Francisco de Zurbarán, La Défense de Cadix contre
les Anglais, 1634. Huile sur toile, 302 x 323 cm.

Museo Nacional del Prado, Madrid.

 

 

Après un court séjour à Naples, il s’y embarquait pour rentrer à Madrid en 1631 et se remettre aussitôt à la disposition du roi. La chasse tenait une grande place dans la vie de Philippe IV. Ses équipages et ses meutes passaient pour les plus magnifiques de l’Europe et, afin de satisfaire librement ses goûts, il s’était fait aménager, au milieu d’une contrée giboyeuse, le petit château de Torre de la Parada, qu’il avait entièrement décoré de tapisseries et de tableaux représentant des sujets cynégétiques. Entre les diverses manières de chasser alors usitées en Espagne, la « chasse à la toile », la Tela, était la plus en vogue. Dans un terrain choisi à cet effet, un grand espace était entouré à l’avance d’une clôture de toiles maintenues de distance en distance par des piquets. Le gibier rabattu vers cette enceinte, s’y engageait par l’ouverture assez large qu’on lui avait ménagée. Lorsqu’on jugeait qu’il se trouvait en quantité suffisante, l’ouverture était fermée et les bêtes prisonnières étaient refoulées dans une seconde enceinte disposée à l’intérieur et garnie de plusieurs épaisseurs de toiles plus élevées. C’est dans ce réduit qu’elles étaient assaillies et mises à mort par le roi et ses invités. Velázquez, ayant reçu mission de retracer quelques-uns des épisodes auxquels cette chasse pouvait donner lieu, s’était appliqué à les retracer avec la scrupuleuse exactitude d’un historiographe. La chasse au sanglier, de la National Gallery (Philippe IV chassant un sanglier sauvage (La Tela Real)), nous offre à la fois une image fidèle de la « chasse à la toile » et comme un tableau résumé des costumes, des mœurs et des types les mieux caractérisés de toutes les classes du peuple espagnol à cette époque. La scène s’étalant en largeur, est disposée avec autant de goût que d’habileté et le paysage y joue un rôle considérable. Cette fois, l’enceinte circonscrite par les toiles a été installée dans un site d’un aspect austère : une sorte de plaine inculte avec des ondulations terminées elles-mêmes par un coteau escarpé où croissent des buissons noirâtres, des genêts et quelques chênes rabougris. Une herbe courte et rare laisse, par endroits, à découvert la blancheur éclatante du sable. Au-dessus des toiles où plusieurs sangliers acculés dans l’enceinte sont poursuivis ou attaqués par des cavaliers, s’étend la bande étroite d’un ciel bleu foncé avec des nuages gris, rehaussés de quelques accents lumineux. La tonalité puissante de ce ciel un peu lourd et de ce paysage sombre et triste, rehausse l’éclat des colorations variées des nombreuses figures de chasseurs, de personnages de la cour et de curieux, réunis et grouillants dans un pêle-mêle très imprévu, et cependant ordonné à souhait pour le plaisir des yeux.

Dans le célèbre tableau de la Reddition de Breda (Las Lanzas) (page précédente), le paysage, pour être moins important, ne joue pas un rôle moins utile. Ses lignes comme ses colorations accompagnent si heureusement l’épisode principal qu’on pourrait, au premier aspect, n’y voir qu’un fond quelconque, uniquement destiné à faire valoir cet épisode. Ce n’est pas là pourtant un décor indifférent. S’il ne connaissait pas lui-même la contrée où se passe l’action, Velázquez n’avait, du moins, rien négligé pour se renseigner exactement à cet égard. Il reproduisait avec une scrupuleuse fidélité la topographie de Breda et du pays environnant. Au point de vue spécial qui est le nôtre, il convient de signaler la force et la délicatesse avec lesquelles les formes plus accusées des figures et leurs tonalités plus puissantes se détachent sur les gris et les bleus mitigés du ciel, sur les fumées rousses ou blanchâtres qui flottent dans l’atmosphère, sur les verts et les jaunes amortis des terrains. Velázquez ne demande qu’à la nature elle-même son cadre et ses moyens d’action, et tout en restant très véridique, il sait donner à cette peinture magistrale, le caractère et la pleine signification d’un document historique.