DETTES

À la place d’une bibliographie savante, je préfère nommer ici quelques auteurs et livres auxquels je dois l’inspiration qui a animé mon travail.

En premier lieu, je suis redevable aux grands ouvrages qui, depuis un certain temps, prennent pour objet le développement historique de la conscience humaine : l’œuvre de Louis Dumont, en particulier ses Essais sur l’individualisme. Une perspective anthropologique sur l’idéologie moderne (Le Seuil, 1983), Le Désenchantement du monde de Marcel Gauchet (Gallimard, coll. Bibliothèque des Sciences humaines, 1985, repris en « Folio Essais », 2005), Plough, Sword, and Book : The Structure of Human History d’Ernest Gellner (Chicago, University of Chicago Press, 1988) et Les Sources du moi de Charles Taylor (1989, trad. française, Le Seuil, coll. La couleur des idées, 1998). Le cours sur l’Esthétique de Hegel enseigné par Robert Pippin et Terry Pinkard en 2001 à l’Université de Chicago m’a beaucoup aidé à formuler les thèses historicistes du présent ouvrage, sans nécessairement affecter ma conviction selon laquelle (pour paraphraser Leopold von Ranke) l’art et la littérature de chaque époque sont immédiatement proches de mon cœur. Reinhart Koselleck, Futures Past : On the Semantics of Historical Time [1979] (transl. by Keith Tribe, Cambridge, MA, MIT Press, 1985), et Constantin Fasolt, The Limits of History (Chicago, University of Chicago Press, 2004) offrent d’excellentes mises en garde contre l’absolutisme historique, alors que Vincent Descombes, dans Les Institution du sens (Minuit, coll. Critique, 1996), propose une philosophie convaincante de l’esprit objectif. Pour la réflexion politique du XVIIIe et du XIXe siècle, je dois beaucoup à Pierre Manent (Histoire intellectuelle du libéralisme, Calmann-Lévy, 1987 repris en « Pluriel », 2012, et Cours familier de philosophie politique, Fayard, coll. L’Esprit de la Cité, 2001, repris en « Tel », 2004), à Marcel Gauchet (l’introduction au recueil La Liberté chez les modernes de Benjamin Constant, Hachette, coll. Pluriel, 1980, et La Démocratie contre elle-même, Gallimard, coll. Tel, 2002) et à Pierre Rosanvallon (Le Moment Guizot, Gallimard, coll. Bibliothèque des sciences humaines, 1985).

Concernant les liens entre l’histoire littéraire et le contexte social, politique et culturel j’ai suivi l’exemple de Franco Moretti, The Way of the World : The Bildungsroman in European Culture (Londres, Verso, 1987), du chapitre de Claude Bremond in Jamel Eddine Bencheikh, Claude Bremond, et André Miquel, Mille et un contes de la nuit (Gallimard, coll. Bibliothèque des Idées, 1991) et de David Quint, Epic and Empire : Politics and Generic Form from Virgil to Milton (Princeton, NJ, Princeton University Press, 1993). Marc Fumaroli, Héros et Orateurs. Rhétorique et dramaturgie cornéliennes (Genève, Droz, 1990), m’a éclairé sur le pouvoir transhistorique de l’imagination.

Les contributions des philosophes américains qui, depuis une quinzaine d’années, réfléchissent sur les rapports entre la philosophie morale et la littérature — Martha Nussbaum, La Connaissance de l’amour. Essais sur la philosophie et la littérature [1990] (Cerf, 2010) ; Charles Larmore, Les Pratiques du moi (PUF, 2004) ; Alexander Nehamas, Only a Promise of Happiness : The Place of Beauty in a World of Art (Princeton, NJ, Princeton University Press, 2007) ; Robert Pippin, Henry James and Modern Moral Life (Cambridge, Cambridge University Press, 2000) — m’ont été particulièrement profitables. Concernant la théorie des valeurs, mes guides ont été Luc Boltanski et Laurent Thévenot, De la justification. Économies de la grandeur (Gallimard, coll. NRF Essais, 1991) et la synthèse de Hans Joas, The Genesis of Values [1997] (Chicago, University of Chicago Press, 2001).

