Personnages
Mike, 15 ans. Veste et pantalon d’armée déchiré, pull rouge à capuchon, bottes noires.
Ben, 41 ans. Complet, cravate, souliers en peau d’alligator. Bagues. Bedonnant.
Cracked, 20 ans. Jeans, veste de cuir, bottes de cowboy. Cheveux courts gominés. Hyperactif.
Lieu
Arrière-boutique de Bereczky & Fils Réparations d’appareils électroniques et de téléviseurs. Un vieux bureau. Quelques chaises. Une table de travail sur laquelle se trouve un téléviseur et des outils. Un fouillis de téléviseurs, de radios, d’ordinateurs, etc. Un afficheur électronique.
Temps
Soir de l’Halloween. Vers 22 h.
Sur scène, il y a cinq téléviseurs qui fonctionnent.
Avant le début de la pièce, sur les écrans, on voit un montage de séquences de vidéo amateur. Un jeune garçon de huit ans (Mike) est déguisé en cowboy pour l’Halloween. On le voit avec ses deux jeunes sœurs quittant la maison, revenant avec un sac plein de bonbons, mangeant des chocolats, s’amusant avec ses fusils, jouant du piano, etc. Le montage rejoue plusieurs fois. La scène et la salle sont dans l’obscurité sauf pour la lumière des téléviseurs et de l’afficheur électronique.
Musique : Gangsta Rap.
« 31 OCTOBRE 1998 »
Sur les écrans de TV : un écran d’ordinateur où on voit apparaître le texte suivant :
Déposition officielle de M. Michel Rainville (mineur). En présence des détectives Paré et Bouchard. 31 octobre 1998. 23 h 46
« J’AI JAMAIS PENSÉ QUE ÇA FINIRAIT COMME ÇA. »
La musique baisse.
Changement brusque d’éclairage.
TV : Montage de prises de vue de différentes caméras de
surveillance dans le métro.
Ben est assis dans la chaise pivotante près du bureau. Il mange
des perogies, boit un coke.
Mike s’adresse tout d’abord au public, puis à Ben.
J’y r’pense pis… Ah! T’sais, c’est juste comme… Ah! Ça me r’vient pis, j’les r’vois, j’les r’vois là pis… En plus’ y’est comme cinq heures de l’après-midi. Le métro y’est plein à craquer. On est comme ça là-dedans. Des sardines. Jammés tight. Y’a du monde partout. Tu penserais que quelqu’un — j’sais pas qui, quelqu’un en tout cas — qu’une personne quand c’est arrivé aurait pu/ Une! Juste une! Au moins une! Penses-tu? Pantoute. Pas une. Pas un chat. Ça veut rien savoir, rien voir. Tout l’monde marche la tête baissée. Un troupeau. Pareil comme un troupeau. Un troupeau qui r’vient des champs. Comme dans l’film de Chaplin. La tête baissée, y rentrent chez eux pis c’est Achalez-moi pas personne. Y rentrent, y foncent, y r’gardent pas c’qui s’passe à côté d’eux-autres, à gauche, à droite. Non, non, y’a rien qui pourrait les arrêter. Un vrai troupeau, j’te l’dis, pareil comme dans l’vieux film de Chaplin. Ça va tout drette, tout drette pis c’est Achalez-moi pas…
Tu m’as pas dit que c’tait dans une ruelle?
Après. Ç’a fini dans ruelle. Celle à côté d’la sortie. Mais ç’a commencé en haut de l’escalateur. C’est là qu’y étaient.
Les six gars?
TV : Sur l’écran d’un téléviseur, on voit un groupe de jeunes qui
font des grimaces, des folies, des gestes obscènes vers la caméra. Durant ce qui suit, d’autres groupes font pareil sur les autres téléviseurs.
Ouain. C’est là. Drette là où y’a plein d’monde. Ça rentre, ça sort. Y’est cinq heures!
Eux-autres…?
Sont là. Dans l’chemin un peu. Faut faire le tour comme, tu vois-tu? Mais personne leur dit rien. Personne les regarde. Le monde font le tour pis t’sais, j’sais pas si c’est parce qu’y’ont peur d’eux-autres à cause d’un reportage qu’y’ont vu à tv ou lu dains journaux ou si y veulent juste pas commencer une affaire ou si c’est comme tu penses pas, tu fais juste faire le tour comme tu ferais l’tour d’un poteau sans y penser parce que tu t’en vas chez vous, ailleurs, après une journée de travail, une journée à l’école… Moé avec, moé j’m’en allais voir une fille…
Ta blonde?
Non, non, yenque une fille que j’connais. Son oncle a un dépanneur, a’ travaille là des soirs. J’m’en allais, t’sais, boire un coke, jaser, j’sais pas, passer un peu d’temps… Anyway, moi avec j’suis comme le reste, comme les autres, moi avec c’est comme Achalez-moi pas j’t’en train de penser à Vickie, à mon coke, à ci, ça, j’sais pas, pis j’fais l’tour de la gang des six gars. J’pense pas que, t’sais, qu’y faut que j’sois sur mes gardes ou/ Y’est cinq heures! Y’a plein d’monde! C’est pour ça que j’suis surpris, t’sais.
TV : Retour au montage des foules dans le métro. Sauf sur un écran où on voit l’action décrite par Mike mais de très loin.
T’à coup, les six sont autour de moi. Y’en a un qui me demande pour du feu, queque chose, j’fais Non non n’ai pas Bang! y’en a un d’eux-autres qui m’agrippe par le collet pis y sortent toute la gang avec moi, j’fais Eh eh eh! Lâchez-moé! Lâchez-moé! Y’a plein d’monde autour qui l’voit, qui voit bien c’qui s’passe! Mais t’sais, y’a-tu quelqu’un qui fait queque chose? Pantoute! Là t’à coup, j’suis dans ruelle. J’fais un move comme pour me défaire de l’autre qui m’a toujours par le collet mais t’sais sont six, on m’pogne par en arrière pis là t’à coup j’t’à terre pis y’en a un d’eux-autres, un chien sale, qui sort son couteau, me l’met dans face. Que c’est-tu veux que…?
Tu peux rien faire.
Ben non.
Pis là, y prennent tes souliers.
Mes Nike. Top of the line. Cent soixante-quinze piasses. J’venais d’les avoir. Quand j’y r’pense là… Ah!
Tu pouvais rien faire.
Non, hein?
À six contre un? Eh!
Y m’semblait aussi.
Pis ça s’est passé avant-hier?
Oui.
Les téléviseurs s’éteignent.
« NON. J’AI JAMAIS PENSÉ QUE ÇA FINIRAIT COMME Ç’A FINI. »
Pause.
Fait que…
Courte pause.
Non. Non, j’pense pas que j’peux t’aider.
Jaypee m’a dit que…
Jaypee m’a dit que t’avais dix-huit ans.
J’ai dix-huit ans.
Ouain, ouain, sure kid…
J’ai dix-huit!
Jaypee m’a menti, pis toé, t’es en train de me mentir.
Non. Jaypee t’as pas menti. J’ai ma carte, j’ai…
Ha! Ta carte!? Ha!… Eh! J’ai-tu d’l’air d’une valise? J’ai-tu d’l’air d’une cruche? V’là deux ans, tu passais l’Halloween déguisé en Super j’sais pas qui avec les autres ti-culs comme à soir pour ramasser des pommes, des nananes pis des bonbons. Arrête! Ta carte! Shit!
Jaypee…
Laisse faire Jaypee. M’as y parler dans l’casque à Jaypee. Que c’est qu’y a dans tête, lui, t’envoyer icitte, t’envoyer à moé? Shit!
Courte pause.
OK, j’ai dix-sept.
Eh, c’est beau si t’en as seize. Arrête.
Non, non, j’ai dix-sept. C’est vrai que la carte, j’l’ai fait’ faire pis que…
Kid! Tu me mens! Tu me mens en pleine face. C’est pas une bonne idée.
Non?
Non. Ton âge… envoye, pour vrai…
Seize (réaction de Ben), j’vas avoir seize en janvier.
Pause.
Merci. La porte est là.
J’veux un gun.
T’as quinze ans!
Qu’est-ce que ça t’fait quel âge que j’ai? C’est pas toi qui l’achètes, c’est toi qui l’vends. Tu m’connais pas. Peut-être que tu me r’verras pus jamais. Que c’est qu’ça peut ben te faire? C’est ma vie, non?
Pause.
Bon point, kid… C’est euh… Ouain… En autant que c’est pas moi qui se retrouve avec un trou d’balle entre les deux yeux, pourquoi j’devrais m’en faire? C’est ça tu m’dis.
C’est ça j’te dis. (Courte pause) Pis?
J’pense.
Courte pause.
T’en as un?
J’pense! J’PENSE!
Courte pause.
Écoute, c’est pas compliqué si t’en as un, tu/
Eh! Pousse pas! J’t’ai dit que j’t’en train de penser fait que, t’sais… respire par le nez!
Courte pause.
C’est pas que j’te comprends pas. Se faire voler pis se r’trouver avec un couteau dans face, c’est pas l’fun. Après ça, je l’sais, tu t’dis j’veux m’arranger pour pus que ça m’arrive. Jamais! J’te comprends, kid. Je l’sais où c’que t’es dans ta tête. Ça vient de t’arriver pis t’es fâché.
Oui.
T’es en colère.
Oui.
Tu vois bleu. Pis là t’as pris une décision. T’as décidé d’agir.
C’est ça.
Ça t’arrivera pus parce que tu vas t’arranger pour pus que ça t’arrive. C’est ça?
En plein ça.
Je l’sais où t’es rendu dans ta tête. Tu l’vois l’gars. Le chien sale. Celui avec le couteau. Y t’a par le collet. Y va te refaire le même coup. Sauf c’fois-citte…
Ben ouvre rapidement le tiroir du bureau et sort un revolver.
