11.
L'article 35 des réglementations fédérales de procédure pénale expose le seul et unique mécanisme relatif à la commutation d'une peine de prison. Ce texte est d'une impeccable logique et convient parfaitement à ma situation. Si un détenu peut résoudre un délit criminel, autre que le sien, qui suscite l'intérêt des fédéraux, sa sentence peut être réduite. Naturellement, cela requiert la coopération des autorités chargées de l'enquête – le FBI, la DEA, la CIA, l'ATF (le Bureau de l'alcool, du tabac et des armes à feu), etc. – et du tribunal devant lequel le détenu a été condamné.
Si tout se déroule comme prévu, j'aurai bientôt le privilège de revoir Son Honneur, le juge Slater, et cette fois ce sera moi qui fixerai les conditions.
C'est le retour de la cavalerie.
Le directeur est bien plus aimable avec moi, ces temps-ci. Il s'imagine détenir une pièce de choix que de gros bonnets convoitent, et il a très envie d'être au cœur de l'action. Je prends un siège, en face de lui, à son bureau, et il me demande si je veux un café. Cette proposition est presque trop irréelle, dépasse l'entendement – notre directeur tout-puissant proposant un café à un détenu !
— Bien sûr, lui dis-je. Noir.
Il appuie vigoureusement sur un bouton et transmet nos desiderata à un secrétaire. Je remarque qu'il porte des boutons de manchette aujourd'hui, un bon signe.
— Ici, ce matin, on reçoit les grosses légumes, Malcolm, m'informe-t-il.
Il a l'air content de lui, comme si c'était lui qui coordonnait tous ces efforts en vue de démasquer le meurtrier. Et puisque nous sommes devenus si bons camarades, il m'appelle par mon prénom. Jusqu'à présent, c'était Bannister par-ci, Bannister par-là.
— Qui cela ?
— Le directeur de la force d'intervention, Victor Westlake, de Washington, et une bande d'avocats. Ils vous accordent apparemment toute leur attention.
Je ne peux m'empêcher de sourire, juste une seconde.
— Ce type qui a tué le juge Fawcett, il est passé par ici, à Frostburg ? me demande-t-il.
— Désolé, monsieur le directeur, je ne peux pas répondre à cette question.
— J'en conclus qu'il est passé par ici ou par Louisville.
— Peut-être, ou peut-être que je le connaissais avant la prison.
Il se rembrunit et se masse le menton.
— Je vois, marmonne-t-il.
Le café arrive sur un plateau et, pour la première fois depuis des années, je bois dans une tasse qui n'est ni en plastique ni en papier. Nous tuons quelques minutes à causer de rien. À 11 h 05, son secrétaire l'informe par l'interphone qui trône sur son bureau.
— Ils sont en place.
Je le suis jusqu'à la salle de réunion que je connais déjà.
Cinq hommes, dans les mêmes costumes sombres, les mêmes chemises blanches aux cols boutonnés, les mêmes cravates ternes. Si je les avais aperçus dans la foule, à cinq cents mètres de distance, j'aurais immédiatement pensé : « Eh oui, des fédés. »
Après les présentations d'usage, guindées à souhait, le directeur s'éclipse à contrecœur. Je m'assois d'un côté de la table et mes cinq nouveaux camarades de jeu s'installent en face. Victor Westlake est au milieu avec, à sa droite, l'agent Hanski et un visage nouveau, l'agent Sasswater. Aucun de ces deux-là ne prononce un mot. À la gauche de Westlake sont assis les deux adjoints du procureur – Mangrum, du district sud de Virginie, et Craddock, du district nord. Ils ont oublié Dunleavy le novice.
Des orages ayant éclaté dans la région juste après minuit, Westlake commence par ce commentaire :
— Un sacré déluge, la nuit dernière, hein ?
Je plisse les paupières et je le dévisage.
— Sérieusement ? Vous voulez discuter de la météo ?
