Métagraphes

(citations)

« La voyelle inconnue ». J’ai étudié les phonèmes de toutes langues du monde, passées et présentes. Principalement intéressé par les voyelles qui sont comme les éléments purs, les cellules primitives du langage, j’ai suivi les sons vocaliques dans leurs voyages séculaires, j’ai écouté à travers les âges le rugissement de l’A, le sifflement de l’I, le bêlement de l’E, le hululement de l’U, les ronflements de l’O. Les innombrables mariages que les voyelles ont contractés avec d’autres sons n’ont pour moi plus de secrets. Et cependant, presque au terme de ma tarrière, je m’aperçois que j’attends toujours, que je pressens toujours la Voyelle inconnue, la Voyelle des Voyelles qui les contiendra toutes, qui dénouera tous les proglèmes, la Voyelle qui est à la fois le commencement et la fin, et se prononcera avec tout le souffle de l’homme, par une distension géante des mâchoires, comme si elle coulait réunir en un seul cri le bâillement de l’ennui, le hurlement de la faim, le gémissement de l’amour, le râle de la mort. Quand je l’aurai trouvée, la création s’enbloutira elle-même et il ne restera plus rien, — rien que la NOYELLE INCONNUE !

Jean Tardieu

Un mot pour un autre