13.

Six heures plus tard, deux agents du FBI, des Noirs, payaient leur couvert au Velvet Club, à trois rues de la base navale de Norfolk. Vêtus de tenue d'ouvrier du bâtiment, ils se mêlèrent très facilement à la clientèle, qui était moitié blanche, moitié noire, moitié marins et moitié civils. Les danseuses étaient aussi moitié-moitié – la discrimination positive s'exerçait donc partout. Deux fourgons de surveillance attendaient sur le parking, avec une dizaine d'autres agents. Quinn Rucker avait été repéré, photographié et identifié à son entrée dans le club, à 17 h 30. Il y travaillait comme barman et, quand il quitta son poste, à 20 h 45, pour se rendre aux toilettes, il fut suivi. Aux toilettes, les deux agents l'abordèrent. Après une brève discussion, ils se mirent d'accord pour sortir par une porte de derrière. Quinn avait compris la situation et s'abstint de tout geste intempestif. Il n'eut pas l'air surpris non plus. Pour beaucoup d'évadés, à bien des égards la fin de la cavale est un soulagement. Sous le poids des défis d'une vie normale, les rêves de liberté s'effondrent. Il subsiste toujours une part d'eux-mêmes qui reste enfermée.

On le menotta et on le conduisit au bureau du FBI de Norfolk. Dans une salle d'interrogatoire, les deux agents noirs lui servirent un café, avant d'entamer une conversation cordiale. Son seul crime avait été de s'évader, ni plus ni moins, et il n'avait rien pour sa défense. Il était aussi coupable qu'on peut l'être, et c'était la prison qui l'attendait.

Ils lui demandèrent s'il acceptait de répondre à quelques questions élémentaires concernant son évasion, quelque trois mois plus tôt. Il leur dit oui, bien sûr, pourquoi pas ? Il admit spontanément qu'un complice, dont il ne livra pas le nom, l'attendait non loin du camp de détention de Frostburg, et qu'il l'avait ramené à Washington en voiture. Il avait traîné quelques jours là-bas, mais sa présence n'avait pas été bien accueillie. Les évadés, cela attire l'attention, et ses gars n'appréciaient pas trop l'éventualité que le FBI vienne fouiner dans les parages, à sa recherche. Il avait d'abord fait le mulet, passé de la cocaïne entre Miami et Atlanta, mais le marché était mou. Il se traînait une casserole et son « syndicat », comme il l'appelait, en avait assez de lui. Il voyait sa femme et ses fils, à l'occasion, tout en sachant le danger qu'il y avait à s'éterniser trop près de chez lui. Il était resté un certain temps chez une ancienne petite amie à Baltimore, quoiqu'elle non plus n'ait pas été trop emballée de l'avoir dans les pattes. Il avait zoné un peu, en décrochant une livraison de drogue de temps à autre, puis il avait eu de la chance quand son cousin lui avait dégotté un boulot de barman au Velvet Club.

Derrière le mur, dans une salle d'interrogatoire plus vaste, deux enquêteurs chevronnés du FBI écoutaient la conversation. Une autre équipe s'était installée à l'étage, en attente, à l'écoute. Si les choses se déroulaient positivement, pour Quinn, la nuit serait longue. Pour le FBI, il fallait que les choses se déroulent positivement. En l'absence de preuve matérielle, il était impératif que l'interrogatoire produise au moins un élément probant. Toutefois, le Bureau était inquiet : ils avaient affaire à un homme qui affichait déjà quelques heures de vol ; il était peu probable que le recours à l'intimidation suffise à faire beaucoup parler leur suspect.

 

Dès que les agents eurent escorté Quinn par la porte de derrière du Velvet Club, ils coincèrent son cousin et exigèrent des informations. Le cousin connaissait toutes les ficelles et ne se montra guère loquace, jusqu'à ce qu'ils le menacent de le poursuivre pour avoir protégé un évadé. Il avait un casier judiciaire impressionnant, des poursuites au niveau national, et une nouvelle inculpation le renverrait vraisemblablement sous les verrous. Préférant la vie à l'extérieur, il se mit à table. Quinn vivait et travaillait sous le nom d'emprunt de Jackie Todd ; sa rémunération lui était versée en espèces et sans être déclarée. Le cousin mena les agents jusqu'à un village de mobile-homes délabré, à huit cents mètres de là, et leur indiqua celui que Quinn Rucker louait meublé, au mois. Un Hummer H3, modèle 2008, immatriculé en Caroline du Nord, était garé à côté du mobile-home. Le cousin expliqua que Quinn préférait ne pas trop s'afficher avec le Hummer et venait travailler à pied, si le temps le permettait.