Cela l'agace, mais c'est un pro. Un sourire, un grommellement, et il enchaîne :
— Non, monsieur Bannister, je ne suis pas ici pour discuter de la météo. Mon patron estime que nous devrions conclure un accord avec vous, c'est donc pour cela que je suis ici.
— Génial. Et, oui, un sacré déluge, en effet.
— Nous aimerions entendre vos conditions.
— Je crois que vous les connaissez. Nous appliquons l'article 35. Nous signons un accord, tous autant que nous sommes, selon les termes duquel je vous livre le nom de l'homme qui a tué le juge Fawcett. Vous l'arrêtez, vous enquêtez sur lui, vous faites ce que vous avez à faire et, dès qu'un jury fédéral de mise en accusation l'inculpe, je suis libéré. Le jour même. Vous me transférez de Frostburg et je disparais, sous le programme de protection des témoins. Plus de peine de prison, plus de casier judiciaire, plus de Malcolm Bannister. L'accord est confidentiel, sous scellés, enterré, et signé par le ministre de la Justice.
— Le ministre de la Justice ?
— Oui, monsieur. Je ne me fie ni à vous ni à personne d'autre dans cette pièce. Je ne me fie pas au juge Slater ni à aucun autre juge fédéral, à aucun procureur, à aucun procureur adjoint, à aucun agent du FBI, ou à qui que ce soit d'autre parmi ceux qui travaillent pour le gouvernement fédéral. Les papiers doivent être parfaits, l'accord à toute épreuve. Quand le tueur aura été inculpé, je sors. Point à la ligne.
— Aurez-vous recours à un avocat ?
— Non, monsieur. Je peux m'en charger tout seul.
— Comme vous voudrez.
Mangrum exhibe soudain une chemise dont il extrait plusieurs exemplaires d'un document. Il en fait glisser un de l'autre côté de la table, et la liasse s'immobilise devant moi, parfaitement positionnée. J'y jette un coup d'œil et mon cœur se met à battre la chamade. L'en-tête est le même que celui de toutes les requêtes et de tous les arrêts joints à mon dossier : « Devant la Cour de District Fédérale de Washington, D.C. ; les États-Unis contre Malcolm W. Bannister. » Au milieu de la page, tout en majuscules, ces mots : « REQUÊTE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 35. »
— C'est une proposition d'arrêt de la cour, commente Mangrum. Il s'agit juste d'un point de départ, mais nous y avons consacré un certain temps.
Deux jours plus tard, on m'installe sur la banquette arrière d'un 4 × 4 Ford et nous quittons Frostburg, ma première sortie du camp de détention depuis le jour de mon arrivée, il y a trois ans. Plus de chaîne aux pieds, en ce jour, seulement les poignets menottés. Mes deux camarades de jeu sont des U.S. marshals dont le nom ne m'est pas révélé ; ils se montrent assez sympas. Après avoir fini de discuter de la météo, l'un d'eux me demande si je n'en ai pas entendu de bonnes, sous les verrous. Enfermez six cents hommes ensemble, accordez-leur quantité de temps libre, et les blagues vont pleuvoir.
— Gentillettes ou graveleuses ? leur demandé-je, bien qu'il s'échange peu de blagues gentillettes en prison.
— Ah, graveleuses, bien sûr !
Je leur en raconte deux ou trois qui me valent quelques bons gros éclats de rire, tandis que les kilomètres défilent. Nous sommes sur l'Interstate 68, nous fonçons à travers Hagerstown, et cette sensation de liberté est exaltante. Malgré les menottes, je peux presque sentir le goût de la vie, là, dehors. J'observe la circulation, je rêve de posséder et de conduire à nouveau une voiture, de pouvoir aller n'importe où. J'aperçois des fast-foods aux échangeurs, et je salive à la pensée d'un hamburger et de frites. Je vois un couple qui entre main dans la main dans un magasin, et je peux presque sentir le contact des chairs de cette femme. Derrière la vitrine d'un bar, une enseigne à bière me donne soif. Une affiche publicitaire pour une croisière dans les Caraïbes m'emmène dans un autre monde. J'ai l'impression d'être resté enfermé un siècle.
