John Constable, LEscalier de Whitehall, 18 juin 1817
(La Brèche du pont de Waterloo), 1832.

Huile sur toile, 130,8 x 218 cm. Tate Gallery, Londres.

 

 

En 1837, Constable fut trouvé mort dans son lit. Tout en souffrant un peu de ne pas se sentir apprécié à sa juste valeur par le public, Constable se rendait compte des causes qui l’empêchaient d’être populaire. « Mon art, disait-il, ne flatte personne ; il ne vise pas au trompe-l’œil par les minuties de l’imitation ; il ne sollicite personne par sa douceur ; il n’étonne personne par le charme de son fini ; je ne serai jamais le peintre des gentlemen et des ladies ». Mais l’avenir devait venger l’artiste de l’accueil que lui avaient fait ses contemporains, et les prix atteints par ses œuvres depuis sa mort le montrent assez.

Avec Constable disparaissait un des plus grands peintres qu’ait produits l’Angleterre et le véritable rénovateur du paysage moderne. Peut-être n’a-t-il pas été autant qu’on l’a dit l’initiateur de l’École française ; peut-être, ainsi qu’on peut assez souvent le constater dans l’histoire de l’art, un même courant d’idées s’est-il produit en même temps de chaque côté du détroit, sans qu’il soit bien facile de dire avec quelque certitude auquel des deux pays revient l’honneur de la priorité, ni quelle part d’influences réciproques il est juste d’attribuer à chacun d’eux. Quand Constable envoyait en France, au Salon de 1824, les trois tableaux qui devaient y faire sensation, plusieurs des artistes français étaient déjà revenus à cette étude sincère de la nature qui faisait le mérite de ses paysages, et la faveur même avec laquelle ils accueillirent cet envoi suffirait à le prouver.

Constable n’a jamais prétendu au rôle de réformateur, mais l’excellence de sa méthode ne pouvait manquer de porter ses fruits. Tandis que l’exemple de Turner, autorisant toutes les fantaisies, toutes les aventures, même les moins picturales, substituait les hasards de l’exécution à l’étude attentive de la nature, c’est sur cette étude exclusive que s’appuie Constable. Au lieu de courir le monde en quête de motifs inédits, c’est son pays qui le retient et qui l’inspire et, dans ce pays, l’humble et cher village autour duquel s’écoule sa laborieuse existence. En revenant à ces coins familiers, en multipliant les fidèles images qu’il nous en a laissées, il ne pensait pas en épuiser jamais les ressources pittoresques. Ils avaient toujours quelque beauté nouvelle à lui révéler. Ainsi qu’il se l’était proposé dès ses débuts, il est resté le peintre attitré de cette modeste contrée. Goûtant lui-même les jouissances qu’un commerce si assidu lui avait méritées, il nous en fait admirer l’aimable poésie dans des œuvres. De surcroît, sans qu’il y visât, il a créé à nouveau ce genre du paysage intime qu’avant lui les Hollandais, Van Ruysdael surtout, avaient découvert et qu’après lui, par les mêmes recherches persévérantes et désintéressées, l’École moderne de paysage en France allait remettre en honneur.