Le Lorrain (Claude Gellée), L’Embarquement de sainte
Paule à Ostie, 1639. Huile sur toile, 211 x 145 cm.
Museo Nacional del Prado, Madrid.
À côté de Poussin et presque du même âge que lui, un autre Français, le Lorrain, fixé également à Rome, devait, en se consacrant exclusivement à la peinture de paysage, mériter, comme lui, sa place parmi les premiers et, dans un sens très différent, exercer une influence profonde sur son art. Le nom de Lorrain qu’il aimait à prendre lui-même et qu’il honora par son talent aussi bien que par son caractère, Claude Gellée (1600-1682) le doit, on le sait, au lieu de sa naissance, le petit village de Chamagne, situé au bord de la Moselle. La condition de sa famille était des plus humbles et le peu de dispositions que l’enfant montrait pour l’étude n’était pas de nature à faire présager sa glorieuse destinée.
Les parents de Claude ne pouvaient pas prolonger beaucoup le temps consacré à l’instruction d’un enfant qui s’y montrait si rebelle. Ils le mirent donc en apprentissage chez un pâtissier. Mais, peu après, Claude, alors âgé de douze ans, étant devenu orphelin, fut recueilli par un de ses frères aînés, Jean Gellée, qui exerçait à Fribourg-en-Brisgau la profession de graveur sur bois et qui lui donna quelques leçons de dessin. Pour que l’on songeât à diriger dans ce sens un garçon qui, d’après le peu d’aptitude qu’il avait montré à l’école, devait sembler assez borné, il fallait évidemment qu’il eût manifesté déjà quelque signe de sa vocation.
En tout cas, les enseignements que Claude trouva près de son frère aîné furent certainement bien modestes. Celui-ci se bornait, en effet, à exécuter quelques dessins de feuillages ou d’arabesques destinés probablement à la broderie. Un an après, un de ses parents passant par Fribourg pour se rendre à Rome, où l’appelaient ses affaires, offrit de l’emmener avec lui, afin qu’il pût y trouver les ressources nécessaires à son instruction artistique.
Outre les chefs-d’œuvre de l’Antiquité et de la Renaissance, Rome présentait alors pour un jeune peintre aussi épris de la nature que l’était Claude, un attrait particulier. Le paysage, que bientôt il allait illustrer, y était déjà cultivé comme un genre spécial, et comptait d’assez nombreux adeptes. Mais son parent ayant quitté l’Italie, les modiques ressources dont il pouvait disposer se trouvèrent bien vite épuisées. Il avait dû lui-même s’éloigner de Rome à ce moment, pour faire à Naples un séjour de deux ans, travaillant sous la direction d’un médiocre peintre de paysage.