Chapitre 55

À la lisière du bois, les quatre hommes stoppèrent leurs montures. Sautant à bas de son cheval, Robert tendit les rênes à Nes, qui les prit en silence.

— Nous devrions vous accompagner, dit Alexandre.

Christopher opina.

Robert se tourna vers eux. Le soleil couchant mettait un reflet doré dans ses yeux. Il leva la main pour se protéger de la lumière aveuglante. L’air était imprégné de l’odeur salée de la mer et il entendait au loin les vagues déferler sur la plage de Turnberry.

— J’y vais seul, répondit-il avant de s’éloigner en les laissant à l’abri sous les arbres.

Au début, il avança aisément, il lui suffisait de suivre les sentiers naturels que les cerfs et les autres animaux avaient creusés dans la broussaille. Il percevait le murmure distant de petits ruisseaux invisibles et des souvenirs de ses jeux d’enfant dans l’eau lui revinrent. Il revit ses frères, Thomas et Niall, courir dans les bois en frappant les fougères avec des bâtons et en lançant des cris de guerre. Toujours à leur tête, il sautait sans crainte par-dessus les branches tombées au sol tandis qu’Alexandre restait à la traîne. Après toutes ces années, cette forêt recelait encore des images douloureusement familières, mais Robert s’y enfonçait désormais avec un sentiment tout différent de responsabilité, lié au fait qu’elle lui appartenait.

Le terrain commença à monter et sa respiration se fit plus saccadée tandis qu’il franchissait des corniches successives en s’agrippant aux racines et aux branches. Après s’être laissé glisser le long d’un talus, les arbres se clairsemèrent et apparut une vallée au bout de laquelle s’élevait une colline couverte d’ajoncs. Au pied de cette colline, à l’ombre d’un chêne, se trouvait une habitation. En émergeant des bois, Robert se dit qu’elle n’était peut-être pas là, mais son inquiétude s’évanouit lorsqu’il aperçut la mince colonne de fumée qui sortait du toit.

La maison était dans un état d’abandon quasi total. Mauvaises herbes et buissons envahissaient les murs et colonisaient l’intérieur de l’enclos vide de cochons. Les poutres de la façade avaient pourri, le linteau au-dessus de la porte était tordu.

Il s’attendait vaguement à ce que les deux molosses foncent sur lui en aboyant, mais rien ne se produisit. En s’approchant, Robert remarqua les cages suspendues aux branches du chêne, remplies d’objets divers tels qu’un bouquet de fleurs séchées, un ruban brodé, une poupée en bois ou un étui à parchemin. Il y avait beaucoup plus de destins qu’autrefois là-haut, certains usés par les intempéries, d’autres encore neufs. Un arbre de prières. Lorsqu’il fut devant la porte, il leva les yeux vers les plus hautes branches. Il ne le vit pas tout de suite, mais il y était bien : des brindilles blanches enchevêtrées en une sorte de treillis et liées entre elles par un morceau de corde. La ficelle qui le retenait à la branche était presque rompue, ce n’était plus qu’un fil.

Robert entendit soudain dans sa tête les invectives méprisantes de son père. Il y demeura sourd et s’apprêta à frapper sur la peinture écaillée de la porte. Son grand-père croyait à la magie ancienne de la vieille femme et c’est tout ce qui comptait. En agissant comme il faisait, il honorerait la vieillarde et aurait ainsi l’occasion de prêter une nouvelle fois le serment qu’il avait rompu, de s’amender.

LOCHMABEN, ÉCOSSE

1292

Debout devant l’autel, Robert avait la chair de poule à cause du froid. Ses pieds étaient engourdis par les dalles glaciales au sol. Les courants d’air qui s’insinuaient sous les portes menaçaient constamment d’éteindre les bougies. Il entendait le vent gémir dehors entre les maisons. Les chiens enfermés au chenil aboyaient et les portes de la palissade ployaient en craquant sous les bourrasques. Tout au long de la nuit, il avait écouté la tempête gronder et la grêle frapper les vitraux de la chapelle pendant que ses cheveux, humides puisqu’il avait pris le bain rituel, lui gelaient la nuque. Le jour s’était levé deux heures plus tôt mais il faisait toujours aussi noir qu’en pleine nuit.

