Les hommes portaient la Pierre en ahanant. Leur souffle était nettement audible sous les voûtes. La pluie cognait sur les grands vitraux qui donnaient sur le mausolée du Confesseur. Il faisait froid à l’intérieur de l’abbaye de Westminster. Une lumière sans éclat s’infiltrait par les arcades du chœur dans les chapelles où les nobles figures du passé attendaient en silence, au fond de leur tombe, le jugement dernier. La Pierre du Destin scintillait faiblement malgré tout, comme du givre ou de la poussière d’étoile.
Le roi Édouard regarda les hommes déposer le bloc sur la chaire ornée de riches gravures, prête à l’accueillir. Son maître peintre suivait les opérations avec attention, lui qui avait réalisé le décor représentant un roi assis, entouré d’oiseaux mythologiques et de fleurs tressées. Lorsque les deux hommes reculèrent, un troisième s’empara du couvercle en bois qui refermerait la chaire. Ainsi la Pierre ne pourrait s’échapper. L’Écosse était maintenant véritablement sous la domination anglaise.
Édouard ne s’assiérait jamais sur ce trône. Il était destiné à son héritier et à sa lignée, à tous les rois futurs qui pourraient se prévaloir de son héritage. Des années plus tôt, à Bordeaux, il avait fait peindre une fresque mettant en scène un roi accompagné de chevaliers portant le symbole du dragon. Sur la peinture, le roi était assis sur un trône de pierre et avait pour attributs une couronne en or, une épée cassée et un sceptre doré. Cette image était presque une réalité, aujourd’hui. Le trône d’Écosse, la Couronne d’Arthur, l’épée du Confesseur : ces symboles antiques de la souveraineté bretonne reposaient au cœur de son royaume, auprès des mausolées de ses prédécesseurs. C’aurait dû être une journée mémorable. Elle aurait dû représenter l’accomplissement d’un serment prononcé alors qu’il avait vingt-trois ans, quand il était entré dans cette abbaye en marchant pieds nus sur un tapis de fleurs.
Il aurait presque cru entendre encore les tambours.
ABBAYE DE WESTMINSTER, ANGLETERRE
1274
Pareils aux battements de son cœur, lents et solennels, les sons se répercutaient au milieu des bâtiments du palais de Westminster. Édouard marchait au rythme des tambours, ses pieds nus s’enfonçant doucement dans le velours des roses rouges et la soie des lys blancs. Les fleurs, auxquelles on avait soigneusement ôté les épines, avaient été distribuées le matin même à la foule qui s’entassait dans la rue allant du palais à l’abbaye. Les femmes se signaient sur son passage. Les hommes inclinaient la tête ou prenaient leurs fils et leurs filles dans leurs bras pour que, dans quelques années, ils racontent à leurs propres enfants qu’ils l’avaient vu, qu’ils étaient là le jour où le roi avait été couronné.
Des bannières en soie flottaient aux balustrades et aux arcades contre le ciel d’août uniformément bleu. C’était le premier couronnement auquel assistait une grande partie du peuple. Seuls les hommes aux cheveux blancs et les vieilles femmes se souvenaient de celui de son père, un demi-siècle plus tôt.
Aux côtés d’Édouard marchait Éléonore, radieuse dans sa robe de samit blanc constellée de perles. Ils étaient revenus en Angleterre trois semaines auparavant. Elle était restée avec lui quand il avait pris la croix et s’était lancé dans la croisade. Elle avait passé comme lui des mois en Palestine – des mois au cours desquels il y avait eu la guerre contre les Sarrasins, la naissance de sa fille et un attentat contre sa vie fomenté par Baybars, le sultan mamelouk. Et elle était encore avec lui quand les messagers venus d’Angleterre lui avaient appris la mort de son père.
Un vent plus fort souleva légèrement le voile d’Éléonore. Édouard croisa son regard et elle lui sourit. C’était un jour important pour elle aussi. En entrant dans l’abbaye, elle ne serait que sa femme. Elle en ressortirait reine d’Angleterre.