En moins d'une heure, le FBI disposait d'un mandat de perquisition pour le mobile-home et le Hummer, que les agents firent remorquer jusqu'à un parking de la police, à Norfolk, pour l'inspecter. La porte principale du mobile-home était verrouillée, mais peu solide. Un bon coup de masse, et les agents étaient à l'intérieur. L'endroit était remarquablement propre et rangé. Opérant avec un objectif précis, six agents passèrent l'intérieur au peigne fin, de fond en comble, dans le sens de la largeur, soit quatre mètres, et de la longueur, soit une quinzaine de mètres. Dans l'unique chambre, entre le matelas et le sommier à ressorts, ils trouvèrent le portefeuille de Rucker, ses clefs et son téléphone portable. Le portefeuille contenait cinq cents dollars en espèces, un faux permis de conduire de Caroline du Nord et deux cartes de crédit Visa prépayées, garnies de mille deux cents dollars chacune. Le téléphone portable était à carte prépayée, l'idéal pour un homme en fuite. Sous le lit, les agents découvrirent aussi un pistolet Smith & Wesson à canon court, calibre .38, chargé de balles à pointe creuse.

Maniant ce pistolet avec soin, ils supposèrent immédiatement que cette même arme avait servi à tuer le juge Fawcett et Naomi Clary.

Le trousseau de clefs comprenait celle d'un garde-meubles situé à trois kilomètres de là. Dans un tiroir de la cuisine, un agent exhuma tout le contenu du bureau à domicile de Quinn – deux enveloppes kraft garnies de quelques maigres documents. L'un des formulaires était un contrat de location de six mois pour un espace de rangement chez Macon's Mini Storage, signé par Jackie Todd. L'enquêteur principal appela Roanoke, où un magistrat fédéral était de service, et un mandat de perquisition fut transmis à Norfolk par e-mail.

L'enveloppe recelait également une carte grise émise au nom de Jackie Todd pour le Hummer. La carte ne comportait aucune mention de gage ou d'hypothèque : on pouvait donc supposer à bon droit que M. Todd avait payé le véhicule en totalité, à la livraison, soit en espèces, soit par chèque. Ce tiroir ne contenait ni chéquiers ni relevés de compte bancaire – ils ne s'attendaient pas à en trouver. La facture du véhicule leur révéla qu'il avait été acheté le 9 février 2011, sur le parking d'un vendeur de véhicules d'occasion, à Roanoke. Le 9 février, c'est-à-dire deux jours après la découverte des corps.

Munis de leur mandat de perquisition fraîchement émis, deux agents pénétrèrent dans le minuscule espace de stockage de Jackie Todd, chez Macon's Mini Storage, sous le regard attentif et suspicieux de M. Macon en personne. Sol en béton, murs en parpaing non peints, ampoule solitaire vissée au plafond. Il y avait là cinq cartons empilés contre un mur. Un rapide coup d'œil leur révéla quelques vieux vêtements, une paire de rangers boueuses, un pistolet Glock 9 millimètres au numéro de série limé et, enfin, une boîte en métal bourrée de billets de banque. Les agents emportèrent les cinq cartons, remercièrent M. Macon de son accueil, et filèrent en vitesse.

Simultanément, on entra le nom de Jackie R. Todd dans le système informatique du Centre d'information national sur la criminalité. Il y eut un résultat, correspondant à Roanoke, en Virginie.

 

À minuit, Quinn Rucker fut déplacé dans la salle voisine ; où on lui présenta les agents spéciaux Pankovits et Delocke. Ils commencèrent par lui expliquer que le FBI avait recours à eux pour interroger les évadés. C'était un interrogatoire de routine, rien d'autre, un petit coup de sonde destiné à vérifier les faits, ce qu'ils appréciaient toujours ; en effet, qui n'aimerait pas s'entretenir avec un évadé et recueillir ainsi tous les détails ? Il était tard, et si Rucker voulait s'accorder un peu de sommeil dans la prison du comté, ils acceptaient volontiers de reprendre le lendemain matin à la première heure. Il leur répondit qu'il préférait en finir tout de suite. On apporta des sandwiches et des boissons sans alcool. L'humeur était bon enfant et les agents se montrèrent d'une extrême cordialité. Pankovits était blanc, Delocke était noir, et Quinn semblait apprécier leur compagnie. Il grignota un sandwich jambon-emmenthal pendant qu'ils évoquaient l'histoire d'un détenu qui avait passé vingt et un ans en cavale. Le FBI les avait envoyés jusqu'en Thaïlande pour le ramener au bercail. Un vrai bonheur.