J’ai également lu avec un grand intérêt les critiques qui accordent une place privilégiée au questionnement moral : Tzvetan Todorov, Critique de la critique. Un roman d’apprentissage (Le Seuil, coll. Poétique, 1984) ; Alain Finkielkraut, La Sagesse de l’amour (Gallimard, 1984, repris en « Folio Essais », 1988) ; Wayne Booth, The Company We Keep : An Ethics of Fiction (Berkeley, University of California Press, 1988) ; Michael André Bernstein, Foregone Conclusions : Against Apocalyptic History (Berkeley, University of California Press, 1994) ; Gary Saul Morson, Narrative and Freedom : The Shadows of Time (New Haven, CT, Yale University Press, 1994) ; Joseph Frank, Dostoïevski. Les années miraculeuses, 1865-1871 [1995] (Actes Sud, 1998) ; Caryl Emerson, The First Hundred Years of Mikhail Bakhtin (Princeton, NJ, Princeton University Press, 1997) ; et James Wood, The Irresponsible Self : On Laughter and the Novel (New York, Farrar, Straus and Giroux, 2004).

Les ouvrages de Jean-Marie Schaeffer (L’Art de l’âge moderne, Gallimard, 1992, Les Célibataires de l’art, Gallimard, 1996 et Pourquoi la fiction ?, Le Seuil, 1999) ont guidé mes prises de position esthétiques. Grâce à Matei Calinescu, Five Faces of Modernity : Modernism, Avant-Garde, Decadence, Kitsch, Postmodernism (Durham, NC, Duke University Press, 1987), aux Cinq paradoxes de la modernité d’Antoine Compagnon (Le Seuil, 1990) et à La Parole muette de Jacques Rancière (Hachette, 1998, repris en « Pluriel », 2011), j’ai pu mieux cerner la nature de l’esthétisme moderne. Chez Rainer Rochlitz (L’Art au banc d’essai, Gallimard, coll. NRF Essais, 1998) j’ai trouvé une version séduisante du dialogisme prêché par Jürgen Habermas. Concernant la question de la représentation, j’ai été éclairé par les beaux ouvrages d’Alain Besançon, L’Image interdite (Fayard, 1994) et de Marc Fumaroli, L’École du silence (Flammarion, 1994). Je n’oublie pas ce que je dois à Jean Lacoste, L’Idée de beau (Bordas, 1986), à Marc Sherringham, Introduction à la philosophie esthétique (Plon, 1992), ni au chapitre sur la notion d’auteur dans Le Démon de la théorie d’Antoine Compagnon (Le Seuil, 1998).

Plusieurs ouvrages appartenant à la tradition formaliste m’ont éclairé sur les grands services que l’étude de la forme peut rendre à l’interprétation des œuvres : Wayne Booth, The Rhetoric of Fiction (Chicago, University of Chicago Press, 1961) ; Gérard Genette, « Discours du récit », in Figures III (Le Seuil, 1972) ; Jonathan Culler, Structuralist Poetics : Structuralism, Linguistics, and the Study of Literature [1975] (Londres, Routledge, 2002) ; Dorrit Cohn, La Transparence intérieure. Modes de représentation de la vie psychique dans le roman [1978] (Le Seuil, 1981) ; Meir Sternberg, The Poetics of Biblical Narrative : Ideological Literature and the Drama of Reading (Bloomington, Indiana University Press, 1985) ; et Lubomír Doležel, Heterocosmica : Fiction and Possible Worlds (Baltimore, MD, Johns Hopkins University Press, 1998).

J’ai indiqué dans l’introduction de cet ouvrage ma dette envers György Lukács, La Théorie du roman [1916] (Gallimard, coll. Tel, 1989), Franco Moretti (éd.), The Novel, 2 vol. (Princeton, NJ, Princeton University Press, 2006-2007) ; Margaret Anne Doody, The True Story of the Novel (New Brunswick, NJ, Rutgers University Press, 1996) ; et Didier Souiller, Armand Strubel, Wladimir Troubetzkoy et Sophie Rabau, « L’aventure du roman », « L’ailleurs et l’inexploré », « La nouvelle », in Didier Souiller et Wladimir Troubetzkoy, Littérature comparée (PUF, 1997), p. 231-307.

Pour l’histoire du roman anglais, j’ai dialogué avec Ian Watt, The Rise of the Novel (Berkeley, University of California Press, 1957) ; Ian McKeon, The Origins of the English Novel (Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1987) ; Paul Salzman, English Prose Fiction, 1558-1700 : A Critical History (Oxford, Clarendon, 1985) ; J. Paul Hunter, Before Novels : The Cultural Contexts of Eighteenth-Century English Fiction (New York, Norton, 1990) et Jenny Mander (éd.), Remapping the Rise of the European Novel (Oxford, Voltaire Foundation, 2007).

