Jake.
Il y a tant de choses que je voudrais te raconter, mais on a toujours eu du mal à se parler toi et moi, n’est-ce pas ?
Alors je vais plutôt t’écrire.
Je me souviens quand Rebecca et moi t’avons ramené à la maison pour la première fois. C’était la nuit, il neigeait, je n’ai jamais conduit aussi prudemment de ma vie. Tu avais deux jours. Je t’avais sanglé dans le siège-auto à l’arrière, Rebecca somnolait près de toi, je donnais régulièrement des petits coups d’œil dans le rétro pour vérifier que tu allais bien.
Parce que tu sais quoi ? J’avais une trouille bleue. Moi qui avais été enfant unique, qui n’avais aucune expérience avec les bébés, voilà que je me retrouvais père d’un nouveau-né. Tu étais si petit, si fragile, et moi si peu préparé, que je trouvais ridicule qu’ils aient accepté de te laisser sortir de la maternité avec moi. Dès le début, cela n’a pas collé entre nous deux. Rebecca te portait facilement, naturellement, comme si elle était née de toi et non l’inverse, alors que moi, je me sentais maladroit, paniqué de tenir un poids plume dans mes bras, incapable de deviner ce que tu voulais quand tu pleurais. Je ne te comprenais pas du tout, et cela n’a pas changé.
Une fois que tu as été un peu plus âgé, Rebecca m’a dit que c’était parce que nous étions semblables, mais je ne sais pas si elle avait raison. J’espère que non. J’ai toujours voulu mieux pour toi.
Mais comme on n’arrive pas à se parler, je dois essayer de mettre tout ceci par écrit. La vérité à propos de ce qui s’est passé à Featherbank.
Monsieur L’Oiseau de nuit. Le garçon dans la terre. Les papillons. La petite fille à la robe étrange.
Et l’Homme aux murmures, bien sûr.
Ce ne sera pas facile, et je dois commencer par te présenter mes excuses. Pendant des années, je t’ai répété qu’il n’y avait pas de quoi avoir peur, que les monstres ça n’existait pas.
Je suis désolé de t’avoir menti.