Et Dieu envoya Nathan à David.
Ainsi parle le second livre de Samuel.
Le prophète conta au roi une histoire.
Il était une fois deux hommes.
Le second ravit au premier la brebis qui était son unique bien et que de tout son être il chérissait comme si elle avait été sa propre fille.
Furieux, à un tel récit, le roi jugea l’individu coupable et déclara au prophète qu’il méritait la mort.
Mais Nathan dit à David : « Tu es cet homme ! »
Car il n’avait pas agi autrement.
Afin de mettre Bethsabée dans son lit, la dérobant à son époux, le roi avait donné ordre que mourût l’homme dont elle était la femme.
Alors, l’Éternel parla par la bouche du prophète.
Il rappela au roi comment, jadis, il lui avait fait don de la maison d’Israël et de Judas.
David avait enfreint sa loi.
En conséquence, Dieu ferait s’abattre le malheur sur lui.
Toutes ses femmes, il les donnerait à d’autres qui coucheraient avec elles sous la lumière éclatante du soleil.
Afin que nul n’ignorât plus ce que David avait fait.
La sentence était juste.
David lui-même l’avait rendue.
Lui aussi, il méritait la mort.
Le roi reconnut sa faute et il implora le pardon de l’Éternel.
Il dit : « C’est vrai, je suis cet homme ! »
Considérant son repentir, Dieu prit pitié de lui et il l’épargna.
Mais afin que son crime ne restât pas impuni, il prendrait la vie à son fils.
L’enfant tomba malade.
Afin de fléchir le courroux de l’Éternel, David supplia Dieu d’épargner son fils : il cessa de se nourrir et s’allongea sur le sol, s’abîmant dans son chagrin, perdant tout goût aux plaisirs de la terre et tout intérêt pour les devoirs de sa charge.
Il pleurait.
Or, le septième jour, l’enfant mourut.
Comme si rien n’avait eu lieu, David reprit sa vie d’avant.
Il fit à son épouse un nouvel enfant qu’il nomma Salomon.
Il triompha de ses ennemis et sa gloire fut sans égale.
À ses serviteurs qui s’étonnaient de sa conduite et de l’aisance avec laquelle il paraissait avoir oublié sa peine, le roi répliqua : « Puis-je faire en sorte que mon enfant me soit rendu ? J’irais vers lui mais il ne reviendrait pas vers moi. »
Et à Dieu, David déclara : « Si tu avais voulu des offrandes, je te les aurais faites de bonne grâce. Mais il est vrai que tu ne prends point plaisir aux holocaustes. Un esprit brisé est le seul sacrifice qui te soit agréable. »
« D’un homme, ajouta-t-il, tu ne demandes rien sinon un cœur blessé. »
Paul tire pour les Romains la leçon de la fable : « Ô, qui que tu sois, toi qui juges, tu es impardonnable ; car, en jugeant les autres, c’est toi-même que tu condamnes. »
Chacun est un autre et tous les hommes sont un.
Il n’y a qu’une seule histoire au monde.
Mais nul ne sait qu’il s’agit de la sienne tant que le malheur ne lui tend pas le miroir où il reconnaît son visage.