A calmer morning
The buds are getting bolder
Not words
still wounded
soiled
A single fly makes
a spring
Death is weary
Even peace is ugly
Far from the body that was
blood crawls
between the devastated banks
of the heart
Babylon
has destroyed
Babylon
Let the Wall of Mirth
be built!
On viendra
s’y cogner le front
les dents
le sexe
On crèvera de rire
jusqu’au dernier
si cela peut soulager la terre
Ah je l’ai arpentée
cette terre
Partout imploré
le ciel humain
Et maintenant
parfois je trouve
que ma cellule
m’a été plus clémente
L’arbre
peut-il mentir
lui aussi ?
D’une cohue l’autre
je cherche les yeux
qui cherchent les miens
We’ll come
and bang our heads
teeth
sexual organs
against it
We’ll die laughing
to the last man
if it can relieve the earth
Oh I have walked
this earth
And everywhere beseeched
the human heavens
And now
I sometimes think
that my cell
was more forgiving
Can
the tree
lie too?
From one throng
to the next
I seek eyes
that seek mine
Les passants
ont-ils encore des yeux ?
La peur de vivre
a remplacé
la peur de mourir
Assis sur la chaise de Van Gogh
devant un bûcher froid
je me tords l’oreille
et défie les tournesols
L’amour s’insinue
et dit :
Si je déserte
que restera-t-il ?
Les pluies
ne tarderont pas
Elles rouleront leur acide
sur l’ardoise des toits
noirciront les bagues
aux doigts des forsythias
La menace des nuages
se confirme
Do passersby
still have eyes?
The fear of living
has replaced
the fear of dying
Sitting in Van Gogh’s chair
by a cold fireside
I twist my ear
and challenge sunflowers
Love sneaks in
and says:
If I quit
what will be left?
The rains
will not be long coming
They will roll their acid
over the roof slates
darken the rings
on the fingers of the forsythia
The menace of the clouds
is borne out
Derrière les nuages affairés
le miroir brûle
comme un torchon
Ah mon frère
mon semblable
Tu es donc ainsi ?
Les mots me fuient
Je partage leur méfiance
Mais que faire
quand ce sont les morts qui lancinent
Rien d’audible
Juste un signe
de sous les décombres
« Enterrez-nous dignement ! »
La guerre
dites-vous
Quelle guerre ?
Voilà
je démissionne du genre humain
Je vais me faire chien
Behind the busy clouds
the mirror burns
like a rag
Ah my brother
my like
So this is how you are?
I scare words away
I share their mistrust
But what to do
when it is the dead who plead
Nothing audible
Just a signal
from under the rubble
“Bury us with dignity!”
War
you say
What war?
Alright then
I resign from the human race
I’ll turn myself into a dog
ou plutôt chienne
Je vais apprendre à flairer
le mal
de loin
de très loin
Si les chiens me rejettent
je demanderai aux magnolias
de m’accepter pour fleur
le temps que dure
une fleur de magnolia
Sinon
j’irai me terrer dans une fourmilière
Réapprendre ce qu’est le travail
invisible
que les géants écrasent
plus ou moins par mégarde
J’irai de l’autre côté
Celui où le temps n’est pas une machine
à broyer la vie
Celui où l’espace
n’est pas un obstacle à la vue
Là où je me confondrai
or rather a bitch
I’ll learn to sniff out
evil
from far away
very far away
If dogs turn me down
I’ll ask the magnolias
to take me as a flower
for as long as
a magnolia flower lasts
Failing that
I’ll go and hole up in an anthill
to rediscover what the invisible work
is like
that giants crush
more or less by mistake
I’ll go over to the other side
Where time is not a machine
for grinding up life
Where space
is not an obstacle to sight
Where I’ll be indistinguishable
avec un corps aimant-aimé
qui n’a point enfanté
et qui n’a point été enfanté
Je serai l’ermite invisible
l’instrument du désert
Je serai bref
et entier
pour ne pas rompre l’harmonie
de l’univers
Ah j’aimerai
d’amour
le seul être
que je n’ai pas entendu blasphémer
le nom de l’homme
Elle m’aura rejoint
dans ma petitesse
mon aimée aux ongles rongés
et nous vivrons jusqu’à la fin
d’une goutte d’eau
et d’une amande
from a body loving and loved
that has never given birth
and has never been born
I shall be the invisible hermit
tool of the desert
I shall be brief
and whole
so as not to break the harmony
of the universe
Ah I shall love
with a true love
the only being
whom I have not heard taking
the name of man
in vain
She will have joined me
in my insignificance
my beloved with her chewed fingernails
and we shall live till the end
on a drop of water
and an almond
Partagerez-vous
un rêve
si menu ?
