En 1980, treize ans après la création de cette section « secrète » de la Sécurité d’Etat, plusieurs directives avaient été mises en place pour cadrer ses objectifs. Si dans les premières années, les désorientations provoquées par le « caprice » de Ceausescu avaient provoqué beaucoup de confusions et des réelles difficultés d’adaptation, à la neuvième année de sa création, sa structure était bien définie avec une base matérielle assurée. En outre, la question du financement avait été dès le début un « point chaud », parce que Ceausescu, inexplicablement, avait apparemment « oublié » comment tout ceci allait être financé. D’autre part, personne n’avait eu le courage de clarifier les choses dans le flou du commencement, car devant le dictateur une telle question aurait été synonyme de mépris ou au moins d’incompétence. Les deux versions auraient signifié la destruction de sa carrière et de grands problèmes existentiels pour celui qui aurait « osé ». La méthode était celle qui s’appliquait habituellement dans des cas extrêmes : on invoquait l’ordre absolu du chef de l’État et on cumulait les fonds de financement par le retrait de sommes sur d’autres fonds. Ce fut la solution de compromis pour les trois premières années après la création du département. Le temps passant, les choses évoluèrent, avec la création de deux bases secrètes : l’une était située près de la ville B…, et l’autre dans les montagnes Retezat, à une petite distance de la vallée de l’Ours (nom de code). Due au fait qu’il y avait déjà une base logistique après la mise en place du département, une nouvelle tactique avait été appliquée à partir de 1972 pour attirer les fonds grâce à des interventions « diplomatiques » répétées de Ceusescu. Convaincu et enthousiaste quant aux possibilités qu’offrait le développement de cette section de la Securitate, il prit les dispositions nécessaires pour que le Département Zéro soit soutenu financièrement par deux sociétés « offshore » d’Uruguay. Dans les documents officiels, elles figuraient comme des sociétés de courtage dans le pétrole, mais en réalité étaient spécialisées dans le blanchiment d’argent de la mafia latine. « Revita Unio » et « Nann&Co. » étaient les deux sociétés qui procurèrent à la famille Ceausescu d’importantes sommes sous la direction d’un maître dans le domaine : le général Meres, que j’avais connu personnellement. Il est probablement l’une des rares personnes qui avait deviné juste et avait vu, bien avant l’étape finale, la fin du communisme en Europe, la chute de Ceausescu et la façon dont cela allait se produire.
- Écoute ce que je te dis, Radu, m’avait un jour déclaré le général. Il y a certaines forces inconnues qui broient les fondations de ce peuple et le nourrissent de « poussière », en mettant sur le devant de la scène Ceausescu, ses impulsions, ses pulsions, l’orientation de l’économie…, et cela ne vient pas de là. Personnellement, j’ai assuré l’avenir de ma famille. Notorean de la Sécurité le sait, mais je suis trop bien placé pour être trahi. Je ne pense pas que cette situation puisse se poursuivre plus de deux ou trois ans à partir de maintenant.
Cette discussion avait eu lieu vers 1988 et je devais admettre qu’elle avait été prophétique, car le général, dans une envolée oratoire inspirée, avait supposé que Ceausescu n’allait pas s’en sortir indemne, et n’échapperait pas « proprement » à la colère du peuple, et que ces mêmes forces occultes (qu’il n’avait pas souhaité nommer à l’époque), allaient secrètement préparer non seulement sa fin, mais aussi la prise de pouvoir de l’Etat. L’évolution politique et économique du pays confirma ses dires. Le général Meres disparut brusquement en 1989, peu avant la révolution ; il ne pouvait pas choisir meilleur moment, car « l’agitation » que subissait le communisme en Europe à cette époque ne laissait plus le temps aux investigations nécessaires pour trouver le « traître », comme on avait l’habitude de procéder. Certain de son immense influence et de son pouvoir occulte, agissant toujours dans l’ombre, le général Meres ne fit jamais aucune allusion à l’endroit où il allait se retirer avec sa famille. La personnalité complexe du général le fit agir comme un pion toujours efficace et puissant, mais pratiquement invisible.
Je faisais partie des rares personnes qui avaient eu accès à son entourage proche, mais même dans cette situation, je ne savais presque rien de sa vie toujours très discrète. Son instinct de conservation, son ego raffiné et son intuition d’exception dans les affaires lui avaient rapporté des succès financiers remarquables dans ses deux sociétés, qui avaient d’ailleurs été lancées grâce à ses relations diplomatiques solides, et auxquelles Ceausescu faisait appel parfois. Même si au début il n’y avait eu que des rumeurs, on savait maintenant précisément dans les hautes sphères du pouvoir que Meres était le personnage principal qui s’était chargé de l’ouverture et de l’alimentation du très controversé compte de la famille Ceausescu, dont la valeur avait été estimée à environ un milliard de dollars. Seul le général et peut-être deux ou trois personnes connaissaient exactement le montant de ce compte, et son emplacement actuel. Il est cependant facile d’imaginer que le général Meres, ayant la liberté et la confiance totale de Ceausescu pour l’administration de ces deux sociétés offshore, ne se limita point au remplissage des seuls comptes du dictateur, et qu’il se reversa de très grosses sommes sur ses propres comptes. Il est certain que Ceausescu avait deviné, mais ce fut la seule occasion où il ne prit aucune mesure punitive, car son propre intérêt financier était en jeu, et trouver un remplaçant à la hauteur eût été très difficile et délicat. On peut penser qu’entre Meres et Ceausescu s’était établi une sorte d’accord tacite et réciproque, chacun feignant de ne pas faire attention à ce que pensait l’autre. Par conséquent, la position du général Meres était tout à fait inédite dans le tableau politique et économique du pays, et il était considéré par ceux qui le connaissaient comme une sorte « d’éminence grise » du pouvoir. D’une certaine façon, Meres était imprenable et, autant que je sache, il s’agissait de la seule situation que Ceausescu avait acceptée sans commentaire de toute sa carrière de dictateur communiste.
Le plus plausible était qu’en ce moment même, pendant que nous parlions Cezar et moi, le général vivait son âge d’or sur une île des Baléares ou en Crète, en suivant dans l’ombre, avec son sourire malicieux, la « marche » du pouvoir à Bucarest. D’un autre côté, la Roumanie avait perdu un homme avec des possibilités organisationnelles et décisionnaires d’exception. Il aurait probablement pu être un des piliers de l’Etat, mais il connaissait trop de secrets qui l’avaient amené à prendre sa « retraite » avant l’heure. Son intuition et son expérience diplomatique l’avaient grandement aidé à se retirer au meilleur moment.
Ceausescu disposait ainsi de financements généreux pour le Département Zéro, grâce aux deux sociétés gérées par Meres. De 1968 à 1980, cinq personnes étaient passées par la direction du Département, mais de tous, le colonel Obadea s’était le plus fait remarquer (après sa nomination, en 1979) grâce à son esprit d’initiative et ses idées novatrices qui avaient optimisé l’activité du Département. Parce que le champ d’action de cette section de la Sécurité d’État était relativement obscur, et parce qu’il n’existait pas d’expérience dans ce domaine, Obadea eut la chance de recevoir un grand pouvoir de décision, on lui accorda l’autonomie du département et l’encadrement de l’activité dans la catégorie des grands secrets de l’Etat. Cela signifiait implicitement que la fonction du colonel Obadea était en quelque sorte équivalente, dans la hiérarchie du pouvoir, à celle d’un ministre. En raison de son implication tout à fait spéciale dans l’appareil de la Securitate, la fonction du colonel avait en effet beaucoup plus de poids, étant proche de celle d’un ministre d’Etat, mais elle ne pouvait être exercée dans l’environnement politique.