Nous roulons vers le sud, sur l'Interstate 70, et nous ne tardons pas à nous engager dans la conurbation de Washington-Baltimore. Trois heures après notre départ de Frostburg, nous arrivons au sous-sol du tribunal fédéral, dans le centre du district de Columbia. À l'intérieur du bâtiment, on me retire les menottes ; j'avance, un marshal devant moi et l'autre dans mon dos.
L'entrevue a lieu dans le cabinet du juge Slater, toujours aussi ombrageux, et qui, ces cinq dernières années, paraît avoir vieilli de vingt ans. Il me considère comme un criminel et c'est à peine s'il tient compte de ma présence. Parfait, je m'en moque. Il est évident que d'innombrables conversations ont eu lieu entre son bureau, le bureau du procureur, le FBI et le ministre de la Justice du gouvernement des États-Unis. Je compte onze personnes autour de la table. La requête en application de l'article 35 ainsi que le protocole d'accord joint ont augmenté en épaisseur et comportent vingt-deux pages. J'en ai lu chaque mot cinq fois. J'ai même exigé qu'on y intègre une partie de mes propres formulations.
En résumé, ce protocole m'accorde tout ce que j'ai exigé. La liberté, une nouvelle identité, la protection du gouvernement, et les cent cinquante mille dollars de la récompense.
Après les raclements de gorge d'usage, le juge Slater conduit l'entretien.
— Nous allons maintenant entamer la partie officielle, annonce-t-il.
Son greffier débute la prise de notes en sténographie. Bien qu'il s'agisse d'une affaire confidentielle, et que l'ordre de la cour soit destiné à rester sous scellés, je veux un procès-verbal de cette audience. Un silence, pendant qu'il brasse quelques documents.
— Ceci est une requête d'élargissement introduite par les États-Unis aux termes de l'article 35. Bannister, avez-vous lu le texte complet de cette requête, le protocole d'accord et la proposition d'ordonnance ?
— Oui, Votre Honneur.
— Je crois que vous êtes avocat ou, plutôt, que vous étiez avocat.
— C'est exact, Votre Honneur.
— La requête, le protocole d'accord et l'ordonnance reçoivent-ils votre approbation ?
Et pas qu'un peu, mon p'tit père.
— Oui, monsieur.
Il entame un tour de table et répète les mêmes questions. Tout cela n'est qu'une formalité, car on est déjà tous d'accord. Et, surtout, le ministre de la Justice a signé ce protocole.
Slater revient à moi et me regarde.
— Comprenez-vous, monsieur Bannister, que, si le nom que vous nous aurez fourni ne conduit pas à une inculpation au bout de douze mois, cet accord sera nul et non avenu, votre sentence ne sera pas commuée et vous purgerez le reste de votre peine en totalité ?
— Oui, monsieur.
— Et que, jusqu'à cette inculpation, vous resterez sous la garde du Bureau des prisons ?
— Oui, monsieur.
Après une discussion complémentaire sur les termes de l'accord, le juge Slater signe l'ordonnance et l'audience est close. Il ne me dit pas au revoir et je ne le maudis pas comme j'aurais aimé le maudire. Encore une fois, c'est un miracle que l'on ne voit pas plus de juges fédéraux se faire buter.
Toute une cohorte vient m'entourer et me conduit au bas des marches, dans une pièce où m'attendent d'autres personnages en costume sombre. Une caméra vidéo a été branchée rien que pour moi, et M. Victor Westlake arpente la pièce. On me prie de m'asseoir au bout de la table, face à la caméra, et on me propose quelque chose à boire. Il sont tous très nerveux, ils meurent d'envie de m'entendre prononcer ce fameux nom.