Ils le questionnèrent sur son évasion et ses faits et gestes au cours des journées qui avaient suivi – autant de questions et de réponses déjà exposées lors du premier interrogatoire. Quinn refusa de leur révéler l'identité de son complice et ne leur fournit le nom d'aucun de ceux qui l'avaient aidé sur sa route. Très bien. Ils n'insistèrent pas : poursuivre d'autres protagonistes n'avait pas l'air de les intéresser. Au bout d'une heure d'amical bavardage, Pankovits se rappela qu'ils ne lui avaient pas lu ses droits, en application de la loi Miranda. Il n'y avait pas mal à cela, lui expliquèrent-ils, car son délit, manifeste, se réduisait à une simple évasion. Pas de quoi fouetter un chat, pourtant s'il voulait continuer, il allait devoir accepter de renoncer à ses droits. Quinn s'en acquitta en signant un formulaire. À ce stade, ils s'appelaient encore Quinn, Andy, pour Pankovits, et Jesse, pour Delocke.

Ils reconstituèrent soigneusement ses allées et venues des trois précédents mois. Quinn se montra d'une minutie surprenante en se remémorant les dates, lieux et événements. Impressionnés, les agents le félicitèrent pour son excellente mémoire. Ils se montrèrent tout particulièrement attentifs à ses gains ; rien que des espèces, naturellement, mais combien avait-il touché, dans chacun de ses emplois ?

— Donc, au terme de votre deuxième livraison, de Miami à Charleston, fit Pankovits, qui consultait ses notes avec un sourire, celle que vous avez effectuée une semaine après le Nouvel An, vous avez touché combien, en espèces ?

— Six mille, je crois.

— D'accord, d'accord.

Les deux agents griffonnèrent énergiquement, comme s'ils ajoutaient foi au moindre propos de leur interlocuteur. Rucker leur expliqua qu'il avait vécu et travaillé à Norfolk depuis la mi-février, soit à peu près un mois. Il habitait chez son cousin et deux de ses petites amies, dans un vaste appartement pas très loin du Velvet Club. Il était rémunéré en espèces, en repas, en boissons, en sexe et en herbe.

Delocke additionna une colonne de chiffres.

— Eh bien, Quinn, apparemment, vous avez gagné quarante-six mille dollars, depuis votre départ de Frostburg, le tout en liquide et sans acquitter d'impôts. Pas mal, pour trois mois de travail.

— J'imagine.

— Combien avez-vous dépensé ? voulut savoir Pankovits.

Quinn haussa les épaules, comme si cela n'avait plus vraiment d'importance.

— J'en sais rien. Presque tout. Il faut pas mal d'argent pour circuler.

— Quand vous effectuiez vos courses depuis Miami et retour, avec quoi louiez-vous les véhicules ? s'enquit Delocke.

— Je ne les louais pas. Quelqu'un les louait pour moi, et il me donnait les clefs. Mon boulot, c'était de conduire prudemment, lentement, et de ne pas me faire arrêter par les flics.

Pas d'objection ; les deux agents acquiescèrent volontiers à tout cela.

— Est-ce que vous vous êtes acheté un véhicule ? lui demanda Pankovits sans relever les yeux de son carnet de notes.

— Non, fit Quinn avec un sourire. Question idiote. Quand vous êtes en cavale, sans papiers, vous ne pouvez pas vous acheter de voiture.

Bien sûr que non.

 

Au Congélateur, à Roanoke, Victor Westlake était assis devant un grand écran, figé devant l'image de Quinn Rucker. Une caméra cachée dans la salle d'interrogatoire retransmettait l'image vidéo à l'autre bout du Commonwealth, dans une salle aménagée à la va-vite mais équipée d'une panoplie stupéfiante de gadgets et de technologie. Quatre autres agents avaient pris place à côté de Westlake ; tous scrutaient les regards et les expressions de Rucker.

— Pas possible, marmonna l'un des quatre. Ce type est trop malin pour ça. Il sait que nous aurons trouvé son mobile-home, le portefeuille, la fausse carte d'identité, le Hummer.