Dans la structure du département, le colonel Obadea avait appliqué un principe simple : information directe (avec au maximum un intermédiaire), et un personnel réduit au strict minimum. Cependant, il était nécessaire que ceux choisis pour travailler dans cette structure soient compétents et professionnels dans leurs domaines. Pour appliquer ces idées de base, il ne pouvait faire de compromis : il avait besoin d’une technique spéciale et d’un groupe d’élite paramilitaire entraîné spécialement pour des interventions inhabituelles.
Le protocole de sa fonction secrète faisait du colonel Obadea l’une des rares personnes qui avaient un accès direct et immédiat à Ceausescu. C’est lui qui présentait les rapports chez le dictateur, et par mesure de sécurité maximale, ils n’étaient dactylographiés qu’en un seul exemplaire, signés et scellés par le colonel lui-même. Sa fonction était si importante qu’il ne donnait d’explications qu’au Président ou au chef de la Securitate. D’autre part, il avait le pouvoir de demander l’aide et le soutien de n’importe quelle institution du pays. Une ligne téléphonique était installée entre lui et le cabinet de Ceausescu, et les informations et les rapports reçus du département entraient dans la catégorie SECRET D’ETAT – de grade 5. Les seules personnes à avoir accès à cette catégorie étaient Ceausescu, le chef de la Sécurité d’Etat, le chef de l’état-major et bien sûr Obadea.
Peu après son investiture, le colonel avait présenté au dictateur une liste de seize propositions qui présentaient l’infrastructure nécessaire pour un fonctionnement irréprochable du département. Ceausescu les avait toutes approuvées. Plus tard, craignant que le pouvoir d’Obadea ne crée un précédent dangereux, il s’était créé des « soupapes ». Ainsi, le colonel ne pouvait pas agir auprès de toutes les institutions du pays, mais seulement auprès de celles qui avaient un rapport avec le domaine spécifique du département, même si les limites de cette restriction étaient vagues. Une autre restriction imposée fut celle qu’Obadea n’ait pas accès à d’autres secrets d’Etat ou à ceux de la Sécurité d’Etat, en dehors des informations provenant de son propre département. Enfin, il devait accepter d’être contrôlé par le chef de la Sécurité d’Etat, sans que celui-ci ait un pouvoir décisionnaire mais seulement celui de rapporter à Ceausescu. Toutefois, en raison des spécificités des activités du DZ, ces petits « amendements » n’avaient pas dérangé le colonel Obadea. Son excellent travail dans les années qui suivirent démontra son professionnalisme et les capacités qu’il manifestait dans les relations, souvent compliquées, avec ses subordonnés.
Ces mesures de sécurité extraordinaires se révélèrent très efficaces, même plusieurs années après la Révolution, et démontrèrent la solidité des bases du Département Zéro. Je pense que même les secrets militaires, ou ceux provenant de l’espionnage extérieur, n’ont pas été aussi bien gardés que ceux du Département Zéro. Les documents étaient présentés à Ceausescu comme dans le modèle suivant, avec plusieurs dates clefs apparaissant dessus :
Après avoir eu connaissance du contenu du rapport, le chef de l’État avait une discussion sommaire avec Obadea, le dossier était repris par le colonel et enfermé dans un coffre-fort particulier dans son bureau, qui se trouvait dans la Vallée de l’Ours, après avoir été préalablement scellé avec un morceau de carton rouge et un poinçon en plomb. Sur le carton était écrit :
ACCÈS LIMITÉ :
1. Le Président du pays
2. Le chef du Département Zéro
3. Le chef de la Sécurité d’État
Dans le flou des départements de la Sécurité, ceux de l’Armée et du Ministère des affaires Internes, le Département Zéro se distinguait comme une « île » à part, de type occidental, séparé de par sa spécificité des autres activités de l’Etat. C’était cette ambiance qui régnait quand Cezar fut amené au quartier général, pas très loin de B… . en 1980. En comparaison de sa qualité de vie chez ses parents, il avait ici tout le confort, l’accès à un équipement technique exceptionnel. Les plans du bâtiment ainsi que sa construction avaient été réalisés par une société américaine, mais la technique et l’équipement avaient été commandés et importés d’Hollande. Le bâtiment était achevé depuis environ un an, peu après la nomination du colonel Obadea. Il était composé de deux corps : un pour le personnel et les activités de routine et le second, plus grand et sophistiqué, destiné aux personnes sélectionnées, avec plusieurs appartements, une cuisine, une salle à manger et une section à l’écart où se trouvaient les laboratoires pour les différentes expérimentations. La zone de la base était encerclée par un mur en béton, et à 100 mètres autour, des militaires montaient la garde sans éveiller de soupçons. L’approvisionnement avait lieu une fois par semaine pour limiter les échanges avec l’extérieur.
Quand Cezar arriva à la base, il y avait déjà quatre autres sujets sur place : trois enfants et un adulte. Chacun était logé dans un appartement du bâtiment principal, ils avaient la permission de sortir à des heures fixes. Le programme était léger mais la garde très stricte. Le personnel se composait de dix personnes, neuf hommes et une femme de 35-40 ans, la conseillère du mystérieux docteur Xien. Je vais arrêter là la description, bien que Cezar m’ait décrit en détail l’endroit et les activités qui s’y déroulaient. Par la suite, je fus autorisé à voir cet endroit et je dois avouer qu’il m’a profondément impressionné. Même s’il n’avait plus le même emploi que dans les années 80, une activité secrète et sévèrement contrôlée continuait de s’y dérouler.
Cezar resta pendant 5 ans dans cet endroit. Il avait rapidement compris qu’il ne reverrait probablement jamais ses parents, et que dans ce lieu on lui offrait l’opportunité de développer ses capacités spéciales. Les rencontres avec les autres résidents avaient lieu aux heures de promenade, de sport ou pendant les cours spéciaux que le docteur Xien donnait. Chacun des résidents était doté de certains pouvoirs, que Cezar m’avait décrits sommairement et avec beaucoup d’humour.
Un des enfants, un garçon de quatorze ans, se distinguait par son nombril d’environ dix centimètres qui couvrait une grande partie de son abdomen. Peu importait la météo, le garçon ne portait qu’un pantalon fin en coton. Il s’appelait Eduard. Son rayonnement mental était si puissant que celui qui se trouvait dans son champ devenait timide, incertain, allant même jusqu’à ressentir une peur inexpliquée et oppressive. Ces sensations s’observaient quand Eduard était calme et détendu, mais si pour une raison quelconque il se mettait en colère, on pouvait voir de petits flashes, comme des étincelles, sur son corps, en particulier autour de la tête. Dans ces moments-là, les objets proches se cassaient ou se déformaient. Pour cette raison, on ne trouvait que des objets en bois et en plastique dans l’appartement qu’il habitait car on pouvait facilement les remplacer. Pendant l’été, son appartement était relié à un système de climatisation particulier, car le garçon ne supportait pas les températures supérieures à vingt degrés Celsius. L’option de cet air climatisé n’était pas vraiment satisfaisante parce qu’Eduard s’en plaignait, il disait que cela le privait de la composition énergétique de l’air et lui provoquait des difficultés. La principale capacité paranormale du garçon était le pouvoir de télékinésie, il pouvait déplacer des objets uniquement par la volonté. Il était capable de soulever, de loin, différentes choses, en les maintenant ou en les déplaçant pendant plusieurs minutes. Peu impressionné par les capacités de son collègue, Cezar me raconta que l’expérience ultime d’Eduard fut de soulever une sphère d’eau dans l’air et de la déplacer dans l’espace de la chambre.
