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Les premiers jours à Drancy passent comme s’ils n’avaient jamais existé. Josette pense qu’elle fait un cauchemar. Qu’elle finira bien par se réveiller. Et qu’alors elle pourra se dire : « Tout ceci n’est pas réel » ou « C’est le produit de mon imagination ». Elle se sent comme le Prince dans La Princesse de Charles Tennyson qui, affligé d’une étrange infirmité, voit le monde soudain devenir fantomatique et perdre toute sa substance. La vie à Drancy ressemble à la vie de caserne. Les femmes et les hommes y vivent séparés et sont logés dans des bâtiments distincts. Le soir, après le couvre-feu, les visites entre bâtiments sont permises, ainsi que les promenades dans la cour, alors, c’est dans le camp un va-et-vient continuel. Tout ça fait partie du cauchemar. À commencer par le temps qu’on ne sait comment tuer : jeux de cartes, conversations, rumeurs de « Radio-Drancy », marché noir autorisé par des gendarmes français à la surveillance relâchée parce que intéressée. Oui, tout ça fait partie du cauchemar.

Pour survivre, Josette se dit qu’il faut le refuser, le cauchemar. Refuser de voir, d’entendre, de participer. Refuser de voir cet homme puni de huit jours de prison parce qu’il n’a pas porté son étoile jaune. Refuser les conditions d’hygiène abominables. Refuser la routine de l’appel à 8 heures, de la promenade entre 8 et 10 heures, de la soupe, à 11 heures et à 18 heures, des nuits au milieu des ronflements et des fenêtres sans volets, et du clair de lune aveuglant, et de la chaleur effroyable, et des orages fréquents. Refuser de voir ces jeunes hommes et ces jeunes femmes qui arrivent à Drancy parce que inconscients des risques encourus : non informés des arrestations de leurs semblables, ils ont continué de se promener dans les rues de Paris avec des étoiles « Swing » et « Zazou » – comme Renée, cette lycéenne qui a inscrit sur son étoile le mot « Papou »... Refuser de voir ces centaines d’enfants qui jouent dans la cour, couverts de poux et de plaies, dont beaucoup ne savent même plus où sont leurs parents. Refuser de voir ces gens qui arrivent chaque jour, arrêtés alors qu’ils tentaient de franchir la ligne de démarcation. Refuser de voir cette jeune fille qui s’est jetée par la fenêtre du quatrième étage parce qu’elle n’avait plus la force de vivre à Drancy. Refuser de voir ce garde qui frappe un enfant de six ans à grands coups de pied dans le ventre et le laisse dans la boue de la cour. Refuser de se voir elle, Josette, en train d’essayer de consoler tel ou telle, mais sans trop savoir ni quoi dire ni quoi faire.

Dans ce camp immense, les gendarmes français ont séparé les zazous ayant participé à la manifestation du 7 juin. Un par dortoir. Avec interdiction de se réunir dans la cour et de causer entre eux. Chacun devant porter une véritable étoile jaune, ainsi qu’un bandeau portant l’inscription « Ami(e) des Juifs ». Josette avait, dès son arrivée, été affectée au dortoir 4 du quatorzième escalier où étaient entassées cinquante Juives polonaises, russes, allemandes, apatrides. La chef de chambre lui avait donné le choix entre une paillasse, sale, par terre, ou un lit de bois perché. Elle avait choisi le lit de bois perché. Un flot de questions l’avait alors assaillie, pour lesquelles elle n’a toujours pas de réponses :

– Pourquoi fais-tu cela pour nous ?

– Tu ne sais pas que nous ne sommes pas des filles comme les autres ?

– Nous avons une tache, tu sais. Pourquoi toi, tu nous respectes ?

– C’est un malheur actuellement d’être juif. Tu as vraiment envie de subir notre sort ?