Des évêques et des prêtres vêtus de robes de cérémonie guidaient le cortège en balançant des encensoirs qui produisaient de grosses volutes de fumée parfumée. Derrière Édouard et Éléonore s’étirait une imposante procession de comtes, de barons et de chevaliers montés sur leurs destriers caparaçonnés, tous arborant les armes de leur famille sur leurs surcots et leurs boucliers. Les comtes aux premiers rangs portaient les joyaux de la couronne : l’Épée de la Clémence, le sceptre et la couronne incrustée de joyaux. Après l’entrée du clergé dans l’abbaye, suivi du couple royal, les hommes à cheval ne mirent pas pied à terre mais s’avancèrent avec leur monture dans l’édifice. Des milliers de cierges éclairaient la salle, leurs flammes se réfléchissant dans les dorures et les vitraux, les tombes en marbre et en onyx, les mosaïques et les panneaux peints. Des bannières en soie étaient ici aussi suspendues aux piliers.
Édouard passa devant les rangs d’hommes et de femmes qui occupaient les galeries, jusqu’à la croisée du transept où était érigé un dais d’une telle hauteur qu’un homme à cheval aurait pu passer dessous. Sur la plate-forme, festonnée de drapeaux écarlates, l’attendait l’archevêque de Cantorbéry. Le couple royal s’arrêta devant les marches. L’air était empli du tintement des harnais et du souffle des chevaux.
Édouard resta un instant immobile à regarder Éléonore. Elle lui sourit à travers la dentelle de son voile. Alors il monta les marches de l’escalier qui menait aux voûtes de l’abbaye de Westminster.
Combien de temps avait-il attendu ce jour ?
La nuit précédente, il avait passé ses dernières heures de simple mortel seul dans la somptueuse chambre du palais où son père avait rendu son dernier souffle. Elle était décorée de nombreuses scènes, la plus vivante d’entre elles représentant le couronnement du Confesseur. Entouré des visages de ces hommes morts depuis longtemps et du fantôme de son père, Édouard s’était laissé envahir par les souvenirs.
De son enfance, il conservait l’image de sa mère, les mains sur ses épaules, alors que son père partait de Portsmouth pour la France, sans lui. Ensuite lui revint cette autre image, presque un miroir, de son père le regardant en silence quitter le palais pour l’exil. Édouard se rappelait l’arrivée des Valence et les terres qu’il leur avait données avec une telle générosité, au grand dam des seigneurs anglais, qu’il avait fini par s’aliéner. Il se souvenait de l’agitation grandissante au pays de Galles et des poings levés des barons au parlement, qui avaient fait céder Henry. Il n’oubliait pas non plus son parrain, Simon de Montfort, qui s’était dressé tel un demi-dieu devant son père et avait anéanti le roi en lui apprenant le pacte conclu avec Édouard.
Peu à peu, ne surnagea qu’une image : celle de son père sortant discrètement du prieuré de Lewes pendant que les torches éclairaient Montfort et ses hommes souriant, semblables à des loups qui jubileraient de voir leur proie se jeter dans leur gueule sans s’en douter. Ils s’étaient donné des coups de coude, anticipant à l’avance l’humiliation du roi, sa mise au pas par le vainqueur de la guerre civile, le véritable soldat de Dieu, l’homme qui s’était emparé du royaume de Henry et qui l’avait dépouillé de son autorité. À cette époque plus qu’à aucune autre, même lors de son exil en Gascogne sous la bannière du dragon ou lorsqu’il s’échinait sur les champs de bataille pluvieux du pays de Galles, Édouard avait vraiment cru qu’il ne porterait jamais la couronne.
Oui, que d’événements avaient eu lieu pour que ce jour advienne.
Édouard approcha de l’archevêque qui attendait sur l’estrade royale. Là, debout dans un rayon de soleil devant la foule, il prononça son serment de roi. D’une voix assurée qui résonna sous les voûtes, il promit de défendre l’Église, de gouverner dans un esprit de justice et de protéger les droits de la Couronne. Quand ce fut terminé, l’archevêque le fit descendre dans un tourbillon d’encens et l’emmena jusqu’au grand autel. Là, au milieu des chants du chœur qui s’élevaient en une fontaine de voix pures, on ôta son manteau. Édouard était simplement vêtu en dessous d’un maillot de lin. S’emparant de la fiole contenant l’Huile sainte, l’archevêque se prépara à l’onction qui ferait d’Édouard un roi. Prononçant des paroles en latin, il plongea un doigt dans l’huile. Puis il le leva et s’arrêta un instant devant le torse d’Édouard.