Un autre garçon, qui avait approximativement le même âge que Cezar, n’avait rien qui sorte de l’ordinaire, mais son pouvoir était exceptionnel car il pouvait prévoir ce qui allait se produire 10 ou 20 heures dans le futur. Octavian avait même réussi à améliorer ses performances, allant jusqu’à 28 heures dans ses prédictions de plus en plus précises. Cependant, d’après ce que Cezar m’avait dit, il ne fut jamais en mesure de dépasser cette limite. L’intérêt des fonctionnaires pour ce garçon était particulier et il profitait d’un traitement spécial. Même pendant les heures de pause, quand les autres enfants jouaient, il était accompagné d’un individu qui le surveillait afin qu’il ne prédise rien aux autres. Précaution quelque peu inutile car Octavian était toujours en retrait, pensif et même apathique. Très maigre, il était souvent coupé de toute influence extérieure. Cezar l’avait décrit comme un garçon étrange, y compris parmi les autres, tous possédant des pouvoirs paranormaux. Cette étrange capacité à percevoir l’avenir n’était pas seulement intuitive, comme dans le cas de ceux qui lisent l’avenir dans les cartes, ou le marc de café.
- Tout ce qui se passe dans l’univers, chaque geste, chaque action, pensée, émotion ou sentiment reste « enregistré », comme sur une sorte de « support », m’expliqua Cezar, en répondant ainsi à mes incertitudes naturelles. Analogiquement parlant, c’est un « enregistrement », qui peut être comparé à une photographie à un instant T de la vie. Sinon, il serait impossible d’étudier le temps passé et futur.
J’étais alors timidement intervenu :
- Mais, comment est-il possible de voir le futur, à partir du moment où rien ne s’est encore produit ?
Cezar sourit.
- Ta logique est saine. Ce que tu ne sais probablement pas encore est que le temps en lui-même est un concept illusoire. Il y a, bien sûr, l’énergie subtile du temps, mais elle est modulée spécifiquement par la conscience ou la perception de chaque individu. Par exemple, le même intervalle de temps, une heure, est perçu subjectivement différemment par plusieurs personnes, parce que certains vont avoir l’impression que le temps passe moins vite que d’autres. Les appréciations sont différentes, bien que la période de temps soit la même. Dans la conscience humaine, il n’y a que l’illusion du passé et de l’avenir, car ces concepts sont dus, à leur tour, à la perception fragmentée que les êtres humains ont sur le temps. Imagine-toi que cette forme énergétique extrêmement fine qu’on appelle temps est – métaphoriquement parlant – comme la bande d’un film.
Cezar dessina alors un schéma très simple, pour que je puisse mieux comprendre. J’étais impatient d’apprendre de nouveaux secrets sur certaines réalités qui étaient jusqu’alors inaccessibles à ma connaissance. Sensible à mon attitude sincère, Cezar avait accepté de me guider, comme un maître, à travers les ombres trompeuses qui cachaient la connaissance véritable.
- L’axe du temps est continu, mais les gens le perçoivent fragmenté en passé et futur. Dans l’idée générale le présent est relatif, car le moment présent devient passé à l’instant suivant, qui devient lui-même le nouveau présent. Les gens vivent dans une « bobine de film » et s’identifient dans ses aspects partiels ; ils n’ont plus la perception globale de la bobine temporelle, qui est continue, mais ils perçoivent le phénomène temporel de manière fragmentée, dans le passé et l’avenir, parce que leur conscience est limitée d’un extrait à un autre de connaissance. Supposons maintenant que cette conscience se développe et grandit comme une sphère énorme qui prend dans son champ de perception et de connaissance l’univers entier. Cela est suffisant pour surmonter la barrière du temps, que tu vas alors voir comme un ensemble uni et éternel. Le passé et le futur perdent leur sens relatif. Celui qui expérimente ce niveau de connaissance devient un « observateur » détaché, ayant à sa disposition un large champ de « vision ». Analogiquement parlant, tu es comme un touriste dans une vieille ville. Au début, tu te balades et tu visites des endroits intéressants, car tu n’as pas la possibilité de tout visiter en une fois. Les immeubles, les gens, les voitures, les arbres t’obstruent la vue. Mais si tu vas sur un balcon en hauteur, tu peux voir la ville d’un seul regard. Peu importe la zone ou l’immeuble que tu cherches, tu le retrouves immédiatement, car toute l’agitation de la ville, même fragmentée pour ses occupants, te paraît comme un ensemble. J’espère que cette analogie est suffisamment suggestive pour mieux comprendre le problème du temps. Le voyage dans le temps n’est rien d’autre que l’expansion de la connaissance qui a alors accès à l’énergie réelle du temps. Cela est difficile à faire et peu de gens arrivent à le maîtriser parfaitement. Il existe toutefois des étapes intermédiaires ; dans l’une de ces étapes se trouvait Octavian. Malheureusement, il a été muté dans une autre section, en1984, et je ne l’ai plus jamais revu.
Bien que j’aie compris l’essence de ses explications, il restait encore quelques zones d’ombre. Par exemple, ce n’était pas clair de savoir comment on pouvait développer sa conscience afin que, par la simple volonté, on puisse immédiatement percevoir un fragment du temps. Dès que ces problèmes surgirent dans mon esprit et alors que je me préparais à poser la question, la réponse de Cezar arriva spontanément :
- Pour réaliser un véritable déplacement dans le temps au niveau de la conscience, on a besoin d’une connaissance de finesse exceptionnelle. Dès que la « cible » temporelle est fermement fixée au niveau mental, en se concentrant sur cette zone, on va déclencher un processus de résonance, grâce auquel tu arrives à « vivre » dans le laps de temps ciblé, en t’identifiant parfaitement avec tes émotions et les caractéristiques de l’époque, tout comme le spectateur d’un film, qui d’une certaine manière « entre » dans la réalité de ce qu’il voit. En d’autres termes, tu vois, tu sens, tu goûtes, et touches, comme tu le fais habituellement dans ta tranche de temps, seulement les sensations ressenties sont propres à ce moment, car elles se sont déjà passées. C’est une certitude que l’expérience du déplacement dans le temps est véritable et pas seulement une illusion de l’imagination débordante de l’esprit. Il y a, bien sûr, la possibilité du voyage dans le temps physiquement parlant, mais la façon dont elle peut être réalisée implique des explications complexes ; en outre, la motivation d’un tel voyage doit être très importante, parce que les interférences peuvent être très importantes également.
Pour l’instant, j’étais satisfait de ces explications, mais dans mon for intérieur, je me disais que j’allais essayer d’expérimenter ces réalités fascinantes.
Le temps passé dans ce centre avait permis à Cezar de faire des progrès remarquables en développant ses capacités de perception et celles de l’action subtile. Une de ses expériences spirituelles extraordinaires était connue de l’énigmatique docteur Xien, qui l’avait guidé avec compétence et beaucoup d’attention pendant les moments difficiles.
Le docteur Xien et son assistante disparurent mystérieusement peu après la Révolution de 1989, sans que personne ne sache l’expliquer. Le point de vue général était que le contrat qu’il avait conclu était arrivé à son terme, j’étais certain que Cezar connaissait la vérité sur ce sujet, mais pour diverses raisons il ne souhaitait pas me donner plus de détails.
Les contacts entre Cezar et les autres occupants de l’établissement étaient peu nombreux et de circonstances, car à cet égard, il y avait des règles strictes. Par ailleurs, jusqu’au début de l’année 1986, c’était le seul à avoir été maintenu dans l’établissement sans être transféré. Aucun de ceux qu’il avait trouvés là-bas en 1980 n’était présent à son départ. Avec le temps, ses camarades avaient été envoyés dans d’autres villes, mais les raisons de ces transferts restaient inconnues. A la place de ceux qui partaient, des nouveaux arrivaient à chaque fois, et Cezar n’avait pas le temps d’apprendre grand-chose sur eux car ils repartaient relativement vite. L’année 1986 fut un « tournant » dans la vie de Cezar, avec une expérience spirituelle hors du commun. Les évènements de cette période étaient étroitement liés à la présence et aux actions du chef du département, le colonel Obadea. Il appréciait particulièrement Cezar et souvent ils discutaient ensemble de divers aspects qui impliquaient l’activité du département. Bien qu’il fût adolescent, Cezar ne correspondait pas aux modèles associés à cet âge. La vie et l’expérience acquise dans le cadre de ce département avaient d’autres normes, très supérieures à celles de la société extérieure ; l’endroit était comme tout droit sortie d’un monde parallèle, dans lequel les lois physiques, les concepts et les idées de ses habitants ne respectaient pas les normes de la société. Il est vrai que dans sa fonction de commandant du DZ, le colonel Obadea s’attardait particulièrement sur les aspects d’ordre militaire, de sécurité, administratifs et même politiques concernant la structure organisationnelle dont il avait la charge, mais il connaissait précisément le dossier secret de chaque « sujet » et suivait avec intérêt l’activité et les réalisations de ceux qui était amenés là. Obadea était l’une des rares personnes de la Securitate à cette époque qui possédait un esprit ouvert et une conduite morale d’exception. Il était très habile dans les jeux politiques qui confrontaient différentes forces et différents intérêts, et les évènements ultérieurs allaient démontrer que les plans et les idées du colonel seraient appliqués. Mais n’allons pas trop vite.