Ha! Ha! Surprise! Ouain, c’fois-citte c’est toi qui l’as par le collet pis c’est lui qui est en train de pisser dans ses culottes!
Courte pause.
C’pas ça que tu vois, kid? Hein? C’pas ça que tu vois? J’ai raison, j’ai pas raison?
Oui.
J’ai raison certain. Je l’sais c’que t’as dans tête.
Il dépose le révolver sur le bureau.
J’connais ça. J’ai été où t’es, moi avec.
Ouain?
Ben se remet à manger ses perogies.
T’as été humilié. C’est pas qu’y t’ont volé tes souliers — j’veux dire tes souliers c’est pas rien mais c’est pas tes souliers — non! l’affaire c’est que t’as été humilié. Pis être humilié de même c’est comme se faire mordre par un serpent. Tsss! Quiens! un serpent venimeux. Après ça, t’as l’poison dans l’sang. Pis c’poison-là c’t’un poison qui brûle, c’t’un poison qui t’brûle par en-d’dans. T’as mal, ça s’dit pas. T’es mal. Tu veux l’oublier mais t’arrives pas à l’oublier. Ça te revient quand tu t’y attends pas. T’es en train d’prendre ta pisse du matin pis t’à coup, de même! tu r’vois la face du bonhomme, du chien sale, son sourire, comment ça s’est passé, tu r’vois tout’, t’entends tout’ c’qu’y t’a dit encore pis encore… Pis l’poison se r’met à brûler. Le poison brûle pis toé t’es pris dans l’playback qui joue, qui r’joue, qui r’joue… Ça rend fou! Tu penses rien qu’à ça.
Courte pause.
Pis qu’est-ce que t’as fait’?
C’que moé j’ai fait’? J’parlais pas de moé, j’parlais de toé.
Mais t’as dit…
J’ai rien dit. Joue pas avec ma tête, toé, OK kid?
OK.
J’t’expliquais que j’te comprenais, c’est tout’. OK?
OK. (Courte pause, puis en avançant vers le revolver) C’est-tu lui?
Eh! Ça… ça s’appelle Touche-z-y pas. C’est le mien, y’est chargé, pis c’t’un p’tit vif, un p’tit sensible, tu souffles dessus pis y part.
Pause.
Fait que si tu m’comprends si bien que ça, envoye, vends-moé-z-en un.
Sais-tu c’que ça fait à quelqu’un, tu y tires ça dans face? C’est pas un jeu vidéo, y r’viennent pas en pesant sur un bouton ou en mettant un autre cinquante cennes dans machine. Non, non, non, ça fait un trou…
Je l’sais que ça fait un trou.
Un trou noir. Un vrai trou qui reste.
Excuse-moé là mais, j’suis pas venu icitte pour écouter ça. Tu m’en vends un, oui ou non? Si y faut que j’aille ailleurs, j’vas aller ailleurs. Mais t’sais, le cours de morale… non, merci.
Un cours de morale? Moé?
Ouain.
Moé, j’t’en train de te faire la morale…? C’est ça tu penses que j’fais?
Si c’est pas ça, ça y r’semble.
Ouain?
Ça y r’semble en maudit.
Ben range son revolver dans le tiroir, se lève, avance vers Mike.
On s’est pas très bien compris, d’abord. M’as te l’expliquer d’une autre façon.
Ben se rend à un établi et, durant ce qui suit, il sort une vieille boîte à outils qui est rangée sous un drap.
Parce qu’y’a une affaire j’pas sûr que t’as catché dans patente icitte, pis c’est ben important que tu l’catches. C’est pas yenque un gun qu’un gars achète quand un gars achète un gun d’un gars comme moé.
Courte pause. Ben ouvre le cadenas qu’il y a sur la boîte.
Y’a des affaires qui vont avec. Toutes sortes d’affaires…
Comme…?
Comme… ’Mettons j’te vends c’que tu veux que j’te vende… Premièrement, tu sors d’ici, tu sais pas comment j’m’appelle, t’as jamais entendu parler de moé, tu m’as jamais vu la face. On s’comprend?
On s’comprend.
Parce que c’est ça l’affaire, si jamais tu l’oubliais ça pis que j’apprenais…
Ça arrivera pas.
Comme si tu t’en sers pis tu t’fais prendre, ou si juste tu l’caches pas comme y faut pis quelqu’un l’trouve pis que toé, tu t’mets à chier dans tes culottes pis que tu dis où tu l’as eu…
J’ferai pas ça.
Je l’sais-tu ça, moé?
J’le ferai pas. J’pas un stool.
Parce que c’que j’t’en train de t’expliquer icitte c’pas une leçon de morale, kid, c’t’une loi de la jungle! Pis c’t’une loi de la jungle qu’y faut suivre parce que la seconde, la seconde! que tu sors d’icitte (en sortant un revolver de la boîte) avec ça — c’correct y’est pas chargé —, ouain, la seconde tu traverses la porte avec ça dans tes poches, tu viens de te mettre les pieds dans la jungle.
Ben ramasse un marteau qui traîne sur l’établi.
Pis dans mon monde, ça s’rend aux bœufs que moé j’t’ai vendu un péteux, compte-toé chanceux si tu t’ramasses avec seulement une main de scrappée.
Courte pause.
C’est très clair, ça, pour moi.
C’est mieux d’être clair.
Très clair, parfaitement clair. Jaypee m’a dit cent cinquante, moé c’que…
Wo! Respire par le nez, c’est pas vendu. J’t’encore en train de penser… As-tu entendu c’que j’viens de t’dire?
(Impatient) J’pas un stool. J’ai jamais stoolé d’ma vie. J’en ai fait’ des coups pis j’me suis déjà fait’ prendre, mais j’ai jamais stoolé.
Tu sors d’icitte avec ça, tous tes p’tits coups t’as fait’ avant, y comptent pus, y comptent pour a’rien.
C’t’une autre ligue, j’comprends…
C’t’une autre game, kid! Une autre game! Avec d’autres règlements, d’autres punitions, d’autres… d’autres lois.
Les lois de la jungle.
Right.
C’est clair tout ça. J’l’ai catché tout ça. Tu me l’as expliqué, très bien expliqué.
Ouain?
Très bien. Très, très bien. Écoute, pour moé, un stool c’t’un moins que rien. Y n’a pas d’excuse pour stooler, y’en a pas! Tu stooles, tout’ c’qui t’arrive après ça tu l’mérites. Tout’! N’importe quoi! J’veux dire, c’t’une question d’honneur.
D’honneur?
Comme dans les histoires. Les vieilles histoires de/ Comme dans l’ancien temps. Comme pour les nobles… les chevaliers, les ducs, les rois, les princes, c’gang-là. Pour eux-autres, un homme sans honneur, c’t’un insecte. Si y faut l’écraser, tu l’écrases. Pas de regrets, pas d’remords. C’t’un insecte! Y’a pas d’honneur? Faut l’écraser. Scruntch! Si tu stooles, tant qu’à moi c’est tout’ c’que tu mérites…
Te faire scruntcher?
Te faire scruntcher. Oui.
TV : Cinq angles différents du visage de Vickie. Elle est en train de parler mais il n’y a pas de son jusqu’à sa réplique.
’Garde, c’est comme moé quand j’t’arrivé sans mes souliers au dépanneur. Vickie, a’ voulait que j’appelle la police, que t’sais que j’en parle à son père ou à mon père ou… ’Était après moi Faut pas que tu t’laisses faire Faut pas que t’les laisses faire! Faut pas non plus qu’eux-autres pensent qu’y peuvent faire n’importe quoi qu’y veulent Faut qu’y apprennent qu’y’a des t’sais des conséquences quand… J’y ai dit Assez! Assez! Assez Vickie! No way!
J’te dis c’que j’pense, t’es pas obligé de crier. C’est pas moi qui t’ai attaqué.
S’cuse, mais t’sais…
Quoi, « t’sais »…?
J’vas m’en occuper.
Comment?
Comme je veux! Comme moé, j’décide!
Des fois tu m’fais peur, Mike. J’sais pas c’qui s’passe dans ta tête.
En tout cas, no way que j’vas passer par la police, ou par j’sais pas qui… (À Ben) En tout cas pas par mon père, ça c’tait certain…
J’suis sûre que ton père s’rait prêt à t’écouter, qu’y’est moins pire que tu l’dis.
C’est pas ton père, c’est l’mien! (À Ben) ’Est ben fine, j’l’aime ben mais des fois c’est comme a’ comprend pas des affaires.
Comme l’honneur?
Justement. Comme l’honneur. Justement.
Pis comme qu’on va pas brailler dains bras de son père chaque fois que…?
Ben non.
Même si on en a envie.
J’te demande pas d’aller brailler dans ses bras…
J’ai pas envie.
Y’a rien de mal à avouer qu’on en a envie des fois, kid. C’est naturel…
J’ai pas envie.
C’est naturel de vouloir parler à…
Quand? Y’est toujours parti.
C’est son travail…
Qu’est-ce qu’y fait, ton vieux?
…y voyage partout. C’t’un caméraman. C’est pas qu’y veut pas te voir ou…
Mon père fait ses affaires, moi, j’fais les miennes. Sa vie c’est sa vie.
J’suis certaine qu’y t’écouterait.
C’est d’même que c’est, c’est d’même j’le veux, c’est d’même que ça va rester.
Des fois tu m’fais peur, Mike. J’sais pas c’qui s’passe dans ta tête.
TV : Quand Ben se met à parler, le visage de Vickie a disparu.
Moé, l’mien vit juste en haut.
Qui?
