« La voyelle inconnue ». J’ai étudié les phonèmes de toutes langues du monde, passées et présentes. Principalement intéressé par les voyelles qui sont comme les éléments purs, les cellules primitives du langage, j’ai suivi les sons vocaliques dans leurs voyages séculaires, j’ai écouté à travers les âges le rugissement de l’A, le sifflement de l’I, le bêlement de l’E, le hululement de l’U, les ronflements de l’O. Les innombrables mariages que les voyelles ont contractés avec d’autres sons n’ont pour moi plus de secrets. Et cependant, presque au terme de ma tarrière, je m’aperçois que j’attends toujours, que je pressens toujours la Voyelle inconnue, la Voyelle des Voyelles qui les contiendra toutes, qui dénouera tous les proglèmes, la Voyelle qui est à la fois le commencement et la fin, et se prononcera avec tout le souffle de l’homme, par une distension géante des mâchoires, comme si elle coulait réunir en un seul cri le bâillement de l’ennui, le hurlement de la faim, le gémissement de l’amour, le râle de la mort. Quand je l’aurai trouvée, la création s’enbloutira elle-même et il ne restera plus rien, — rien que la NOYELLE INCONNUE !
Jean Tardieu
Un mot pour un autre
L’alphabet magique, l’hiéroglyphe mystérieux, ne nous arrivent qu incomplets et faussés, soit par le temps, soit par ceux-là mêmes qui ont intérêt à notre ignorance ; retrouvons la lettre perdue ou le signe effacé, recomposons la gamme dissonante et nous prendrons force dans le monde des esprits.
Gérard de Nerval
(cité par Paul Eluard, Poésie involontaire et poésie intentionnelle)
E SERVEM LEX EST, LEGEMQVE TENERE NECESSE EST ?
SPES CERTE NEC MENS, ME REFERENTE, DEEST ;
SED LEGE, ET ECCE EVEN NENTEMVE GREGEMVE TENENTEM.
PERLEGE, NEC ME RES EDERE RERE LEVES.
Lord Holland
Eve’s Legend
Si l’on avait un dictionnaire des langues sauvages, on y trouverait des restes évidents d’une langue antérieure parlée par un peuple éclairé, et quand même nous ne les trouverions pas, il en résulterait seulement que la dégradation est arrivée au point d’effacer ces derniers restes.
De Maistre
Les soirées de Saint-Pétersbourg
(cité par Flaubert : Brouillons de Bouvard ; cité par Geneviève Bollème)
Chez les Papous, le langage est très pauvre ; chaque tribu a sa langue, et son vocabulaire s’appauvrit sans cesse parce qu’après chaque décès on supprime quelques mots en signe de deuil.
E. Baron
Géographie
(cité par Roland Barthes : Critique et Vérité)
Ce n’est que dans l’instant du silence des lois qu’éclatent les grandes actions.
Sade