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L’ŒIL DU FAUVE (1)

Le halètement de sa respiration emplissait son crâne, comme un beat. Ses pupilles immenses, dilatées, capturaient la moindre parcelle de lumière lunaire. Le nerf optique envoyait les informations au cerveau, comme des ondes électriques sur un câble. Les synapses les analysaient, froidement, sans rage encore, sans frénésie.

Mécanique parfaite du chasseur : le grand cerf qu’il traquait avait laissé des traces profondes, aisément lisibles sur le manteau neigeux ; et ses yeux, son cerveau lui indiquaient que la piste était brûlante.

L’animal aux yeux d’un jaune doré courait en traversant la nuit derrière sa proie. Il se rapprochait à chaque bond, semblant s’arracher à la neige, presque lourd. D’une vitesse inquiétante, silencieux, cependant.

Il n’aurait même pas eu besoin de voir pour suivre la piste. Son odorat suffisait, parce qu’il était d’une espèce supérieure à toute autre, un chasseur parfaitement adapté, une mécanique subtile et mortelle, l’aboutissement de siècles d’évolution.

Le grand cerf qu’il traquait s’appelait Silvio. Il avait été un jeune homme touchant, perdu, inquiet ; inutile. Il laissait sur ses traces une odeur musquée, fragrance de vieux cuir et de sueur rance, de peur sans doute. Ces espèces sans cesse sur le qui-vive passent leur existence à fuir.

L’odeur devenait à chaque seconde plus présente. Dans une heure ou deux, il verrait sa proie. Dans une heure ou deux, sa proie le verrait, et il lirait la terreur au fond de son regard.

L’animal aux yeux jaunes traquait le grand cerf. C’était aussi simple qu’un jeu. C’était une chasse qu’il attendait, inconsciemment, depuis des années.