En 1986, Obadea était en conflit d’intérêts avec le général en chef de la Sécurité d’Etat, qui ne voyait pas d’un bon œil « l’indépendance » du département. Il avait déjà procédé à plusieurs contrôles de la base DZ, sans aucune justification. Cela lui permettait d’attaquer la position d’Obadea vis-à-vis de Ceausescu, en rédigeant des rapports qu’il présentait au dictateur avec des conclusions toujours négatives. L’idée était de faire destituer Obadea de ses fonctions, et d’assimiler le DZ à la structure globale de la Sécurité d’Etat, ce qui lui aurait permis de devenir décisionnaire dans ce département. Ce plan était rudimentaire et dépourvu de finesse ; même Ceausescu, connu pour sa suspicion, ne l’avait pris au sérieux, mais il y avait néanmoins des tensions. Par conséquent, Obadea devait agir prudemment et tout faire pour tromper la vigilance de son supérieur hiérarchique qui était le général en chef de la Securitate.
Cette année-là, le colonel prit une surprenante décision : Cezar irait visiter sa famille, justifiant cela par une « instabilité » émotionnelle chez le sujet, instabilité qui devait être atténuée.
- En réalité, me précisa Cezar avec un sourire, son intention était tout à fait différente. La visite que j’allais faire à mes parents n’était qu’un leurre, pour cacher une action beaucoup plus importante me concernant, car je connaissais parfaitement la situation de ma famille, même si physiquement j’étais loin d’elle. Je savais que mon père était mort deux ans auparavant d’un stupide accident, et que ma mère avait très mal supporté cette perte. Tu dois te demander comment je suis arrivé à savoir tout cela sans m’éloigner de la base et sans que personne ne m’en parle. Je dirais seulement que mon corps physique est limité dans son travail, mais la liberté de pensée et d’actions de mes autres corps est très grande.
Face à ma stupéfaction et mon incrédulité affichées, Cezar continua d’expliquer avec patience et bienveillance :
- Tes doutes sont dus à l’ignorance de certaines réalités essentielles. C’est comme si tu avais un manteau avec plein d’argent caché dans sa doublure et dont tu ignores l’existence ; tu continues de porter ce manteau, mais tu fais la manche tous les jours pour vivre. Je pense que tu as compris que je ne suis pas juste un corps physique. L’expérience va sans doute te prouver cette vérité. C’est alors que tu découvriras qu’un autre corps, plus « flexible » et « léger », est à ta disposition pour ainsi te dévoiler d’autres secrets. Bien entendu, ce corps, de nature plus subtil que le corps physique, est gouverné par certaines lois et restrictions, parce qu’il existe des structures insoupçonnées de notre être. Comparées au corps physique, elles se trouvent dans une dimension nommée « astrale » par les occultistes. L’acquisition de la capacité à être conscient de ton corps astral, au même titre que de ton corps physique, est un processus relativement facile pour certaines personnes et implique un certain degré de purification et d’élévation de la conscience à ce niveau. Il y a beaucoup d’êtres humains qui ont vécu au moins une fois une telle expérience, appelée par les spécialistes « dédoublement astral conscient » ou « expérience extracorporelle ». Une telle expérience peut arriver accidentellement, par exemple suite à une forte émotion ; pendant le sommeil quand on est conscient de rêver ; ou par la volonté, à n’importe quel moment, mais c’est plus difficile à obtenir. Certaines personnes, qui ont atteint un haut degré de capacité physique et spirituelle, sont pleinement conscientes des actions de leurs corps astraux alors même qu’ils vivent et agissent normalement dans leurs corps physiques. Toutefois, cela implique un niveau très élevé de développement de la conscience individuelle, dont on ne parle pas pour l’instant. Généralement, ceux qui vivent l’expérience du dédoublement astral conscient souhaitent obtenir des informations ou accéder à des endroits ou des circonstances particulières, pour des raisons égoïstes et malveillantes. Cette méthode a été, et est encore utilisée, avec une certaine marge d’erreur, dans les actes d’espionnage militaire, économique ou politique par les grandes puissances mondiales. Mais ceux qui pratiquent cette puissance psychique de manière égoïste doivent faire face à de nombreux échecs et déceptions aux niveaux inférieurs de la pensée et du comportement, parce qu’ils ignorent certaines lois essentielles dans l’harmonie entre l’action et son résultat. C’est comme un tuyau dans lequel l’eau circule librement : si des saletés commencent à se déposer, cela encombre cette circulation pour finalement la bloquer complètement. Par conséquent, beaucoup de ceux qui ont apprécié au début leurs divers pouvoirs psychiques qu’ils ont acquis, ou dont ils disposaient déjà, ont pu constater avec le temps une diminution de ces pouvoirs, jusqu’à leur disparition totale dans certains cas. Tu dois comprendre l’importance d’une telle responsabilité d’action. Sache que dans leur grande majorité, par ignorance ou commodité, les gens préfèrent nier des choses ou des faits auxquels ils n’ont pas accès immédiat par le toucher ou l’expérience directe. Rares sont ceux qui, en raison d’un certain degré d’élévation, comprennent que la liberté d’action qu’ils ont, par exemple par la projection astrale consciente, est une réalité qu’ils doivent utiliser de façon constructive et non égoïste. On peut observer et connaître des aspects de la vie ordinaire, mais il est également possible de connaître des secrets que certains voudraient obtenir mais sans en avoir la capacité. Bien que sur le plan astral comme sur le physique il existe certaines « barrières » qui bloquent l’accès à des informations secrètes, la liberté d’action et de mouvement est incomparable à celle du plan physique. Les obstacles du domaine astral sont destinés à filtrer ceux qui veulent connaître certains secrets, tant par leur fréquence vibratoire que par leurs intentions poursuivies. Dans le domaine astral, le mouvement est complètement différent de celui du monde physique, il se plie à la volonté avec une certaine vitesse – généralement élevée – ou presque instantanément, et ce dans tous les coins de la planète : sous l’eau, sous terre, en surface ou dans l’air. Les plus spéciaux sont les mouvements dans l’espace, sur d’autres planètes ou corps célestes, mais dans une première phase ces expériences doivent se limiter à notre système solaire. Peu à peu, en fonction de la compréhension des lois secrètes de l’univers, les mouvements peuvent s’étendre au niveau galactique, afin d’explorer les différentes parties de notre galaxie. Concernant les projections de notre conscience individuelle à l’échelle intergalactique, elles s’effectuent avec d’autres corps, plus subtils que l’astral, mais nous n’allons pas aborder ici et maintenant ce sujet. Ce que je voulais te faire comprendre, c’est que la matière physique n’influence pas le mouvement du corps astral. En revanche, ce mouvement est obstrué par certaines forces et entités agissant dans certains « points » ou « zones clefs », tant sur le plan astral que sur le physique, où l’accès à l’information est bloqué. Par exemple, ce genre de restriction peut être trouvée dans la protection de certains trésors ou dépôts de nature secrète, à certaines portes, souterrains ou chemins d’accès rapide vers d’autres points de la planète ou même d’autres mondes. A d’autres moments, les « blocages » astraux limitent l’accès à certaines initiations occultes protégées par des entités spécialement invoquées. Il ne faut pas comprendre que ces restrictions sont immuables, elles concernent surtout ceux qui ne sont pas suffisamment évolués pour affronter certains mystères sans les utiliser dans un but personnel. Il reste encore beaucoup à raconter sur les moyens d’acquérir la puissance de la projection astrale, et d’autres détails qui se rapportent effectivement au fractionnement astral, mais viendra le moment où nous aurons l’occasion d’en discuter plus en détail.
