IN TENEBRIS (4)
McIntyre, qu’est-ce que c’était… McIntyre ?
C’était le son qu’ils produisaient à travers la vitre, pour lui dire de… se calmer ?
Il ne voulait pas. Il devait sortir, traverser les parois de verre, rejoindre l’espace libre. S’il pouvait les atteindre, il les… mordrait. Ils le craindraient.
« McIntyre », criaient-ils.
L’humain entra. Celui qui avait une sorte de pelisse blanche. Celui dont le bâton piquait, mordait et brûlait. Celui qui le frappait.
Il cracha, siffla, en se retirant à reculons dans le coin de sa cage de verre. Il ne voulait pas… le bâton.
———
La brûlure sur son flanc commençait à partir. Il sentait encore la chaleur, lorsque cela… palpitait. Il respirait de moins en moins vite. Il allait se réveiller, se remettre sur ses pattes. Ses pattes, c’était le mot, ses griffes. Semi-rétractiles.
Il gardait ce genre de mot. Il peinait… à se rappeler… les noms. Les noms s’estompaient. Pas les visages, mais les… noms…
Il se souvenait de celui de Matthew… Ils l’avaient battu, tout à l’heure… Battu, frappé, mutilé… Là, dehors, juste derrière la paroi de verre… Pour qu’il le voie ?
Et maintenant, ils l’avaient emmené…
Encore ? Où ça ? Où le gardaient-ils, et pourquoi ?
« Matthew ».
C’était le seul nom qui lui restait, l’un des seuls visages qu’il parvenait à garder. Le reste… le reste était une série de personnages sans nom, sans traits. Des silhouettes ? Des proies qu’il avait croisées, attaquées ? Des choses qu’il avait fuies, au cours se sa vie de…
Il n’était pas un carcajou.
Il était un humain, un… anthrope ? Que signifiait ce mot ?
Son nom était…
Il avait oublié son nom. Il savait qu’il devait essayer de se remémorer l’un après l’autre tous les visages d’un endroit dans la montagne, un endroit qui lui était cher parce qu’il était…
Un refuge ? Un territoire de chasse ?
Ne pas raisonner ainsi, ne pas utiliser la mémoire associative, essayer de creuser, de reconnecter les neurones, pour retrouver un raisonnement… humain ?
Oui. Il était un humain. Il avait été un humain…
Il en avait croisé, du moins. Des humains. Familiers, amicaux… Dangereux ?
Les humains qui entouraient la cage étaient des ennemis. Ils le gardaient enfermé, comme sous une cloche de verre, ils lui plantaient des aiguilles sous la peau, quand il était… autre… Humain ?
Mais d’autres humains, des bipèdes, avaient autrefois été plus… amicaux ? Familiers ?
Pourquoi ?
Il n’y avait aucun moyen de faire revenir les visages et les noms des humains dangereux ou familiers. Sauf un : celui du jeune garçon aux cheveux longs et noirs, tirés en arrière, un garçon aux yeux tantôt rieurs, tantôt graves, visage grave qui visitait sa mémoire, dont il savait qu’il était quelqu’un… Son fils ? Sa victime ?
Que devait-il se rappeler ? Pourquoi devait-il rattraper ainsi son passé qui s’enfuyait ? Pour devenir différent ? Pour qu’on cesse de le garder enfermé ? De lui planter des aiguilles ?
Parce qu’il… devenait… fou ?