La fiction du désert, élaborée à l’extrême, étonnamment indigente. Ta nudité est plus flagrante car tu l’as cultivée au détriment des images, et surtout de l’orgueil. Maintenant, il n’y a plus que le linceul, non cousu, qui pourra la recouvrir. Cette proximité du terme devrait te donner le courage, somme toute modeste, de celui qui n’a rien à perdre. Tutoyer enfin le sphinx, regarder dans les yeux la Gorgone tapie entre ses ailes, dire haut et fort ton incompatibilité avec les croyances auxquelles on t’a condamné depuis que tu es tombé du ventre de ta mère. Te purifier d’avance au bûcher dont tu es le bois et la flamme.
Devant toi, le désert muet, sans autre message que celui de sa nudité.
* * *
Après les paroles, les écrits s’en vont, eux aussi. La halte s’impose, et tu sais que, si telle est ta volonté, tu vas « presque quitter la condition humaine », renoncer au partage, te résoudre à la solitude extrême. Même l’amour, dans son acception la plus rare, ne te sera pas d’un grand secours. Dans les profondeurs non élucidées de l’esprit, il y a comme un trou noir qui aspirera les quelques lumières que tu as cru faire sur le monde et que tu as naïvement élevées au rang de visions.
Devant toi, la ligne mince, tracée à l’encre invisible.
Aurais-tu peur ?