Le 16 juillet et les jours qui suivent, Josette sort de son cauchemar, pour rentrer dans une réalité bien pire encore. Peu de jours avant son arrestation, un film était projeté au César, un des cinémas des Champs-Élysées. Après un générique au ton particulièrement virulent, frappé de l’étoile de David, une scène montrait le peuple juif associé à une horde de rats. Elle avait refusé d’aller le voir. Sans doute faisait-il partie d’un plan destiné à radicaliser l’antisémitisme. Quelques semaines plus tard, en effet, la rafle du Vél’d’Hiv’ était déclenchée. La réalité, pire que le cauchemar, est donc ce à quoi elle est aujourd’hui confrontée. Treize mille Juifs immigrés de la région parisienne sont raflés. Un flot continu de femmes, d’hommes, de vieillards, d’enfants arrive à Drancy. Josette qui avait à peine pu fermer les yeux sur son cauchemar ne peut rien faire contre cette réalité qui la submerge. Elle voit tout, elle entend tout. Une femme erre dans le camp, folle. Les agents opérant six par six sont entrés dans son appartement, avec des torches électriques, des fusils : elle a jeté ses quatre enfants par la fenêtre. Une autre explique qu’on l’a conduite ici, parce que bien que juive elle avait refusé de monter dans le dernier wagon du métro. Une troisième, enceinte, porte un bébé dans ses bras : « Ils n’ont pas voulu que j’emporte la poussette. » Une quatrième raconte comment ses voisins, une famille entière – le père, la mère, les trois enfants –, se sont suicidés au gaz pour échapper à la rafle. Josette comprend bien qu’une chose terrible se prépare, quelque chose qui sera une tragédie.

De nouveau elle essaie d’aider. Elle est là, vivante, l’« Amie des Juifs » qui n’est pas juive. Une vieille femme pleure, son étoile tombée à terre, que Josette ramasse : « C’est pour ça qu’ils m’ont arrêtée. Mon étoile tenait avec des pressions et des agrafes pour la mettre sur plusieurs vêtements. Ils m’ont dit que ce n’était pas “réglementaire”, et que si elle avait été cousue ils m’auraient relâchée. Et voilà, maintenant je suis à Drancy pour une histoire d’agrafes et de pressions, moi je trouvais ça plutôt pratique... » Que faire ? Josette est dépassée par la réalité de Drancy. Comment aider ces enfants qui meurent de diarrhée, parce qu’ils ne sont nourris que de soupe au chou depuis des jours ? Comment aider cette femme qui a tout perdu, parents, enfants, mari, qui voulait en finir dans sa baignoire avec du Véronal mais qui a survécu, « ces cons m’ont sortie de l’eau et m’ont tirée par les pieds jusqu’ici ». Elle arpente la cour jour et nuit en peignoir de bain.

Drancy est un monde clos. Derrière les barbelés, rien ne pénètre de l’extérieur. Josette ne sait plus rien de ses amis. Elle ne sait pas que Marie a fini par suivre la tournée de Raymond Legrand en Allemagne et est allée chanter devant des prisonniers de guerre français. Elle ne sait pas que Charlie joue régulièrement à La Désirade et semble avoir réussi son pari : se faire oublier en jouant des biguines et des rythmes antillais. Elle ne sait pas qu’Odette est de plus en plus amoureuse de Sarah et a de plus en plus de mal à ne pas se trahir. Elle ne sait pas que Jean passe de plus en plus de temps dans les couloirs du lycée Henri-IV, obsédé, dit-il, par des études qu’il ne veut pas louper ; tout comme Pierre, son acolyte de Louis-le-Grand. Elle ne sait pas que Lucienne a gagné une gloire éphémère en défilant pour Lanvin en portant Je ravitaille, manteau trois quarts, d’allure sportive et confortable ; Je vais au cinéma, élégant tailleur tenu par des bretelles en fourrure de fouine ; et Je remplace le chauffage central, tenue d’intérieur matelassée, étudiée pour affronter les appartements glacés. Elle ne sait pas que Sarah a décidé de rejoindre l’Union générale des israélites de France, organisme qui fédère les œuvres juives d’assistance. Devenue assistante sociale bénévole, elle aide les femmes qui ont perdu leurs enfants, les enfants qui recherchent leurs parents, les hommes qui voudraient retrouver leur femme. Tous ont essayé de la dissuader, mais Sarah a la tête dure, et ne fait que ce qu’elle veut : elle est donc plus que jamais zazoue et membre de l’UGIF...