La véritable intention du colonel Obadea n’était pas de m’envoyer à F… pour visiter ma mère – accompagné d’une garde spéciale bien sûr – mais de faire un déplacement secret au monastère Cernica près de Bucarest. Tu peux imaginer qu’en ce temps le déplacement de certaines personnalités politiques ou militaires du pays était très dangereux. Je ne savais rien du but de ce voyage jusqu’à ce que l’on soit arrivé aux portes de l’église. J’étais accompagné du colonel Obadea et le trajet avait eu lieu de nuit en hélicoptère jusqu’à Bucarest, et jusqu’à Cernica en véhicule tout terrain. En chemin, le colonel m’avait dit qu’il voulait que je rencontre et que je parle à une personne d’église, un prêtre particulier, qui était un vrai saint dans sa vie, avec de grands pouvoirs et grâces divines. A l’entrée du monastère, il y avait beaucoup de véhicules, des gens venus des quatre coins du pays pour visiter le monastère et pour prier. Le colonel Obadea m’avait expliqué que quasiment tous ces gens attendaient de parler avec ce prêtre : Arsenie Boca. Notre rencontre était déjà programmée, et pendant qu’on traversait la cour du monastère pour aller vers la cellule du prêtre, j’ai observé deux gardes en civil d’un côté et de l’autre de la porte. Les deux gardes étaient là pour s’assurer que nous n’allions pas être dérangés pendant notre discussion. Bien qu’il ne fît pas encore jour, dans la cour quelques moines s’activaient rapidement et discrètement pour la prière du matin.
Avant d’entrer dans la cellule du prêtre, Obadea me dit :
- La seule chose que je te demande est de parler très ouvertement avec le père Arsenie. Nous serons juste le prêtre et nous dans la cellule, et cette discussion doit rester top secrète. Nous avons beaucoup d’ennemis.
Je hochai la tête en signe d’accord. Le colonel était un homme intelligent qui savait passer entre les mailles du système communiste imposé par Ceausescu, il avait bien deviné que les jours de cette dictature étaient comptés. Nous étions en 1986. Pendant cette période, les actes du colonel devaient laisser l’impression d’une activité irréprochable, en parallèle à la préparation du terrain pour le « nouveau passage ». Il avait tenu sept ans à la tête du département – fait rarissime pour l’époque – et il voulait éviter toute erreur, surtout à présent, quand l’espoir d’une nouvelle vie se présentait pour la totalité du pays. Toute action dans ce sens devait être planifiée minutieusement et exécutée avec une grande application. Le changement que tout le monde attendait – la population, et certains chefs politiques et militaires – était imminent, mais il devait se produire dans des conditions de sécurité maximale pour prévenir toute défaillance possible. Toute organisation était dangereuse et la confiance quasiment impossible, il ne restait au colonel Obadea qu’un petit couloir d’action très étroit, celui du DZ dont il était le chef. Intelligemment utilisé, ce plan d’action pouvait se révéler très efficace.
Le colonel n’avait pas d’aspirations politiques et ne voulait pas non plus entrer dans la sphère des affaires, il était principalement intéressé par la transition, le maintien et le développement de ce qui avait été réalisé dans le cadre du département. Il avait une vision pratique des événements entourant le département ainsi qu’une grande confiance dans les aspects occultes et initiatiques, cherchant à combiner de façon utile les conjonctures de la vie physique avec des méthodes d’action subtiles. Prudent, le colonel Obadea calculait soigneusement chaque étape avant qu’elle ne s’avère fatale ; dans sa situation, ce n’est pas sa fonction qui était en danger, mais sa vie. Même si ses relations avec Ceausescu étaient assez bonnes, il n’avait pas le droit à l’erreur, parce qu’il savait que le dictateur n’allait pas hésiter un instant à l’exécuter si ses intentions étaient démasquées. « Les loups sont toujours à l’affût », me disait-il souvent. Son plan était relativement simple : si certains étaient surpris par sa visite à Cernica et posaient des questions, tout serait justifié par la « particularité de l’activité ». Il invoquerait des « vérifications » et « des expérimentations » très secrètes. Si tout se déroulait normalement, le mystère de notre conversation avec le père Arsenie ne serait connu que de trois personnes. Le prêtre allait mourir trois ans plus tard, en 1989, peu avant la Révolution ; il ne restait plus que moi, et j’étais une source relativement « verrouillée » vis-à-vis du monde extérieur. Dans le cadre d’une enquête approfondie les choses n’auraient pas été si simples, mais le choix du colonel semblait le moins dangereux. Ce qu’il faut comprendre, c’est que cela a pris près de six ans à Obadea pour se décider à me faire confiance. Je suis certain qu’il a étudié attentivement les fiches du docteur Xien me concernant, en m’observant discrètement dans différentes situations en me soumettant indirectement à certains tests. Cela explique le fait que je n’ai jamais été muté de la base de B… . comme c’est arrivé à tous mes camarades. A Cernica, j’ai compris qu’Obadea avait pour but de me préparer en secret, de me « former » pour certains projets d’avenir. Cette initiative était facilitée par le fait qu’à mon tour j’avais sympathisé avec le colonel et sa nature sincère.
Ce que Cezar me racontait réveilla en moi des sensations inattendues. J’avais entendu parler du grand saint Arsenie Boca de Transylvanie, du monastère Sâmbata et je savais qu’il avait été persécuté par le régime communiste. Les dires sur sa grâce divine et ses pouvoirs avaient fait le tour du pays, mais tout était étouffé par l’idéologie typiquement communiste. Afin d’éviter que les gens ne viennent en masse se faire bénir chez le prêtre, les autorités le déplaçaient secrètement dans divers monastères, ou l’empêchaient de parler aux gens. Le père Arsenie venait très rarement au monastère de Cernica. Des rumeurs disaient que sa présence occasionnelle dans ce monastère était due à l’intervention de personnalités politiques de l’époque, voire de la direction du pays, afin qu’ils puissent lui parler sans prendre de risques. C’était un fait connu que les politiques allaient le voir en secret, même quand il n’était pas à Cernica.
Dans le cas du déplacement du colonel Obadea et de Cezar à Cernica, le problème était différent : Cezar n’était pas celui qui avait demandé à rencontrer le père Arsenie, et ce n’était pas lui non plus qui voulait apprendre quelque chose du prêtre. Cezar avait déjà vécu certaines expériences spirituelles très profondes, ce que le prêtre devina immédiatement. La rencontre fut aussi étrange et énigmatique que l’on peut l’imaginer.
