Son esprit est enfin vidé, brutalement soulagé de ne plus entendre ce client rameuter sa bouche. Il jette alors comme un vieux chiffon la femme qu’il tenait par sa tignasse, pendant que l’autre, face à terre, aboie comme une chienne. Elle ne crie pas mais aboie ! C’est cela que le boulanger entend dans sa tête. Il en jouit presque jusque dans son froc. Puis le boulanger referme la porte de son poing ferme. Il appuie sur le bouton commandant la devanture électrique du magasin. Le rideau de fer tombe sur la scène. Ambiance tamisée de rigueur, le sombre s’empare des derniers reflets résistants du soleil. Le soleil est vaincu et le boulanger est un homme puissant. Des gouttes de sang perlent de son manche à faire le pain. Son mal de tête s’est envolé. Son front se décrispe enfin et sa bouche s’ouvre lentement, comme pour profiter de cet air béni remplissant la boulangerie. Les Dieux sont avec lui. Il le sent en lui. Et lui est au centre des Dieux. « Enfin j’existe ! » Beugle-t-il. La vieille est toujours allongée à côté de son caniche hurlant la mort. Le boulanger lance instinctivement son manche à faire le pain en direction de ce cabot agité. Le cabot tombe à terre. Son crâne est fissuré sur le côté. Le sang se répand une nouvelle fois sur le parterre blanc et froid de la boulangerie. Les deux chiennes aux fringues moulantes se sont rapprochées l’une de l’autre et s’agrippent maintenant entre-elles. Le froc à demi-baissé, le boulanger s’avance ainsi d’un pas lent vers ses proies. Sa pâture se tient en position fœtus, leurs deux mains posées et resserrées sur leur crâne.