Et donc, tous ces amis, que savent-ils de Josette ? Plus rien – ou si peu. Tout juste ont-ils entendu à la radio et lu dans la presse que « plusieurs “Amis des Juifs” » avaient été arrêtés et conduits à Drancy. Et que Josette en fait peut-être partie. Mais comment savoir ? Non, ils ne savent rien de Josette. Comment pourraient-ils penser une seconde que parfois elle retrouve un bonheur éphémère, si fugitif, lorsqu’elle se souvient d’un après-midi de ciel bleu et de soleil, passé avec eux, ou d’une goutte de rosée tremblotante le matin sur un bourgeon dans le parc Montsouris, ou des sœurs de Saint-Joseph de Cluny, qui cultivent leurs tomates le long des grilles du couvent de la rue Méchain non loin de chez elle... À aucun moment, le jazz, le swing n’est présent en ces journées de ténèbres.

À Drancy, le long de tous ces jours qui passent, elle ne voit que Drancy. Comment pourrait-elle savoir que le départ en masse des ouvriers français pour l’Allemagne est à l’ordre du jour, en échange de la libération de 50 000 prisonniers ? Ce qu’on appelle la « relève ». Trois ouvriers français qui partent, pour un prisonnier qui rentre. Comment pourrait-elle savoir que la femme qui a organisé la manifestation des femmes de la rue Daguerre n’est pas guillotinée comme l’avaient décidé les juges parce qu’elle est enceinte et que Vichy ne guillotine pas les femmes enceintes ? En dehors de Drancy, la vie continue. Mais elle ne le sait pas. Et pourtant, un avion anglais a gravé des V en fumées bleues, blanches, rouges, dans le ciel de Paris ; un pilote de la RAF, survolant à basse altitude la rue de Rivoli, a mitraillé les grands hôtels où se prélassaient les états-majors allemands ; un appel de Radio-Londres a demandé aux Français de « placer les Juifs sous leur sauvegarde et de faire ainsi la chaîne des braves gens ». Non, Josette ne sait plus rien de la vie hors de Drancy, à commencer par la frivolité qui, en ces jours sombres, trouve encore à s’exprimer. Josette ne sait rien de ces salles de cinéma qui sont toujours aussi combles, du pavillon d’Armenonville qui fête encore la Journée de l’élégance à bicyclette, de la nouvelle mode des tissus imprimés et des chapeaux de couleurs vives. En cette fin juillet 1942, la presse accorde presque autant d’importance à la rafle du Vél’d’Hiv’ qu’au gala de réouverture du cabaret Le Florence ! Non, Josette ne sait rien de tout ça. Et comment pourrait-elle savoir que Jean est allé glisser un drapeau tricolore en pleine nuit dans les mains de fonte du génie de la Bastille ?

Certains jours, elle ne veut même plus penser à Drancy. Ni à l’extérieur, ni même au fait de sortir. Elle n’a plus de force, plus de désir. Cela fait si longtemps qu’elle n’a pas fredonné un air de jazz ! Drancy est devenu une immense gare de triage. Des milliers de gens vont et viennent. Des milliers arrivent, des milliers partent. Hier, plus de 7 000 Juifs sont arrivés de la zone libre. Des dizaines d’autobus partent du camp ; des dizaines de convois quittent la gare de Drancy-Le Bourget. Une chose horrible existe : la « réserve ». Elle est constituée d’un certain nombre de Juifs qui « en principe » ne devraient pas partir en Allemagne. Qui sont sur une liste d’attente. Quand les trains ne sont pas assez pleins, les Allemands viennent plonger dans la « réserve ». À Drancy, les suicides ne sont pas nombreux, mais neuf sur dix sont le fait de membres de la « réserve ».