— Peut-être pas, grommela un autre. Pour l'heure, il s'agit juste d'une évasion. Il pense que nous ignorons tout du meurtre. Pour lui, ce n'est rien de grave.

— Je suis d'accord, fit un autre. Je pense qu'il se couvre, il place ses billes. Il s'imagine pouvoir se sortir de ces quelques questions, avant qu'on ne le raccompagne en cellule, et retour à la case prison. Il se figure qu'à un moment ou un autre il va pouvoir appeler son cousin et l'avertir d'aller tout récupérer.

— Voyons comment il réagit quand la première bombe va lui tomber dessus, trancha Westlake.

 

À 2 heures Quinn demanda :

— Je peux aller aux toilettes ?

Delocke l'escorta hors de la pièce, jusqu'au bout du couloir. Un autre agent rôdait par là – pure démonstration de force. Cinq minutes plus tard, leur suspect était de retour à sa place.

— Il se fait tard, Rucker, lui signala Pankovits. Vous voulez retourner en cellule et dormir un peu ? Nous avons tout notre temps.

— Je préfère rester ici plutôt que retourner en cellule, leur confia-t-il avec un air attristé. Combien de temps pensez-vous que ça nous prenne ?

— Je n'en sais rien, Rucker, lui répondit Delocke. Cela dépend du procureur. Le point négatif, c'est qu'ils ne vont pas vous renvoyer dans un camp de détention. Jamais. Cette fois, vous êtes parti pour une vraie prison.

— Vous savez, Jesse, le camp, ça me manque, enfin, c'était pas si mal, après tout.

— Pourquoi en êtes-vous parti ?

— C'est tout bête... parce que je le pouvais. Je suis sorti, voilà, et personne n'a eu l'air de s'en préoccuper.

— Nous interrogeons tous les ans vingt-cinq types qui se tirent d'un camp fédéral. « Tout bête », c'est l'expression, en effet.

Pankovits consulta ses papiers.

— Bien, Quinn, je crois que nous avons à peu près saisi la chronologie. Les dates, les lieux, les déplacements, les sommes gagnées en espèces. Tout cela sera inclus dans votre rapport préalable à la sentence. Le bon côté, c'est que vous n'avez commis aucun acte extrêmement répréhensible au cours de ces trois derniers mois. Un peu de convoyage de drogue, ce qui évidemment ne va pas vous aider, mais au moins vous n'avez fait de mal à personne. Exact ?

— Exact.

— C'est la chronologie intégrale, exact ? Rien oublié ? Vous nous avez tout dit, là ?

— Eh ouais.

Les deux agents se raidirent quelque peu, l'œil sombre. Pankovits reprit la parole.

— Et Roanoke, Rucker ? Vous n'avez pas passé un moment à Roanoke ?

Quinn regarda au plafond, réfléchit une seconde, puis répondit :

— J'y suis peut-être passé une ou deux fois, pas plus.

— Vous en êtes sûr ?

— Oui, j'en suis sûr.

Delocke ouvrit un dossier, parcourut un feuillet imprimé, et lui posa sa question.

— Qui est Jackie Todd ?

Quinn ferma les yeux, entrouvrit la bouche. Il lâcha un soupir rauque, un bruit de gorge étouffé surgi des entrailles, comme si on venait de le frapper au-dessous de la ceinture. Ses épaules se voûtèrent. S'il avait été blanc, il aurait pâli.

— J'en sais rien, murmura-t-il enfin. Jamais rencontré.

Delocke persista :

— Vraiment ? Eh bien, il semblerait que M. Jackie R. Todd ait été arrêté un mardi soir, le 8 février, dans un bar de Roanoke. Ivresse sur la voie publique, coups et blessures. Le rapport de police signale qu'il s'est bagarré avec d'autres ivrognes et qu'il a passé la nuit en prison. Le lendemain matin, il versait une caution en espèces de huit cents dollars et il sortait.

— C'était pas moi.

— Ah, vraiment ?

Delocke fit glisser vers lui une feuille de papier. Quinn la prit lentement. C'était un cliché d'identité judiciaire, et c'était visiblement lui.

— Pas trop de doute là-dessus, Rucker, hein ?

Quinn reposa la feuille de papier.

— D'accord, d'accord. Donc, j'avais un pseudo. Qu'est-ce que je pouvais faire ? Jouer à cache-cache avec mon vrai nom ?

— Bien sûr que non, Quinn, fit Pankovits. Mais vous nous avez menti, n'est-ce pas ?