Le prêtre derrière l’autel lut un psaume de son bréviaire et la parole divine s’éleva au milieu des rafales de vent. Outre le prêtre et Robert, cinq hommes étaient présents à la cérémonie, qui aurait dû bénéficier d’un apparat bien plus grandiose. Son grand-père dépassait les autres par sa taille, le vent ramenant sans cesse des cheveux blancs contre son visage. Trois vassaux et le vieux comte Donald de Mar complétaient l’assistance. Robert avait embrassé la fille du comte la semaine précédente, le soir où ils avaient appris que Jean de Balliol serait roi. L’absence du père de Robert était presque palpable, comme un fantôme qu’ils auraient fait semblant de ne pas voir. On avait expliqué à Robert qu’il avait apposé son sceau sur l’accord par lequel il renonçait au comté de Carrick et à son droit de prétendant au trône. Et qu’il était parti sur-le-champ.

Quand le prêtre eut achevé de lire le psaume, l’un des vassaux du lord apporta à Robert un surcot, une tunique et une paire de bottes. Un coup de vent violent ouvrit d’un coup les portes de la chapelle, qui allèrent cogner contre les murs. Plusieurs bougies vacillèrent avant de s’éteindre. L’un des chevaliers se hâta d’aller les refermer tandis que Robert se dépêchait de s’habiller. Il enfila d’abord la tunique, puis le surcot qui appartenait auparavant à son père, décoré des armes de Carrick. Il était sale, et trop grand à la taille et aux épaules. Robert n’avait aucune envie de devenir chevalier dans les habits d’un autre, et surtout pas de son père, mais il n’avait pas eu la possibilité d’en faire coudre de neufs. Il s’y emploierait bientôt.

Puis ce fut au tour du vieux comte de Mar de s’avancer, une grande épée à la main. Pendant toute la veille de Robert, l’épée était restée sur l’autel. Une boule de bronze faisait office de pommeau et une bande de cuir était enroulée sur sa poignée. Il ne pouvait pas voir la lame, glissée dans un fourreau, mais il la devinait immense, bien plus grande que toutes celles qu’il avait possédées. Une arme d’homme. Une arme de chevalier. Lorsqu’il l’avait déposée sur l’autel la nuit dernière, son grand-père lui avait raconté qu’elle venait de Terre sainte, qu’elle était faite de l’acier de Damas et qu’elle avait versé le sang des Infidèles sur le sable où Jésus-Christ avait marché. Le fourreau était attaché à une ceinture que le comte avait roulée dans sa main.

Robert croisa le regard du vieil homme lorsque celui-ci la lui passa autour de la taille. Ayant reculé, il ajusta l’épée de façon à ce qu’elle tombe le long de sa jambe légèrement en diagonale et que la poignée se trouve placée devant lui, dans la position idéale pour s’en saisir. Quand on eut fixé les éperons à ses bottes, il fut dans les conditions requises pour prêter serment.

Son grand-père hocha la tête et Robert s’agenouilla, maladroitement à cause de l’arme, tandis que le comte sortait sa propre épée.

— Jurez-vous de défendre votre royaume ? l’interrogea le comte Donald en s’efforçant de parler fort pour se faire entendre malgré le vent. Jurez-vous de servir Dieu ? Et jurez-vous de protéger les terres qui vous sont confiées et d’accomplir tous les devoirs auxquels la possession de votre fief vous oblige ?

— Je le jure, répondit Robert en baissant la tête.

Le comte leva sa lame et la posa sur son épaule droite, où son poids se fit sentir un moment. Quand il la retira, Robert s’attendait à ce que le comte lui demande de se lever, mais Donald recula de quelques pas et lord d’Annandale prit sa place. Robert leva les yeux vers le visage buriné de son grand-père. Ces yeux noirs perçants, qui luisaient dans la pénombre, semblaient scruter jusqu’au plus profond de son être.