Ce soir, un soir parmi d’autres soirs, peu importe lequel, Josette est dans la cour, dans le brouhaha, la poussière, une immense cohue. Elle entend des gens qui disent que les amitiés qui se sont nouées ici sont empreintes d’une très grande sincérité, de profondeur, d’une espèce de tendresse grave que personne ne pourra jamais plus connaître. Que tous ces êtres ont signé un pacte, scellé dans les luttes et les épreuves. Josette ne croit même plus en cela. Elle se dit juste que cette banderole « Ami des Juifs », qui devait humilier tous ceux qui la portaient, a été pour beaucoup de prisonniers juifs comme un timide rayon de soleil. Très court. Terrible. Si éphémère. Comme ce petit garçon, débrouillard, orphelin, qui trois jours durant n’a pas lâché sa main. « Qui a mis cette banderole ? » « Les Allemands... » « Tous des têtes de cons ! » Petit homme, sans prénom, sans nom, qui a disparu, comme tous les autres, un matin, et n’est jamais revenu, immédiatement remplacé par un autre qui lui non plus ne voulait pas lui lâcher la main.

Aussi, lorsqu’un gendarme français lui indique qu’elle doit se rendre au poste de commandement, là où un officier allemand a exigé qu’elle soit conduite, elle comprend que sa vie est sur le point de s’arrêter. Le chemin vers la baraque gardée par des hommes en armes est son chemin de croix. Elle passe à travers une haie d’êtres muets qui sont déjà des fantômes. Marche lentement. Accepte, elle qui ne fume pas, une cigarette que lui tend un enfant, mélange, comme toutes celles qui circulent ici, de crottin de cheval déshydraté et d’ersatz de thé. Elle tousse. La fumée lui brûle les yeux, mais cette cigarette, elle la fumera jusqu’au bout. Arrivée devant la baraque, elle monte l’escalier. Combien de ses amies éphémères sont parties par cette porte et ne sont pas revenues ? Des cinquante femmes du dortoir 4, qui l’avaient accueillie à son arrivée, plus aucune n’est là.

La pièce est vide, carrelée, blanche. Une salle d’infirmerie. Deux soldats allemands encadrent un officier de dos, debout. Il donne un ordre en allemand. On passe des menottes à Josette. Un second ordre. On lui met une cagoule sur la tête. Elle sent qu’elle retraverse la pièce, redescend l’escalier, traverse une vaste cour qui n’est pas celle par où elle est arrivée. Il n’y a aucun bruit, aucune présence. Elle ne sait pas vraiment où elle est. Bruits de portes, de serrures, de portails divers. Puis elle est poussée dans une voiture. Un nouvel ordre en allemand, donné par le même officier. Enfin, c’est ce qu’elle croit comprendre. Les deux soldats montent à côté d’elle. C’est l’officier qui conduit. Une voiture assez grande. Puissante. Le voyage est interminable. En ville, c’est certain. Les fenêtres sont fermées. Elle qui avait perdu le souvenir du jazz, du swing, se met à y penser. Pour oublier ce qui est en train de lui arriver. La vie est étrange, tout de même. Elle pense à ce qu’elle aime entendre, dans un grand orchestre : les pupitres de cuivres et de sax, les violons. Elle se souvient de ce que lui avait dit un jour Charlie, qu’il préférait lui aussi le grand orchestre, car cela lui donnait non seulement envie de jouer mais une foule d’idées orchestrales, car il découvrait alors de nouvelles possibilités, toutes sortes de combinaisons de sons, d’harmonies qu’il ne pouvait déployer avec le seul Quintette. Elle s’en veut presque de penser à ça. Et puis après tout, ce sont ses derniers moments. Elle peut bien penser à ce qu’elle veut. Elle pense aussi que mourir pour mourir elle aurait préféré que ce soit avec ses amies juives, à Drancy.

