L’ŒIL DU FAUVE (7)
– Ton plan était remarquable, Bahlam1… L’argent de ta Tiger Eye nous a permis de préparer le refuge, et l’argent obtenu contre mon ami Ronald financera le déménagement de la bibliothèque. Quant au vol des disques, outre qu’il nous assure un confort financier infini, il a permis de faire basculer le conseil élargi…
Paul Hugo lui parlait d’un ton paternel – il était souriant et d’humeur badine. Ils travaillait tout en discourant, classant des liasses de papiers qui devaient être ses comptes. Il avait la voix insouciante d’un jeune homme. L’inquiétude qui le tenaillait pendant les dernières semaines semblait s’être envolée.
– Quant aux derniers fidèles de Ronald, ta démonstration a suffi à les décider. Nous sommes seuls, désormais.
Il sourit, en levant la tête de ses dossiers. Les meurtres de Kate et Marco avaient signé le grand départ des initiés. Comme prévu.
– Le seul inconvénient, finalement, c’est la nécessité de déménager au plus vite.
– J’en suis tout aussi désolé que toi, Paul… Mais si McIntyre ou Matthew parlent, ou même d’autres anthropes qui viennent de quitter l’Institut, nous serons trop exposés.
– Bien sûr. Mais je vais regretter cette première bibliothèque, là où nous avons tout créé…
Paul Hugo se leva. Il transpirait la satisfaction, une sorte de sérénité du vainqueur.
– Et la Tiger Eye, Paul ? Pendant mon absence, est-ce qu’elle t’a enfin permis de…
– De trouver ? Non. Pour remarquables qu’ils soient, les effets provoqués par ta drogue ne sont que des ersatz, Bahlam. Ils ne peuvent remplacer les sensations du prédateur. Mais ne te soucie pas de cela : grâce à ma bibliothèque, je trouverai…
Bahlam, l’homme-jaguar aux yeux dorés, sourit. Paul Hugo, le maître des prédateurs, n’était pas un prédateur. Il n’était même pas un anthrope. Mais il avait compris le Grand Secret grâce aux légendes, aux mythes.
Et grâce à eux, Paul finirait par trouver sa nature. Il suffirait alors de provoquer la morsure et d’attendre la luxna.
1- Jaguar, en langue maya.