— Parce que tu es issu de la lignée de Malcolm Canmore, de la famille Bruce, et que tu es mon petit-fils, je veux que tu jures, Robert, de défendre le droit de notre famille au trône de ce royaume, quel que soit l’imposteur qui s’y assiéra au mépris des lois et des coutumes.

Sa voix se fit impérieuse.

— Jure-le-moi devant témoins, et dans la maison du Seigneur.

Une seconde s’écoula avant que la voix de Robert s’élève.

— Je le jure.

Un instant, son grand-père le dévisagea, puis un rare sourire naquit sur ses lèvres et il fit signe au comte de Mar de conclure la cérémonie.

— Alors levez-vous, sir Robert, car par ce serment et par le sacrement de l’épée, vous êtes maintenant chevalier.

Robert se releva. Les yeux de son grand-père brillaient d’émotion.

— Venez, dit-il aux autres, allons rompre le jeûne et nous réchauffer le cœur avec du vin dans mes appartements. Nous avons bien des choses à célébrer.

Il regarda Robert par-dessus son épaule.

— Et je dois remercier le Seigneur, qui m’a donné un nouveau fils.

Quand les autres sortirent, Robert resta en arrière, préoccupé par une question qui le taraudait depuis le moment où, la veille, son grand-père lui avait annoncé qu’il allait être adoubé.

— Qu’y a-t-il ? demanda le vieil homme en le voyant hésiter.

Lorsque les chevaliers ouvrirent les portes, le vent s’engouffra dans la chapelle, éteignit les dernières bougies et fit voler des feuilles à l’intérieur.

— Pardonnez-moi, grand-père, dit doucement Robert, mais comment puis-je défendre notre droit au trône ? Jean de Balliol va s’asseoir sur la Pierre du Destin, il deviendra roi et tous ses héritiers après lui. Je ne vois pas comment je peux empêcher que cela arrive.

Son grand-père posa la main sur son épaule.

— Je ne te demande pas de l’empêcher. Robert, la Pierre du Destin ne fait pas plus un roi qu’un beau destrier ou une bonne épée ne fait un chevalier. Balliol prendra peut-être place sur le trône, il se fera peut-être appeler roi, mais cela ne change rien au fait que son sang ne vaut pas le mien. Cela prendra un an, un siècle s’il le faut, mais je pense que le temps dira quelle lignée est la plus authentique.

 

Robert frappa à la porte. Au bout d’un moment, il entendit qu’on tirait le verrou. La porte s’entrebâilla et Affraig apparut. Elle se remit rapidement de sa surprise et le regarda d’un air soupçonneux, mais elle ouvrit en grand, sans dire un mot, et rentra. Robert la suivit et réalisa en se penchant pour passer sous le linteau combien il avait grandi depuis sa dernière visite. La pièce était toujours aussi exiguë. Des fagots d’herbe étaient suspendus aux chevrons recouverts de toiles d’araignées. L’endroit empestait. Robert perçut distinctement une odeur d’urine et de sueur que ne couvraient pas les parfums plus doux des plantes.

Un feu brûlait au centre de la pièce, sous le trou du toit. Un chien noir était étendu sur le lit défait. Robert examina les lieux tandis qu’Affraig fermait la porte et allait s’asseoir sur un tabouret. Prenant un bol rempli d’un liquide sombre, elle le porta à ses lèvres et but en aspirant bruyamment. Robert s’accroupit près du feu dans une position peu commode. Quelques bûches étaient entassées près de lui. Il en jeta une dans l’âtre, conscient qu’Affraig ne le quittait pas des yeux. Il espérait qu’elle finirait par lui demander la raison de sa présence. Il avait la réponse en tête, mais aucune question ne venait. Le silence se prolongea jusqu’à ce qu’il n’y tienne plus.

— Je veux que vous fassiez quelque chose pour moi.