Quand la voiture s’arrête, elle s’était presque endormie. Les soldats la sortent, sans ménagement. Puis elle sent l’officier qui la prend par le bras, lui fait traverser la rue. Frappe à une porte d’entrée. Crie un ordre en allemand. La porte s’ouvre. Josette reconnaît une odeur, oui, une odeur plus qu’un parfum, tandis que dans le même temps, l’officier lui retire les menottes, lui enlève la cagoule, lui remet un petit sac dans lequel se trouvent ses papiers, ses clés, quelques effets qu’elle avait en arrivant à Drancy.

– J’ai mis presque un mois à vous retrouver.

C’est Gerhard, qui lui fait signe de se taire et lui indique qu’il se retire. Elle pense qu’en d’autres circonstances, elle aurait pu dire : « C’est merveilleux d’être soignée par quelqu’un d’autre. Par quelqu’un qui s’occupe de vous, qui vous tend la veste pour que vous la passiez. Je suis si peu habituée à cela. Ça me donne une impression de raffinement, presque de luxe. »

– Bonsoir, nous nous reverrons. Ne dites rien, pas ce soir. Au revoir.

Derrière la vitre de sa loge, la concierge observe, puis referme son rideau de dentelle.

Alors qu’elle monte les escaliers qui conduisent à son appartement, Josette se dit que c’est comme si elle venait d’accepter un bouquet de fleurs de quelqu’un qui lui avait demandé de l’accepter, qu’elle l’avait pris, et qu’une fois entre ses mains elle avait été stupéfaite, presque horrifiée de ce qu’elle venait de faire. Horrifiée et au bord des larmes – de bonheur.

Bien que fatiguée, elle ne parvient pas à se coucher. Elle prend une douche d’eau glacée mais jamais douche ne l’a rendue aussi heureuse. Elle pense à Gerhard qui vient de la sauver. C’est curieux, c’est le seul garçon dont elle pense pouvoir dire que moralement il est d’une essence rare. Ce qui transparaît en lui, c’est l’énergie et la droiture. Elle a beau se répéter : « Gerhard est un soldat allemand », « Gerhard est un soldat allemand », elle ne peut penser autrement. Quand elle sort de la douche, elle regarde son corps dans la glace. Elle a beaucoup maigri. Comme ça, elle se trouve presque belle. Elle crève de faim. Elle mange la réserve de biscuits pour J3 qu’elle avait constituée et soigneusement rangée dans une boîte en métal, boit un faux café, avale un pot de confiture qu’elle gardait pour le prochain réveillon de Noël. Quel bonheur étrange ! Elle s’endort en se sentant coupable, et fait un rêve qui la réveille en sursaut à midi. Ce sont tous ses amis juifs et non juifs, vivants et morts, qui sortent de Drancy. Qui jaillissent, tous soûls de liberté et comme fous. Elle en voit un qui part en courant comme s’il avait peur qu’on le rattrape. Un autre qui reste en arrêt sans savoir quelle direction prendre. Elle est au milieu d’eux. Elle suit ceux qui marchent devant elle. Tous, nombreux, si nombreux, arrivent à une station d’autobus. Une bagarre commence : c’est à qui montera le premier. Une fois qu’elle a trouvé une place assise, elle relève la tête. Elle est seule. Excepté un enfant, le tout premier qui lui a tenu la main, dont elle n’a jamais su le nom, et qui a été le premier à partir. Tous les autres ont disparu. L’autobus démarre, file vers Paris, jusqu’à la prochaine station de métro, « Jean-Jaurès », dit l’enfant. Elle regarde à travers la vitre. Les passants marchent librement. Le ciel est bleu. Elle crie : « Je suis libre. Que c’est beau la liberté ! » Elle regarde l’intérieur de l’autobus, le couloir central qui conduit jusqu’à la plateforme. L’enfant a disparu. La chaîne qui ferme la plateforme n’est pas attachée et brinquebale au rythme des coups de frein et des redémarrages de l’autobus.