Hieronymus Bosch, LAdoration des Mages, vers 1495.

Huile sur bois, 138 x 138 cm. Museo Nacional del Prado, Madrid.

 

 

Pendant qu’à l’exemple de Gérard David (vers 1460-1523), quelques-uns de ses contemporains se laissent entraîner à une imitation trop minutieuse de la nature, d’autres essaient de se soustraire à ces étroites préoccupations et cherchent des voies nouvelles dans le domaine du fantastique et du merveilleux. Mais bien qu’il soit surtout célèbre par les Tentations, les Enfers, et toutes les visions diaboliques dont il s’était fait une spécialité, Hieronymus van Aken (vers 1450-1516), plus connu sous le nom de Bosch[2], lorsqu’il se borne à la simple représentation de la nature, manifeste aussi toute son originalité. Dans une de ses œuvres les plus remarquables, le triptyque de LAdoration des Mages (ci-dessus), le paysage qui s’étend au-dessus de la crèche, dans la partie moyenne de la composition – un cours d’eau avec de beaux arbres qui l’ombragent, et plus loin, des terrains incultes couverts d’un maigre gazon – est rendu avec une grande justesse et l’artiste a su, par la fermeté du dessin et la vérité des intonations, exprimer très fortement le caractère d’une de ces contrées sauvages dont la poésie n’avait pas encore tenté le pinceau de ses devanciers.

Avec le temps, le goût de la peinture s’était peu à peu répandu dans tous les Pays-Bas, mais, attirés par le prestige toujours croissant de la Renaissance italienne, les artistes flamands allaient désormais au-delà des monts chercher leur idéal et compléter leur éducation. Dans ce mouvement de migration vers le Midi, nous voyons disparaître peu à peu l’originalité du vieil art national. Au contact d’un art étranger, il perd cette sincérité dans laquelle il avait jusque-là puisé sa force et, malgré le talent de ceux qui s’y emploient, les essais de conciliation tentés entre des aspirations si opposées aboutissent à des productions manquant de style et de naturel.

Un nom cependant mérite d’être retenu. Nous voulons parler de Joachim Patinir (vers 1480-1524), que la critique a longtemps désigné comme l’inventeur du paysage formant un genre à part et se suffisant à lui-même.

Bien des fables ont couru sur son compte, mais rien, dans le petit nombre de dates et de faits positifs que nous connaissons de sa vie, ne saurait justifier la réputation de désordre et d’ivrognerie que lui ont faite certains chroniqueurs. Installé de bonne heure à Anvers, il y devenait, dès 1515, membre de la guilde. En 1521, Albrecht Dürer, qui voyageait alors dans les Pays-Bas, assistait à son mariage. Très choyé par Patinir, dont il appréciait fort le talent, il faisait son portrait et lui laissait comme souvenir de sa visite, plusieurs dessins de petites figures destinées à orner ses compositions. Nous savons d’ailleurs que Patinir mettait son pinceau à la disposition de ses confrères et que, donnant un des premiers l’exemple de ces collaborations qui, plus tard, devinrent très fréquentes, il peignait pour plusieurs d’entre eux les fonds de leurs tableaux. Le talent de l’artiste, le soin et la conscience qu’il apportait à l’exécution de ses œuvres, témoigneraient aussi, au besoin, contre les fâcheux propos qui ont été tenus sur lui.