Cezar reprit le cours de son histoire :
- En effet, à l’aube de cette journée il régnait un climat étrange à Cernica. Personne ne savait ce qui se passait, qui devait venir ou ce qui allait suivre. Cette agitation n’était perceptible que de l’extérieur, parmi les fidèles qui attendaient d’accéder au monastère, alimentés par des incertitudes et des hypothèses. J’ai appris plus tard qu’à un certain moment, les gens furent traversés par un frisson à la rumeur que le père Arsenie pouvait être incarcéré. Le psychisme des masses est très instable et d’une grande réceptivité. Certaines personnes et organisation occultes connaissent des méthodes pour influencer de manière décisive, juste par la parole, les opinions de grands groupes de gens. En outre, sur cette caractéristique concernant l’inconscient des masses humaines, s’appuient des théories de la diversion, de la rumeur et de la manipulation. De plus, en étant soutenues par une influence et une manipulation théologique – par exemple, par le biais des ondes d’énergie à une certaine fréquence –, les effets sont garantis. Il ne faut cependant pas conclure que les masses sont dépourvues de spontanéité. Le problème est plus complexe, car les méthodes de manipulation utilisées sur le plan physique peuvent être contrées avec succès et éliminées par des actions de nature purement spirituelle, surtout avec l’aide de plusieurs personnes. Dans le cas de la manipulation maléfique, les gens deviennent comme des robots en exécutant des actions mécaniquement, leurs esprits sont alors pratiquement inertes. Mais dans le cas de l’action positive et profondément bénéfique réalisée grâce à des méthodes initiatiques, leurs esprits profitent d’une grande liberté et de l’ouverture de leur horizon individuel. C’est alors qu’ils commencent à comprendre l’importance fondamentale du libre arbitre dont ils disposent. C’est là, la lutte des groupes occultes : la suppression par tous les moyens du libre arbitre, de la possibilité de liberté individuelle et des capacités de connaissance de la vérité de l’existence. Si tu as la curiosité d’analyser au moins une partie du système social actuel d’information et de gestion dans le monde, tu seras en mesure de constater que tout est fait dans le but de supprimer, fermer ou limiter l’individu, non pas dans le but de son développement et la connaissance de sa liberté comme on le laisse croire à travers de faux slogans. Ce n’est pas maintenant que nous allons développer ce thème très important duquel dépend le futur de l’humanité, mais je te dévoilerai d’autres aspects pour que tu puisses comprendre le système complexe mis en place pour la domination du monde. Pour l’instant, je me contenterai de te dire que le « microbe » qui engendre la « maladie » fatale dans l’existence humaine est l’ignorance maintenue par certains groupes occultes, mais aussi le manque de volonté individuelle pour surmonter cette « maladie ». Je vais maintenant revenir à ma rencontre avec le père Arsenie Boca.
Très concentré sur son histoire, Cezar changea de position sur sa chaise et continua.
- J’ai fait une parenthèse sur le fait que les gens avaient commencé à répandre des rumeurs aberrantes. Mais la vérité est beaucoup plus simple. Je ne vais pas te raconter ma conversation avec le prêtre, qui a duré plus de trois heures. Le colonel, apprenant certains aspects de son existence dans le futur, avait progressivement abandonné le masque inflexible qu’il avait pris au fil du temps en raison de sa déformation professionnelle. Je peux te dire qu’Arsenie Boca faisait partie de cette catégorie d’hommes sages qui, même s’ils ont leur corps physique sur Terre, ont déjà établi leur conscience dans les Cieux. Cet homme m’a réellement laissé une forte impression. Tous les pouvoirs et la force que j’avais ou que j’avais vus chez d’autres, ne valaient rien face à cette grandeur brillante, pure et divine qui émanait du visage du prêtre. Sa sainteté et son pouvoir de pénétration dans l’esprit et l’âme de l’homme étaient extraordinaires, et se produisaient instantanément quand tu étais en sa présence, et déclenchaient dans ton propre corps une sorte de joie et d’aspiration qui te poussait à t’offrir délibérément à cet homme. C’était un sentiment ineffable, avec des liaisons directes avec le ressort spirituel de notre être, qui est éternel, pur et indestructible. Métaphoriquement, si l’on associe le chemin vers cette source mystérieuse avec le creusement d’un puits, alors tu sais que l’eau froide et limpide que tu vas atteindre est comme l’eau-de-vie que tu vas boire dans l’éternité. Arsenie Boca avait l’étonnante influence subtile qui te fait induire spontanément la présence de cette eau au plus profond de ton être, bien avant que tu ne l’atteignes. Naît alors en toi un sentiment d’amour et de dévouement qui te laisse entrevoir le niveau spirituel de grâce divine que le prêtre avait atteint. Parce que moi-même j’étais capable de sentir et de connaître des limites suffisamment étendues, je n’ai eu aucune difficulté à comprendre les nuances très fines du rayonnement physique que manifestait Arsenie. Sa connaissance était instantanée et si profonde qu’elle provoquait chez son interlocuteur de réelles expériences cathartiques qui apparaissaient conformément aux possibilités et aspirations de chacun. La sensation que j’ai eue à ce moment est proche d’un profond sentiment de connaissance, indissociable d’une forme d’amour pur et innocent. Mais je ne souhaite pas développer mes impressions pour ne pas rentrer dans des observations de nature métaphysique qui ne te serviraient à rien, et que je ne suis même pas sûr que tu puisses les comprendre. Habituellement, on commence à comprendre après quelques recherches dans cette direction. La majeure partie des gens sont fixés sur la routine journalière de leurs activités modernes et ce genre d’idées, comme, par exemple, la relation entre la connaissance et l’amour, leur semblent aberrant et fou, et, dans le meilleur des cas, on essaye de te persuader que tu es dans l’erreur. Ces personnes meurent de soif sans s’en rendre compte. Le père Arsenie avait une expression de vie infaillible, comme celle de quelqu’un qui arrive à vivre dans un bonheur absolu et d’une rare pureté. Selon la capacité de compréhension de chacun, ceux qui l’entouraient pouvaient ressentir une légère sensation de ce bonheur qui l’entourait tel un diapason qui vibre seul quand il est près d’un piano qui joue la bonne note. La bonne influence, la patience et la compassion, peuvent transformer les âmes les plus sombres. Le colonel Obadea avait ressenti dès le début l’influence mystérieuse et subtile du père Arsenie. Avec une bonté sans fin, Arsenie Boca l’a conseillé sur la façon de procéder pour éviter les événements à venir, mais en ce qui me concerne, longtemps après être entré dans la petite pièce, j’ai réalisé qu’il ne m’avait même pas regardé, comme si je n’existais pas. Pendant ce temps, le colonel écoutait, stupéfait par les paroles du saint homme. Environ une demi-heure plus tard, il s’est tourné vers moi et m’a dit que dans mon cas il n’était pas nécessaire de s’exprimer, car j’avais trouvé moi-même la lumière qui allait m’aider à m’en sortir. Il a ensuite détaillé avec précision la façon dont Obadea et moi allions devoir travailler pour réussir nos actions futures d’une grande importance, détails qui surprendront le monde entier vingt ans plus tard. Même si je me trouvais déjà dans un état profond quand il a commencé à tout expliquer en détail, je fus secoué par un tremblement puissant dans tout le corps, qui entraîna dans mon esprit l’émergence de certaines intuitions et corrélations complexes.
A ce moment Cezar s’arrêta quelques instants, pensif. Moi, j’étais agité et tendu.
- Cela signifie que le père Arsenie t’a également parlé de moi, du fait que nous allions nous rencontrer, et que tu me raconterais tout cela et que tu me proposerais de publier un livre sur ces événements ?
Il sourit et conserva une attitude concentrée.
- Il nous a précisé que nous allions trouver les moyens adéquats de semer puis d’accompagner la floraison du développement spirituel de ce peuple. Il a spécifié que des informations allaient être publiées qui auraient un rôle important dans ce processus, mais les aspects secondaires de cette réalisation, comme ta décision et d’autres éléments autour, tenaient da ma propre organisation et des modalités que j’aurais mises en place pour cette action.
- A-t-il parlé de la grande découverte qui allait être faite et de l’endroit ? ai-je alors insisté.
- Non, il n’a rien dit dans ce sens. Il a juste dit que cela allait sûrement être sur notre territoire et que l’impact serait tellement grand qu’il n’avait pas besoin de donner plus de détails. Mais il a répété à plusieurs reprises que ce serait une bataille féroce. Toutefois, je ne savais pas à quoi il faisait allusion.