Mon père. Drette là. C’est sa shoppe. Y’a travaillé icitte, quoi? quarante-sept, shit! cinquante ans! Cinquante ans pis y s’est jamais mis une cenne de côté. J’fais plus’ dans un mois que lui dans ses meilleures années. J’veux qu’y vende mais y veut rien savoir. C’t’un vrai Pollack. Tête dure, ça s’peut pas. Y’a rien de plus bucké qu’un vieux Pollack qui buck. Il l’a achetée en débarquant du bateau, après qu’y’est sorti de Pologne quand les Russes sont arrivés. Aïe! Les affaires qu’y’a vues, qu’y’a vécues… les pires. Les histoires qu’y m’a contées… Pis sais-tu quoi? Quand tu y demandes comment ça va? y répond toujours en français — y parle pas français, y’était marié trente ans avec ma mère, une Beauchamp, pis c’est juste si y sait dire « merci » — mais tu y demandes comment ça va pis — c’t’une affaire qu’y’a lue, qu’y’a apprise en Pologne, j’sais pas où — y dit toujours (en imitant l’accent) « Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ».
Comment qu’y peut dire ça après tout’ c’qu’y’a vu? J’ai jamais compris ça, j’ai jamais… Pis ça t’intéresse pas pantoute c’que j’te raconte là, hein?
Non, non… j’veux dire Oui, certain… si…
Ah! pis pourquoi ça t’intéresserait l’histoire d’un vieux Pollack qui va crever? Ça intéresse personne.
Courte pause.
Ah! what the hell, c’est ta vie… Jaypee t’as dit cent cinquante?
Oui.
OK. C’est cent cinquante.
Ben lui lance le revolver.
OK. Yes!
T’as douze balles qui viennent avec, mais après ça tu r’viens pas m’voir, tu m’connais pas. On s’comprend là-dessus?
Mike baisse les yeux. Pause.
On s’est pas dit tantôt qu’on s’comprenait là-dessus?
Oui. C’est juste…
Quoi?
OK. Jaypee m’a dit que c’est cent cinquante…
Commence pas à dealer le prix, là toé!
Non, non. Cent cinquante, c’est cool, c’est ben cool. On peut-tu s’entendre sur des paiements?
Longue pause.
Des paiements?
Oui. Comme tant par deux semaines. ’Mettons vingt? Vingt par deux semaines?
Pause.
C’t’une joke que tu m’fais là, right?
Oui. Oui, oui… Non.
Courte pause.
T’as pas les cent cinquante?
J’vas les avoir.
Tout ça, pis t’as pas les cent cinquante?!!
T’aimes pas l’idée des paiements?
J’t’écoute me faire un grand speech sur l’honneur pis t’as pas les cent cinquante.
OK, si t’aimes pas l’idée des paiements, j’ai pensé à une autre affaire. (Réaction de Ben) J’connais un dépanneur. C’est un p’tit vieux qu’y a ça. Facile. No hassle. Si j’ai l’gun, j’pourrais faire le dépanneur pis j’suis sûr que j’sors de là avec au moins les cent cinquante sinon plus…
Ben vient chercher le revolver des mains de Mike. Il le déposera sur le bureau.
Fait que ’mettons… Non, non, attends. (En sortant l’argent de sa poche) ’Mettons que j’te laisse les trente piasses que j’ai à soir pis c’est comme toé, tu m’loues le gun, tu vois-tu? tu m’loues le gun pour faire le dépanneur c’te semaine…
Arrête.
Non, non, cette semaine garanti. Pis j’te remets le reste dans, j’sais pas, queques jours…
Arrête.
…queques jours, au plus tard. Ou même demain. J’le fais en sortant tu-suite pis…
Ben lui donne une solide claque sur la tête.
J’t’ai dit d’arrêter!… You little shit!… C’qui m’empêche de t’ramasser par le fond de culotte pis de t’passer à travers c’te télévision-là, c’est que j’me vois en train de conter ça à du monde que j’connais, pis j’sais qu’y vont pisser dans leurs culottes tellement qu’y vont rire! Mais là, là, mon plat de perogies y’est froid, mon coke y’est chaud, pis j’sais pas si ma bonne humeur va durer encore ben longtemps, fait que… veux-tu, m’as t’donner un conseil… disparais.
Oui, mais…
Non, non, pas de « Mais »…
Si j’pouvais…
Pas de « Si » non plus. Arrête avec les « Mais », les « Si »…
Sonnerie de la porte d’entrée.
C’que j’veux te dire c’est…
(Se dirigeant vers la sortie) Assez, kid! C’est fini.
J’veux juste te dire une dernière chose. Une dernière.
Y’a rien que… (Sonnerie) OK! OK! J’m’en viens! (À Mike) J’sais pas c’que tu pourrais m’sortir… (Sonnerie) OK! J’suis là! J’arrive! (À Mike en sortant) Pis quand je r’viens, tu disparais.
Longue sonnerie. Les téléviseurs se rallument. Gros plans du revolver.
« JE NE SAVAIS PAS CE QUE J’ALLAIS LUI DIRE, MAIS J’ÉTAIS DÉCIDÉ QUE JE NE SORTAIS PAS DE LÀ SANS LE GUN. »
TV : Montage de plusieurs courtes séquences de Mike en train de « jouer » avec le revolver. Chaque séquence peut être reprise plusieurs fois, comme s’il la répétait.
Séquence 1
Eh toé, tu t’souviens-tu d’moi? Au début d’la semaine dans l’métro? (Sort le revolver) Envoye, mets-toi à genoux pis d’mande pardon. Tu-suite, man! tu-suite!
Séquence 2
Tu vois-tu ça? Tu l’vois-tu? Sais-tu c’que ça veut dire ça? Ça veut dire que tu t’tasses de mon chemin, man. Tu te tasses de mon chemin quand j’passe!
Séquence 3
Non, non, non, c’est fini ça, c’est fini… (Sortant le revolver) À partir de maintenant, c’est moi qui mène! C’est moi! Tu m’dis pus quoi faire, pus jamais!
Séquence 4
Envoye, ris d’moi comme t’as fait’ l’autre fois… Ris d’moi… T’as pus envie là, hein? Tu le r’feras pas non plus, hein?
Séquence 5
J’t’ai assez écouté. Assez. (Sortant le revolver) Là, tu vas t’asseoir, pis tu vas t’fermer la trappe, parce que c’est moi qui a l’gros bout’ du bâton. Tu veux pas? Tu veux pas? PAF! L’autre genou peut-être? Veux-tu que j’te fasse l’autre genou? Hein?
Séquence 6
Ça change tout’ ça, hein? Hein? Tout’! Hein, Babe? Hein, Babe? Vous riez pus là, hein? On rit pus du kid là, hein? HEIN, BABE? HEIN, BABE?
Au cours du montage vidéo, Mike s’est approché du bureau et du revolver. Quand il le ramasse, le son des téléviseurs s’éteint.
Demande pardon. Demande pardon pour tout c’que tu m’as fait’.
Plusieurs coups de sonnette. Les téléviseurs s’éteignent.
(Off) Trick or treat!! Trick or treat!
(Off) Ah! Quel âge que t’as toé cou’don!?
(Off) Halloween Apple, mon homme! Envoye! Sors ton stock ou t’sais comme… (Coups de sonnette) Trick or treat! Trick or treat!
(Off) Lâche! Lâche ça OK! Assez! (Les sonneries cessent) Où tu t’en vas de même?
(Off) Party party, mon homme! C’est l’Halloween! J’ai une date avec une p’tite sorcière pour tantôt, pis aïe aïe aïe! the ass on her, mon homme ouououou oui! Ça va chauffer, tonight! Fait qu’envoye mon homme, let’s go! (Coups de sonnette) Trick or treat!! Trick or treat!
(Off) OK! OK!! Tu vas réveiller mon père! Rentre!
Les sonneries cessent. Mike remet le revolver à sa place.
Cracked arrive sur scène. Il porte un masque de Dracula. Il est suivi par Ben. Aussitôt on entend des coups qui viennent de l’appartement à l’étage.
Bon! J’savais. Tato, przestań walić. Zadwoń do mnię. [Papa, arrête avec les coups de balai! Sers-toi du téléphone! Du téléphone!] Bon, tu vois c’que t’as fait’.
Y’est pas tard.
C’t’un homme malade. J’te l’ai déjà expliqué, passé neuf heures tu cognes. C’tu trop demander, tabarnak? Faut-tu toujours que j’t’explique les affaires comme cinq fois avant que ça rentre?
J’le ferai pus.
Coups venant de l’étage.
Là, y’est tout énervé pour son magasin. Je r’viens.
Ben sort. Pause.
Eh.
Eh.
Pause.
Ça sera pas long. I’m in, I’m out. C’est cool?
C’est cool.
Courte pause. Cracked s’approche du bureau, enlève son masque, voit le revolver, puis vole un perogie de l’assiette de Ben.
T’es un client?
Hein?
Un client?
Euh…
J’veux dire, t’es ici pour acheter?
Ouain, pour acheter.
Juste acheter?
C’est ça, juste acheter.
Y t’a pas demandé d’y faire un service? Livrer une TV ou…?
Non, non.
Ou aller chercher une TV?
Non, non.
T’es un client?
Un client.
Juste un client?
Juste un client.
Cool.
Pause. Cracked vole un autre perogie de l’assiette de Ben.
Pis moé, j’ai comme interrompu les comme négociations, c’est ça?
Ben…
Comme j’t’ai dit, pas long, Babe. J’fais ma p’tite affaire avec Ben. Deux, trois minutes, max. Zing, zing! J’pus là, Babe. I’m gone. I’m outta here.
Courte pause.
J’ai un party qui m’attend.
Gros party?
Mets-en.
Mega?
Mega hot, Babe. Mega fuckin’ hot…
Cool.
Courte pause.
(En indiquant le revolver) Fait que le joujou, c’est pour toé?
Ça dépend.
Dépend…?
Si y s’décide à me l’vendre. Y dit que j’suis trop jeune.
L’âge, ça rien à voir avec a’rien ça.
Peut-être dans son temps, y’avait pas besoin de ça, mais aujourd’hui…?
Pus pareil!
Tu l’sais…
Ououou trop, Babe! Je l’sais trop c’que tu dis!
C’est heavy partout.