— Vous n'êtes pas les premiers flics à qui j'ai menti.

— Mentir au FBI, ça peut vous valoir cinq ans.

— D'accord, j'ai un peu raconté des salades.

— Rien de surprenant. Sauf que maintenant nous ne pouvons plus rien croire du tout. Nous allons devoir tout reprendre à zéro.

— Le 9 février, intervint Delocke, un certain Jackie Todd est entré sur le parking d'un vendeur de voitures d'occasion, à Roanoke, et il a versé vingt-quatre mille dollars en espèces pour un Hummer H3 2008. Ça vous évoque quelque chose, Quinn ?

— Non. C'était pas moi.

— C'est bien ce que je pensais.

Delocke poussa vers lui la facture de vente.

— Et vous n'aviez jamais vu ceci non plus, n'est-ce pas ?

Leur suspect examina le document.

— Non.

— Allons, Rucker ! lâcha sèchement Pankovits. Nous ne sommes pas aussi stupides que vous croyez. Vous étiez à Roanoke le 8 février, vous êtes entré dans ce bar, vous vous êtes bagarré, vous êtes allé en prison, vous avez versé votre caution le lendemain, vous êtes retourné à votre chambre dans votre motel, le Safe Lodge – la chambre que vous avez réglée en liquide –, vous êtes encore allé chercher des espèces et vous vous êtes acheté un Hummer.

— Où est le crime, de payer cash pour un véhicule ?

— Aucun, absolument aucun. À un point près : vous n'étiez pas supposé avoir autant d'argent liquide sur vous, à ce moment-là.

— Je me suis peut-être trompé sur une partie des dates et des paiement que j'ai touchés. Je peux pas me souvenir de tout.

— Et vous vous souvenez de l'endroit où vous avez acheté les pistolets ? lui lança Delocke.

— Quels pistolets ?

— Le Smith & Wesson, calibre .38, que nous avons retrouvé dans votre mobile-home, plus le Glock 9 millimètres que nous avons récupéré dans votre espace de stockage, il y a environ deux heures.

— Des pistolets volés, ajouta Pankovits, toujours serviable. Encore un délit fédéral.

Quinn Rucker fixa ses genoux du regard. Une minute s'écoula, puis une autre. Sans ciller, sans bouger un muscle, les deux agents l'observèrent. La pièce resta plongée dans le silence, un silence figé, tendu. Finalement, Pankovits piocha dans ses documents avant d'en brandir un.

— L'inventaire provisoire comporte un portefeuille avec cinq cent douze dollars, un faux permis de conduire de Caroline du Nord, deux cartes Visa prépayées, un téléphone portable à carte prépayée, le Smith & Wesson calibre .38 déjà mentionné, une facture de vente et une carte grise pour le Hummer, un contrat de location pour ce garde-meubles, un certificat d'assurance pour le véhicule, une boîte de balles pour le.38, plus quelques autres objets, le tout saisi dans le mobile-home que vous louiez pour quatre cents dollars par mois. Dans votre espace de stockage, nous avons inventorié des vêtements, le Glock 9 millimètres, une paire de rangers, quelques autres pièces et, surtout, une boîte en métal contenant quarante et un mille dollars en billets de cent.

Quinn Rucker croisa lentement les bras et planta ses yeux dans ceux de Delocke, qui reprit la parole.

— Nous avons toute la nuit, Quinn. Que diriez-vous d'une petite explication ?

— J'imagine que le mulet a été plus occupé que je ne pensais. Il y a eu un paquet d'allers-retours pour Miami.

— Pourquoi ne nous avez-vous pas parlé de tous ces trajets ?

— Je le répète : je peux pas tout me rappeler. Quand on est sur des livraisons comme ça, on a tendance à oublier des trucs.

— Vous souvenez-vous d'avoir utilisé ces armes en une quelconque occasion, Rucker ? lui demanda Delocke.

— Non.

— Vous êtes-vous servi de ces pistolets, ou est-ce que vous ne vous souvenez tout simplement pas de vous en être servi ?

— Je n'ai pas utilisé ces armes.

Pankovits retourna un autre feuillet imprimé, qu'il étudia avec gravité.

— Vous êtes sûr de ça, Rucker ? J'ai ici un rapport balistique préliminaire.

Quinn recula lentement sa chaise et se leva. Il s'étira et s'éloigna de quelques pas vers l'angle de la pièce.

— Il va peut-être me falloir un avocat.