Non
le temps n’est pas au rêve
C’est impudique un rêve
et inutile
comme les larmes du poète
Il n’y a de monde
que ce monde-ci
A lui nous appartenons
et à lui nous retournons
Que sa raison soit sanctifiée
Que son règne demeure
Il y a tout dans ce monde
tant décrié
Le soleil, la lune
les vaches, les cochons
la mer, la glèbe
l’amour, la haine
la joie, la tristesse
Would you share
in a dream
so small?
No
these times are not for dreams
Dreams are improper
and as useless
as a poet’s tears
There is no world
but this one
To it we belong
and to it we return
May its purpose be sanctified
May its reign endure
In this world so disparaged
you have everything
The sun, the moon
cows, pigs
the sea, the soil
love, hate
joy, sadness
la paix, la guerre
les hauts et les bas
Que voulez-vous donc de plus ?
Ce monde n’est pas parfait
mais c’est le seul qui existe
Trouvez-nous-en un autre !
Si j’avais des réponses
je ne me brûlerais pas aux questions
Je voudrais croire
à la réalité de mon corps
de ses besoins
Mais je ne sais d’où vient
cette voix
qui se refuse aux apparences
Je voudrais me soumettre
corps et âme
comme une femme
ou comme un homme
converti à l’amour
peace, war
highs and lows
What more could you ask?
This world is not perfect
but it is the only one that exists
See if you can find us another!
If I had answers
I would not be consumed by questions
I would like to believe
in the reality of my body
and its needs
But I don’t know
where this voice comes from
that balks at appearances
I would like to submit
body and soul
like a woman
or like a man
converted to love
Je voudrais dormir
un siècle ou deux
et me réveiller
avec d’autres idées
d’autres passions
Mon troisième œil bien ouvert
au front
ou mieux dans la nuque
Je voudrais
chaque fois que j’ouvre la main
dans mon sommeil
qu’une main anonyme
s’insinue dans la mienne
et m’invite
par petites pressions universelles
au partage d’un repas
qui ne serait pas celui de la trahison
Je voudrais
sortir maintenant de ma chambre close
et trouver au tournant de la rue
Saïda Menebhi
plus vivante que quand elle était vivante
I would like to sleep
for a century or two
and wake up
with different ideas
different passions
My third eye wide open
on my forehead
or better at the nape of my neck
I would like it if
every time
I opened my hand in my sleep
an anonymous hand
crept into mine
and invited me
with little universal squeezes
to share a meal
that was not the supper of betrayal
I would like
to leave my closed room now
and at the street corner
run into Saïda Menebhi*
more alive even than when she was alive
tenant par la main une petite fille
qui lui ressemblerait comme deux gouttes d’eau
Et la petite fille
me tendrait une orchidée noire
en disant : Ça, c’est pour la peine du poète
Je voudrais
qu’un oiseau-rokh
vienne m’empoigner sans ménagement
me fasse voler dans les airs
et me dépose dans ce pays
où la vallée des roses
aurait absorbé la vallée des larmes
Maroc mien
que je dénommerais Levant de l’âme
Je voudrais abattre le conditionnel
et dire au présent :
Lève-toi Lazare
la vraie vie t’attend
Je voudrais
m’arrêter d’écrire
sans avoir mauvaise conscience
holding the hand of a little girl
who was her spitting image
And the little girl would give me a black orchid
saying: This is for the suffering of the poet
I would like a roc
to come and seize me without mercy
and have me fly through the air