Le roi baissa les yeux et comprit soudain le motif de son hésitation. Juste au-dessus du cœur, par le col de son maillot, on voyait la cicatrice qui creusait un horrible sillon sur sa peau ; la blessure que lui avait faite l’Assassin envoyé par Baybars pour le tuer.
Son agresseur s’était déguisé pour pénétrer dans ses logements dans la ville d’Acre. Il disait apporter des cadeaux et un message du Caire. Éléonore était avec lui quand l’homme l’avait attaqué. Édouard avait repoussé l’Assassin contre le mur et l’avait frappé à plusieurs reprises jusqu’à ce que ses chevaliers, arrivés au pas de course, le maîtrisent. Ce n’est qu’en reculant, hébété par la soudaineté de ce qui venait d’arriver, en voyant le visage horrifié de son épouse, qu’Édouard s’était rendu compte de sa blessure. La dague, partiellement enfoncée dans sa poitrine, n’avait pas touché son cœur, mais cela n’avait pas d’importance : la lame d’un Assassin était toujours empoisonnée. Comme il tombait à genoux, le souffle venant à lui manquer, Éléonore s’était précipitée vers lui. Elle avait retiré la dague de sa propre main et le sang s’était mis à couler sur sa poitrine. La dernière chose dont il se rappelait, c’était sa bouche se collant à la plaie et ses lèvres rougies par le sang tandis qu’elle essayait d’aspirer le poison. Quand il était revenu à lui, Éléonore, couverte de sang, pleurait dans les bras d’une de ses dames de compagnie et ses chevaliers regardaient d’un air sombre un médecin arabe qui recousait la plaie. À chaque nouveau point, la douleur fulgurante menaçait de le refaire sombrer.
L’archevêque tendit le doigt et appliqua l’huile sur la poitrine d’Édouard. L’onction terminée, il prit une fiole de saint chrême. Édouard s’agenouilla tandis que les voix du chœur semblaient se multiplier et s’élever jusqu’aux cieux. Il ferma les yeux et ressentit le froid du saint chrême que l’archevêque faisait couler goutte après goutte sur son front.
Après le sacrement, il retourna sous le dais. La congrégation le regarda monter les marches en retenant son souffle. Il était désormais un roi de corps et d’esprit, transformé comme le Christ lui-même. Alors les comtes s’avancèrent pour revêtir le roi des joyaux de la Couronne : une tunique et un manteau doré, l’Épée de la Clémence et le sceptre et enfin la couronne ornée de rubis, de saphirs et d’émeraudes aussi gros que des yeux. Quand elle fut posée sur son front, Édouard se leva pour écouter les acclamations de son peuple.
Alléluia ! Longue vie au roi !
Il revit son père marcher d’un pas lourd vers Simon de Montfort et les barons rebelles.
Devant Dieu, je jure de ne jamais me soumettre à un ennemi. Ils doivent le savoir.
Il faut qu’ils le sachent.
Tandis que la clameur continuait de retentir dans l’abbaye de Westminster, il leva les mains et ôta la couronne. Après quelques secondes, les louanges et les exclamations s’éteignirent peu à peu. On échangeait des regards étonnés dans la foule.
— Je suis désormais votre roi.
Des applaudissements suivirent aussitôt ses paroles. Il leva la main pour les faire taire et tendit la couronne à John de Warenne, qui se trouvait sur l’estrade avec les autres seigneurs.
Le roi se retourna ensuite face à l’assemblée.
— Mais je jure devant Dieu et devant tous ceux qui sont ici réunis que je ne porterai pas la couronne de ce royaume tant que je n’aurai pas reconquis les terres que mon père a perdues.