Je peux dire que les prédictions du père Arsenie furent très précises. Comme on le verrait plus tard, l’hallucinante découverte fut faite en 2003, dix-sept ans après cette mémorable rencontre. Elle fit en effet trembler les fondations politiques, scientifiques et religieuses d’une grande puissance telle que les Etats-Unis. Ce devint immédiatement un terrible secret mondial et impliqua une lutte diplomatique avec des pressions politiques extraordinaires, parce que la Roumanie avait souhaité présenter cette découverte au monde entier. Du fait de sa spécificité, cette découverte menaçait l’influence idéologique politique du Vatican et brisait irrémédiablement à la fois la conception anthropologique de la science moderne et les idées sur l'histoire de l'humanité sur notre planète. Au moment où il me racontait la discussion avec Arsene Boca, Cezar lui-même ne connaissait pas la nature de cette découverte qui allait être faite, ni où ni comment parce que notre conversation avait eu lieu au début de l’année 2002. La façon dont les éléments s’accélérèrent, les incroyables connexions et les sources qui contribuèrent à cette découverte me permettent maintenant, alors que j’ai connaissance de tous les éléments impliqués, d’avoir une vision fascinante de l’ensemble, de l’engrenage étonnamment complexe qui a conduit à l’instant fatidique de la découverte. Cette découverte semble être un point de départ, comme un premier « arrêt » capital sur la voie de la transformation de la conscience de l’humanité, d’autant plus remarquable du fait qu’elle s’est produite en Roumanie. Comme on le verra par la suite, la découverte ne fut que l’antichambre d’autres réalités plus troubles, que Cezar et une équipe de spécialistes américains et roumains allaient étudier dans le cadre d’une « grande expédition » réalisée en 2003 (d’octobre 2003 à juin 2004). Pour avoir été sur le lieu de la découverte, je connais en détail la nature et les localisations de l’expédition effectuée. Je savais que Cezar prendrait contact avec moi peu de temps après et que j’aurais les détails nécessaires, et que la publication de ces informations serait très controversée. Initialement, l’Etat roumain avait souhaité partager cette découverte avec le monde entier et la mettre à disposition des chercheurs. On avait pensé que ce n’était pas un problème d’intérêt national, mais mondial. La lutte menée en coulisses pour empêcher la divulgation fut d’une force exceptionnelle et menée par l’intervention majeure des Etats-Unis. Les échanges diplomatiques, les arguments pour et contre, les promesses et les menaces durèrent environ deux mois (d’août à septembre 2003). Suite à un accord top secret signé entre les deux pays, la Roumanie s’engagea à ne pas divulguer au monde entier la découverte réalisée sur son territoire. Il est probable que son entrée précipitée à l’OTAN, au printemps 2004, fit partie du paquet de « compensations » pour cet engagement. Dans ce contexte, l’installation de bases militaires américaines sur le territoire roumain deviendrait une certitude dans les années suivantes, constituant ainsi un rempart puissant autour des monts Bucegi. Les détails en sont complexes et secrets. Je ne connaissais pas encore les avantages obtenus par notre pays dans ses rapports bilatéraux avec les États-Unis, mais il existait une certaine bienveillance au plus haut niveau diplomatique. Toutefois, les « mouvements en coulisses » des Etats Unis durent se dérouler avec une grande précaution, pour ne pas attirer l’attention des autres états qui ne pouvaient comprendre l’intérêt subit des Etats-Unis pour la Roumanie. Le secret de la découverte était quasiment absolu. Je n’avais jamais vu cela, la charge de sa protection étant assurée en grande partie par les américains. Je décrirai ces questions en temps voulu, mais je peux déjà affirmer qu’il n’existait aucun document, écrit, filmé ou photographié, ayant quitté la zone de la découverte. Un immense hangar souterrain fut construit pour le stockage des documents et la manipulation de l’équipement technique. C’était une véritable usine, complètement équipée, et l’idée de sa construction s’était avérée très inspirée. Selon les informations que je détenais, la Roumanie n’avait pas pris un engagement ferme concernant la protection du secret de cette grande découverte, mais je ne connaissais pas entièrement les termes de cet accord. Actuellement, les méthodes employées pour garder ce secret sont la désinformation et l’absence de toute preuve matérielle. La réalisation n’en est pas évidente mais selon moi elle a été menée avec succès, or cela ne pourra pas continuer longtemps. Nous examinerons ces aspects après avoir présenté les éléments qui ont conduit à cette découverte d’exception sur le territoire roumain.
- L’idée était de ne faire aucun faux pas au cours de cette période pendant laquelle le dictateur commençait à se sentir « coincé », poursuivit Cezar. Le père Arsenie nous expliqua ensuite que Ceausescu lui avait rendu visite deux fois, en secret et en prenant toutes les précautions nécessaires. La dernière visite datait de quelques mois à peine. Il voulait connaître l’évolution de son pouvoir au sein de l’Etat, car il apparaissait des signes inquiétants d’instabilité du système politique, économique et social, à la fois dans le pays et également ailleurs au sein du bloc communiste. Le moine lui spécifia alors que s’il continuait à conduire le pays avec les mêmes méthodes inhumaines, il perdrait sa vie soudainement et de façon violente. En apprenant cela, Ceausescu s’énerva terriblement, et il fit une crise d’hystérie qui n’impressionna guère Arsenie Boca. Il menaça le prêtre et partit furieux et bouleversé. Le père Arsenie nous révéla qu’il savait qu’on souhaitait sa mort et que des actions menées dans ce sens avaient débuté immédiatement après cette entrevue. Il nous avoua également qu’il allait partir bientôt dans le royaume du Père Céleste en quittant ce monde à cause d’un complot ignoble dont le but serait de l’empoisonner. Cependant, il n’empêcherait pas ce projet car sa mission spirituelle sur terre serait achevée. Puis il sortit d’une malle un livre épais et très usé, écrit en grec ancien qui lui venait des saints chrétiens du mont Athos. Dans ce livre, nous dit le père Arsenie, se trouve la description de l’hydre au souffle empoisonné, qui cherchera par tous les moyens d’empêcher la lumière et volonté divine. Vous devez faire face à cette menace avec sagesse et la sagesse vous sera donnée à vous et à beaucoup d'autres pour repousser le Mal. Vous verrez et comprendrez la souillure partout autour de vous : au travail, dans les magasins, dans les institutions publiques, en particulier dans la politique. Malheureusement, elle va se faufiler au sein de l’Eglise même, en souillant les âmes. Les gens vont quasiment perdre tout espoir. Seulement, ceux qui garderont leur foi seront sauvés et grande sera alors la gloire de Dieu sur eux.
Le père Arsenie développa ensuite le sujet et déclara que le « travail diabolique » n’était pas propre à notre époque, mais qu’il existait depuis l’Antiquité, depuis des centaines voire des milliers d’années en préparant le terrain pour la lutte finale qui approchait. Le plan du « travail diabolique » était minutieux et grâce au pouvoir de l’argent et des vices comme le mensonge, la tromperie, l’intrigue et le meurtre, ceux qui les pratiquaient avaient presque atteint leur but, qui était le contrôle et la domination du monde. Ici, cependant, le père fit une déclaration inattendue, qui eut le don de nous choquer dans une certaine mesure. Il déclara que, paradoxalement et en peu de temps, l’attention du monde se concentrerait sur notre pays en raison des changements extraordinaires qui se produiraient et aux signes spécifiques qui dépasseraient de loin la puissance limitée de la compréhension des connaissances matérialistes. Arsenie Boca précisa également que tout serait la volonté de Dieu, car tout était cyclique et devait retourner d’où il avait commencé.