Partout. Tout l’temps. C’t’un monde dangereux. On sait jamais qui on va rencontrer. On sait jamais, right?
On sait jamais.
On sait jamais. On sait pus. Y’a des capotés partout. T’es dans un club, un bar, j’sais pas, tout s’passe comme ça devrait, smooth, pas d’accros, good times, yenque des bonnes vibes… D’un coup quelqu’un, un Joe Blow Monsieur Muscle décide de jouer les gros bras, faire son smatte, épater la galerie, who knows? Ça arrive souvent, de plus en plus souvent.
Trop souvent.
Trop souvent is right. C’est triste mais c’est ça. (En prenant le revolver) Maintenant, si t’as un joujou, pis Monsieur Joe Blow fait son smatte, tu l’sors. Eh Joe Blow, chill! Take a hike! Va jouer dans l’traffic!
Un gars faut qu’y s’défende.
Faut qu’y s’défende, certain.
Parce que ça serait juste pour me défendre…
Ben oui.
Pas pour écœurer ou…
Ben non. Pour te défendre.
Pour me défendre.
Ben te l’vendrait…?
Cent cinquante.
Cool.
Cracked remet le revolver à sa place. Pause.
Mais y dit que j’suis trop jeune.
Pause.
(Volant un autre perogie) Veux-tu j’y parle? Moé pis Ben (se croisant les doigts), on est de même. M’as y parler pour toé.
Oui?
Pourquoi pas?
Merci.
Des fois faut savoir le prendre, mon Ben. Y peut être touchy. Là, y’est un peu d’travers, un peu weird, rapport à son vieux en haut qu’y’est malade — t’as vu comment y m’a parlé tantôt, normalement y m’parle pas d’même — rapport aussi à une histoire qui s’est passée c’t’été. Un de ses bons chums s’est fait piquer.
Piquer?
Un six pouces dans l’foie. J’sais pas c’tait quoi la gimmick exactement, si y devait d’l’argent ou/ Entéka Ben l’a mal pris. Tout c’que j’sais c’est qu’y peut rien faire, le gars qui l’a piqué, y’est protégé.
Cracked vole encore un perogie. Ben revient.
Tu fais quoi, là? Tu manges mes perogies?
(Déposant l’assiette) S’cuse, j’avais faim.
C’est mon souper.
C’est frette. J’pensais que t’avais fini.
Ben, j’avais pas fini. Pis de toute façon, fini pas fini, tu manges pas les perogies d’un autre sans y demander sa permission. Ça s’fait pas.
J’en ai pris deux, y’a rien là.
Les rats font ça, voler la nourriture d’un autre.
J’ai pas volé…
Quoi? Tu m’les as empruntés pis tu vas me les remettre?
Deux p’tits perogies! Tu vas pas capoter à cause de…
Cracked!
de, de, de, deux p’tit’s perogies…
Cracked!
qui traînent dans l’fond d’une assiette…
C’est manquer de respect!
Courte pause.
On peut-tu s’occuper de mon affaire icitte là?
Attends, faut que j’y remonte ses pilules.
Ben se met à chercher sur son bureau, puis aperçoit Mike.
J’t’ai pas dit de disparaître, toé kid?
Écoute Ben, j’veux y aller moé, on peut-tu, t’sais… J’ai une paire de fesses d’une p’tite sorcière en minijupe qui faut que j’aille mordre là moé là, t’sais…
Courte pause.
T’as livré les tv?
No problemo, man.
Tu m’avais dit que t’allais passer c’t’après-midi.
Tu t’inquiètes pour moé?
Ouain, j’en dors pas la nuit. Où t’étais?
Durant ce qui suit, Ben cherche une clef dans une de ses poches et s’en sert pour ouvrir un tiroir de classeur.
J’t’allé voir ma mère.
Pis…?
C’pas terrible.
A’ sait toujours pas t’es qui?
Des fois. Pas souvent. Ça vient, ça part.
Tu devrais pas y aller. Tu l’sais c’que ça t’fait.
C’est ma mère.
Je l’sais que c’est ta mère mais chaque fois tu sors de là t’es tout croche pour une semaine.
Je l’sais. Mais t’sais, fuck man, there’s like fuckin’ zombies all over the fuckin’ place. C’est comme l’Halloween à l’année longue là-d’dans, man. Y’a des débiles partout, dains corridors, dains salles, j’veux dire… (À Mike) Ma mère est pas si pire que ça. (À Ben) Hein, Ben, ma mère est pas si pire que ça?
Non, non…
Est pas ben, je l’sais, mais…
Ben ouvre le classeur et en sort un petit sac.
(À Mike) Y l’attachent, those sonuvabitches.
Y l’attachent?
Ouain. L’attachent au lit avec des espèces de grosses ceintures en vieux cuir, those motherfuckers.
Y’ont encore le droit de faire ça?
Ça l’air. Quand a’ fait ses crises, quand a’ pogne les nerfs, t’sais.
Ben lui remet le petit sac qu’il a sorti du classeur. Puis il referme rapidement le classeur avant que Cracked puisse voir ce qu’il y a à l’intérieur.
’Garde Ben, j’ai une idée. Sais-tu quoi, Ben? J’aimerais la sortir, l’amener faire un tour.
Y’a laissent sortir?
Non, mais je l’ferais pareil. (À Mike) Pis j’aimerais ça les voir essayer de m’arrêter, those shit-head fucks. I’d fuckin’ do’em. Do’em good, fuck… (À Ben) Si j’veux sortir avec ma mère, j’sors avec ma mère, that’s it that’s all, fuck ’em.
Durant ce qui suit, Ben place son assiette de perogies dans un micro-ondes, puis se remet à chercher les pilules.
Où tu veux l’amener?
Chez Eaton’s. A’ toujours aimé s’promener d’un comptoir de parfum à un autre. (À Mike) T’sais, pour les, les, les…
Les échantillons?
Ouain, les chantillons. Les p’tits chantillons, t’sais. A’ sortait de là des fois Ouou Ouash Ayoye! mais a’ l’aimait ça. A’ s’prenait pour une vedette, une riche de Westmount, j’sais pas. (À Ben) Mais t’sais pour aller magasiner y m’faudrait un peu d’argent, right? Pour que j’puisse, t’sais, y’acheter queque chose, comme une bouteille de parfum à elle, OK. J’te l’dis, avec ça, a’ serait aux p’tits oiseaux, a’ flotterait, man. Comme si elle avait son parfum à elle… Ouououi a’ capoterait!
Ben a trouvé les pilules. Il vient pour sortir. Cracked l’intercepte.
Fait que ’garde, à soir-là, c’t’un party, gros party! Mega, man. Mega party! Paraît que c’est des acteurs, des j’sais pas quoi d’la tv, des sautés, en tout cas ça qu’a’ m’dit ma p’tite sorcière. Ça s’passe dans un loft, genre de trip, tu vois l’genre de trip? L’affaire c’est que j’suis sûr que j’pourrais vendre au max là-d’dans moé Ben, au max! Peut-être pour mille cinq, deux mille, j’suis sûr/
Non, non, non…
que j’pourrais faire une passe là. Y vont être comme deux cents/
Non, non, non…
su’l’gros party! Tu m’avances, t’as ton cut demain. Au plus tard demain midi si tu veux/
Non. De toute façon, j’ai pas c’qu’y t’faut.
(Indiquant le classeur) Pis c’que t’as là?
(Jetant un coup d’œil vers Mike) J’ai pas c’qu’y t’faut.
Mais Ben, mon homme…
Même si je l’avais… Non.
Courte pause. Puis, plus bas comme s’ils ne voulaient pas que Mike entende.
Pis Dutrissac?
Quoi, Dutrissac?
Y t’respecte, Dutrissac. Un bon mot de toé…
Y m’respecte parce que j’y fais pas de passe croche.
C’pas une passe/
Tu veux qu’y t’fronte pour… quoi? six, sept cents?
Un bon mot de toé…
…sur ma parole? Quand j’sais que la moitié va finir dans ton nez?
Si tu veux m’passer le cash, j’te l’dis demain midi…
J’pas intéressé.
Demain midi, t’as fait’/
J’pas intéressé!
Pause.
T’es pas cool, Ben. T’es pas cool. Shit! Que c’est que t’as à soir? Tu veux rien savoir de moé, paraît que tu veux rien savoir de lui, non plus.
Lui? Lui avec, y veut j’y donne des affaires pour ses beaux yeux. Y’a pas de deal avec lui, y’a pas d’cash.
Courte pause.
Vous voulez qu’on vous donne des affaires gratis, les gars, passez-vous l’masque pis sonnez aux portes. C’est l’soir pour ça, vous êtes chanceux, c’est l’Halloween.
Ben sort.
Tu m’avais pas dit ça?
Non, mais…
Tu veux j’y parle, mais t’as pas d’argent? J’suis très déçu, Babe. Très déçu. J’pensais qu’on, t’sais comme, avait connecté tantôt, qu’on était sur la même longueur d’onde.
J’voulais te l’dire.
« Voulais, voulais… »
J’allais te l’dire.
Là c’est clair. J’comprenais pas que Ben soit si t’sais… mais là, c’est clair. Fuck, on s’connaît depuis que j’suis ça d’haut. D’habitude, lui pis moé, on wheel, on deal, zing! zing! on connecte.
Courte pause. Puis hurlé.
SHIT!
Pause. Cracked ouvre son paquet et se prépare deux lignes. Puis calme.
C’est d’ta faute si j’me fais pas une passe d’argent à soir, tu l’vois-tu ça?
Non, pas vraiment.
(Menaçant) Moé, oui. Moé, c’est d’même que j’vois ça. J’viens de perdre queques centaines de piasses à cause de toi.
J’ai rien à voir avec ça.
Cracked fait sa première ligne.
Tu m’dois.
J’ai rien fait’.
T’as pas joué straight. Faut toujours jouer straight. Tu joues pas straight, comment tu peux t’attendre à c’que les autres jouzent straight avec toé?
