Jacob van Ruysdael, Deux Moulins à eau et une
vanne ouverte près de Singraven, vers 1650-1652.

Huile sur toile, 87,3 x 111,5 cm. The National Gallery, Londres.

 

 

Les Paysagistes de Haarlem

 

Obligés de disputer à la mer le sol de leur patrie, de le protéger contre ses assauts et de l’arracher enfin par une lutte héroïque à l’étranger qui l’occupait, les Hollandais ont aimé, à proportion de ce qu’il leur coûtait, ce pays qui est leur ouvrage et qui, après avoir été pour eux une école d’endurance, leur rappelle partout leur histoire. Comme leur civilisation, leur art est bien à eux, art vraiment original et dont les qualités propres dérivent des conditions très particulières de leur vie elle-même.

Avec l’avènement de la Réforme, les peintres des Pays-Bas avaient perdu leur clientèle primitive. Pas plus que les sujets religieux d’ailleurs, les compositions empruntées à la mythologie n’auraient eu chance d’intéresser beaucoup des populations restées sans grande culture littéraire et condamnées à une rude existence. L’observation et l’étude assidues de la nature devaient pour eux remplacer les traditions dont les autres écoles avaient, dans une assez large mesure, accepté le joug. Soutenus et captivés peu à peu par cette étude de leur propre pays, ils sont arrivés à en pénétrer profondément le caractère intime. Les moindres motifs leur sont bons, et à force de talent, ils suppléent à la simplicité des plus humbles. Dédaigneux des artifices, ils se contentent de nous placer au cœur même des sites qui les ont charmés, et de nous montrer ce qui en eux les a émus.

Après avoir donné l’exemple de la résistance la plus opiniâtre contre l’Espagnol, la ville de Haarlem était, par sa situation, désignée pour devenir le berceau de la peinture nationale. Dès 1504, une guilde de Saint-Luc s’y était établie, dans laquelle étaient admis tous les gens de métiers se rattachant aux arts. Une académie s’était aussi fondée, dont les promoteurs, imbus des doctrines classiques, préconisaient pour leurs élèves l’étude directe de la nature et, dans les ateliers ouverts sous leur direction, des modèles vivants venaient régulièrement poser. Sans le vouloir, ces « italianisants » préparaient l’avènement d’un art nouveau. Un groupe d’artistes allait bientôt apporter dans le choix de leurs sujets, aussi bien que dans l’exécution de leurs ouvrages, les qualités qui donnèrent à cette École sa physionomie originale.