Hébété, j’écoutais Cezar, son histoire venait à l’encontre de toute logique, et toute personne l’aurait reçue avec prudence. En ce qui me concernait, même si j’avais une grande confiance en Cezar, ses affirmations rentraient difficilement dans mon esprit. Premièrement, je ne disposais d’aucune base référentielle pour le comprendre et l’accepter ; deuxièmement, ma foi n’était pas encore très forte, j’avais donc l’impulsion de considérer les prédictions du père Arsenie comme étant erronées et fantasmagoriques. Cependant, quelque part dans les profondeurs de mon cœur brillait une lumière qui me donnait un profond sentiment d’espoir, et aussi des frissons à l’idée des temps qui allaient venir. Accidentellement, après mes discussions avec Cezar, j’eus l’occasion de lire quelques brochures qui abordaient le même sujet, écrites par des auteurs différents. Je fus obligé de remarquer avec une certaine tristesse que l’attitude des différentes personnalités ou gens de la haute société de Bucarest ou de l’élite intellectuelle roumaine était particulièrement ironique ou, au mieux, indifférente. Evidemment, on ne pouvait pas attendre que de telles prédictions aillent les réveiller immédiatement de leur « engourdissement » spirituel, esclaves de leurs conditions extérieures de luxe, de confort, de richesse, d’influence et de pouvoir. Il existait une chance qu’au moins une partie de ces personnes se pose des questions au sujet de la vie qu’elles menaient et la nature de leurs actions. En d’autres termes, il existait une chance pour eux de devenir plus matures et plus responsables, car il est bien connu que la transformation des conditions de l’existence implique principalement la transformation de la conscience individuelle. Cela est réalisable grâce à une vision supérieure de la perception de l’existence, déterminée par des principes et idéaux complètement différents de ceux qui sont impurs, ignobles et grossiers. Les moyens les plus efficaces pour parvenir à une transformation rapide de la conscience, même à l’échelle nationale ou mondiale, sont l’amour et l’altruisme dans leur forme pure et non dissimulée. Pour les plus sensibles au cœur pur et aux intentions généreuses, cette simple observation est un argument de bon sens qui soutient implicitement la foi qu’ils portent dans leur cœur. Mais pour les orgueilleux, les matérialistes et les égoïstes, une telle idée n’est qu’une blague, au mieux un signe « d’inadaptation aux réalités actuelles » de ceux qui soutiennent que l’on peut aimer de façon sincère et aider son prochain dans le besoin sans rien obtenir en échange. Cela va à l’encontre des idées qu’ils ont sur la vie et la façon dont ils vivent. Dieu et les choses saintes n’ont aucune place dans leur vie. Les questions du culte, les religions, l’Eglise et de façon générale les aspects spirituels sont vus dans leur grande majorité comme une sorte de « remplissage » nécessaire à l’équilibre d’une société.
Alors que je réfléchissais à ces questions, Cezar reprit son discours :
- Le père Arsenie a pointé précisément les principaux problèmes qui se produiront dans un avenir proche en Roumanie, mais nous a conseillé de ne pas abandonner le chemin entamé, quelles que soient les difficultés que nous rencontrerions. Ce qui m’a alors frappé était qu’il parlait toujours au pluriel sur ce que moi je devais accomplir avec Obadea, considérant que c’était normal. L’avenir confirmerait avec éloquence qu’il avait raison. A la fin de la rencontre, il regarda fixement le colonel en lui disant : « Merci d’avoir eu foi dans ton cœur et d’avoir suivi l’appel reçu dans ton rêve. Partez maintenant, et que la gloire de Dieu soit avec vous ! ». Après être repartis, le colonel Obadea m’expliqua qu’une semaine auparavant, il avait eu un rêve étrange, où le père Arsenie lui était apparu entouré d’une lumière aveuglante et lui avait fermement demandé de venir le voir en ma compagnie au Monastère de Cernica. A partir de ce moment, une foi puissante envahit mon cœur ainsi qu’un état de bonheur délicat qui ne m’a jamais quitté. Ce qui a suivi pendant les entraînements secrets à la base B… . n’ont fait que me préparer au mieux aux événements qui allaient influencer ma vie pendant les quinze années suivantes.
Cezar interrompit alors son récit, étant appelé en urgence à un certain endroit. J’assimilai un peu « à la volée » la multitude d’informations auxquels j’étais confronté, et je formulai différentes conclusions selon ma propre compréhension. Si quelque chose ne me semblait pas clair, j’écrivais le problème sur un papier et l’on en rediscuterait lors d’une rencontre ultérieure.
Plusieurs mois avaient passé depuis la dernière rencontre, temps au cours duquel j’avais mis en ordre les principales idées et débuté le plan du travail à venir. J’avais lu plusieurs livres sur des sujets ésotériques et spirituels, cherchant toujours à garder une position équilibrée dans l’appréciation des diverses idées présentées, je structurais ainsi de façon progressive des informations et des aspects initiatiques, de par leur mystère et leurs originalités, constituant ainsi une mine de richesses inestimables pour ceux qui sont intéressés par l’approfondissement du sujet.
Jusqu’à juin 2003, je rencontrai Cezar par deux fois. Le contenu de son récit souligna la nécessité d’écrire ce livre. Par ailleurs, je pense que ce furent les conversations les plus palpitantes, durant lesquelles Cezar me révéla des vérités stupéfiantes sur les moyens occultes de domination du monde. En même temps, je pus comprendre de façon profonde les nuances subtiles du bien et du mal que j’ignorais totalement. Toutes les implications factuelles, morales et psychologiques que je présenterai encore furent relatées par Cezar avec patience et persévérance, même lorsque je souhaitais des informations supplémentaires, car il pensait que ces aspects étaient l’essence même du message qu’il souhaitait passer au monde. Pour ma part, dans la conjoncture actuelle, tant au niveau national que mondial, la présentation détaillée des plans et des actes de l’Organisation occulte redoutée constituait quasiment un devoir moral, et une impulsion naturelle me poussait à agir.
A mon avis, les gens devaient être avertis de l’immense danger que l’Organisation représentait, le danger se propageant partout dans le monde comme la peste. Ils devaient être mis au courant des méthodes spécifiques et des actions de l’Organisation, telles qu’elles se reflétaient dans la vie quotidienne, et de comment se défendre des machinations, intrigues et chicaneries qui étouffaient toute tendance de liberté. Parce que les gens étaient structurés de façons différentes, ils sentaient, pensaient et agissaient de façons différentes. Par conséquent, les informations que je présenterai par la suite soit les rendraient méfiants, sceptiques, ironiques ou négligents ; soit cela les secouerait au plus profond de leur être et leur ferait découvrir les tenants et aboutissants des agissements du plus terrible fléau qui ait jamais menacé l’humanité, à savoir l’Organisation occulte qui était la franc-maçonnerie. C’était une maladie grave, elle broyait le corps de l’humanité, en menaçant d’arriver à son entière destruction.
La franc-maçonnerie utilisait comme méthode le « courant d’opinion », qu’elle dirigeait dans n’importe quelle direction lorsque ses intérêts étaient en cause. Cette même « arme » pouvait être, et devait être, retournée contre l’assaillant. Lorsque l’on arrivait à une compréhension correcte et profonde de certaines réalités, la liberté de pensée et d’action des humains devenait une véritable source de bonheur. En fait, la liberté de pensée et d’action représentait la menace la plus terrible pour la franc-maçonnerie, parce que cette liberté permettait aux gens de devenir lucides à la fois en termes de condition existentielle, mais également sur la façon dont la société contemporaine était structurée. La liberté de penser et d’actions des peuples conduirait inévitablement à l’effondrement de l’immense échafaudage maléfique de plans, intrigues et idées constitués avec tant de mal par la franc-maçonnerie pendant des générations. Ce nécessaire « réveil » de l’humanité face à la réalité dans laquelle elle se trouvait se synchroniserait avec la grande transformation et le passage de la planète entière vers une nouvelle ère, celle de la vérité et de la connaissance spirituelle.