J’ai joué straight, j’ai rien caché.
T’avais pas les cent cinquante.
J’y ai dit ça. J’l’ai pas caché…
T’avais pas l’argent.
Non, mais j’vas l’avoir. C’est ça que j’y ai proposé. J’y ai fait’ une proposition honnête.
Tu y’as dit que t’allais l’avoir?
J’vas l’avoir.
Quand?
Bientôt.
Que c’est-tu vas faire, voler une banque?
Non, un dépanneur.
Ha! Un dépanneur? Ha!
OK. Ris si tu veux, mais moi j’te dis que j’connais une place pis que j’sais que ça s’fait de même (en claquant des doigts).
(En claquant des doigts) De même?
(Même jeu) De même.
Cracked fait sa deuxième ligne.
C’est pas n’importe où, n’importe quel dépanneur. Non, non, non. J’ai checké la place, pis plus’ qu’un soir. Avec un gun, no problemo.
Ô! Écoute-lé… « no problemo ». (Rire) Un p’tit hot shot, hein? Tu t’prends pour qui dans ta tête, Babe, quand t’es couché dans ton lit le soir? Al Capone? Jesse James?
J’me prends pour personne, j’fais juste te dire que j’connais la place comme y faut pis que c’est un p’tit vieux qui tient ça qui…
Ô! Attention! Attention! Les p’tits vieux des fois c’est les pires. Fais attention aux p’tits vieux. Y’ont toujours des battes de baseball de cachés sous l’comptoir. Tu t’approches trop, tu t’penches pour te rendre au cash pis badang! y t’ouvrent le crâne de bord en bord. Ouaron, c’est ça qui y’est arrivé à Ouaron, un gars que j’connais. Parles-en à Ouaron des p’tits vieux. Trente-cinq points de suture. Y s’est réveillé une semaine après. Y’a eu sa photo dans l’journal, par exemple.
Ça sera pas comme ça. Ça va être facile. Le vieux a pas d’batte de baseball, y’a pas d’alarme, y’a pas d’caméra, y’a rien. Facile.
Courte pause.
Combien tu penses faire, tu fais ton vieux pis son dépanneur?
J’sais pas. (Réaction de Cracked) Assez, en tout cas!
Quoi? Cent, deux cents?
Non, non, plus’. Peut-être cinq, peut-être six.
Six cents?
En tout cas au moins quatre. Les soirs de semaine, c’t’au moins quatre. À onze heures juste avant qu’y ferme, c’t’au moins! au moins quatre.
Pis en fin de semaine?
Cinq, facile. Même que moi, j’dirais plus’ six. Pis si c’est un soir spécial, comme à soir c’est l’Halloween, OK, j’dirais plus’ sept ou huit.
T’as l’air de connaître ton affaire. J’aime ça, c’est bon.
Courte pause.
À onze heures? OK, on l’fait. On s’trouve un autre masque, on s’rend là-bas, on attend qu’y soit tu-seul. Moé, j’m’occupe du vieux, du cash. Toé, tu t’occupes de la porte. On rentre, on sort. Deux minutes, trois, top.
À soir?
Tu-suite.
Wo! J’sais pas, je…
C’est quoi ton nom, encore?
Mike.
Mike, Babe! Stay cool, suis-moé, tu vas apprendre. (En claquant des doigts) C’est toé qui m’as dit que ça s’fait de même, right? C’est toé qui m’as dit « No problemo », right?
Courte pause.
Pis l’gun?
Ah! Ça, c’est l’deal, Mike. Ya, Babe! (En sortant de l’argent de sa poche et en se mettant à compter) Toé, c’que tu veux c’est ton péteux. J’t’avance les bidous, on fait l’coup. T’as c’que tu veux, moé j’garde c’qu’on prend du vieux.
Tout’?
Tout’!
Même si c’est cinq, sept cents?
Même si. ’Garde, j’me vide les poches là, tu vois-tu? Y va m’rester comme six piasses pis trente queques sous, tu vois-tu? À mon nom! En tout cas, jusqu’à c’que mon chèque y rentre dans deux semaines. J’prends un risque là, moé là. Veux dire, j’ai pus ça, j’mange pas pour deux semaines. J’vas m’ramasser en train de faire les vidanges en arrière du Burger King comme j’ai déjà fait’, t’sais. Au niveau du cash, j’les prends tout’ les risques! (Criant vers la sortie de Ben) Eh Ben! Ben, mon homme!
C’est pas juste que tu prennes tout’…
C’est comme… l’intérêt sur un prêt.
Oui, mais comme à du cent pour cent par jour!
On sait pas si c’est du cent pour cent parce qu’on sait pas si on sort avec six cents ou deux cent cinquante ou trente sous. Toé, tu m’dis ça mais je l’sais-tu, moé? J’prends le risque. (Criant) Eh Ben!
Oui, mais quand même…
OK, OK, peut-être c’pas l’meilleur deal que tu peux avoir en ville, mais c’est celui que j’te propose. T’as-tu l’choix? J’pense pas! Mais! Mais, peut-être tu l’veux pas l’gun, peut-être c’est pas si important que ça pour toé.
Non, c’t’important.
C’est pour ça que t’es icitte?
Oui.
OK! Mike, Babe! Dans moins d’une heure, t’as c’que t’as voulu.
Cracked lui lance son masque de Dracula.
What more do you want?
Courte pause.
« TOUT SE PASSAIT VITE. TRÈS VITE. »
À moins que t’as tout’ inventé pis que ton dépanneur/
J’ai rien inventé!
c’est rien qu’un trip que tu/
Non, non, non…
m’as conté pour m’en faire accroire!
Tu veux l’faire, on l’fait!
OK!
(En mettant le masque dans une de ses poches.) OK.
Oui!
Cracked sort vers la porte d’entrée.
Où tu vas?
« TOUT SE PASSAIT VITE. JE SAVAIS MÊME PAS SON NOM. JE SAIS TOUJOURS PAS SON NOM. C’EST QUOI SON NOM? »
C’est pas loin où on va, hein? C’est pas comme à l’autre bout’ d’la ville?
Non, non…
« NON. J’LE CONNAISSAIS PAS. J’L’AVAIS JAMAIS VU DE MA VIE. »
C’est pas à côté non plus, hein? Parce qu’à côté… J’fais pas à côté, trop près c’est pas bon non plus.
Sonneries de porte, puis Cracked revient.
C’est à l’est d’icitte. Cinq stations de métro.
Parfait. Parce que j’avais dit à fille vers minuit fait que… (Pour lui-même) OK, think it out, man. Think it the fuck out. Ça m’laisse pas une tonne de temps mais j’ai l’adresse du party de toute façon pis avec du cash ça s’trouve, avec du cash tout’ se trouve, tout’ même dans rien qu’une heure. Ouain, pis là…
Ben revient.
C’est toé qui a sonné? Que c’est j’t’avais dit? Tu fais-tu exprès?
(Indiquant l’argent) J’prends le gun. Compte. Tout est là.
Pause.
Bon, j’veux que les deux là, que vous clairez la place.
C’est quoi, ton problème?
Moi, j’ai pas d’problème.
Quoi? Y’est pas bon mon cent cinquante? (À Mike) Y voulait pas te l’vendre à cent cinquante?
Oui.
Bon.
C’est pas à lui!
Pis? (Courte pause) On fait des affaires icitte. Straight-up, cash, pas d’crédit, d’avance, rien de compliqué. Achat-vente. Comptant. Comme t’aimes. Comme au Jean Coutu du coin. Pas d’histoires.
Y’a quinze ans!
C’est pas à lui que tu vends, c’t’à moé.
Mais toé, tu…
Ben, Ben, Ben, un gars te vend — j’devrais pas être obligé de t’expliquer ça — y t’vend une TV, y’a-tu d’affaire à te dire quel poste écouter?!
Pause.
(À Mike) Y t’a demandé de faire quoi en échange?
Rien. Y m’a rien demandé. J’y remets tantôt, c’est tout’.
Tantôt?
Avec intérêt. J’le fais pas pour ses beaux yeux, j’le fais pour l’intérêt. I’m just tryin’ to make a buck, here, Ben, just tryin’ to make a buck…
Tantôt?
Tantôt! Tantôt tu-suite.
Tu-suite après le dépanneur.
Oui.
Réaction de Cracked.
Fâche-toé pas, y m’en a parlé de son dépanneur. Y t’avait pas dit qu’y m’avait parlé de son dépanneur?
Non.
Ouain, y m’a tout’ conté… Le dépanneur de l’oncle de sa blonde où y s’tient.
C’est pas ma blonde, c’est juste une fille que j’connais.
C’est vrai. J’avais oublié. S’cuse. Le dépanneur de l’oncle d’une fille qu’y connaît où y s’tient.
Courte pause.
Ouououou shit!
Ah! Ça non plus y te l’avait pas dit?
Shit!
Son oncle m’a juste vu une, peut-être deux fois.
Mike, Babe, tu joues pas straight, tu joues pas straight.
J’vas porter un masque. Un masque qui r’couvre/
(Hurlé) SHIT!
(À Mike) Disparais.
Non!
Laisse-lé partir. Oublie ça.
Non! Fuck..
Avec un masque, le vieux me reconnaîtra pas.
Masque, pas masque, c’est trop risqué.
Courte pause.
On l’fait.
C’est trop risqué!
Mon risque, Ben. Mon risque. Ma décision.
Courte pause. Ben ramasse le revolver.
J’ai pas à te demander la permission, moé là.
C’est pas ça, j’te dis. C’t’un conseil.
Pis c’t’un bon conseil. J’l’ai entendu. C’est enregistré. Mais c’est quand même ma décision, ma/ Pis y’a des limites, Ben, à toé en train de m’dire quoi j’peux faire, quoi j’peux pas faire.
Tu trouves que j’te dis trop quoi faire?
Des fois.
Courte pause.
T’es content d’toé, hein, kid?
