LIBRES
Ils sautèrent à terre les premiers, elle et Tim. Les pales ralentissaient mais créaient un vent artificiel qui les obligea à se pencher et à courir hors de la zone, comme des soldats craignant les tirs ennemis. Ils portaient la civière du carcajou, sur laquelle ils l’avaient sanglé ; ils portaient les deux fusils des policiers avec eux, en bandoulière. Flora n’était pas sûre de savoir se servir d’une arme d’assaut à tir semi-automatique, mais peu importait : Shariff, derrière eux et revolver en main, tenait leurs « prisonniers » en joue – Flora lui avait rendu sa grenade dégoupillée, sa mini-bombe à retardement, simplement tenue par la cuillère.
Un jeu dangereux qui avait tenu pendant vingt minutes de vol. Un jeu mortel qui leur sauvait la vie et redonnait provisoirement sa liberté à Flora.
Le samouraï descendit de l’appareil le dernier, après les médecins, les deux policiers et le pilote. Il fit trois pas, lança l’explosif en direction d’un bosquet, à une trentaine de mètres. Le flingue toujours en main, il se retournait déjà vers Tim et Flora, un sourire publicitaire aux lèvres, sans accorder la moindre importance à la déflagration qui suivit.
Flora en était certaine : en fait, Shariff voulait voir l’effet suscité sur les spectateurs par son dernier jouet.
———
Une fois les échos de l’explosion dissipés, le silence lui parut presque artificiel. Tim l’accueillit avec reconnaissance. Sa tête était sur le point d’exploser. Devant eux, Shariff continuait son cirque.
– Bien… Mettez-vous à genoux, les mains sur la nuque !
– Arrête tes conneries, Shariff… Ce ne sont pas nos ennemis.
Flora regardait le jeune samouraï d’un air sévère, comme une maîtresse gronde son meilleur élève.
– OK, tu as raison, ma belle… Alors voilà, vous ne vous mettez pas à genoux, mais vous allez descendre vers la ville, au bord du lac… Si vous vous retournez, si vous revenez sur vos pas, nous serons obligés de tirer. Si vous tentez de reprendre votre hélicoptère, nous serons obligés de tirer. Marchez pendant environ quinze kilomètres, par la ligne de plus grande pente, sans vous poser de questions, et vous trouverez une route. Vous la suivrez en descendant encore, et vous arriverez au village avant la nuit… C’est bien ça, Tim ?
Il essaya de se souvenir de la carte, y parvint, hocha la tête.
– Par là…, dit-il en tendant un bras.
– Et encore une chose… Vous ne vous êtes pas trompés d’ennemis, les méchants, c’étaient vraiment Clauberg et Kofer. Nous pourrions vous garder comme otages, mais nous ne le ferons pas. Et vous pouvez retirer vos combinaisons… Nous ne sommes absolument pas contagieux. Nous n’avons été exposés à aucun germe, aucun virus.
Un sourire malicieux apparut sur le visage de Shariff, le rendant enfantin de nouveau, comme dans l’hélico, quand il clignait de l’œil.
– D’ailleurs, vous laissez ces combinaisons ici, avec vos téléphones portables, talkies-walkies, etc. Allez, allégez-vous un peu. À poil !
Les médecins et les policiers échangèrent un regard, incrédules. Mais après tout, celui qui décidait était celui qui braquait son arme. On pouvait mourir d’une balle plus vite que de n’importe quel virus, même foudroyant…
Ils dégrafèrent les combinaisons bactériologiques et retirèrent leurs casques tout en se lançant des regards inquiets. Tim les observait. Il eut soudain envie de rire : après les flics, les médecins étaient désarmés à leur tour. Ces docteurs qui l’effrayaient tant. Ce n’est qu’en voyant les combinaisons à terre, sur ce plateau de haute montagne, que la peur le quitta. Il eut le sentiment de sortir brutalement d’un cauchemar et retrouva la parole.
– Je vous jure que vous ne risquez rien, dit-il. C’était un canular… Il n’était pas de très bon goût, mais c’était le seul moyen pour nous de sortir libres, avec notre copine qui a fait tout le boulot pour se débarrasser de nos ennemis…
Shariff fit un nouveau moulinet du colt.
– Presque tout le boulot, plutôt… Et dites bien à vos supérieurs que les méchants, c’est pas nous. « Tout l’art de la guerre est basé sur la duperie », Sun Tzu.