and land in a country
where a vale of roses
has absorbed the vale of tears
in a Morocco of mine
that I would call the Levant of the Soul
I would like to abolish the conditional
and say in the present tense:
Arise Lazarus
real life awaits
I would like
to stop writing
without having a guilty conscience
O nuages immaculés
Ne partez pas
Soyez cléments
En vain je vous livre ma planche
pour que vous effaciez le cauchemar
et me fassiez jouir
de l’oubli
En vain
Je suis
la proie
de moi-même
J’arrache
et je bouffe
Jette les os
derrière mon épaule gauche
Et ça n’en finit pas
A croire
qu’un géant masochiste et paresseux
a choisi de m’habiter
pour que je fasse à sa place
cette triste besogne
Oh immaculate clouds
Do not leave
Be merciful
In vain I hand you my slate
for you to erase the nightmare
and have me delight
in forgetfulness
In vain
I am
my own prey
I tear
and gobble
Toss the bones
over my left shoulder
And there is no end to it
As though
a lazy masochistic giant
had chosen to dwell within me
to have me perform this bleak task
in his stead
Mais nul corps
n’est incessant
L’infini
c’est ce qui le relie
à la banale souffrance
La guerre
dites-vous
Quelle guerre ?
Celle-là
qui se déroule sous nos pieds
aphasiques
bien avant Caïn
Ah quand l’ennemi se découvrit
dans la matière cannibale
Le sec contre l’humide
Le dur contre le friable
Pousse-toi que je m’y mette
Arbres titans contre tritons de laves
Gaz contre gaz
Le vaste dessin animé
de la Création
Dieux jaloux
déesses perverses
But no body
is immortal
The infinite
is what connects it
to ordinary suffering
War
you say
What war?
The one
waged beneath our aphasic feet
well before Cain
Ah! when the enemy revealed itself
within cannibal matter
Dry versus wet
Hard versus friable
Move over let me get at it
Titanic trees versus Tritons of lava
Gas against gas
The immense animated cartoon
of Creation
Jealous gods
perverse goddesses
lois d’adultère et d’inceste
Chaos enfantant le chaos
Prix de l’ordre
La guerre
dites-vous
Quelle guerre ?
Celle-là
qui va de la graine au pain
du nuage au verre de thé
du regard oblique
au poignard dans le dos
de la caresse
à la strangulation
du berceau à la tombe
L’homme empêtré
dans ce nœud de pulsions
Victime
bourreau
bourreau du bourreau
et qui ne sait où donner du cœur
de la tête
vaincu chaque fois
se donnant des airs de vainqueur
adultery and incest taboos
Chaos generating chaos
The price of order
War
you say
What war?
The one
that leads from the seed to the loaf
from the cloud to the cup of tea
from the sideways look
to the stab in the back
from a caress
to a strangling
from cradle to grave
The man tied up in
this knot of impulses
is victim
executioner
executioner of executioners
and knows not where to direct
heart or head
defeated at every turn
he parades as a victor
Et que dire de l’enfant
qui ne sait que regarder ?
Viens mon enfant
Baptise ton aïeul
convertis-le à ton regard muet
Verse dans sa paume
quelques gouttes du baume
La guerre
dites-vous
Quelle guerre ?
Appelons-la
« Guerre des Arabes »
On pourra ainsi
plus tard
y faire allusion
Est-ce le soleil qui se lève
ou l’ultime lueur
d’un astre qui s’éteint ?
Ils ont refermé le livre
du désert
And what of the child
who knows only how to watch?
Come my child
Baptize your grandfather
convert him to your mute gaze
Pour onto his palm
a few drops of your balm
War
you say
What war?
