Prologue

La mariée était splendide dans sa robe cocktail de satin blanc cassé, ses épaules dénudées apparaissant sous une délicate mantille ancienne en dentelle — un héritage de famille, prêté non sans réticence par sa future belle-mère.

Au pied de l’autel de la petite église catholique de Serenity se tenait l’homme qui avait radicalement changé l’opinion de Karen Ames sur le couple. Celui qui l’avait persuadée de tirer un trait sur le passé. Et cela n’avait pas été facile ! Certes, il lui avait juré un amour éternel et promis d’être toujours à ses côtés, mais cela n’était finalement que des mots. Non, si elle s’était finalement laissé convaincre, c’était qu’au cours de leur longue fréquentation il avait pu, à maintes reprises, lui donner la preuve de sa sincérité.

Comme on tirait sur le bas de sa robe, Karen se pencha sur le visage excité de Daisy, sa fille de six ans.

— Quand est-ce qu’on se marie ? demanda la petite que l’impatience faisait trépigner sur place.

Son enthousiasme fit sourire Karen. Trop longtemps privés de figure paternelle, ses enfants, Daisy et Mack s’étaient aussi profondément attachés à Eliott Cruz qu’elle-même. Et, pour une bonne part, c’étaient d’ailleurs sa gentillesse et sa générosité envers eux qui l’avaient convaincue qu’il était différent. Rien à voir en tout cas avec son premier mari — l’homme qui les avait abandonnés tous les trois en laissant derrière lui un monceau de dettes.

— Vite, dépêche-toi, je veux être mariée à Eliott, insista Daisy en la tirant vers l’autel.

Karen jeta un coup d’œil sur Mack, son fils de quatre ans, pour s’assurer qu’il n’avait pas dénoué sa cravate ou inondé son costume flambant neuf de soda. Elle vérifia du même coup que les alliances étaient toujours fermement épinglées au coussin que son fils allait porter dans l’allée.

A cet instant, Dana Sue Sullivan, sa patronne, mais d’abord son amie et demoiselle d’honneur, lui toucha l’épaule.

— Ça va, Karen ? Pas trop le trac ?

— Je suis complètement à cran, avoua-t-elle. Surtout quand je regarde à l’intérieur et que je vois Eliott m’attendre au milieu de tout ce tralala.

— Garde les yeux rivés sur lui et oublie le reste. Et surtout, fonce avant que ces deux-là y aillent sans toi, conseilla Dana Sue, indiquant Daisy et Mack qui piaffaient sur le seuil de l’église.

Soudain, sans qu’elle ait donné le signal convenu, l’organiste se mit à jouer la marche nuptiale. Aussitôt, Daisy s’élança à toutes jambes dans l’allée en jetant à la ronde des pétales de roses. Un murmure parcourut l’assistance. La petite sourit, tourna les yeux vers sa mère, qui semblait hésiter encore, et ralentit le pas. Mack marchait sur ses talons, le visage solennel et un peu crispé. Il ne se détendit qu’après avoir accompli l’exploit de rejoindre Eliott sans trébucher.

Dana Sue suivait les enfants, les mains jointes, la gorge nouée par l’émotion. Au passage, elle lança un clin d’œil à son mari, assis au premier rang, avant d’adresser un grand sourire au futur marié qui, nerveux, passait un doigt dans le col de sa chemise.

Karen respira un grand coup comme pour se convaincre que, cette fois, son mariage allait durer à jamais, que, cette fois, elle ne s’était pas trompée.

Elle leva les yeux sur Eliott, puis, posant un pied confiant et assuré dans l’allée, elle s’avança vers un avenir conjugal qui promettait d’être l’exact opposé du premier.