Il était têtu alors, et d’une ambition dévorante. Édouard n’ignorait pas que les vieux barons, qui avaient servi son père jusqu’à présent, ne l’avaient pas pris au sérieux sur le moment. Ils avaient probablement considéré cela comme une déclaration audacieuse, une façon de commencer son règne avec panache. Mais au fil des ans, il leur avait démontré qu’il n’avait pas parlé en vain, d’abord avec le pays de Galles et l’Irlande, puis avec la Gascogne et l’Écosse, des terres sur lesquelles son père et les rois qui l’avaient précédé n’avaient jamais réussi à établir une mainmise totale. Une seule relique manquait, pour laquelle ses hommes parcouraient l’Irlande en ce moment même, et sa domination serait complète. Maintenant qu’il possédait le Couronne d’Arthur et la Pierre du Destin, il n’avait plus besoin de conserver secrète sa prophétie et ses clercs s’étaient empressés ces derniers mois de répandre la nouvelle auprès du peuple. Déjà les poètes célébraient le sauveur de la Bretagne, le nouvel Arthur qui les délivrait de la catastrophe prédite jadis par Merlin.
Ah Dieu ! Comme Merlin a souvent dit vrai dans ses prophéties, pour celui qui les lit ! avait écrit le chroniqueur Pierre Langtoft. Aujourd’hui, les habitants de l’île ne font qu’un. Car l’Albanie s’est ajoutée aux terres dont le roi Édouard est proclamé souverain.
Et là, sur l’autel devant le mausolée du Confesseur, se trouvaient les joyaux de la Couronne. L’Épée de la Clémence pour l’Angleterre, la Couronne d’Arthur pour le pays de Galles et, pour l’Albanie – l’Écosse – la Pierre du Destin. Il avait réussi le rêve de ses années d’exil en Gascogne, quand la graine de l’ambition avait été plantée sous son crâne. Et pourtant, lors de la remise de la Pierre, la plus prometteuse des cérémonies, Édouard était seul. C’était censé être un grand jour pour l’Angleterre et pour lui, mais au lieu de louer son nom, les barons le maudissaient.
En revenant d’Écosse l’année précédente, il avait enterré son frère Edmond, dont la dépouille avait été rapatriée depuis la Gascogne où la guerre continuait de faire rage. En mariant sa sœur Bess au comte de Hollande, il avait noué une nouvelle alliance. Mais cela ne suffisait pas à gagner la guerre ; pour cela, il avait besoin d’argent. Édouard s’était d’abord tourné vers l’Église, mais le nouvel archevêque de Cantorbéry, un homme indomptable du nom de Robert Winchelsea, n’avait rien voulu savoir. En représailles, il avait décrété les hommes d’Église hors la loi et envoyé ses hommes confisquer leurs biens, dans l’idée qu’une approche plus dure les ferait céder, comme cela avait toujours été le cas. Cependant, Winchelsea s’était révélé d’une autre étoffe et avait renforcé la motivation de ses coreligionnaires en montrant l’exemple et en les persuadant d’endurer les mesures du roi, aussi sévères soient-elles. Pendant ces contretemps, la guerre se poursuivait en France et les troupes d’Édouard avaient perdu une bataille à côté de Bayonne en subissant de lourdes pertes. Lui-même avait perdu son demi-oncle, William de Valence. Le redoutable comte de Pembroke avait été l’un de ses plus fervents partisans depuis son exil en Gascogne et sa mort avait été un coup terrible pour Édouard, dont les alliés proches diminuaient comme peau de chagrin. Cette triste vérité s’était concrétisée peu après lors d’une assemblée du parlement à Salisbury.
Lorsqu’il avait demandé à ses barons de le servir encore en Gascogne, ceux-ci lui avaient opposé un refus unanime puis avaient quitté les lieux l’un après l’autre, à la file ; c’était l’une des expériences les plus humiliantes de son règne. Même ses partisans les plus loyaux, les hommes de la Table ronde, avaient refusé. Le départ provocateur des barons l’avait placé face à une réalité sans fard. Et après ce choc, la peur l’avait envahi lorsqu’il avait appris par ses espions que pas moins de quatre de ses comtes – Norfolk, Warwick, Arundel et Hereford – s’étaient réunis pour protester contre ses exigences et convertir les esprits. Même s’ils ne lui résistaient pas ouvertement, les jeunes Chevaliers du Dragon ne le soutenaient pas de tout leur cœur comme par le passé, pris entre la fidélité à leur roi et la fidélité à leurs pères, dont ils recevraient bientôt les titres et les domaines en héritage. Édouard avait créé la Table ronde pour communiquer à ses vassaux un sentiment de gloire et d’unité, comme les mythiques guerriers de la cour du roi Arthur. Et voilà qu’au moment où son plan allait réussir, la Table s’écroulait. Le spectre de la guerre civile le hantait. Il était hors de question de laisser une chose pareille arriver.