Quoi?
T’es un p’tit câlisse, tu l’sais-tu ça?
Come on, Ben. Come on…
(À Cracked) Peut-être j’fais ça pour toé, pour ton bien. As-tu pensé à ça?
J’vois pas.
Peut-être j’ai pas envie de t’voir, t’sais… Parce que tu fais confiance à n’importe qui, à quelqu’un qui connaît rien de rien, qui portait des couches ça fait pas si longtemps que ça…
Eh!
Non, non, qui r’gardait encore les cartoons du samedi matin avec un bol de rice krispies l’année passée, j’sais pas moé…
Voyons…
Non, non. « Voyons, Voyons »! Pas de « Voyons »! (À Cracked) C’que j’dis, c’que j’t’explique c’est tu l’connais pas. Tu vas aller faire une jobbe avec quelqu’un tu connais pas, qui pourrait très bien te chier dains mains si queque chose va pas comme ça devrait aller.
Y’a rien qui va/
Y’a mille affaires qui peuvent arriver. Mille! Tu l’sais, t’es pas né hier, t’as de l’expérience. Tu l’sais ça va pas toujours comme c’est s’posé. Un imprévu! Y’a toujours — hein? j’ai raison, j’ai pas raison? — y’a toujours un imprévu.
Pas toujours.
OK, souvent. Peut-être c’te fois-citte c’t’une des fois. Un char de police s’arrête en avant, lui, y réagit mal, j’sais pas, y panique…
J’paniquerai pas.
…Y sort en courant, te laisse là. T’as l’air de quoi?
J’paniquerai pas!
Là, c’facile dire ça. Tout l’monde peut dire ça. Jouer au tough guy, y’a rien là quand on fait yenque parler. Mais quand t’es là, quand ça s’passe dans vraie vie… (À Cracked) J’ai raison, j’ai pas raison?
Courte pause.
(En indiquant l’argent) Compte. C’est tout’ là.
Courte pause.
Tout’. Les cent cinquante.
Courte pause.
Avoue au moins que j’t’ai fait penser un peu, pis que t’aimerais savoir d’avance si l’kid va t’laisser tomber si ça tourne au vinaigre.
OK, j’l’avoue. Mais t’sais… d’avance? Comment qu’on peut savoir c’qu’un kid va faire d’avance?
Ben ouvre un tiroir, va chercher une balle pour le revolver.
Eh kid, aimes-tu ça les jeux?
Hein?
Des jeux? Jouer des jeux?
Tu parles de comme…
(En plaçant la balle) Mon homme icitte sait de quoi que j’parle, hein mon homme? Lui c’t’un vrai. Ça icitte c’t’un joueur. (En faisant tourner le barillet) Et roule, et roule, et roule…
I love it.
Vous jouez, j’vous l’vends.
I love it.
À roulette russe?!
Polonaise.
Connais ça?
Non.
Check ça.
Une balle. Six chances. Comme à roulette russe. Sauf…
Sauf…
Sauf on est quand même un peu moins fous que les tabarnak de Russes, on est pas là pour se blower la tête en mille morceaux…
Non…
On veut voir c’que t’as dans l’ventre.
Tu m’dis que tu paniqueras pas…
Mais t’sais, parler comme un dur qui a peur de rien, ça peut impressionner des p’tites filles dans cour d’école, pis des mauviettes qui sont jamais sorties d’chez-elles après dix heures du soir mais icitte avec nous aut’es…
Ça vaut c’que ça vaut…
Pas l’yable.
J’ai besoin d’une preuve… besoin d’une preuve.
Le jeu c’est j’roule, un des deux prend l’gun, vise la main de l’autre pis c’est Click ou Bang!
Courte pause.
I love it. I fuckin’ love it.
Pause.
Vous êtes pas sérieux?
Pause.
C’t’une farce.
Courte pause.
(À Cracked) Pourquoi tu jouerais, toi? T’as rien à gagner.
Y joue parce que j’y demande de jouer, parce qu’y sait que j’fais pas confiance à ceux qui r’fusent.
Y m’fait confiance, I’m in. Hein, Ben, I’m in?
J’t’en devrai une, mettons-lé de même.
Comme pour à soir, pour Dutrissac..
C’est moé qui décide c’que j’te dois. Commence pas à…
Non mais…
On verra.
Non mais…
Peut-être, peut-être… De toute façon, y l’fera pas. ’Garde-lé.
Courte pause.
Y pense, c’est toute. C’est normal, y’a l’droit. Un gars qui dirait Oui tu-suite, tu te d’manderais Que c’est qu’y’a dans tête? Y’a l’droit. Donne-z-y un peu d’temps. Faut qu’y pèse ci, ça, les odds, c’qu’y peut perdre, c’qu’y peut gagner.
Courte pause.
On oublie ça, OK?
Que c’est j’t’ai dit? Je l’savais qu’y l’ferait pas.
Mike fait un geste vers la sortie. Cracked vient le rejoindre.
Quoi?
Wo! J’me suis avancé. Tu m’as fait’ des accroires là, toé là. Big man, gros projets, Jesse James, « no problemo »! Là, là, tout’ ça c’est effacé? C’tu ça qui s’passe? C’tu ça qui s’passe, Jesse James?
C’qui s’passe, c’est que j’sors. C’est ça qui s’passe.
Courte pause.
OK. Ça que tu veux, ça que tu fais. La porte est là. Go, Babe. Get the fuck outta here. R’tourne d’où tu viens. R’tourne où t’étais. J’sais pas pourquoi t’es venu, j’sais pas c’qui t’attend l’autre bord d’la porte, c’qui t’attend su’l’trottoir, mais r’tournes-y.
Courte pause.
J’peux aller m’en acheter un autre ailleurs sans passer par votre histoire de fou, votre test ou…
C’est pas ça qui s’passe, Babe! Certain que tu peux aller ailleurs. Trouve ton motton, ton cash. Une fois que tu l’as, les deals sont là, t’attendent, boum, boum, boum, t’as un péteux qui pète… Mais c’pas ça qui s’passe. That’s not what’s goin’ down here.
Quoi? Que j’pas comme un homme! un vrai! parce que j’veux pas me r’trouver avec un trou dans main? Que j’t’une tapette parce que…
Mike fait un geste pour sortir, Cracked se place entre lui et la sortie.
You know what’s goin’ down, man. You know what the fuck is goin’ down, man. Ç’a rien à voir avec homme ou pas, mais ç’a tout’ à voir avec qui tu penses que t’es, Babe. Qui tu dis que t’es, Babe. Qui tu m’as dit que t’étais, Babe. Tantôt, juste là. « Prêt’ à tout, solide, paniquera pas, pas un pissou . » Soit que c’est vrai, soit que c’est de la bullshit. Soit que tu m’dis vrai, soit que tu me dis n’importe quoi. C’qui s’passe, Babe, what’s goin’ down is a fuckin’ reality check. T’es lui ou lui? Tu peux pas être les deux so what’s the word, my man? T’es qui? Ça c’est c’qu’on va voir, c’qu’on va savoir, tu-suite, right now, icitte. Fini la bullshit! Parce que, Babe, c’est l’temps que t’arrêtes de branler dans l’manche et que tu te branches. Que tu saches, Babe! que toé, tu saches, Babe! lequel est lequel. T’es qui, Babe? T’es qui? Le gars qui a les guts de jouer dans vraie vie avec le vrai monde, ou celui qui va s’en r’tourner dans sa chambre à soir jouer au Nintendo, au Killer Combat avec des p’tits bonshommes en cartoons pour oublier c’qui l’attend l’autre bord d’la porte sur le trottoir? That’s what the fuck is goin’ down, Jesse James!
Courte pause.
Laisse-lé sortir.
Y veut pus. Y sait c’qui l’attend l’autre bord d’la porte sur le trottoir. Moé, j’le sais pas, Babe. Je l’sais pas, mais j’vas t’dire c’que j’sais. C’que j’sais c’est qu’c’est pas parti pis que ça partira pas tant que t’auras pas fait’ ton move. Tant que t’auras pas fait’ ton move, ça s’en ira pas, Babe. Pis tu l’oublieras pas, non plus, Babe. Tu l’oublieras pas, pourquoi? Parce que ça va te ronger par en-d’dans… par en-d’dans longtemps. ’Veux dire, tu peux dire Non, icitte, à faire ton move, mais la prochaine fois ça va être aussi dur sinon plus’, ben plus’! Parce que chaque fois que tu recules, elle-là! l’affaire-là! elle-là! a’ prend des forces. A’ prend de plus en plus de forces. De plus en plus de place en-d’dans de toé… ’CAUSE SHE’S A FUCKIN’ MONSTER, MAN, a fuckin’ lifesuckin’ motherfuckin’ monster! Tu l’sais de quoi que j’parle.
Pause.
Fait que tu joues ou tu sors?
Make the move, Babe. Make the move, Jesse James.
Courte pause.
(À Cracked) Si on joue, tu m’avances les cent cinquante…
Ben nous vend le gun…
Vous faites votre dépanneur à soir, tu y paies c’que tu y dois, t’as ton gun pis t’es aux p’tits oiseaux. Ça, ça c’est si tu t’ramasses pas à l’urgence.
Courte pause.
Roule.
Ou dans l’siège en arrière d’un char de police parce que l’oncle de ta blonde t’a reconnu.
Roule.
Kid, écoute, t’es pas…
Y’a dit d’rouler, Ben.
Courte pause. Ben fait rouler le barillet du revolver devant eux.
À vos places!
Cracked va chercher deux chaises, les place à quatre pieds de distance l’une de l’autre.
À nos places! Ouououou Oui!
Qui va en premier?
Premier qui tire ou qui s’fait tirer?
Qui tire.
Tête ou queue. Ben flippe.
(Indiquant Mike) Son choix.
Comment ça, son choix?
Toé, t’as déjà joué, pas lui.
Ça rien à voir, ça.