Affraig posa le bol sur ses genoux et essuya sa bouche ridée du revers de la main. Sa peau était pâle, presque translucide, et laissait voir les os de ses pommettes autant que l’arête proéminente de ses arcades sourcilières. Ses cheveux blancs étaient tirés en arrière, attachés par des lanières en cuir, et retombaient en une épaisse queue de cheval sur ses épaules. Elle avait un visage toujours aussi frappant, des traits singuliers, mais souillés par l’informe robe brune miteuse qui pendait sur elle, les ongles noirs, les minuscules bouts de peau qui constellaient ses cheveux et les taches de son sur ses mains. Elle suscitait chez Robert un étrange mélange de dégoût et de fascination, de dédain et d’effroi.

Elle ne répondit pas, et Robert fixa le feu.

— Quand j’ai prononcé mes vœux et que je suis devenu chevalier, mon grand-père m’a fait jurer de défendre le droit de notre famille au trône. Je ne voyais pas comment rester fidèle à ce serment. Je l’ai pris comme une déclaration qui s’adressait surtout aux seigneurs écossais, afin de leur montrer qu’il ne s’inclinerait pas devant Balliol. Mais je pense maintenant qu’il était sincère. Il voulait vraiment que notre famille prétende au trône, quel que soit le temps que cela puisse prendre. Cette envie l’a consumé pendant soixante ans, à partir du moment où le roi Alexandre III l’a désigné comme son héritier. En Angleterre, à la cour du roi Édouard, je suis devenu…

Robert s’interrompit. Puis il regarda ses mains et se força à poursuivre.

— Je me suis éloigné de ce serment, séduit par des promesses de richesse et de pouvoir. Je pensais que ma famille en profiterait. Cela m’a conduit à accomplir certains actes. Des choses que je ne peux pas renier. Je n’ai pas respecté mes vœux de chevalier. Je n’ai pas défendu mon royaume, ni protégé mon peuple ni rempli mes obligations en tant que comte, et j’ai trahi la promesse faite à mon grand-père. Quand mon père s’est rapproché du roi Édouard en se proposant comme successeur, je l’ai laissé faire. Comment aurais-je pu m’asseoir sur le trône d’un royaume que j’avais contribué à détruire ?

Affraig avait posé le bol par terre. Dans ses yeux brillait une flamme intense, mais elle se taisait toujours.

— Aux négociations à Irvine, j’ai fini par comprendre que je n’appartenais à aucun camp. Les Anglais me méprisent et mes compatriotes ne me font pas confiance. Wallace et les autres se rebellent au nom de Balliol. Je ne peux pas me battre avec eux. Je trahirais autant mon serment qu’à l’époque où je combattais pour l’Angleterre. Je sais ce qu’il me reste à faire. Ce que j’aurais dû faire depuis des mois.

Au moment de prononcer les mots, Robert se sentit embarrassé. Il entendit de nouveau la voix de son père, mais il la fit taire.

— Je veux que vous tissiez mon destin, conclut-il. Comme vous l’avez fait pour mon grand-père.

— Et quel est votre destin ? s’enquit-elle avec gravité.

Il la regard en face pour la première fois depuis qu’il avait pris la parole. Il ne ressentait plus la moindre gêne.

— Être roi d’Écosse.

Un sourire erra sur les lèvres de la vieillarde. Mais il n’avait rien d’agréable. C’était un sourire cruel et pernicieux.

— Je vais avoir besoin de quelque chose qui vous appartienne, dit-elle en se levant.

Robert se maudit intérieurement. Il avait amené de quoi la payer, mais rien d’autre. Il aurait dû se souvenir des objets dans les cages. Il vérifia, mais il n’avait sur lui que ses vêtements : une tunique bleue, une paire de chausses et une dague qu’il avait glissée dans sa ceinture, au cas où. Une dague ne constituait sans doute pas un symbole de la royauté très approprié.

— Je n’ai rien.

Affraig réfléchit un instant, puis elle traversa la pièce jusqu’à une étagère couverte d’herbes et de feuilles. Un pilon sale était posé derrière un mortier. Elle s’en empara avant de prendre des fleurs séchées sur une poutre au-dessus du comptoir. Puis, elle fouilla la pénombre en plissant les yeux, et alla chercher deux autres fagots. Quand elle revint près du feu et qu’il les distingua mieux, Robert s’aperçut qu’ils étaient constitués de fougères et de genêts. En revanche, la troisième plante lui était inconnue.

