Prosper Georges Antoine Marilhat, Bords du Nil, 1831-1833.

Huile sur panneau, 24,5 x 32,5 cm.

Musée de lErmitage, Saint-Pétersbourg.

 

 

Les Paysagistes nés après 1820

 

Les paysagistes dont nous avons parlé jusqu’à présent appartenaient à la génération qui, née avant 1820, avait été plus ou moins mêlée au mouvement romantique. Mais la riche floraison de talents qui s’était alors épanouie ne devait pas disparaître avec eux. Elle s’est continuée, et si les limites étroites de cette étude ne nous permettent trop de développements, il est juste, du moins, que ceux d’entre eux dont l’originalité a été le plus fortement accusée, trouvent ici leur place.

Nous avons déjà eu l’occasion de remarquer que la plupart de ces artistes avaient été de préférence attirés vers certaines contrées dont leur origine ou leur tempérament les préparaient mieux à sentir la beauté propre. La spécialisation excessive qu’on observe dans toutes les directions de l’activité intellectuelle, devait également se produire dans la peinture et pousser la plupart des paysagistes français à se cantonner dans l’étude presque exclusive d’une région déterminée.

À mesure que toutes les provinces de France trouvaient des interprètes plus fidèles de leur intime caractère, les paysagistes, jaloux d’étendre leur domaine, abordaient des contrées nouvelles. Depuis longtemps, nous l’avons vu, l’Orient avait attiré leur attention, et, dans la littérature comme dans l’art, il était devenu à la mode. Après Victor Hugo qui l’avait chanté, comme Diaz de La Peña l’avait peint, sans l’avoir vu ; après Marilhat qui en rapportait déjà des images plus véridiques, la facilité croissante des voyages devait amener une connaissance toujours plus complète de ces contrées, autrefois peu fréquentées. Le public aussi ne se contentait plus des indications assez sommaires qui jusque-là avaient été données. Il était désormais à même de juger avec plus de compétence les œuvres inspirées par les pays du soleil. Les écrits et les tableaux de Fromentin vinrent, à point nommé, provoquer et mériter toutes les sympathies.

Fils d’un médecin de La Rochelle, Eugène Fromentin était né en 1820 dans cette ville, et il y avait fait ses études avec un tel succès que son père songea un moment pour lui à une carrière littéraire. Tout en suivant à Paris les cours de la faculté de droit, les goûts naturellement élevés du jeune homme le portaient à rechercher la société d’écrivains alors très en vue. Entre-temps, il prenait un si vif plaisir à fréquenter le Louvre qu’au lieu de préparer sa thèse de doctorat, il obtenait de sa famille la permission de se livrer à la peinture. Il entrait en 1843 dans l’atelier du paysagiste Rémond, le maître de Rousseau, qu’il quittait l’année d’après pour devenir l’élève de Cabat, à qui il devait vouer une sincère reconnaissance. L’admiration des œuvres de Marilhat exerçait sur lui une grande influence et l’attirait vers l’Algérie. Dès le premier voyage qu’il y fit en 1846, il fut absolument conquis par le charme de ce pays. À la suite de nouveaux séjours à Constantine et à Biskra, en 1848 et en 1852-1853, les études qu’il en rapportait devaient consacrer la réputation de l’artiste. C’est au retour de ce dernier séjour qu’il exécutait une dizaine de tableaux où il avait rendu avec une vivacité extrême des impressions très diverses. Si le paysage y tenait une place importante, les figures jouaient cependant le principal rôle dans ces compositions où l’artiste avait cherché à résumer les traits les plus caractéristiques de la vie africaine.