sera sans doute inévitable si nous tardons.

Robert vit que Humphrey était résolu. Il pouvait rompre son serment, refuser de l’aider et se faire des ennemis de tous les chevaliers présents, ainsi que du roi, ou il pouvait obtempérer et contribuer à l’accomplissement de la prophétie. Jamais il ne s’était senti aussi divisé entre sa loyauté envers son royaume et sa loyauté envers ces hommes. Mais au milieu de sa confusion, une chose était indéniable : la rapidité avec laquelle l’Écosse avait été envahie. Lui-même avait été stupéfait. Le royaume n’était pas au mieux depuis la mort d’Alexandre. Et si c’était vrai ? Si la prophétie était authentique ? Il avait besoin de temps pour réfléchir à tout cela, pour en trouver le sens. Mais tous les regards étaient tournés vers lui. Tout délai lui était interdit.

Sans répondre, Robert tendit le bras pour s’emparer du bouclier qu’un des chevaliers attendait de lui remettre. Comme celui-ci s’approchait, Humphrey se tourna vers les autres.

— Nous devons faire vite. Sir Robert Clifford et sir Henry Percy m’aideront à prendre la Pierre dans l’abbaye. Quand elle sera à l’abri dans le chariot, nous nous en irons. Ne vous servez de votre épée que si vous êtes attaqué.

En parlant ainsi, il fixa Aymer de Valence, qui toussa et mit la main sur le pommeau de son épée. Puis, comme un seul homme, les chevaliers remontèrent en selle et se dirigèrent vers l’abbaye de Scone à travers bois. Robert avait pris la tête de la compagnie avec Humphrey. Le bouclier pesait sur son bras et il avait l’impression que son cœur allait éclater dans sa poitrine.

Après avoir emprunté un étroit sentier au bout duquel ils trouvèrent un pont pour traverser la rivière, ils arrivèrent près de l’abbaye, qui se dressait devant eux dans le crépuscule. Au-delà des bois qui entouraient l’édifice, ils virent de la fumée qui s’élevait du bourg royal. L’abbaye n’avait pas de mur d’enceinte, aussi les chevaliers entrèrent-ils sans rencontrer de résistance dans le domaine. L’endroit était tranquille. Des torches brûlaient aux fenêtres d’une salle au rez-de-chaussée, probablement le réfectoire des moines. Au loin, Robert distinguait les arbres disposés en cercle au sommet de Moot Hill. Il se rappela son grand-père debout près de lui dans les derniers rayons du soleil. Il se rappela le socle sur lequel était posée la Pierre et la gravité qu’il avait alors ressentie.

Humphrey tira sur les rênes de son cheval et les autres firent de même. Entendant qu’on l’appelait par son nom, Robert comprit que lui incombait la charge de diriger le groupe. Il était venu des années plus tôt, et encore n’avait-il fait que suivre son grand-père, mais il se rappelait le chemin. Il enfonça ses talons dans les flancs de Chasseur, et les conduisit à travers les logements des moines et les jardins jusqu’à l’église dont la silhouette se découpait contre le noir du ciel. Ils croisèrent quelques hommes qui sursautèrent en les voyant chevaucher dans la pénombre. L’un d’eux, vêtu d’une robe de bure, leur demanda où ils allaient, mais les chevaliers poursuivirent leur chemin sans lui répondre. Humphrey se mit au galop pour rejoindre l’édifice. Derrière lui, Robert entendait des cris et des portes qui claquaient. Les moines étaient au courant de leur intrusion, maintenant. Des chiens se mirent à aboyer. Ils n’avaient pas beaucoup de temps devant eux.

Les chevaliers arrêtèrent leurs chevaux devant les portes de l’église et les roues du chariot s’immobilisèrent dans la poussière. Ils sautèrent à terre et certains tirèrent leur épée en courant vers l’église. Quelques-uns restèrent en arrière, comme Humphrey le leur ordonnait, pendant que Percy, Clifford et lui entraient. Une odeur d’encens et de cire fondue flottait dans l’église. Les vitraux paraissaient sans éclat à la lueur des cierges. Robert suivit les autres en rabattant sa capuche sur son visage, pour le dissimuler. Il était heureux de porter un vêtement tout simple. Ici, ce soir, le chevron rouge de Carrick l’aurait marqué au fer rouge.

Tendant son bouclier à Ralph, Humphrey remonta l’allée à grands pas sous les regards austères des anges inclinés des piliers, jusqu’à l’autel devant lequel était posé, sur un carré de tissu doré, un bloc de pierre pâle. Robert revit son père s’avancer ici-même sous les protestations des seigneurs écossais. Il songea à la récompense tant convoitée par son père ; à cette pierre à laquelle toutes ses ambitions menaient. Quel funeste destin l’avait conduit, lui, un Bruce, non à s’asseoir sur le trône, mais à le voler pour le compte de l’envahisseur ?

Henry Percy et Robert Clifford avaient suivi Humphrey. Ensemble, les trois hommes soulevèrent la Pierre, Percy et Clifford la saisissant par les deux anneaux de fer sur le côté pendant que Humphrey la soutenait par en dessous. Ils titubèrent le long de l’allée. Dehors, Robert entendait les cris se rapprocher. Les chevaliers à la porte leur hurlèrent de se hâter. Robert tira son épée alors que Percy et Clifford approchaient. Il avait le regard rivé à la Pierre sacrée dont la surface pâle scintillait. Derrière les portes de l’église, une foule se formait. La plupart des hommes portaient des habits de moine, mais d’autres avaient l’air de paysans ou de serviteurs. Ces hommes brandissaient des couteaux et des bâtons. L’un d’eux avait une hache.