Elle s’assit sur son tabouret en étalant les herbes sur ses genoux. Robert s’assit jambes croisées près du feu pour la regarder travailler. Affraig se mit à arracher les racines emmêlées et la pièce s’emplit de l’odeur douceâtre des fougères. Dès qu’elle avait réussi à séparer les tiges, elle en choisissait trois qu’elle tressait ensemble. Les fleurs se détachaient à mesure qu’elle avançait et roulaient sur ses jupes avant de tomber à ses pieds. Chaque fois qu’elle terminait une tresse, elle reprenait trois tiges et recommençait. Elle était d’une habileté déconcertante. Au bout d’un moment, elle eut neuf tresses raides qu’elle entreprit de lier pour former un cercle. Dans chaque boucle, elle insérait des brins de genêts et de la troisième herbe.

— L’absinthe, murmura-t-elle. La couronne des rois, c’est ainsi qu’on l’appelait dans l’ancien temps.

Ses doigts maniaient les plantes à une vitesse stupéfiante. Avec l’odeur enivrante des herbes et du feu, les paupières de Robert s’alourdissaient. Il n’avait pas dormi convenablement depuis leur départ d’Irvine, une semaine plus tôt. Il n’était plus que courbatures et raideurs.

Il se redressa en sursaut quand elle se pencha vers lui une couronne verte à la main : sa destinée résumée dans ce cercle de fougères et de genêts. Il se revit debout sur Moot Hill avec son grand-père, au milieu des ténèbres grandissantes, le socle vide à côté d’eux attendant patiemment un nouveau roi. Il avait senti les fantômes de ses ancêtres hanter la colline ce soir-là. Ils étaient de nouveau là aujourd’hui, réunis dans cette pièce malpropre, regardant avec attention Affraig lui poser la couronne sur la tête. Dans le même temps, elle marmonna une série de mots incompréhensibles, étrange mélange de gaélique et de latin.

Après quoi elle reprit la couronne et l’emporta jusqu’à son étagère d’herbes. Elle fouilla dans un sac sur le sol et en sortit un tas de brindilles usées dont elle avait enlevé l’écorce. Il y avait de la souplesse dans ces mains qui entortillaient les brindilles, les accrochaient les unes aux autres avec art, confectionnant une cage – une toile d’araignée – juste assez grande pour contenir la couronne, qu’elle inséra avant même d’avoir fini et attacha aux brindilles avec une ficelle.

Quand elle eut terminé, elle se tourna vers lui.

— Voilà.

Robert se leva et examina la toile de son destin avec un intérêt mêlé de doute. Ce cercle d’herbes et de petites brindilles pouvait-il lui donner le trône ? Il songea au sortilège par lequel son grand-père avait voulu mettre un terme à la malédiction de Malachie, et qui pendait toujours au chêne après toutes ces années, toujours inaccompli.

— Quand l’accrocherez-vous à l’arbre ?

— Il doit passer une nuit près du feu, une autre dans l’eau, une troisième en l’air et une dernière dans la terre. Alors seulement il sera prêt à être accroché.

Robert plongea la main dans la bourse pendue à sa ceinture, mais Affraig l’arrêta.

— Je ne l’ai pas fait pour l’argent, dit-elle d’une voix vibrante de colère.

Robert retira sa main. Ne voyant pas ce qu’il pouvait ajouter, il se dirigea vers la porte. Elle le suivit, muette elle aussi. En sortant, Robert découvrit que le soleil s’était couché et que l’ombre s’étendait sur la vallée. Au loin, la forêt paraissait ténébreuse. Il se retourna subitement, une question sur les lèvres.

— Comment allez-vous le suspendre au chêne ?

Affraig sourit, et cette fois son visage s’adoucit. Elle désigna d’un geste un long manche en bois appuyé contre le mur de la maison et muni à l’extrémité de deux dents.

Robert sourit à son tour en se rappelant avoir un jour pensé qu’elle devait voler. Puis son accès de gaieté s’évanouit.

— Je ne sais pas par où commencer.

— Vous trouverez.