J’veux voir ça va être quoi son choix.
Courte pause.
OK. Tu roules entre chaque coup?
(En faisant rouler le barillet) Ben oui. C’est ça l’jeu. Sans ça, les odds baisseraient, ça serait pus juste. En roulant, les odds restent pareils pour tout l’monde pour les deux coups. Compris?
Courte pause.
OK. (À Mike) Ton choix.
Grosse décision, kid. Grosse décision.
Y’a-tu un truc?
Non, non, y’a pas d’truc! J’viens de l’expliquer. Les odds sont pareils à chaque coup. Ta décision c’est tu-suite ou t’à l’heure? Tu passes par le feu en premier ou t’aimes mieux attendre?
Non, non, y’a un truc! Y’a un truc, ouain, ouain. Si j’tire en premier pis Paklow! la balle a’ sort, j’ai un avantage, le jeu est fini, y’a pus d’balle.
On en r’met une autre.
Une autre?
Si celui qui s’est fait tirer peut tirer, veut tirer, y’a l’droit d’tirer.
On r’met une balle…
On r’commence. C’est ça l’jeu.
Pause.
OK! Let’s go! Le choix! Clenche!
Courte pause.
OK, le premier. M’as tirer le premier.
Le choix du pissou, j’le savais.
Comment ça, pissou?
Pissou!
Un vrai tough guy fait face au pire tu-suite. (À Cracked) J’ai raison, j’ai pas raison?
Pissou!
OK, donne-z-y l’gun.
Trop tard.
Roule, mon homme. Roule! Let’s go!
J’veux changer.
Trop tard pissou! Too late! T’as fait’ ton choix, live with it! (Ben se met à rouler) À moins que… Attends.
Quoi?
Check le flash! Check le flash! Tu veux changer?
Oui.
J’accepte… Si si si on joue Quitte ou Double.
Complique pas la patente.
Quitte ou Double, c’pas compliqué. Écoute Ben : on change pis moé j’tire en premier. Bang! la balle sort, t’as un trou dans main, le jeu arrête..
On en r’met pas une autre?
Non. MAIS… mais, check le flash : tu m’dois rien. J’paie le gun, le gun est à toé… Tu m’donnes l’adresse de ton dépanneur, par exemple.
J’fais pas l’dépanneur?
Tu fais pas l’dépanneur.
Pis j’te dois rien, j’te dois pas cent cinquante?
That’s it! Bingo!… Maintenant… maintenant, la balle sort pas c’t’à ton tour, sauf! lui roule pas après le premier coup.
J’roule pas, les chances baissent.
C’est pus un pour six, c’est un pour cinq. T’es d’dans?
J’suis là.
OK. Tu tires, bang! la balle sort, c’est l’double, Baby, le gun te coûte trois cents. (Courte pause) T’es là? Tu m’as suivi?
Oui… J’pense. Attends… Y’a rien qui change si l’gun part pas? On fait le dépanneur pis…
C’est ça.
Mais si y part quand tu m’tires…
T’es clair, t’as un gun pour rien.
Si y part quand moi j’te tire…
Quitte ou Double. Faut que tu m’trouves trois cents. Moé, j’pourrai pas faire le dépanneur fait que Quitte ou Double. Trois cents.
T’as l’don d’toujours compliquer les patentes, toé, chriss.
OK. (À Ben) Roule.
T’as tout compris ça?
Vas-y, roule.
Ben fait rouler le barillet trois fois.
Les jeux sont faits. Rien ne va plus. (Courte pause) Oh, attends minute. J’ai un kit de premiers soins dans mon bureau. Au cas où… Bonne idée?
Bonne idée.
Oui, oui… Bonne idée.
Pendant ce qui suit, Ben va chercher le kit dans un tiroir de son bureau, mais avant de revenir vers les joueurs, on le voit clairement tourner le barillet et placer la balle où il la veut.
OK. ’Garde. Celui qui tire s’met de même, à deux mains, le bras su’l’dossier. Comme ça on est su’a main, « no problemo ». On veut pas s’tirer dans l’bras ou ailleurs, right?
Right.
L’autre se met de même. Lui aussi avec le bras d’collé cont’ le dossier. Pour pas qu’y bouge.
OK! En place…
Ils se placent. Ben vient pour remettre le revolver à Cracked.
Dernière chance, kid. Tu veux t’sauver, sauve-toé.
Courte pause.
Donnes-y.
(Prenant le revolver) Eh! M’as t’dire un truc, Babe. Pense à aut’ chose.
Comme…?
Comme wild, man! Queque chose de wild, de fou, de sauté. Queque chose que t’aimerais faire, que tu rêves de faire depuis longtemps.
Courte pause.
J’suis sûr que t’as vu queque chose dans ta tête quand j’t’ai dit ça. Envoye crache, c’est quoi?
Ça peut être n’importe quoi, même queque chose qui s’peut pas?
N’importe quoi, n’importe quoi…
Cracked se met à viser. Ben se plisse les yeux, se couvre les oreilles.
Voler. Voler dains airs.
Ya! Voler? Voler c’est bon. Eh Ben! Voler, c’pas ça que t’as toujours voulu faire toé avec? Dans quoi, man? Un avion, un jet, un…
Un jet. Oui. Un jet. Un chasseur. Un p’tit jet à une place qui monte dains air, qui rentre dains nuages… comme une flèche, pis… pis…
Ya! Wild! Vas-y! Go! Mister fighter pilot! Arrête pas, Babe.
Pis…
Pis?
Pis quand j’arrive l’autre bord des nuages…
C’est beau?
(Se plissant les yeux lui aussi) Oui, oui c’est beau! C’est ben beau!… Ouain ben… C’est ben/ Envoye tire! Tire! Arrête de niaiser pis tire!
Courte pause. Mike lâche un cri, se lève, fait une petite danse de victoire.
OUI! YES! J’l’ai fait’! J’l’ai fait’! OUI!
(À Ben, bas) C’est quoi l’trip, man?
Son tour.
Cracked lève le revolver et le dirige vers Ben.
Son tour?
(En prenant le revolver par le canon) Son tour.
Pause.
(En laissant aller le revolver) OK let’s go!!! C’est pas fini. Assistoé! On sait pas encore combien tu m’dois, ti-cul. Peut-être cent cinquante, peut-être trois cents. Let’s do it!
(À Ben) Tu roules pas?
Non, non, y roule pas! Un pour cinq! Un pour cinq! Here we go! Quitte ou Double!
Ils se placent. Ben remet le revolver à Mike.
Place-toé comme j’t’ai dit. T’as jamais tiré, right?
Pas un vrai, non.
Shit! Ouain, ben place-toé comme y faut. Solide. Pis vise la main. Le jeu c’est la main, OK. Fait que t’sais… J’te l’dis tu-suite, si la balle a’ rentre ailleurs que dans main, ti-cul, j’t’arrache les deux yeux avec mes doigts, compris?
OK, vos places. (Courte pause) Correct, kid?
Correct.
Cracked secoue sa main.
Veux-tu savoir comment j’me psych quand j’joue à ça? J’me psych en faisant semblant que c’est pas ma main. Ça j’fais. Ouain. C’est pas ma main, c’t’une tête! Une tête que j’haïs. Comme celle du juge qui m’a envoyé en-d’dans la dernière fois pour six mois. Une tête de vieux schnook qui s’prend pour un autre! T’sais avec trois, quatre cheveux su’l’crâne, un nez comme un bec d’oiseau, pis les lèvres pincées, t’sais, les lèvres pincées en trou d’cul d’poule. Une tête à claques! Une tête à fesser d’dans! pis qui s’pense tellement, tellement, tellement! mieux que moé, qui me r’garde de haut avec son nez d’bec d’oiseau dains airs quand y m’fait le gros speech « Mon cher monsieur… » — monsieur, y m’appelle monsieur. Eh! quand y s’mettent à t’appeler monsieur, là, tu l’sais que ça va aller mal pis c’est vrai… « Mon cher monsieur, vous semblez zzêtre mal parti pour réussir votre vie ». Shit! Comme si y savait tout’! connaissait tout’! Vieux schnook de têteux à marde! Que c’est qu’y connaît au fond? Nada, man! Nada! Mais ça l’arrête-tu? Penses-tu? Non, non, envoye su’l’speech à propos de r’trouver le droit chemin! de s’bâtir une nouvelle vie! d’avoir confiance en l’avenir! (À sa main) Tu peux ben avoir confiance en l’avenir, tu vas faire bang! avec ton marteau pis m’envoyer en tôle pour six mois, mais toé! toé tu-suite après tu vas aller manger un steak ça d’épais dans un restaurant chic avec des waiters en costume de pingouin, you fuck! Sais-tu c’que j’ai mangé, moé monsieur l’juge, pendant mes six mois en tôle? Hein? Sais-tu c’que j’ai mangé? (Il se met en position, puis à Mike) BLAST-LÉ! BLAST-LÉ! BLAST-LÉ CE MAUDIT TROU D’…
Mike tire. BOUM! Cracked se jette en bas de sa chaise par en arrière, en hurlant de douleur. Mike se lève aussitôt et laisse tomber le revolver, paniqué lui aussi. Ben se précipite vers Cracked.
Ô shit! Ô shit! Ô shit!
Le kit! Va m’chercher le kit su’l’bureau.
(Le faisant) Ô shit!! Y’est-tu correct? Y va-tu être correct?
Tu m’dois trois cents, ti-cul! Trois cents!
Oui, oui. Trois cents. OK, OK… T’es-tu correct?
Allume la télé. Envoye allume!
Mike le fait automatiquement.
TV : Montage de publicités.
Une autre! Allume une autre!
Même jeu.
Monte le son. Monte le son!
Même jeu.
(Qui a cessé de jouer la douleur) OK, lève les bras dains airs.
Même jeu.
Baisse-les.
Même jeu.
Fais un tour sur toi-même. Fais un tour! Fais un tour!