Let us call it
“The War of the Arabs”
In that way
later on
we can refer to it
Is it the sun rising
or the last rays
of a dying star?
They have closed the book
of the desert
revêtu les longs manteaux
de la ressemblance
décrété la chasse à l’homme
sur toute la planète
Ils se sont improvisés juges
avocats
jurés
Ils ont rempli la salle
de leurs sbires
et fait vider le box des accusés
Ils ont divisé
le père et la mère
la sœur et le frère
l’amant et l’amante
Ils ont détourné
le fleuve
de la vérité
Et toi
perdu
donned the long cloaks
of resemblance
declared a manhunt
all over the planet
They have appointed themselves judges
lawyers
jurors
They have packed the court
with their
lackeys
and emptied
the defendants’ dock
They have torn apart
father from mother
sister from brother
lover from lover
they have diverted
the river
of truth
And you
lost
au milieu de cette clameur toxique
titubant dans la fournaise
Homme lointain
n’ayant plus de l’homme
ni la qualité
ni la quantité
Hirsute
dans la bourrasque délétère
Maintenant que le ciel a disparu
que reste-t-il à tes yeux
ton index
pour invoquer la miséricorde ?
Qui te croira
même si tu blasphèmes
et dis : J’ai vu l’enfer
Dieu en est innocent ?
On te clouera à tes atavismes
ta fatalité
et tu n’en seras pas
à ta dernière leçon
Il te faudra de nouveau
te couvrir de l’antique manteau
sous la neige et la lave
les huées et les insultes
répéter à voix basse
amid this toxic hullabaloo
tottering into the furnace
Man is far away
bereft now
of either qualitative
or quantitative
humanity
Shaggy
in the ravaging blasts
Now that heaven has vanished
what remains of your eyes
or forefinger
with which to call for mercy?
Who will believe you
even if you blaspheme
and say: I have seen hell
Can God be innocent of this?
You will be nailed to your atavism
your fate
and that won’t be the end of it
You will be obliged once more
to cover yourself in the ancient mantle
against snow and lava
against hoots and insults
jusqu’à l’évanouissement
ton credo suspect
Pleure mon ami
tu n’en seras pas plus méprisé
Et cela fait du bien
O vaincus de tous les temps
voici venir l’ère
de votre humble message
Prenez garde
Ne vous mettez pas en tête
d’écrire l’Histoire
Laissez-la aux vainqueurs
Racontez plutôt
ce que nous avons perdu
dans le dédale de l’aveuglement
Faites-le en énigmes
contes, devinettes, charades
petits poèmes rimés ou en prose
N’écrivez rien
racontez
Que la parole s’emboîte dans le souffle
et remplisse la bouche
Qu’elle se déverse de vos lèvres
reciting your suspect credo
under your breath
until you pass out
Weep my friend
you will not be the more scorned for it
And it helps
Oh losers of all time
the moment for your
humble message
is at hand
Do not take a notion
to write History
Leave that to the victors
Tell instead
what we have lost
in the labyrinth of blindness
Do so by means of enigmas
tales, riddles, charades
in little rhymes or prose
Write nothing
recount
Let speech walk in step with breath
and fill your mouth
Let it pour from your lips
tantôt miel
tantôt coloquinte
Rendez sa vigueur
à la mémoire en miettes
sauvegardez-la
Et puis procréez
faites passer le message
Parlez au-dessus de la haine
de la rancœur
Couvrez-les de vos voix prophétiques
et des cendres de cette planète
qui se refroidit
et s’éteint
faute d’amour
Montlouis-sur-Loire, 1991
like honey
or colocynth
Restore speech’s vigor
to shattered memory
preserve it
And then propagate
pass along the message
Speak beyond hate
beyond rancor
Cover these with your prophetic voices
with the embers of this planet
which is cooling
and dying
for want of love
Montlouis-sur-Loire, 1991
* Militant and prison mate. Died in 1977 during a hunger strike.