Concernant les œuvres d’avant le XVIIIe siècle, j’ai trouvé chez Pierre Hadot (Exercices spirituels et Philosophie antique, Études augustiniennes, 1987, et La Citadelle intérieure. Introduction à la pensée de Marc-Aurèle, Fayard, 1992) la clé qui m’a permis de comprendre les romans grecs anciens. Concernant ces romans, B.E. Perry, The Ancient Romances (Berkeley, University of California Press, 1967) ; Thomas Hägg, The Novel in Antiquity (Berkeley, University of California Press, 1983) ; Niklas Holzberg, The Ancient Novel : An Introduction [1986] (transl. by Christine Jackson-Holzberg, Londres, Routledge, 1994) ; Gareth Schmeling (éd.), The Novel in the Ancient World (Leiden, E.J. Brill, 1996), qui inclut l’admirable étude de J.R. Morgan’s « Heliodoros » (p. 417-456), et Laurence Plazenet, L’ébahissement et la délectation. Réception comparée et poétique du roman grec en France et en Angleterre aux XVIe et XVIIe siècles (Champion, 1997) m’ont été particulièrement utiles. Pour le roman latin, j’ai consulté, entre autres, P.G. Walsh, The Roman Novel [1970] (Londres, Bristol Classical, 1995).

Pour le Moyen Âge, mes guides ont été Michel Stanesco et Michel Zink, Histoire européenne du roman médieval (PUF, 1992) ; Maurice Keen, Chivalry (New Haven, CT, Yale University Press, 1984) ; Volker Mertens et Ulrich Müller (éd.), Epische Stoffe des Mittelalters (Stuttgart, Kröner, 1984), et Kevin Brownlee et Marina Scordilis Brownlee (éd.), Romance : Generic Transformation from Chrétien de Troyes to Cervantes (Hanover, NH, University Press of New England, 1985), qui inclut l’important article de Cesare Segre, « What Bakhtin Left Unsaid : The Case of the Medieval Romance » (p. 23-46). Sur l’amour courtois, j’ai profité des aperçus de H.U. Gumbrecht, « The Transgression(s) of the First Troubadour », Stanford French Review, 14, no 1-2,1990, p. 117-142, et de Sarah Kay, « Courts, Clerks, and Courtly Love », in Roberta L. Krueger (éd.), The Cambridge Companion to Medieval Romance (Cambridge, Cambridge University Press, 2000). Marcel Hénaff (Le Prix de la vérité, Le Seuil, 2001) a élaboré une théorie du don qui rend compréhensible l’idéal de la chevalerie errante. Je suis également redevable au regretté Bradley Rubidge, disparu avant d’avoir publié sa remarquable thèse sur l’héroïsme et le désintéressement dans la littérature anglaise et française du XVIIe siècle.

Pour l’ensemble de la prose romanesque du XVIIe siècle, les ouvrages d’Emmanuel Bury, Littérature et politesse. L’invention de l’honnête homme (PUF, 1996), et de Maurice Lever, Le Roman français au XVIIe siècle (PUF, 1981), ainsi que la vaste synthèse d’Henri Coulet, Le Roman français jusqu’à la Révolution (Armand Colin, 1967), sont indispensables. Concernant le roman pastoral, je suis particulièrement endetté envers Françoise Lavocat, Arcadies malheureuses. Aux origines du roman moderne (Champion, 1998), Jean-Pierre van Elslande, L’Imaginaire pastoral du XVIIe siècle (PUF, 1999), et Mark Payne, Theocritus and the Invention of Fiction (Cambridge, Cambridge University Press, 2007). L’importance de Persilès et Sigismonde dans l’œuvre de Cervantès a été soulignée par la belle étude d’Alban Forcione, Cervantes, Aristotle, and the Persiles (Princeton, Princeton University Press, 1971), ainsi que par Martín de Riquer, « Cervantes y la caballeresca », in Suma Cervantina, J.B. Avalle-Arce and E.C. Riley (éd.), Londres, Tamesis Books, 1973, p. 273-292. Concernant la réception de Don Quichotte, l’ouvrage classique de Maurice Bardon, « Don Quichotte » en France au XVIIe et au XVIIIe siècle (Champion, 1931, 2 vol.), demeure toujours pertinent.

