Achille-Etna Michallon, Vue du Colisée à Rome.

Huile sur toile, 25 x 40 cm. Musée du Louvre, Paris.

 

 

Les jours de pluie, Corot copiait avec une extrême conscience des études de Michallon, choisies parmi les plus simples. Il avait pour ce maître qui le traitait en camarade, une affection reconnaissante. Aussi sa peine fut-elle grande quand il le perdit prématurément en 1822. Sentant alors le besoin de pousser plus avant son instruction, il était entré dans l’atelier de Victor Bertin (1775-1845) avec lequel, sans doute, Michallon l’avait déjà mis en relation. Disciple fidèle de Valenciennes, Bertin était à ce moment un des représentants les plus qualifiés du paysage historique dans ce qu’il a de plus conventionnel. Il ne voyait guère dans la nature qu’un décor complaisant destiné à encadrer des épisodes mythologiques.

La détermination prise d’aller compléter en Italie son instruction devait être pour Corot plus utile que ces enseignements. Le séjour au-delà des monts de 1825 à 1827 exerça sur lui une influence décisive. Autour de Rome et dans la ville elle-même les motifs les plus variés se présentaient à son choix. Il avait beaucoup dessiné, non pas des croquis sommaires, mais des études précises, consciencieusement poussées à fond. On y remarque la subordination des détails à l’ensemble, la justesse des proportions, l’unité d’aspect, même dans les sites les plus compliqués.

Timide, un peu gauche, le nouveau venu s’était d’abord senti assez dépaysé. Il n’aimait guère à parler de lui et il travaillait à l’écart. Corot était trop fin pour ne pas s’apercevoir qu’on le traitait un peu comme un brave garçon sans conséquence. Une circonstance imprévue devait mettre un terme à ces railleries, d’ailleurs innocentes, et donner à celui qui en était victime la place que lui méritait son talent.

Aligny, traversant un jour le Forum, aperçut Corot occupé à peindre Le Colisée vu des jardins Farnèse. Frappé par les qualités remarquables de cette étude, non seulement il adressait à l’artiste ses cordiales félicitations, mais le soir même, arrivant avant lui au Lepre, il raconta avec force éloges ce qu’il avait vu, en présence des hôtes habituels du restaurant, ajoutant que « ce jeune homme, resté jusque-là dans l’ombre, pourrait bien devenir leur maître à tous ». Corot, qui survint alors, étant accueilli par des compliments unanimes, fut profondément touché du procédé d’Aligny et lui voua depuis lors une reconnaissance qu’il aimait à exprimer toutes les fois qu’il en avait l’occasion. À partir de ce jour, on les voyait tous deux, et souvent aussi en compagnie d’Édouard Bertin, en quête des études que Rome et ses environs pouvaient leur offrir.