41.

SUN TZU

Ils ne pouvaient plus rien pour lui, et l’urgence leur interdisait de se charger du corps. Ils laissèrent Matthew allongé au pied de l’arbre, le visage couvert par sa propre veste. Puis ils dévissèrent les plaques minéralogiques de la berline et détruisirent les systèmes de communication embarqués, pour que la police ne puisse pas remonter de cette voiture jusqu’à l’Institut de Lycanhtropie, sur l’autre rive du lac.

– On devrait peut-être la brûler ? suggéra Shariff, qui lisait trop de thrillers entre deux ouvrages philosophico-zen.

– Non. Ça suffit, répondit Tim. On va chercher McIntyre.

Lorsqu’ils eurent pris la route en direction de Lausanne, Flora appela la police et expliqua d’une voix blanche où on trouverait une Mercedes grise et quatre cadavres, dont trois tués par balles. Elle ne donna aucune explication, raccrocha. Matthew aurait droit à un enterrement décent, et aussi aux infinies spéculations d’une enquête de police.

Ils étaient sous le choc, tous les trois. Mais ils devaient garder la tête froide, comprendre, raisonner.

– Ils ont été donnés, trahis… Sans doute par Paul Hugo, puisqu’il savait ce qu’ils allaient faire. Et comme Hugo était en lien avec Kofer, pour le fric et la Tiger Eye

– Ça se tient, Flora. Reste à comprendre comment Hugo a connu le plan. Donc qui nous a vraiment trahis.

– En attendant, vous croyez qu’il faut prévenir Kate et Marco qu’il y a un traître dans l’Institut ?

– Ils le savent déjà, ma belle. Et si c’est l’un d’eux, inutile de l’avertir.

Shariff avait répondu trop brusquement. Une vérité commençait de se faire jour dans son cerveau. Du moins, pour l’heure, un soupçon…

– Ça va, Shariff ?

Il ne répondit pas à Flora. Les choses, toutes ces informations incohérentes commençaient à s’ordonner. Et le puzzle indiquait que…

– Ne te bile pas, gamin. On va retrouver ton père. Et on va le sortir vivant de leurs griffes.

Tim ne semblait avoir aucun doute. Une résolution volontariste, aveugle, une sorte de méthode Coué. Mais c’était le seul chemin qui s’offrait aux samouraïs.

 

———

 

– Vous ne croyez pas qu’on devrait quand même appeler Julien sur son portable ? Au moins, nous saurions s’il a pu fuir.

– Non, Shariff. S’il est enfermé, Kofer et Clauberg ont son portable. Ils ne doivent pas savoir que nous le recherchons.

– D’autant que s’ils sont convenablement équipés, ils risquent de savoir que nous sommes à Lausanne.

Ils repassèrent à l’hôtel pour récupérer leurs affaires et régler leur note. Il était 14 heures quand ils se mirent en route pour Ecublens. Flora restait connectée et téléchargeait toutes les informations qu’elle pouvait trouver sur le siège de WarDogs – permis de construire, plans de l’architecte, etc. C’était maigre. Un bâtiment apparemment ordinaire avec trois étages de bureaux et deux niveaux enterrés réservés aux recherches en laboratoire.

– Chaque niveau est censé pouvoir être entièrement cloisonné pour établir des quarantaines sanitaires en cas d’incident, lors d’une expérimentation sur des souches malignes, par exemple. On va se retrouver devant des dizaines de sas, de portes codées, de portes de contrôle.

– Ouaip… À côté, le bunker était un openspace.

Tim songeait à ce qu’il avait dû commettre, pour simplement ouvrir les deux portes d’un seul sas, là-bas. Il n’y avait aucune bonne idée pour évoluer dans le genre de périmètre qu’on leur présentait. Il n’y avait aucun plan possible.

– Qu’est-ce qu’on prévoit, chef ?

– Je ne sais pas. On est trois gamins, ils sont toute une organisation. Et on n’a même pas eu le temps de préparer l’opération. Je propose donc qu’on entre, qu’on tue tout ce qui bouge, qu’on exfiltre le professeur et qu’on se tire.

– « Si vous êtes encerclés, complotez. Si vous êtes condamnés, luttez. » Sun Tzu.

– Je plaisantais, Shariff. On n’a pas une chance, de toute façon, mais on va faire comme si.