Par un effort suprême de sa volonté, il avait ravalé sa fierté et fait la paix avec Winchelsea. Aujourd’hui, il devait agir de même avec les barons. Il n’avait pas le choix. Il fallait mettre un terme à la guerre en France, qui avait tellement nui à son règne. Les troubles se poursuivaient en Écosse, mais il ne pouvait se concentrer sur deux fronts à la fois. Demain, devant l’abbaye où ils l’avaient vu se faire couronner, il se présenterait devant ses vassaux et ferait appel à leur patience. Il irait faire la guerre en France. Et s’il ne revenait pas, Édouard de Caernarfon, son fils, lui succéderait sur le trône. La Couronne d’Arthur ne suffisait pas. Il devait leur prouver qu’il était toujours leur roi guerrier.
Entendant des pas dans l’abbaye, Édouard se retourna et vit un chevalier s’approcher.
— Sire. J’ai amené les prisonniers. Ils vous attendent dans la nef.
Édouard sortit du mausolée et laissa les ouvriers installer le siège en bois sur la chaire, par-dessus la Pierre du Destin.
Dans la nef, six chevaliers encadraient trois hommes. Ils étaient blêmes, bien que l’été fût avancé, car il ne les avait pas autorisés à quitter le confinement de leur chambre sauf pour une brève promenade chaque matin dans la cour intérieure de la Tour, à l’ombre des grandes murailles. À part leur lividité, ils avaient l’air en bonne forme. Édouard n’avait maltraité aucun prisonnier écossais, pas même Jean de Balliol, qui était incarcéré dans une petite chambre bien meublée d’un donjon, avec des serviteurs qui pourvoyaient à ses besoins. Pourtant, les trois Comyn le regardaient les yeux pleins de haine.
Quand il leur fit face, Comyn le Noir et Comyn le Rouge soutinrent son regard, mais pas le fils de Badenoch.
— J’ai une proposition à vous faire, annonça Édouard sans préambule. Je suis prêt à pardonner votre trahison et votre rôle dans l’alliance avec la France. Je suis même prêt à vous rendre vos terres.
Édouard s’adressa au jeune John Comyn dont la femme, Joan de Valence, était revenue en Angleterre dès le début de la guerre.
— Quant à vous, vous retrouveriez votre femme et votre enfant.
John passa d’un pied sur l’autre tandis que le comte de Buchan fronçait les sourcils, intrigué et méfiant. Le père de John, lord de Badenoch, gardait un visage inexpressif.
Le roi poursuivit d’une voix monocorde. Il ne prenait aucun plaisir à cette discussion, mais il avait trop peu de seigneurs prêts à se battre avec lui en Écosse et en France, et il n’avait guère le choix.
— Tout cela, je vous l’accorderai si vous vous mettez à mon service.
Buchan voulut parler, mais Badenoch fut le plus prompt.
— À votre service, Sire ?
— En Écosse, contre les rebelles. Mes hommes ont découvert Douglas et Wallace à Irvine, mais les violences continuent sous la bannière de Moray au nord. Si vous acceptez mes conditions, vous rejoindrez les forces de sir John de Warenne et de Hugh de Cressingham à Brewick. De là, vous lèverez vos vassaux et les conduirez au nord pour vaincre Moray. Une fois l’insurrection vaincue et ses instigateurs sous les verrous, j’honorerai ma parole.
Comme personne ne lui répondait, Édouard insista sèchement.
— Alors ? Qu’en dites-vous ?
Badenoch jeta un coup d’œil à Buchan, qui hocha la tête. Comyn le Rouge mit alors un genou à terre devant le roi.
— Nous sommes disposés à vous rendre hommage, Sire.