Nous autres psys, avons pour habitude de ne jamais juger nos patients – ou de nous efforcer de ne jamais le faire. Mais c’est parfois compliqué : je me souviens d’un homme qui était venu en consultation me demander de l’aide pour ses pulsions pédophiles. Il me disait n’être jamais passé à l’acte, mais sentait que c’était de plus en plus difficile de se contenir. Je ne l’ai pas soigné moi-même, car j’étais totalement inexpérimenté face à ce type de difficultés – je l’ai orienté vers un collègue. Mais notre rencontre était délicate pour moi, qui, comme tout le monde, suis habité par un jugement très défavorable sur la pédophilie, jugement qui me semble pleinement légitime, sur un plan moral. J’ai repensé alors aux propos d’un collègue américain, Jonathan Haidt, sur ces questions morales. Il disait en substance : si, face à une question, vous pensez qu’il peut y avoir légitimement plusieurs opinions et attitudes possibles, alors c’est que cette question ne relève pas pour vous de la morale, mais du goût personnel. Si, en revanche, vous pensez qu’il n’y a qu’une option possible, cette question est à vos yeux une question morale. Ainsi, avoir des rapports sexuels avant le mariage est une option désormais admise par la majorité des Occidentaux qui n’en font donc plus une question morale. En revanche, personne ou presque ne dira qu’avoir des rapports sexuels avec des enfants est une question de choix individuel qu’il faut respecter ; tout le monde en fait une question morale.

Il me semble que la morale est indispensable non seulement au bon fonctionnement des sociétés, mais aussi à celui des personnes, et c’est pourquoi je suis heureux de vous écouter à ce sujet : un philosophe et un moine en savent sur ce point bien davantage qu’un psy !

Christophe