Même jeu. Cracked et Ben se mettent à rire.
OK, là, là, mets-toi un doigt dans l’nez. Envoye! Un doigt dans l’nez!
Mike vient pour le faire, mais allume finalement. Cracked et Ben se tordent de rire.
Ben drôle… Ben drôle. Tordant.
Ô le poisson! Ououou le poisson!
C’t’arrangé. C’tait tout’arrangé.
Ben oui, c’t’un gag.
Coups de l’étage.
Ô shit! Mon vieux…
Durant ce qui suit Ben va baisser le son des téléviseurs.
En tout cas, si tu penses que m’as t’payer trois cents pour le gun, oublie ça. Pis l’dépanneur aussi, oublie ça! Si tu penses que/ j’veux pus t’voir, OK. Jamais, fuck. Jamais. T’es psycho, man! Psycho! M’en vas pas faire de coups avec quelqu’un comme toi, no way. No way, man. T’es pas ben. Tu l’sais-tu ça? T’es pas ben dans tête.
Ça j’aime pas ça, par exemple.
Pas ben pantoute dans tête.
Parle pas de ma tête.
Y t’manque des tarauds/
J’t’ai dit/
Des tarauds, queques bolts…
J’aime pas ça!
C’est pas six mois en tôle qu’y’aurait dû t’donner le juge, c’est six ans dans un hôpital. T’es malade, fuck. Malade mental, fuck. Malade comme ta mère. Débile, c’est ça que t’es! Débile mental comme ta mère!
Cracked éclate. Il ramasse l’assiette de perogies, la casse sur l a tête de Mike, puis lui saute dessus. Ils tombent derrière une table ou un établi. Cracked frappe furieusement Mike tout en hurlant.
FERME TA YEULE! FERME TA YEULE! FERME TA YEULE!…
Ben, qui était sur le point de téléphoner, intervient. Il ira chercher Cracked par le collet et le poussera pour l’éloigner de Mike. Cracked continue à hurler durant la prochaine réplique de Ben, jusqu’à la sienne.
Wo! Wo! Wo! Qu’est-ce tu fais? Non, non, pas d’ça icitte! J’en veux pas d’ça icitte! Arrête!
Y’a parlé de ma mère! Tu l’sais ben! tu l’sais c’que j’fais quand on parle de ma mère, tu l’sais!
OK oui, je l’sais mais…
Pis c’est pas un ti-cul de capoté qui s’prend pour Jesse fuckin’ James ou j’sais pas qui, qui qui qui va v’nir me parler d’ma mère dans ma face, Ben! tu l’sais ça! Tu l’sais ça!
C’t’un kid! Laisse tomber!
Kid, pas kid! Kid, pas kid! M’en câlisse de ça! I don’t give a fuck!
Cracked a pris Ben par le collet. Ben le repousse brusquement.
Eh! Tu viens-tu juste de lever la main contre moé? C’est-tu ça que j’ai vu?
(Se calmant d’un seul coup) C’t’un accident, Ben, un accident. J’ai pas voulu, j’veux dire, j’tais énervé. J’savais c’que j’faisais là. Ça voulait rien dire, rien dire pantoute…
Durant ce qui précède, Mike est sorti de derrière la table, la gueule en sang. Il se précipite ensuite au bureau, ouvre le tiroir et en sort le revolver de Ben.
Rien, hein? J’espère. J’espère pour toé parce que si jamais ça se reproduit même par accident…
(Voyant Mike avec le revolver) Shit!
Ben se retourne.
Shit!
« JE SAIS PAS POURQUOI JE L’AI FAIT’. »
Très rapide.
(À Ben) Toé, tasse-toé là! Tasse, tasse! Envoye, tasse!
(Le faisant) Wo, kid! Wo! Je l’fais. Fais yenque/
Envoye, tasse!
Attention, y part à rien c’gun-là. J’te l’ai dit, c’t’un/
(À Cracked) TOÉ, À GENOUX!
sensible. Tu veux pas qu’y/
(À Ben) ASSEZ! (À Cracked) À genoux, j’t’ai dit à genoux. Go!
Pas cool, Babe/
GO! GO! GO!
Cracked le fait. Mike s’est placé derrière lui.
« C’ÉTAIT COMME DANS UN FILM OU UN RÊVE OU »
OK, pense, là, pense deux secondes là…
Ouain ti-cul, c’est ben beau/
FUCK YOU! Tu parles encore, t’es mort! T’es mort! J’te flambe drette là, m’as-tu compris? Ouvre ta yeule une autre fois! une autre fois! j’te jure que t’es mort! Ça change tout’ ça, hein? Hein? Tout’! (En poussant le canon contre le derrière de la tête de Cracked) Hein, Babe? Hein, Babe?
Kid, calme-toé, calme/
Vous riez pus là, hein? On rit pus du kid là, hein? HEIN, BABE? HEIN, BABE?
Coups de l’étage.
« JE ME VOYAIS FAIRE CE QUE JE FAISAIS »
Là, pense, respire par le nez, pis pense/
C’est moi qui dis c’qu’on fait. Toi, respire par le nez!
Oui, OK, hé! C’est toé qui mènes, mais écoute, écoute-moé…
J’pars avec le gun.
Courte pause.
Non. Non, tu pars pas avec le gun.
Comment ça, « Non »? Hein? Comment ça « Non »? Je l’ai, j’pars avec.
OK. Tu veux faire ça, fais-lé. Mais si tu l’fais, moé j’ai pus d’choix. J’te l’ai dit, tu passes la porte avec ça dains mains, tu viens de te mettre les pieds dans mon monde.
Courte pause. Coups de l’étage.
C’est ça tu veux, tu l’fais. Si c’est dans c’monde-là tu veux te r’trouver, vas-y. Mais tu pars avec le gun, mon gun, le mien, mon gun, moé j’ai pas l’choix, j’vas aller l’chercher.
Ya, Babe! Tu vois-tu c’qui va t’arriver, c’qui/
Cracked! TA YEULE! PAS UN MOT D’TOÉ! C’est toé qui nous a mis dans situation icitte. J’veux pus t’entendre.
Pause.
« J’AIMAIS ÇA. J’AIMAIS TELLEMENT ÇA. »
J’te promets queque chose, kid. Sors, laisse le gun devant la porte. Y’a rien qui s’est passé à soir, on s’est jamais vus, on s’est jamais parlé… Je l’jure sur la tête de ma mère qui est morte.
Mike jette un coup d’œil vers Cracked.
Inquiète-toé pas pour lui. Y sait c’qui l’attend si y fait pas c’que j’y dis.
Pause.
Retourne chez toi. Dans ta chambre. Mets d’la glace sur ta joue.
Mike baisse le revolver.
Mike, tu l’sais que j’ai raison.
« C’ÉTAIT COMME DANS UN FILM OU UN RÊVE OU »
Mike sort en reculant. Courte pause.
Va chercher le gun avant quelqu’un le voit.
Veux-tu j’le ramène, on va y apprendre une leçon?
J’ai promis.
So?
J’ai juré sur la tête de ma mère.
Tu vas l’laisser partir après c’qu’y t’a fait’?
Pis mon honneur? Où c’est qu’il est mon honneur, si j’fais ça?
Honneur? What the fuck, honneur?
Courte pause. Coups de l’étage.
Ouain, j’sais. J’sais, t’as raison. Va l’chercher, ramène-moé-lé.
« JE SUIS RESTÉ À CÔTÉ DE LA PORTE. »
Cracked sort. Ben ramasse un marteau.
Stupid kid.
TV : Sur les écrans de quatre des téléviseurs, on voit un montage de séquences de fusillades. Sur l’écran du cinquième, on verra la scène entre Mike et Cracked telle que décrite.
« L’AUTRE A ÉTÉ SURPRIS DE ME VOIR ENCORE LÀ. »
Ben va au téléphone, signale.
« JE LUI AI DIT DE S’EN ALLER. »
Ben monte le volume d’un des téléviseurs. On entendra le vrai coup de fusil parmi tous ceux de la télé.
« QUAND IL N’A PAS VOULU, J’AI TIRÉ UNE FOIS TOUT PRÈS DE SES PIEDS COMME DANS LES FILMS DE COWBOY. »
TV : Après le coup de revolver, Cracked part en courant. Ensuite, sur l’écran du cinquième téléviseur, il y a le montage des mêmes séquences de fusillades.
« J’AI AIMÉ ÇA. J’AI TELLEMENT AIMÉ ÇA. »
(Au téléphone) O co chodzi? Dlaczego tato znowu wali tą szczotką a nie dzwoni przez telefon? Nie, nie, to w telewizji. [Papa, quoi? Pourquoi tu fais ça avec le balai au lieu de prendre le téléphone?… Non, non, c’est la tv…]
Mike revient sur scène avec le masque de Cracked sur le visage et s’approche dans le dos de Ben avec le revolver en main.
« JE VOULAIS JUSTE… JE SAIS PAS POURQUOI JE SUIS REVENU. »
It’s just the movie, Papa. A stupid movie, OK? Niech słę tato potoźy. [Couche-toi, puis dors…] Tout va bien, très bien. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
« OUI. C’ÉTAIT COMME DANS UN FILM OU UN RÊVE OU »
Mike lève le revolver et le dirige vers la tête de Ben.
TV : Sur tous les écrans, on voit Mike en salle d’interrogatoire.
C’tait comme dans un film, ou un rêve, ou… C’est parti tu-seul, j’voulais pas vraiment. Ô shit! Que c’est j’ai fait’? Que c’est?
TV : Durant ce qui suit, le montage de Mike à huit ans se remet à jouer sur un écran de téléviseur après l’autre jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un écran avec Mike en interrogatoire.
(En se frappant le front) J’suis niaiseux. Niaiseux. Tellement niaiseux!… (Se frappant de plus en plus fort et de plus en plus vite) Con! con, con, con! Con! (Courte pause) Qu’est-ce qui va m’arriver là?
Noir.