Les chevaliers formaient un arc de cercle protecteur. Aymer était à l’avant, tandis que Humphrey s’était placé à l’arrière. Robert les rejoignit, laissant Percy et Clifford, harassés, progresser difficilement vers le chariot. Après avoir lâché la Pierre, Humphrey avait repris le bouclier confié à Ralph et il se dirigeait maintenant vers les hommes qui leur faisaient face.

Les moines de Scone avaient à leur tête un vieil homme aux épaules voûtées et à la robe doublée de fourrure, sans doute l’abbé. Il regardait avec stupeur Percy et Clifford transporter la Pierre vers le chariot.

— Au nom du Seigneur Tout-Puissant, qu’est-ce que ça signifie ? demanda-t-il en se plantant devant les chevaliers. Qui êtes-vous ?

— Nous sommes les Chevaliers du Dragon, répondit Humphrey. Nous sommes venus prendre la Pierre du Destin sur ordre du roi Édouard d’Angleterre, duc de Gascogne, souverain d’Irlande, conquérant du pays de Galles et suzerain d’Écosse. N’opposez pas de résistance et il ne vous sera fait aucun mal.

— Ne comptez pas là-dessus, gronda le vieil homme d’une voix tremblante en faisant un pas en avant, suivi de près par l’homme à la hache. Je ne vous laisserai pas à prendre la Pierre !

Percy et Clifford avaient les pires difficultés à hisser la Pierre dans le chariot. Ralph alla les aider.

— Aucun de nous ne vous laissera faire, reprit l’abbé en élevant la voix.

Comme pour lui faire écho, les moines se regroupèrent derrière lui, même s’ils avaient l’air terrifiés.

— Dans ce cas, vous mourrez, grogna Aymer de Valence.

Humphrey cria mais Aymer, n’écoutant que lui, leva son épée sur l’abbé, qui recula, frappé de terreur. Avant que son bras ne s’abatte, Robert dirigea la pointe de son épée contre la gorge d’Aymer. Il arrêta son geste à temps, mais la lame effleura tout de même la peau de son ennemi, juste au-dessus de son col de mailles. Le chevalier s’arrêta net, la tête légèrement rejetée en arrière pour échapper au dard mortel.

— Baissez votre arme, dit Robert entre ses dents, ou je vous égorge.

Aymer jeta un bref coup d’œil à Guy, qui se trouvait derrière Robert.

— Eh bien allez-y ! siffla-t-il. Et j’aurai la satisfaction de vous voir mourir avec moi.

Robert sentit la pointe de l’épée de Guy se loger entre ses omoplates.

Les épaules rentrées, prêt à frapper, l’homme à la hache approcha, son regard allant d’Aymer à Robert. Les moines passaient d’un pied sur l’autre en serrant qui son bâton, qui son couteau. Une cloche se mit à sonner au loin. Des cris lui répondirent de la ville. Les renforts arrivaient.

— Robert, s’interposa Humphrey.

Comme Robert ne bougeait pas, le chevalier prit de sa main gantée la lame et l’abaissa fermement.

Libéré, Aymer recula. Au même moment, l’homme à la hache tenta sa chance. Faisant volte-face, Aymer fit tournoyer son épée et, postillonnant, lui enfonça sa lame dans l’abdomen. Les yeux de l’homme s’arrondirent, sa mâchoire retomba. La hache lui échappa des doigts et chut dans la poussière avec un bruit sourd. Quand Aymer retira son épée dans une gerbe de sang et que l’homme s’écroula en se tenant le ventre à deux mains, l’abbé ne put retenir un cri.

La situation dégénéra. Quelques hommes reculèrent, effrayés, mais d’autres se jetèrent en avant. Un moine se précipita sur Humphrey en brandissant son couteau, et le chevalier lui envoya un coup de poing au visage. Le nez de l’homme se brisa avec un grand craquement et il pivota, du sang lui coulant entre les doigts. Les autres chevaliers resserrèrent les rangs pour empêcher les moines de se ruer sur Percy et Clifford, qui avaient enfin réussi à déposer la Pierre dans le chariot. Les chevaliers avancèrent, les boucliers levés devant eux. Aymer, dont la lame dégoulinait de sang, était à leur tête. Deux des moines prirent l’abbé par les épaules pour l’écarter.

— Allons-y ! cria Ralph.

À travers les arbres, ils distinguaient les halos des torches que portaient les habitants de la ville venus voir ce qu’il se passait. Ralph monta en selle et ouvrit la voie au chariot.

— Maintenant ! hurla Humphrey courant vers son cheval.

Le chariot s’avança sur le sol poussiéreux, les chevaux fonçant droit sur la foule. Les moines se dispersèrent, sauf deux d’entre eux qui essayèrent d’attraper les harnais au passage. Le premier, qui se cogna à une roue, tomba à la renverse. L’autre parvint à s’accrocher quelques instants avant de chuter quand le chariot roula sur une pierre.

Les chevaliers montèrent en selle et éperonnèrent leurs montures, laissant le corps de l’homme qu’Aymer avait tué se vider de son sang devant l’église. Le capuchon de Robert avait glissé dans l’échauffourée et, lorsqu’il prit les rênes de Chasseur, il croisa le regard de l’abbé. Tout à sa rage impuissante, le vieil homme ne sembla pas le reconnaître.

Robert suivit au galop les Chevaliers du Dragon. Devant lui, la Pierre bringuebalait dans le ventre du chariot à cause des cahots de la route. Son grand-père apparut ; ses grands yeux noirs lui lançaient des éclairs.