Claudio Guillén, The Anatomies of Roguery : The Origin and the Nature of Picaresque Literature [1953] (New York, Garland, 1987) ; Robert Alter, Rogue’s Progress : Studies in the Picaresque Novel (Cambridge, MA, Harvard University Press, 1964) ; Alexander A. Parker, Literature and the Delinquent : The Picaresque Novel in Spain and Europe 1599-1753 (Edinburgh, The University Press, 1967) ; Maurice Molho, « Introduction » aux Romans picaresques espagnols (Gallimard, coll Bibliothèque de la Pléiade, 1968), et Didier Souiller, Le Roman picaresque (PUF, 1980), m’ont initié à la littérature picaresque. Pour le récit élégiaque, j’ai pris comme points de départ les livres de Robert Hollander, Boccaccio’s Two Venuses (New York, Columbia University Press, 1975), de Janet Levarie Smarr, Boccaccio and Fiammetta : The Narrator as Lover (Urbana, University of Illinois Press, 1986), et de Lawrence Lipking, Abandoned Women and Poetic Tradition (Chicago, The University of Chicago Press, 1988). Au sujet de la définition de la nouvelle, j’ai utilisé les ouvrages de Robert J. Clements and Joseph Gibaldi, The Anatomy of the Novella : The European Tale Collection from Boccaccio and Chaucer to Cervantes (New York, New York University Press, 1977) ; Didier Souiller, La nouvelle en Europe. De Boccace à Sade (PUF, 2004), et Guiomar Hautcœur, Parentés franco-espagnoles au XVIIe siècle. Poétique de la nouvelle de Cervantès à Challe (Champion, 2005). J’ai été particulièrement stimulé par les idées de Lakis Proguidis sur les rapports entre nouvelle et roman dans La Conquête du roman. De Papadiamantis à Boccace (Les Belles Lettres, 1997).

Concernant l’évolution du roman depuis le XVIIIe siècle, l’admirable Art du roman de Milan Kundera (Gallimard, 1986) a toujours été à l’horizon de mes considérations. Pour le XVIIIe siècle, je renvoie le lecteur à Alain Montandon, Le Roman au XVIIIe siècle en Europe (PUF, 1999), étude riche en analyses éclairantes et en jugements pénétrants. L’ouvrage de Philip Stewart, Imitation and Illusion in the French Memoir Novel, 1700-1750 : The Art of Make-believe (New Haven, Yale University Press, 1969), est toujours d’une grande utilité. Pour la théorie romantique du roman, j’ai suivi Marshall Brown, « The Theory of the Novel », in Marshall Brown (éd.), The Cambridge History of Literary Criticism, vol. 5, Romanticism (Cambridge, Cambridge University Press, 2000), p. 250-271 et p. 421-425 pour la bibliographie. Continuant la tradition de Ian Watt et de Ian McKeon, les études de Ian Duncan, Modern Romance and the Transformations of the Novel : The Gothic, Scott, Dickens (Cambridge University Press, 1992), et de Katie Trumpener, Bardic Nationalism : The Romantic Novel and the British Empire (Princeton, Princeton University Press, 1997), se penchent sur les conditions d’émergence culturelles et politiques du roman anglais du XIXe siècle. Sur la question du couple, l’étude Adultery in the Novel de Tony Tanner (Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1979) demeure incontournable. Tout aussi utile est la vaste étude de Nathalie Heinich, États de femme. L’identité féminine dans la fiction occidentale (Gallimard, coll. NRF Essais, 1996). Les Aveux du roman. Le XIXe siècle entre Ancien Régime et Révolution de Mona Ozouf (Fayard, 2001) analyse attentivement les enjeux politiques du roman français de la même période.

La place de l’idéalisme dans la littérature a été vigoureusement soulignée par Madame de Staël (De la littérature) et par Tocqueville dans les chapitres consacrés à la littérature au deuxième tome de De la démocratie en Amérique. De nos jours, ce sont les spécialistes féministes de la littérature qui ont redécouvert la problématique de l’idéalisme littéraire. On consultera avec profit Naomi Schor, George Sand and Idealism (New York, Columbia University Press, 1993) ; Catherine Gallagher, Nobody’s Story : The Vanishing Acts of Women Writers in the Marketplace, 1670-1820 (Berkeley, University of California Press, 1994), et Margaret Cohen, The Sentimental Education of the Novel (Princeton, NJ, Princeton University Press, 1999).

Parmi les nombreuses études sur les auteurs de la période moderne, je suis particulièrement endetté envers le livre, toujours jeune, de E.R. Curtius, Balzac (1923, retraduit en français aux Éditions des Syrtes, 1999). Tout aussi précieuses ont été pour moi les études de Robert Alter, Fielding and the Nature of the Novel (Cambridge, MA, Harvard University Press, 1968), de Wolfgang Iser, Sterne : Tristram Shandy (Cambridge Unversity Press, 1988), et de Franco Moretti, Signs Taken for Wonders (Londres, Verso, 1983). J’ai également profité des travaux de Pierre Citron sur Balzac, de Michel Crouzet sur Stendhal, d’Henri Mitterand sur Zola, d’Anne Henry et d’Antoine Compagnon sur Proust. De nombreux autres ouvrages critiques, que l’espace ne me permet pas de citer, m’ont servi à vérifier ou à corriger mes points de vue.